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29 novembre 1513. Balboa prend possession de la mer du Sud au nom de la Castille et du royaume de Léon.
de Gilbert.
TOME XXIII. - JANVIER 1855.

Dessin

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:

En l'année 1508, un navire parti de Saint-Domingue | du chef pouvait compromettre toute la colonie, et un vieux transportait à la côte de Veragua, en Amérique, cent cin- chroniqueur répond ainsi à toutes les accusations qui s'élequante aventuriers, qui avaient pour chef don Martin-Fer-vaient, dès le seizième siècle, contre Balboa « C'était, nandez Enciso, bachelier fort considéré dans Hispaniola, et dit-il, la meilleure lance et la meilleure tête qui eussent riche de 2000 castillans d'or. Nommé récemment au poste jamais protégé un camp en terre contre les sauvages idolâd'alcade mayor de la ville de Saint-Sébastien d'Uraba, que tres! » Une des premières preuves que donna Balboa de sa venait de fonder Alonso de Ojeda, l'opulent bachelier avait haute capacité comme colonisateur, ce fut de transporter mis une partie de sa fortune dans la nouvelle entreprise l'établissement formé déjà par Enciso dans le lieu où s'éleva et s'en allait en terre ferme exercer ses fonctions de magis- définitivement Santa-Maria de la Antigua, sur les rives de ce trat suprême, en même temps qu'il voulait s'enquérir de la golfe où se jette le rio Darien, qui imposait son nom à une manière dont ses fonds étaient administrés. portion du détroit. De ce camp fortifié, il envoyait des troupes d'exploration dans toutes les directions de l'isthme, et le plus habile géographe de ces régions, le général Acosta, fait remarquer que jamais ce pays inextricable, si rarement visité dans quelques-unes de ses parties, ne fut mieux connu qu'au temps de la conquête. Lorsqu'on se rappelle, d'ailleurs, que vingt nations, dont quelques-unes étaient redoutables, furent subjuguées alors par Balboa, avec une poignée d'Espagnols, on comprend qu'une tâche pareille ne pouvait être accomplie que par un conquistador digne de figurer à côté de Pizarre et de Cortez.

Peut-être Enciso et quelques-uns de ses compagnons s'entretenaient-ils des espérances exagérées que faisait naître à cette époque la tradition confuse des richesses de Dobaïda, le cacique du pays de l'or, quand on vit sortir des profondeurs d'une énorme barrique (quelques historiens disent des plis d'une grande voile) un homme à la forte encolure, à l'air déterminé, et qui pouvait avoir trente-cinq ans. Sa présence inopinée frappa à bon droit de surprise et excita au plus haut degré le mécontentement du nouvel alcade. Cependant que faire en pleine mer, avec un compagnon qui se présentait si résolûment? Son nom ne figurait sur aucun des rôles d'équipage, toutefois il se disait gentilhomme, natif de Xérés de los Caballeros, et portait empreinte sur son front la hardiesse du conquistador; on ne pouvait le renvoyer, on l'accepta. Ainsi parut sur la scène du monde Vasco-Nunez de Balboa, celui qui, sans un seul maravédis pour payer son passage en terre ferme, sut si bien commander à la fortune, qu'il soumit l'isthme tout entier et acquit en moins de neuf ans plus de trésors à l'Espagne qu'elle n'en avait encore reçu de ses plus hardis conquérants.

Durant la courte navigation qu'il restait à accomplir pour gagner Uraba, Nunez de Balboa était plus humble en présence de l'alcade mayor que quelques-uns de ses compagnons, et peut-être l'honnête bachelier ne devina-t-il pas tout d'abord ce que valait son nouvel hôte; mais lorsqu'une fois en vue de la terre on apprit, par une embarcation portant le pavillon de détresse, qu'Alonso de Ojeda s'était enfui de l'établissement naissant, et que, traqué par les Indiens, il avait tout abandonné ; lorsque l'intrépide Francisco Pizarre, qui portait alors un nom tout aussi inconnu que celui de Balboa, fut venu offrir à Enciso ses services, en rappelant que la poignée d'hommes restée dans la colonie comptait sur les vrais soldats, on comprit ce que valait celui qui était venu partager volontairement tant de périls, et auquel ses compagnons reconnaissaient par une sorte d'instinct le droit du commandement, même en présence de l'alcade mayor, que préoccupait trop souvent la science du bachelier.

En effet, lorsque cette troupe de braves eut pénétré dans les forêts de la côte, faute d'être dirigée, elle fut battue par les Indiens. En vain fit-elle sa retraite sur Uraba dévasté, elle se vit bientôt contrainte à gagner les sources du Darien, et là, dès l'année 1509, Enciso fonda la ville de SantaMaria de la Antigua; mais l'homme de loi disert ne devait pas tarder à apprécier la rude éloquence de l'aventurier. Quelques mois après l'érection de la ville, Balboa y fut reconnu comme le maître, et Enciso laissé libre, mais privé de ses biens, s'embarquait seul à bord d'un navire qui le conduisait en Europe. Dix ans plus tard, il acquérait, par le travail patient du cabinet, le seul genre de renonimée qu'il eût dû ambitionner; il donnait à Séville son précieux Traité de cosmographie, dans lequel il réduisait la géographie moderne aux lois d'une théorie raisonnable; Balboa pendant ce temps ne songeait guère à écrire sur le monde, il l'agrandissait.

Nous n'essayerons pas de pallier ici ce qu'il y eut d'inique dans la façon dont Enciso fut dépouillé de ses droits et privé de ses attributions. On était dans un pays où l'inhabileté

Nous ne saurions dénombrer ici les diverses expéditions qui partirent de l'Antigua, en quête de ces régions aurifères qu'une tradition, sortie des villages de la côte, faisait connaître aux indigènes et dont ceux-ci ne dévoilaient l'existence qu'à la dernière extrémité. Ces explorations armées, tout importantes qu'elles pouvaient être, même au point de vue géographique, n'étaient que secondaires; nous avons hâte d'arriver à l'expédition mémorable qui place le nom de Balboa à côté des grands noms de Colomb et de Magellan.

Un jour, le futur adelantado, suivi de son lieutenant, recevait l'hospitalité d'un des chefs les plus puissants de ces contrées. Ce chef, nommé Comogres, ravi de posséder Balboa sous le vaste appentis qui lui servait de palais, le comblait de présents, lorsqu'une circonstance insignifiante, et qui se renouvelait alors bien fréquemment, mit tout à coup le conquistador sur la voie de ses grandes découvertes. Les Espagnols se disputaient l'or que Comogres leur abandonnait avec tant d'indifférence, et se plaignaient d'un déni de justice dans sa répartition, quand le cacique arrêta tout à coup les balances dont on se servait pour le peser. « Ne vous animez pas entre vous ceci est peu de chose. Si c'est le désir de posséder de l'or qui vous amène dans notre pays, vous en aurez à satiété; mais il faut être plus nombreux que vous n'êtes ici. Mille d'entre vous suffiraient toutefois pour subjuguer des pays voisins où règnent des chefs puissants, où l'on boit dans des vases d'or, où l'on navigue sur des barques presque semblables aux vôtres. Il faut voir six fois le soleil pour contempler la mer qui baigne nos plages de ce côté (et il leur montrait le sud). Je vous servirai de guide. » Ce discours, rapporté par les vieux historiens, est une tradition douteuse, que nous admettons pour un moment; mais une réalité magnifique, ce fut la découverte de la mer du Sud.

Riche des présents de Comogres, plus riche en espérance des biens immenses qu'ils lui annonçaient, Balboa retourna à la bourgade naissante du Darien. Au bout de quelques mois, il expédia vers Saint-Domingue le régidor Valdivia, chargé de remettre à l'amiral le quint du roi et de lui demander un millier d'hommes pour poursuivre la conquête de la terre ferme; il n'attendit pas toutefois ce renfort et il se jeta dans les forêts inextricables de l'isthme, à la tête de 190 Espagnols et de 1 000 indigènes : il commençait ainsi, dans la géographie, une révolution dont Magellan devait dire le dernier mot.

Ce fut du port de Caréta, où l'avaient amené un brigantin et dix canots d'Indiens, que le conquistador partit pour accomplir sa grande découverte. Le 1er septembre 1513, un jeudi, il quitta la plage et s'enfonça dans les forêts; un

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