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promettre ni sa dignité, ni sa sûreté, ni ses intérêts matériels.

Céder le passage à une seule nation, c'est se mettre sous sa dépendance; aussitôt qu'elle en serait la maîtresse, elle emploierait, pour le conserver, des des moyens qui lui donneraient une dangereuse prépondérance. Mais en accorder l'usage à l'Europe entière qui reconnaîtrait en même temps l'indépendance de l'Egypte, et concourir à un traité que signeraient toutes les puissances, c'est mettre à couvert sa dignité, assurer son avenir et entrer dans le droit public européen.

Le pacha obtiendra de toutes les puissances signataires, la garantie qu'aucune d'elles ne jouira du passage d'une manière contraire au traité.

Quant à ses intérêts matériels, ses droits seraient réservés comme le sont ceux du Danemarck à l'égard du Sund, et ce nouveau chemin, plaçant l'Égypte entre l'Inde et l'Europe, ces deux immenses foyers de consommation, en ferait l'entrepôt et l'intermédiaire d'un commerce trèsactif, source, pour ce pays, d'une brillante prospérité.

Ces considérations portent à croire qu'aucun État, plus que l'Égypte, ne doit désirer la con

clusion d'un traité maritime, et que MéhémetAli, qui apprécie avec tant de justesse la portée des grands actes politiques, ne serait pas le dernier

à lui donner son adhésion.

CHAPITRE V.

De la marche à suivre pour arriver à la conclusion d'un traité maritime.

Après avoir jeté un coup d'œil sur la marche de notre civilisation et sur les modifications qu'elle doit apporter à la politique générale, nous avons présenté la conclusion d'un traité maritime comme un moyen de satisfaire aux besoins nouveaux des peuples, et de concilier des intérêts qui ne sauraient être longtemps froissés sans troubler la paix de l'Europe. Nous avons ensuite examiné les motifs qui devraient engager les États dont le commerce maritime est le plus étendu à prendre part à ces négociations. Nous ne terminerons pas cet écrit sans indiquer, en peu de mots, de mots, la marche qui donnerait, selon nous, à ce projet, le plus de chances de réussite.

La principale difficulté n'est peut-être pas de prouver aux différents peuples qu'un semblable traité leur est devenu nécessaire; très occupés

CHAPITRE V.

aujourd'hui de leurs intérêts, les esprits réfléchis du moins ont sans doute déjà abordé cette idée. Dans l'état actuel de l'Europe, les difficultés naissent souvent plus encore des sentiments hostiles qui séparent les gouvernements, que des intérêts opposés qui divisent les peuples.

La France et l'Autriche qui voient la Russie s'avancer vers Constantinople, et l'Angleterre poser les bases de sa puissance en Egypte et au Mexique, se trouvent maintenant dans une position difficile. Ces deux États persisteront-ils dans une politique qui leur a trop longtemps fait oublier combien ils ont besoin l'un de l'autre pour arrêter les envahissements et maintenir l'équilibre européen? ou bien, soigneux des intérêts de leurs peuples, repousseront - ils enfin le statu quo qu'on leur propose? Ce statu quo n'a pas empêché la Russie de conclure le traité d'Unkiar-Skelessi et l'Angleterre d'occuper la ville d'Aden et l'île de Roatan.

Encore quelques années de cette marche insensible mais soutenue, et les positions respectives de l'Autriche et de la Russie comme puissances continentales, celles de la France et de l'Angleterre comme puissances maritimes, ne seraient plus les mêmes.

Les gouvernements français et autrichien reconnaîtront, nous aimons à le penser, que le moment est arrivé de ne pas temporiser davantage : ils chercheront à établir un état de choses qui, en prévenant tous les empiétements, assure à tous la liberté de la navigation.

Si ces deux nations considèrent un traité maritime comme un moyen d'amener la solution des graves questions qui sont aujourd'hui en suspens, il leur appartient d'en rechercher les premières les bases et les conditions. Par ses sympathies politiques, la France semble bien placée pour inviter l'Angleterre et l'Amérique à y donner leur adhésion, tandis que l'Autriche peut s'adresser dans le même but aux monarchies du nord.

Si l'Angleterre et la Russie refusaient d'accéder à ce traité, ce serait là, ainsi que nous l'avons déjà fait observer, pour les autres nations un motif de plus de s'unir entre elles, puisqu'elles réuniraient une marine assez forte pour faire respecter leur alliance et que le refus des deux autres puissances trahirait l'intention de se livrer à des actes que le traité aurait spécialement pour objet de prévenir. La Russie et la Grande-Bretagne nous paraîtraient agir contre la saine politique en repoussant le traité,

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