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Fédération n'est plus de rester unis, et qu'il n'est qu'un organe inutile, alors, joignant son consentement au consentement unanime de tous, il pourra donner lieu à la rescision du contrat.

V. LES ETATS-UNIS

Après avoir étudié l'Etat fédéral en général, prenons le cas spécial des Etats-Unis.

Aux Etats-Unis, nous trouvons deux assemblées en présence la législature locale et la législature fédérale. Chacune de ces deux assemblées est souveraine dans la limite de ses attributions. Il y a en effet deux ordres différents d'intérêts à sauvegarder les intérêts généraux, communs à tout le peuple, qui sont entre les mains du Congrès, et les intérêts particuliers de chaque Etat qui sont confiés aux chambres locales. Chaque législature n'a pas seulement l'apparence de la souverai. neté, mais elle est bien réellement souveraine puisque les lois qu'elle vote sont immédiatement applicables et sans appel possible d'une assemblée à l'autre. Chacune de ces deux souverainetés exerce directement son pouvoir sur les citoyens américains.

Quel est, dans la République américaine, le seul et véritable État?

Est-ce l'État fédéral, qui a la plénitude des rapports internationaux, et qui paraît seul dans les conventions diplomatiques? Non, car l'État fédéral est bien loin d'avoir la totalité des pouvoirs intérieurs, et nous savons que, dans son concept juridique, l'État ne comporte ni restrictions ni limites.

Est-ce l'État particulier, qui possède le plus grand nombre des attributions intérieures? Non, car les attributions de l'État particulier sont limitées par les attributions de l'État fédéral.

L'État n'est donc en réalité ni l'un, ni l'autre, mais bien la réunion, la synthèse de l'un et de l'autre. Il n'y a pas, juridiquement, un État fédéral d'une part et des États particuliers d'autre part, mais un seul État formé de l'union indissoluble de tous. Si on nomme État le gouvernement fédéral et chacun des gouvernements locaux, c'est à cause de la pauvreté déjà signalée de la langue du droit public. On donne à la partie le nom qui ne devrait appartenir qu'au tout. La confusion est dans les termes, elle n'est pas dans la pensée.

L'État, c'est le peuple américain pris en masse, sans distinction entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest, sans distinction de frontières de provinces, c'est le peuple américain avec ses deux souverains. A cette masse seule de 50 et quelques millions d'hommes, établie sur le vaste territoire qui va du Mexique au Canada et de l'Atlantique au Pacifique, appartient juridiquement la qualification d'État, parce que seule elle a, prise dans son ensemble, la plénitude des pouvoirs publics.

Mais l'exercice de la puissance publique est confiée à un souverain fédéral pour la direction des intérêts généraux, et à un nombre variable de souverains locaux pour la direction des intérêts particuliers.

Je crois que cette théorie est d'accord à la fois avec le droit et avec les faits.

Dans son travail sur l'État fédéral et la confédération d'États, M. Le Fur soutient une thèse originale et ingénieuse sur la nature juridique des États-Unis.

D'après lui, il n'y a qu'un seul État, mais au lieu d'admettre, comme nous le faisons ici, que cet État est formé à la fois de l'État fédéral et des États locaux, il soutient que le seul État est l'État fédéral, et la seule souveraineté, la souveraineté fédérale. Quant aux États particuliers, il reconnaît, bien entendu, qu'ils ont une compétence beaucoup plus large que de simples provinces, mais il n'admet pas qu'ils soient pleinement souverain: il dit seulement qu'ils participent à l'essence de la souveraineté fédérale.

par

Cette théorie a, à mon avis, le grave défaut d'être en contradiction avec la matérialité des faits. Les actes des gouvernements locaux sont de véritables actes de souveraineté, et d'une souveraineté qui a conscience de son existence en fait et en droit. Toutes les lois votées les assemblées d'États obligent les citoyens, et ne sont susceptibles d'aucun contrôle de la part du gouvernement fédéral. Les deux souverainetés sont sur un pied d'égalité, elles agissent chacune parallèlement, exerçant leurs pouvoirs au nom du même peuple américain. Les gouvernements locaux ne participent au gouvernement fédéral que dans des cas prévus par la Constitution élections du Président et des membres du Congrès, acceptation des amendements à la Constitution, etc...; de même la souveraineté fédérale n'intervient dans la sphère d'action de la souveraineté locale, que lorsque cette intervention est autorisée par

un texte constitutionnel. En général, les deux souverainetés existent et fonctionnent côte à côte, se partageant les pouvoirs publics, l'action de l'une s'arrêtant où commence l'action de l'autre. Le pouvoir judiciaire. empêche toute intrusion de l'une dans l'autre. Je ne crois donc pas qu'on puisse dire que la souveraineté locale participe à l'essence de la souveraineté fédérale, alors qu'elles existent toutes les deux au même titre.

M. Le Fur est dominé par le principe de l'indivisibilité de l'Etat que j'admets avec lui et de l'indivisibilité de la souveraineté. Il semble être poussé dans sa théorie par les nécessités du droit international. L'idée de la personnalité de l'Etat est commode pour expliquer les rapports entre les nations et elle est généralement adoptée par les internationalistes. En droit public interne, cette doctrine n'est nullement utile et elle a souvent le tort de contredire les faits.

Reconnaître le principe du partage de l'exercice de la souveraineté, c'est se conformer, je crois, à la réalité. Partant de cette idée, nous arrivons à conclure que l'état de fait existant aux Etats-Unis n'est pas illogique en droit. Aucune des deux souverainetés n'est amenée fatalement à absorber l'autre dans un avenir plus ou moins éloigné. La raison ne nous permet pas de conclure, a priori, à l'unification ou au morcellement de la République américaine. Tant que les intérêts généraux se distingueront des intérêts locaux, l'état actuel subsistera.

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