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CHAPITRE IV

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Le Concordat. Appréciation générale, explication particulière des divers articles.

Tel est, à proprement et rigoureusement parler, le Concordat. Beaucoup de nos lecteurs s'étonneront, en lisant pour la première fois ce texte, que cette fameuse convention n'ait pas plus de dix-sept articles. On se figure, de loin et par tout ce qu'on en entend dire, qu'un tel pacte doit renfermer tout l'ensemble des relations de l'Église avec la société civile; on se trompe complètement. Il y a dix

sept points, sur lesquels les deux puissances se sont accordées. Tout ce qui, en dehors de ces dix-sept points convenus, fait partie des attributions essentielles de l'Église, ne saurait être réclamé par elle, au nom du Concordat de 1801. Mais il serait contraire au bon sens de prétendre qu'elle l'a abdiqué, en signant un concordat dont l'objet est ainsi circonscrit.

Dans les choses humaines et qui touchent à la politique, l'Église peut transiger. Elle l'a fait en 1801: elle le fera encore. Dans ce qui tient à son essence, l'Église souffre et attend, mais elle ne transige pas.

Ceci explique pourquoi la rédaction du Concordat a duré près de deux ans ; et comment, avec deux hommes animés de l'esprit de Pie VII et de celui de Bonaparte, ayant des intermédiaires comme les Gonzalvi et les Bernier, les négociations ont été vingt fois sur le point de se rompre. Ces péripéties d'une part, cette concision de l'autre, durent rehausser singulièrement la valeur de cet acte, quand une fois il fut accompli. Aussi « le Concordat fut-il accueilli avec admiration et re

connaissance par tous les amis de l'Église. Les royalistes seuls affectèrent de n'en pas reconnaître les bienfaits, parce qu'il était l'œuvre du héros qu'ils considéraient comme un usurpaleur... Ils se berçaient encore de l'illusion qu'avec la monarchie seule, l'Église serait rétablie dans son ancienne splendeur et dans l'opulence qu'elle avait possédée sous l'ancien régime. Ils se retirèrent donc dans un silence profond vis-à-vis de ce grand acte. Et par là, disons-le hardiment, ils se rangèrent du côté des adversaires de l'Église, des jacobins aussi bien que du clergé constitutionnel, qui ne cessèrent de combattre plus ou moins ouvertement le Concordat 1. »

Ce jugement n'est pas de nous : mais il nous semble exact. Les exigences extrêmes des bons forment souvent une coalition avec la haine implacable des méchants, qui seuls, par leur audace, profitent de ces résultats inespérés. Les oppositions systématiques faites à un gouvernement, par la peur qu'on a qu'il

1. Aug. Theiner, t. I, p. 296.

ne se consolide en faisant le bien, ne sont dignes ni du vrai patriotisme, ni de la sainte religion. »

Voici, entre mille, le jugement de deux hommes compétents et non suspects sur le Concordat :

<< Remettre la France en communion avec le centre de l'unité catholique fut le plus grand service qu'un gouvernement ait jamais rendu à un peuple; lorsqu'on songe au déchaînement de tant de passions, aux fureurs de l'impiété naguère triomphante, il est impossible de ne pas voir dans ce Concordat de 1801 une œuvre d'audace et de génie sans précédent dans l'histoire '. >>

Le second témoignage est celui du savant Dom Guéranger, abbé de Solesme, qui a fait du Concordat un véritable commentaire dans l'unique but de réfuter certaines assertions erronées de M. d'Haussonville par exemple que l'on ne consulta pas dans cette convention, comme on l'aurait dû, l'esprit véritable et les intérêts bien entendus du christianisme;

1. Etude sur les fondateurs de l'unité nationale en France, par M. le comte de Carné, t. II, p. 370.

que le pouvoir civil s'y est attribué la part du lion; qu'on ne voit pas clairement ce que l'Église romaine et le clergé français y ont gagné, etc., etc.

« Si, à la suite du Concordat, l'Église a eu des temps difficiles à traverser, elle a pu sortir de cette épreuve à l'aide des avantages que lui avait procurés le Concordat lui-même. Des épreuves d'un autre genre l'attendent peut-être demain, elle les soutiendra, elle les surmontera à l'aide de la vigueur qu'elle puisa, en 1801, dans la grande mesure qui rétablit l'unité en brisant le schisme et en y rendant son retour impossible, par la proclamation la plus solennelle qui ait jamais été faite de la souveraineté pontificale, boulevard invincible de l'Église 1.

>>

A ces appréciations de l'apologétique religieuse, joignons celles de la philosophie et de l'histoire politique : « Nous sommes assez heureux pour être liés avec l'Église par un traité le plus sage que les puissances catholiques aient jamais conclu avec le Saint-Siège ; je veux parler du Concordat. » Ainsi s'exprimait M. Thiers à l'Assemblée nationale, le 22 juillet 1871.

1. Dom Guéranger, le Concordat de 1801.

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