Page images
PDF
EPUB

l'absent, ce qui pour eux était une succession anticipée par une conséquence nécessaire et juste, il fallait, dans le cas seulement de l'envoi en possession des héritiers, donner à ces légataires et donataires, aussi par anticipation, la jouissance de leurs legs et des objets à eux donnés, à la charge de donner caution;

Que d'ailleurs ce serait laisser ces présomptifs héritiers dans une incertitude qui leur serait onéreuse;

Car enfin, dans tout état de choses, ils ne pourraient jamais espérer d'être propriétaires des objets légués; ils n'auraient en leur faveur aucune espèce de chance car, soit que l'absent se représente ou qu'il ne revienne point, il faudra toujours qu'en définitive ils remettent l'objet légué, soit à l'absent, soit au légataire;

Que pour eux-mêmes il était plus intéressant de faire faire l'ouverture du testament que de les laisser sous les coups d'actions que tôt ou tard ils ne pourraient éviter; que d'ailleurs c'était conforme à quelques arrêts qui l'avaient ainsi jugé. Le Tribunat, entraîné par ces raisons décisives, s'est prononcé pour l'article proposé.

Si, entre époux, un s'absente, celui présent aura la faculté d'opter pour la continuation de la communauté, et, dans ce cas, il empêchera l'envoi provisoire que pourraient demander les présomptifs héritiers.

La justice de cette disposition est évidente; car un époux, par le fait de son absence qui lui est personnelle, ne peut pas nuire à l'autre époux et le priver des avantages de la communauté. Si l'époux présent n'avait pas le droit d'empêcher l'envoi en possession des héritiers, on anéantirait l'essence de son union, de son contrat de mariage; on détruirait une convention, un titre sacré.

Est-ce que l'absence méditée, volontaire ou imprévue, d'un des époux, peut nuire à l'autre, en altérer les droits? La mise en communauté et tous les revenus des propres appartiennent et tombent dans la communauté : si l'époux n'avait pas la faculté d'empêcher l'envoi en possession,il en serait privé; ce qui serait une injustice. C'est un événement assez grave pour cet époux, d'être séparé de son autre époux par l'absence, sans encore qu'il perde ses droits. D'ailleurs, ici ce n'est que relativement à l'envoi provisoire; car, ainsi que vous le verrez par la suite, lorsqu'il sera question de l'envoi définitif après trente ans, il faudra qu'il rende compte, et qu'il renonce à ces avantages en remettant les biens aux héritiers de son époux absent.

Si cependant cet époux préfère demander la dissolution de la communauté, il en sera le maitre; et alors il exercera les reprises et tous les droits résultants, soit de son contrat de mariage, soit légaux, en donnant caution pour les objets susceptibles de restitution.

Cette possession provisoire ne sera, dans tous les cas, qu'un dépôt qui donnera à ceux qui l'obtiendront l'administration des biens de l'absent et qui les rendra comptables envers lui, en cas qu'il reparaisse ou qu'on ait de ses nouvelles.

Aussitôt l'envoi en possession provisoire ordonné, il sera fait un inventaire des biens de l'absent; le tribunal ordonnera, s'il y a lieu, la vente des objets mobiliers et l'emploi du prix; les envoyés en possession pourront faire constater l'état des immeubles abandonnés, aux frais de l'absent. Telles sont les dispositions des articles 125 et 126, qui sont trop clairs pour qu'il soit besoin de s'y arrêter.

Ceux qui, par suite de l'envoi provisoire, auront oui des biens de l'absent, ne seront tenus de lui

[blocks in formation]

Cette disposition ne pouvait éprouver aucune critique raisonnable.

Quoi! un homme s'absente, ses biens sont recueillis, conservés et administrés avec soin et en bon père de famille; au bout de quinze, vingt, trente ans, il revient : il faut non-seulement les lui restituer, mais encore la totalité des fruits; c'est-à-dire qu'on aura été gratuitement son mandataire! et il aurait le droit, en demandant tous les arrérages accumulés, de ruiner ceux précisément qui lui ont conservé ses fonds et ses capitaux cela ne devait point paraître raisonnable. Le projet de loi donne aux envoyés en possession le cinquième des revenus de l'absent, s'il reparaît dans les cinq années; le dixième, s'il ne reparaît qu'après; et rien, s'il a laissé passer les trente années: il faut donner un peu de tort à cet absent, et le forcer à être juste.

Ceux qui ne jouiront qu'en vertu de l'envoi provisoire ne pourront aliéner ni hypothéquer les

immeubles.

Si l'absence a continué pendant trente ans, depuis l'envoi provisoire, ou depuis l'époque à laquelle l'époux aura pris l'administration des biens de l'absent, ou s'il s'est écoulé cent ans révolus depuis la naissance de l'absent, les cautions seront alors déchargées; tous les ayants-droit pourront demander le partage des biens de l'absent, et faire prononcer l'envoi en possession définitive: tel est le système que présente l'article 129.

Jusqu'à présent, assez généralement, car il y a très-peu d'usages contraires, les envois en possession n'étaient jamais définitifs. Les envoyés ne pouvaient aliéner ni hypothéquer les immeubles de l'absent qu'autant qu'il aurait acquis ses cent années, c'est-à-dire le terme où il n'est plus possible de croire à son existence. Il résultait de ce système des inconvénients très-graves ces propriétés restaient dans une espèce d'interdiction, souvent abandonnées, faute de réparations auxquelles les revenus ne pouvaient suffire; elles étaient hors de la circulation du commerce, parce qu'on pouvait craindre que cet absent vînt réclamer sa propriété.

Cependant un homme est absent depuis trente ans, même depuis trente-cinq ans : le projet de loi ne parle de trente ans qu'à compter du jour de l'envoi provisoire; et, comme cet envoi n'est ordonné qu'après cinq ans de la disparition, il y a bien trente-cinq ans. Or, un individu absent depuis trente-cinq ans, dont la déclaration d'absence a été rendue publique d'après les formes indiquées et voulues par le projet, ne doit laisser aucun espoir sur son retour: alors il est donc sage de débarrasser les envoyés en possession, et surtout leurs cautions, des liens dans lesquels ils sont; il est sage de rendre à la circulation du commerce des immeubles frappés depuis un trop long temps de cet état précaire.

L'époux doit alors remettre aux héritiers de son autre époux les biens dont il n'a conservé l'administration provisoire qu'à cause de sa communauté. Je sais que ce système altère un peu son contrat de mariage; mais la jurisprudence actuelle lui était bien plus contraire, puisque l'absence dissolvait la communauté : il faut bien d'ailleurs que l'événement de cette absence soit pour lui quelque chose, il faut un terme raisonnable à sa

jouissance; et certes, après trente-cinq ans, il est bien juste que les héritiers de son époux soient appelés à jouir.

Si cependant l'absent reparaît pendant l'envoi en possession provisoire, les effets du jugement qui aura déclaré l'absence seront anéantis.

S'il reparaît après les trente années de l'envoi en possession provisoire, il recouvre toujours ses biens; il a toujours le droit de les réclamer; mais il est obligé de les reprendre dans l'état où il les trouve; le prix de ceux qui ont été vendus, ou les biens provenant de l'emploi, lui sont restitués.

Ses enfants et descendants directs, non-seulcment après les trente ans d'absence, mais encore trente années après l'envoi définitif, c'est-à-dire pendant soixante-cinq ans, pourront demander la restitution de ses biens, également dans l'état où ils se trouveront, c'est-à-dire le prix, s'ils ont été vendus, ou les biens provenant de l'emploi. C'est ce que veulent les articles 131, 132 et 133.

Ces diverses dispositions sont des modifications justes et nécessaires à celles de l'article 129 dont je viens de vous entretenir. Les envoyés en possession définitive sont bien libres après trentecinq ans, de disposer des immeubles, de les vendre, mais pour cela ils n'en sont pas moins débiteurs et comptables du prix envers cet absent, s'il reparaît jamais car, si des vues autant politiques que justes affranchissent, après trente-cinq aus, les cautions, et autorisent les envoyés à disposer, ce serait en opposition avec leurs propres titres, s'ils ne restituaient pas à l'absent le revenu de ses capitaux. Et, en effet, c'est à cause de l'absence qu'ils sont devenus propriétaires du bien : la cause cessant par la représentation de l'absent, l'effet doit aussi cesser; leur aisance ne peut jamais s'établir et exister au détriment d'un individu alors présent.

Si le décès de l'absent est prouvé, si sa date est certaine, ses héritiers, à cette époque, doivent lui succéder, et ceux des parents, qui se sont fait envoyer en possession comme présomptifs héritiers à l'époque de l'absence, doivent alors restituer les biens.

Vous avez vu que les envois en possession provisoire et définitive ont été accordés aux héritiers présomptifs de l'absent, à l'époque de sa disparition. Il était juste de se fixer sur cette époque, lorsqu'il ne pouvait être question que de l'incertitude de son existence; mais, depuis qu'on a appris l'époque précise de sa mort, alors il est évidemment juste que ce soient les héritiers qu'il avait à l'époque de cette mort qui lui succèdent, à l'exclusion de ceux qu'il était présume avoir à l'époque de sa disparition. C'est ce que veut l'article 130.

Enfin, lorsqu'il y a envoi en possession provisoire et définitive, toutes les actions à exercer contre l'absent doivent être dirigées contre les envoyés en possession, parce que alors ce sont eux seuls qui sont les représentants légaux de cet absent. C'est ce que veut l'article 134.

SECTION II.

Des effets de l'absence relativement aux droits éventuels qui peuvent compéter à l'absent. Je passe maintenant à l'examen de la deuxième section du chapitre III, qui traite des effets de l'absence relativement aux droits éventuels qui peuvent compéter à l'absent.

L'article 135, qui est le premier de cette section, veut que celui qui réclame un droit échu à un individu dont l'existence ne sera pas recon

nue, soit tenu de prouver que l'absent existait quand le droit a été ouvert, et, jusqu'à cette preuve, qu'il soit déclaré non recevable.

Cette disposition est on ne peut pas plus raisonnable. Un individu, créancier d'un absent, prétend, par exemple, qué son débiteur a droit à une succession ouverte depuis son absence : c'est à lui à prouver l'existence de celui au nom duquel il réclame; car, par son absence, il n'est réputé ni vivant ni mort, et la présomption, dans ce cas, ne peut suffire. C'est ce que je vais démontrer plus amplement dans l'examen de l'article suivant.

Cet article, qui est le 136, porte: S'il s'ouvre une succession à laquelle soit appelé un individu dont l'existence n'est pas reconnue, elle sera dévolue exclusivement à ceux avec lesquels il aurait eu le droit de concourir, ou à ceux qui l'auraient recueillie à son défaut.

L'article suivant réserve néanmoins à cet absent ses actions en pétition d'hérédité, qui ne s'éteindront que par le laps de temps établí pour la prescription.

Enfin, tant que l'absent ne se représentera pas, ou que les actions ne seront point exercées de son chef, ceux qui auront recueilli la succession gagneront les fruits par eux perçus de bonne foi.

Une ancienne jurisprudence voulait que l'absent, tant qu'il n'aurait point acquis ses cent années, fût présumé vivant, et qu'en son nom on pût recueillir les successions, legs, donations et droits éventuels qui lui advenaient pendant son absence, comme s'il eût été présent.

Mais, depuis 1634, d'après un arrêt solennel, cette jurisprudence a changé. On décide aujourd'hui que l'absent ne peut être réputé ni vivant ni mort; que c'est à celui qui a intérêt à le placer dans l'un ou l'autre cas à lè prouver; que ne paraissant point lors de l'ouverture d'une succession, il devait être considéré comme n'existant pas, et que dès lors il devait être privé des droits qui lui échéaient pendant son absence; que ces droits devaient être dévolus à ses parents, soit égaux en degrés, soit à des degrés subséquents; sauf, s'il reparaissait, à exercer ses actions en pétition d'hérédité contre ceux qui s'étaient mis à sa place. Cette jurisprudence s'est établie et confirmée par nombre de jugements, de manière qu'aujourd'hui elle ne fait plus l'ombre d'un doute.

C'est cette jurisprudence que consacrent justement les articles du projet de loi que je viens de citer.

Et, en effet, l'absent est incapable d'acquérir à titre d'héritier, de donataire ou de légataire.

Comme héritier, il faut qu'il se représente en personne, qu'il justifie de sa filiation, qu'il justifie surtout de son existence, qu'il administre les preuves de sa capacité à succéder, qu'il soit en état, par sa présence, de la défendre contre ceux qui la lui contesteraient, qui attaqueraient son degré de parenté, et qui, par exemple, soutiendraient qu'il s'est établi en pays étranger sans esprit de retour, ou qu'il s'y est fait naturaliser.

Le mort saisit le vif: ce n'est point un vivant présumé qu'exige ce principe, mais un vivant qui se présente de fait, ou dont au moins l'existence ne soit point douteuse. D'ailleurs, n'est point héritier qui ne veut; et comment connaître la volonté d'un absent, dans le cas de succession? S'il m'est permis de m'exprimer ainsi, il faut payer de sa personne.

Cet absent peut encore moins être donataire ou légataire; car, pour être donataire, il faut accepter la donation, et dès lors il faut être présent, ou au moins avoir un fondé de pouvoir.

Pour être légataire, il faut former la demande en délivrance de legs, et l'obtenir, ce que ne peut faire un absent. Ces articles doivent donc obtenir votre assentiment.

SECTION III.

Des effets de l'absence relativement au mariage. Je passe maintenant à la troisième section du deuxième chapitre, qui traite des effets de l'absence relativement au mariage.

L'époux absent, dont le conjoint a contracté une nouvelle union, sera seul recevable à attaquer le mariage par lui-même, ou par son fondé de pouvoir, muni de la preuve de son existence.

Sans doute les lois veilleront toujours à ce que les seconds mariages ne soient contractés qu'autant que la preuve de la viduité ou de la dissolution du premier mariage sera authentique ; cependant, par des circonstances imprévues, par des événements quelconques, par un concours de fraudes, ou même d'erreurs involontaires, il est possible qu'un second mariage soit contracté lors de l'existence du premier époux.

Alors des tiers, des parents collatéraux, serontils admis à attaquer le second mariage? Leur donnera-t-on le droit, comme dans l'ancienne jurisprudence, d'interjeter appel comme d'abus de ces seconds mariages, et d'en demander la nullité, et surtout de demander à prouver que le premier époux absent n'est décédé que postérieurement au second mariage, c'est-à-dire d'attaquer un mariage que le décès postérieur a en quelque sorte valide? Et, parce que cette nullité pourrait convenir à l'intérêt de ces collatéraux, autoriserat-on les demandes qui porteraient un trouble aussi notoire dans les familles?

L'article du projet de loi que je viens de citer refuse ce droit à ces collatéraux; et, en cela, il est conforme à la dernière jurisprudence établie par des arrêts solennels.

Ce droit ne doit appartenir qu'à l'époux qui justifie de son existence.

Si l'époux absent n'a point laissé de parents habiles à lui succéder, l'autre époux pourra demander l'envoi en possession provisoire des biens.

Cette disposition n'a pas besoin d'être justifiée. Si naturellement, à défaut de parents, il est juste que l'époux survivant soit héritier de son autre époux, ce que les lois romaines et notre droit français ont établi en principe, à plus forte raison il doit avoir le droit d'être envoyé en possession des biens de l'époux absent, quand il n'a pas de parents.

CHAPITRE IV.

De la surveillance des enfants mineurs du père qui a disparu.

Je passe enfin au chapitre III et dernier, qui traite de la surveillance des enfants du père qui a disparu.

Les dispositions de ce chapitre sont si claires, si positives, et si conformes à la saine raison et à la justice, qu'elles n'ont besoin que de vous être présentées.

Elles laissent à l'épouse d'un père absent la surveillance de ses enfants; elle exerce sur eux tous les droits de son mari, quant à leur éducation et à l'administration de leurs biens.

Six mois après la disparition du père, si la mère était décédée, ou si elle venait à décéder avant que l'absence du père fùt déclarée, la surveillance des enfants sera déférée par un conseil de famille aux ascendants les plus proches, et, à leur défaut, à un tuteur provis ire.

Il en sera de même dans le cas où l'un des époux qui aura disparu aurait laissé des enfants mincurs d'un mariage précédent.

Telles sont, législateurs, les dispositions de ce projet de loi sur les absents. Vous avez été à méme de les apprécier.

Sans doute, il est du devoir du législateur de régler les mesures à prendre pour la conservation des droits des absents; il faut les respecter: mais, en même temps, il faut leur faire une part telle à la bienveillance de l'autorité publique, qu'elle ne puisse pas nuire aux droits des présents. C'est ce juste milieu qu'il fallait saisir, et c'est ce que fait le projet de loi.

Il ne faut pas comparer des absents à des mineurs c'est la faiblesse de leur âge, c'est la nature elle-même qui a mis ceux-ci dans l'impuissance d'agir et de défendre leurs droits; et, contre ces obstacles, il ne peuvent prendre de précautions. L'absence, au contraire, étant généralement volontaire, les absents méritent moins de faveur que les premiers.

Ainsi il ne faut pas que, sous le prétexte de la conservation des biens des absents, les actions des présents soient tellement entravées par des formalités longues et dispendieuses, qu'ils en souffrent un préjudice notable. Le projet de loi a évité ces excès de formalités; il a établi un système simple et conséquent dans toutes ses parties. Il ne fallait pas, sous le prétexte que les absents peuvent se représenter, laisser un trop long temps des champs sans culture, des bâtiments en ruine et sans maître.

Il fallait substituer à leur place, des présents: l'intérêt public autant que l'intérêt particulier le

voulait ainsi.

C'est ce que fait le projet de loi, par les envois en possession provisoires et définitifs.

If ne fallait pas perdre de vue que l'absent proprement dit n'est réputé ni vivant ni mort; qu'il ne peut être ni héritier, ni donataire, ni légataire. C'est sur quoi statue le projet de loi, lorsqu'il traite des droits éventuels des absents.

Enfin il fallait s'occuper du sort des enfants des absents, et il y a été pourvu.

Le Tribunat, en examinant ce projet de loi, en a trouvé les bases justes, et tous les articles de détail et d'exécution dignes de votre approbation.

Législateurs, c'est encore un titre du Code civil que vous allez décréter. S'il est la pensée du Gouvernement, il n'en sera pas moins votre ouvrage; et vos noms, essentiellement associés à ce grand œuvre, se recommanderont aussi à la reconnaissance nationale.

Le Tribunat nous a chargés de vous porter son vœu pour l'adoption de ce projet de loi.

Le Corps législatif ordonne l'impression du discours de Huguet.

Aucun autre orateur n'ayant demandé la parole, la discussion est fermée.

On procède par appel nominal au scrutin secret. Le projet de loi est adopté par 204 voix contre 3. L'ordre du jour appelle la discussion de dix projets de loi, présentés le 14 ventôse, concernant les communes de Westhausen, Igon Taintrux, Fosse, Damas et Grand-Serre.

Après avoir entendu les citoyens Jard-Panvilliers, Jaucourt et Leroy (de l'Orne), chargés d'exprimer le vœu d'adoption émis par le Tribunat, dans sa séance du 20 ventôse, le Corps législatif procède au scrutin.

Les dix projets de loi sont adoptés à l'unanimité. Lecitoyen Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) est introduit, et propose dix projets de loi tendant:

Le premier, à autoriser la commune de Grasse à acquérir du citoyen Ricord un domaine pour les hospices;

Le deuxième, à autoriser la commune de Morlaix à faire une acquisition pour les pauvres de cette ville;

Le troisième, à autoriser la commune de Bruxelles à échanger des bâtiments avec les bospices;

Le quatrième, à autoriser la commune de Chollet à faire un échange entre l'hospice et le préfet du département;

Le cinquième, à autoriser la commune de Valenciennes à faire un échange entre les hospices et le bureau de bienfaisance de Saint-Saulve;

Le sixième, à autoriser la commune de Perpignan à faire un échange entre les hospices et le citoyen Sarda;

Le septième, à autoriser la commune de Châlons à faire un échange entre les hospices et le citoyen Bourgrain;

Le huitième, à autoriser la commune d'Abbeville à faire un échange entre les hospices et le citoyen Mozelle-Campenelle;

Le neuvième, à autoriser la commune de Laumeur à faire un échange entre l'hospice et le citoyen Lirzin;

Le dixième, à autoriser la commune de Tournay à faire un échange entre les hospices et le citoyen Lefebvre.

1er Projet de loi.

Art. 1er. La commission administrative de l'hospice de Grasse, département du Var, est autorisée à acquérir du citoyen Ricord ainé, un domaine rural, au territoire de Grasse, quartier Foncinasse, estimé vingt-sept mille francs, par procès-verbal du 27 floréal an X.

Art. 2. La commission administrative paiera au citoyen Ricord, pour cette vente, selon qu'il l'a proposé, la somme de dix-sept mille francs, provenant du don de pareille somme, accepté en vertu de l'arrêté du Gouvernement du 3 brumaire dernier, et fera acquitter à sa décharge, sur le produit du bien acquis, une rente viagère de huit cents francs au citoyen Honoré Théas, âgé de soixante-seize ans.

Art. 3. Les frais seront à la charge de l'hospice.

Motifs.

Le citoyen Ricord, membre de la commission administrative de l'hospice de Grasse, a proposé, et le Gouvernement a autorisé à accepter, un don de dix-sept mille francs.

Pour les employer, le même citoyen à offert de vendre un domaine estimé vingt-six mille francs, en chargeant les hospices d'une rente viagère dé huit cents francs sur une tête âgée de soixanteseize ans.

Toutes ces conventions ont été examinées par les administrations locales; marquées au coin de la bienfaisance, elles ont été acceptées avec gratitude; il manque à leur accomplissement définitif l'émission de la loi que je vous apporte. 20 Projet de loi.

Art. 1er. Les administrateurs du bureau de bienfaisance de la ville de Morlaix, département du Finistère, sont autorisés à acquérir de madame veuve Clavel, habitante dudit lieu, et moyennant le prix de six mille francs, une maison et ses dépendances, sises dans cette ville, section de la maison commune, dont l'étendue et la valeur sont désignées dans le procès-verbal qui en a été dressé le 26 ventôse an X, par le citoyen Antoine Robinet, ingénieur expert nommé à cet effet, pour ladite maison être employée au logement des sœurs de la Charité, et à la distribution des secours à domicile que le bureau de bienfaisance fait délivrer aux pauvres du lieu.

Art. 2. La somme de quinze cents francs que l'administration du bureau de bienfaisance a actuellement en caisse

sera employée à acquitter une partie du prix de l'acquisition dont il s'agit, et il sera pourvu au paiement du surplus par une somme de quinze cents francs, qui sera prise pour les années X, XI et XII, sur le produit de l'octroi établi dans la ville de Morlaix.

Art. 3. Cette acquisition ne sera soumise qu'au droit simple d'un franc pour l'enregistrement.

Motifs.

A défaut de secours dans les hospices, la ville de Morlaix fait distribuer à domicile des secours aux indigents, aux infirmes, aux malades.

Mais il lui manque un local pour préparerces secours. Linge, couvertures, bouillous, remèdes de divers genres, tout est fait et tenu en dépôt par les sœurs appelées Hospitalières, qui consacrent leur vie à cette bienfaisance active et laborieuse, qui soulage tant de maux et recueille tant de bénédictions.

La loi que je vous apporte autorise l'acquisition d'une maison où se feront ces préparations charitables, et qu'habiteront les femmes respectables auxquelles en sera confié le dépôt.

3e Projet de loi.

Le préfet du département de la Dyle est autorisé à concéder, à titre d'échange, aux hospices civils de Bruxelles, les bâtiments et enclos formant le ci-devant monastère des Oratoires, pour servir à la translation et établissement des orphelins des deux sexes, qui habitent maintenant l'hospice dit de l'Egalité de cette ville, contre les bâtiments et enclos de Saint-Julien.

Motifs.

Les orphelins des deux sexes sont logés à Bruxelles d'une manière étroite, insalubre, incommode.

L'ancienne maison des Oratoires est propre à les recevoir.

Dans cette ville où l'administration a opéré tant de bien depuis trois ans, où elle a surtout dirigé ses regards vers les asiles du malheur, et même vers les retraites du crime, pour y porter des consolations, des espérances, et y réaliser un bienêtre effectif par du travail, tout ce qui peut être utile est cherché, connu, présenté au Gouvernement avec activité, avec zèle, avec sagesse.

C'est une des vues qui lui ont été proposées que le Gouvernement vous invite à réaliser par l'échange de l'hospice de l'Égalité contre la maison de l'Oratoire.

4o Projet de loi.

Art. 1er. Le préfet du département de Maine-et-Loire est autorisé à concéder, à titre d'échange, à l'hospice de Chollet, les bâtiments et enclos du ci-devant monastère de Saint-François, situé dans cette ville, comme le terrain et les bâtiments encore existants de l'ancien hospice, qui seront réunis au 'domaine national.

Art. 2. Le Gouvernement pourra, en considération des pertes éprouvées par l'hospice, dont plusieurs propriétés ont été la proie des flammes, faire remise à la ville de Chollet de la plus-value des bâtiments et dépendances qui lui seront concédés en exécution de l'article précédent.

Motifs.

L'hospice de Chollet, département de Maine-etLoire, a été presque réduit en cendres à une de ces époques mallieureuses dont le souvenir déjà loin de nous a besoin cependant d'être effacé par des bienfaits.

Le bâtiment et enclos du couvent de SaintFrançois peut suppléer pour la ville de Chollet l'hospice qu'elle a perdu."

Le préfet a proposé au Gouvernement de lui transférer la propriété par voie d'échange.

En calculant rigoureusement, la ville devrait une soulte à la République.

Mais le Gouvernement a pensé que la remise

de cette soulte, que la ville recevra comme un don, pouvait au fond n'être considéré que comme une justice, et la loi que j'apporte autorise et l'échange et la remise de la plus-value.

5 Projet de loi.

Art. 1er. Les membres du bureau de la commune de Saint-Saulve, département du Nord, sont autorisés à ceder, à titre d'échange, au citoyen Joseph-Joachim Bouvié, négociant et propriétaire de la fonderie établie audit Saint-Saulve, quarante-cinq ares quatre-vingt-seize centiares de terre, situés au territoire de cette commune, et dépendants des pauvres du lieu, estimés par procèsverbal du 27 ventose an X, à la somme de six cents francs, et a recevoir en contre-échange, sans soulte ni retour, quatre-vingt-douze centiares de terre labourable de bonne qualité, situés au même territoire, lesquels ont été estimés, per le procès-verbal ci-dessus, à la somme de sept cent vingt francs.

Art. 2. La commission administrative des hospices de Valenciennes, même département, est également autorisée à céder, à titre d'échange, audit citoyen Bouvié, cent quinze ares de terre dépendant de ces hospices, situés au territoire de Saint-Saulve, estimés par procèsverbal du 23 ventôse an X, à la somme de quinze cents francs, et à recevoir en contre-échange, sans soulte ni retour, deux hectares quarante-un ares vingt-neuf centiares de terre, situés au territoire de Marly, près Valenciennes, estimés par le même proces-verbal à la somme de dix-huit cent quatre-vingt-dix francs.

Art. 3. Les échanges ci-dessus seront faites aux charges, clauses et conditions insérées dans la délibération du bureau de bienfaisance de la commune de Saint-Saulve, en date du 28 ventôse an X, et dans celle de la commission administrative des hospices de Valenciennes, en date du 23 du même mois et de la même année.

Ce Projet de loi.

La commission administrative des hospices de Perpignan, département des Pyrénées-Orientales, est autorisée à transporter à titre d'échange, au citoyen Pierre Sarda, meunier, le moulin à farine et à foulon, appartenant à ces hospices, situé à Perpignan, sur la rivière de la Bassée, au-dessus des Guiguettes, et à recevoir en contre-échange, sans soulte ni retour, au nom de ces hospices, dudit citoyen Sarda, le domaine dont il a fait l'acquisition de Jean Carrigue, situé dans la commune de Neffiach, y compris une pièce de terre sise au terroir de Millas, et qui en dérend; lesquels immeubles sont estimés par procès-verbaux des 4 et 8 pluviòse, et 20 pluviôse an X; savoir le moulin cédé par les hospices vingt mille francs, et le domaine de Neffiach, donné en échange, trente-trois mille fraucs.

7e Projet de loi.

Art. 1er. La commission administrative des hospices de Châlons, département de la Marne, est autorisée à transporter, à titre d'échange, au citoyen Bourgrain, cultivateur, une portion de terre qui appartient à ces établissements, sise à Frignicourt, de la contenance de huit ares quatre-vingts centiares, valant en capital soixante francs, et du produit annuel de trois francs, suivant le procès-verbal du 29 floréal an X, et à recevoir en contre-échange, sans soulte ni retour, dudit citoyen Bourgrain, une pièce de terre située même commune, contenant dix-sept ares soixante centiares, portée par le même procès-verbal à une valeur capitale de cent vingt francs de produit annuel.

Art 2. Les droits d'enregistrement et autres frais auxquels l'échange pourra donner lieu seront supportés par le citoyen Bourgrain.

8 Projet de loi.

Art. 1er. La commission administrative des hospices civils d'Abbeville, département de la Somme, est autorisée à concéder, à titre d'échange, au citoyen ClaudeBenjamin Mozelle-Campennelle, habitant de cette ville, dix ares soixante-douze centiares de prairies, dépendant de ces hospices, estimés par procès-verbal du 11 thermidor an X, à la somme de quatre-vingt-sept francs cinquante centimes, et à recevoir en contre-échange dudit citoyen Mozelle-Campennelle, sans soulte ni retour, une autre portion de prairie dont il est propriétaire, contenant vingt-un ares quarante-quatre ceutiares, es

timée par le même procès-verbal à la somme de cent cinquante francs.

Art 2. Le citoyen Mozelle-Campennelle paiera tous les frais de l'échange,

9e Projet de loi.

Art. 1er. La commission administrative de l'hospice civil de Laumeur, département du Finistère, est autorisée à concéder, à titre d'échange, au citoyen François Lirzin, notaire public de cette commune, quatre-vingtdeux ares vingt-huit centiares de terre, en quatre pièces, dépen lant de cet hospice, évalués par procès-verbal du 24 ventose an X, à un revenu de trente-huit francs, et à recevoir en contre-échange dudit citoyen Lirzin, sans soulte ni retour, une pièce de terre contenant trente-six ares soixante-dix-sept centiares, dont il est propriétaire, et une rente foncière de quatorze décalitres deux millilitres et demi de froment, évalués par le même procès-verbal à la somme de quarante-quatre francs quarante-quatre centimes de revenu.

Art. 2. Les droits d'enregistrement et autres frais, auxquels l'échange pourra donner lieu, seront supportés par le citoyen Lirzin.

10e Projet de loi.

Art. 1er. La commission administrative des hospices de Tournay, département de Jemmapes, est autorisée à transporter, à titre d'échange, au citoyen Jean-Baptiste Lefebvre, négociant de ladite ville, une maison dépendant de ces établissements, sise rue Decau, dite la fondation d'Olive Speel, valant treize cent-vingt livres tournois de capital, suivant le procès-verbal d'expertise dressé le 2 pluviose an X, par les citoyens Jean-Favier et Amé Payen, et à recevoir en contre-échange dudit citoyen Jean-Baptiste Lefebvre, une maison qui lui appartient, sise rue des Filles-Dieu, no 60, portée par le même procès-verbal à une valeur capitale de trois mille six cents livres.

Art. 2. Le citoyen Lefebvre paiera tous les frais de l'échange.

Motifs.

Six particuliers ont proposé des échanges aux hospices de plusieurs communes.

Les avantages qui en résulteront pour les hospices sont évidents, suivant le témoignage des administrateurs des hospices et des préfets, et les estimations qui ont eu lieu.

Il est un de ces contrats, qui présente à l'hospice auquel on le propose un excédant de la somme de 13,000 francs.

Celui qui présente le moins d'avantages laisse encore un bénéfice d'un sixième.

Ces raisons, qui ont motivé l'approbation du Gouvernement, décideront sans doute la vôtre.

Le Corps législatif arrête que ces divers projets de loi seront transmis au Tribunat par un message. La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DU CITOYEN MÉRIC. Séance du 25 ventóse an XI (mercredi 16

mars 1803).

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. Les citoyens Berlier, Emmery et Miot sont introduits.

Le citoyen Berlier présente un projet de loi, titre X du Code civil, relatif à la minorité, tutelle et émancipation, dont il développe les motifs en ces termes :

Citoyens législateurs, déjà plusieurs projets de loi destinés à faire partie du Code civil vous ont été présentés, et déjà quelques-uns ont obtenu votre sanction.

Nous vous apportons aujourd'hui la suite, mais non la fin de ce grand travail.

Le titre qui va vous être soumis est celui qui traite de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation.

« PreviousContinue »