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Aux actions différentes qui en peuvent naître contre lui on ses héritiers, et aux preuves qui peuvent aussi extraordinairement résulter d'une instruction criminelle et du jugement qui la suit de la célébration d'un mariage;

Aux effets civils que la bonne foi des deux époux ou d'un seul peut assurer à un mariage: au premier cas pour tous deux, au second pour un seul, et toujours en faveur de leurs enfants

communs.

Toutes ces dispositions sont si évidemment d'accord avec les idées reçues et la saine raison, qu'elles nous ont paru n'exiger aucune réflexion de notre part.

Nous en disons autant des dispositions du cinquième titre, qui imposent aux père et mère et aux enfants l'obligation de se fournir réciproquement des aliments; qui étendent ce devoir aux alliés dans les mêmes degrés, sous les modifications que la raison commandait, qui laissent à la sagesse des tribunaux de décider quand ceux qui doivent des aliments pourront être dispensés de payer une pension alimentaire, en offrant de recevoir chez eux les personnes auxquelles les aliments seront dus.

Toutes ces dispositions ne sont évidemment que le langage même de la nature.

Le titre V n'eût donc exigé aucune réflexion particulière, s'il n'existait une grande diversité d'opinions et d'usages entre les pays de droit écrit et ceux coutumiers, sur le point de savoir s'il est sage, s'il est juste, s'il est nécessaire que la loi impose au père, à titre d'obligation stricte, celle de fournir une dot à sa fille.

Ce point de droit, extrêmement important, a été le sujet de savantes et profondes discussions dans l'examen préparatoire du projet.

Les partisans de l'usage et des dispositions du droit écrit semblaient invoquer, avec un grand avantage, plusieurs lois romaines qui accusent d'injustice, de dureté, les pères qui négligent ou refusent de doter leurs filles, et qui imputent aux pères les égarements de celles-ci lorsqu'ils les ont laissé parvenir à vingt-cinq ans sans avoir pourvu à leur établissement.

Malgré toute la puissance des armes employées par les partisans du droit écrit, leur opinion n'a pas prévalu.

:

Nous ignorons si la force des usages sous lesquels nous avons personnellement vécu a quelque part à l'opinion que nous nous en sommes formée; mais nous pouvons l'attester avec une grande sincérité les motifs qui la fondent nous paraissent être ceux qui s'accordent le mieux avec le véritable intérêt de la société, la dignité et la puissance paternelles, l'intérêt méme des enfants, le rapprochement des amis de la patric, de tous les enfants de la grande famille; et ces motifs, citoyens législateurs, les voici :

Pour introduire dans le pays coutumier et y imposer aux pères l'obligation stricte de doter leurs filles, il y fallait une révolution dans les idées.

Dans les pays de droit écrit, où les pères sont accoutumés à regarder comme légale cette obligation, ils continueront à y faire, par respect pour l'ancienne loi et par devoir, ce que les pères font chez nous, en n'obéissant qu'à la voix de la nature, au sentiment paternel; et rien de part et d'autre ne sera changé.

L'obligation de doter, en cas de contestation, ne peut être réglée que d'après l'étendue des facultés du père. Il peut quelquefois être extrêmement périlleux pour un père de famille d'être contraint à révéler le secret de sa fortune.

C'est peut-être aussi l'une des plus grandes fautes en législation que de calomnier le cœur humain. C'est, ce nous semble surtout, une faute grave que de douter de la puissance du sentiment paternel, et de l'outrager par tant de défiance.

Nous avons peine à penser que ces motifs, qui ont eu tant de pouvoir sur notre opinion, n'en aient pas également sur la vôtre.

Le droit laissé aux femmes par les lois romaines, de ne se constituer en dot qu'une partie de leurs biens, et de se réserver la jouissance et la libre disposition du fonds même de leurs paraphernaux, a encore été le sujet d'une diversité d'opinions; mais cette faculté accordée aux femmes, par les lois romaines, a été généralement et sera sans doute aussi, citoyens législateurs, jugée par vous-mêmes contraire à la nature de l'union conjugale, à celle de l'autorité du mari.

Toutes les autres dispositions du sixième titre ne renferment, sur l'interdiction aux femmes de s'obliger ou d'ester en droit sans l'autorisation de leurs maris, que l'ancienne et constante législation française, et ne font que la présenter sous une rédaction tellement précise, qu'étendue à toute la République, elle ne sera pour aucun un sujet de controverse.

Un projet converti en loi par votre assentiment consacré irrévocablement les principes qui se trouvent dans les dispositions du septième titre, relativement aux effets de la mort civile.

Le divorce sera d'ailleurs le sujet d'une loi particulière.

La disposition unique du VIIIe et dernier titre, qui borne à dix mois ce que nos anciens usages appelaient l'année de deuil, vous paraîtra fixer un délai suffisant pour éviter tous les doutes sur la paternité et les dangers connus sous le nom de confusion de part; et sans doute, citoyens législateurs, vous n'y trouverez rien de contraire aux bienséances et à la dignité du mariage.

Il serait peut-être naturel de peindre, en terminant, le célibat et ses privations, le mariage et ses douceurs, ses véritables jouissances; de substituer au sévère langage de lois, qui parlent aux femmes de soumission et d'obéissance, l'aveu et le tableau de leur puissance réelle, de leurs droits les plus beaux, les plus chers et les plus doux, surtout lorsque c'est au sein des mœurs et des familles qu'elles veulent et savent en établir l'empire. Mais je n'oublie pas, citoyens législateurs, ce que je disais en commençant, et tout ce que ces touchantes idées perdraient en changeant d'organe et d'interprète. Je me borne à vous présenter le vœu d'adoption que le Tribunat a émis sur le projet de loi.

Le Corps législatif ordonne l'impression du discours de l'orateur.

La discussion est fermée.

On procède par appel nominal au scrutin secret, en la forme prescrite par la loi du 19 nivôse an VIII.

Le nombre des votants est de 212, dont 204 ont voté pour l'adoption du projet de loi, et 8 pour le rejet. La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DU CITOYEN MÉRIC.

Séance du 27 ventóse an XI (vendredi 18 mars 1803). Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. Le citoyen Lucas, tenant hotel meublé, rue du Bouloy, no 34, prévient le président que le ci

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Le Corps législatif arrête qu'il sera fait des messages au Sénat conservateur et au Gouvernement, pour leur annoncer le décès du citoyen Bertin (d'Ille-et-Vilaine), l'un de ses membres.

L'ordre du jour appelle la discussion de dix projets de loi d'intérêt local, concernant les communes de Louhans, Auch, Quimper, Nimes, Avenay, Padox, Tours, Eguisheim, Gazaupony et Baudrecourt.

On introduit les orateurs du Tribunat et ceux du Gouvernement.

Le citoyen Ségur, orateur du Gouvernement, monte à la tribune et lit la déclaration suivante : «L'orateur du Gouvernement soussigné déclare « demander, en son nom, l'ajournement du projet « de loi sur une acquisition pour la préfecture de « Tours.

«Fait au palais du Corps législatif, ce 27 ventôse « an XI.

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Signé SEGUR. » Le Corps législatif prononce cet ajournement. La discussion s'ouvre sur les neuf autres projets de loi.

Après avoir entendu le vœu d'adoption émis par les orateurs du Tribunat, le Corps législatif procède au scrutin par deux appels nominaux successifs, en premier lieu sur les cinq premiers projets, en second lieu sur les cinq derniers, et les adopte à l'unanimité.

TRIBUNAT.

PRÉSIDENCE DU CITOYEN GARRY. Séance du 27 ventôse an XI(vendredi 18 mars 1803). Le procès-verbal de la séance du 25 est adopté. Le Corps législatif communique par un message le onzième projet de loi du Code civil, titre X, relatif à la minorité, à la tutelle et à l'émancipation.

Le Tribunat renvoie ce projet de loi à la section de législation, et en fixe le rapport au jeudi 3 germinal.

Le Corps législatif communique, par un second message douze projets de loi concernant les communes de Vesoul, Liege, Caen, Louhans, SaintMihiel, Laon, Chartres, Limoux, Villiers-les-Hestres, Aix-la-Chapelle et le département de l'Es

caut.

Le Tribunat renvoie ces projets de loi à la section de l'intérieur, qui ferà son rapport le lundi 30 ventôse.

Les citoyens Pernon, Pictet et Perrée, proposent d'adopter neuf projets de loi concernant les communes d'Effry, Saint-Valérien, Ancier, Melcey, Crest, Toulon-sur Aroux, Puymirol, Courbouzon et Saint-Amour.

Les citoyens Koch, Chauvelin et Bosc, organes de la section de l'intérieur, proposent d'adopter dix projets de loi concernant les communes de Planchey-Bas, Freland, Trésavaux, Lauraguais, Luçon, Villacerf, Isle-de-Rhé, Vic-sur-Losse, Bruggen et Saint-Sever.

Les citoyens Sahuc, Vesin et Albisson, au nom de la même section, proposent d'émettre un vœu d'adoption en faveur de dix projets de loi concernant les communes de Racines, Corny-la-Ville, La Chapelle-Saint-Luc, Moussoulens, Pezens, RouillySaint-Loup, Bourganeuf, Xartigny, Salles et Lou

vain.

Les tribuns Riouffe, Van-Hulthem et Fabre (de l'Aude) proposent l'adoption de dix projets de loi concernant les communes de Grasse, Morlaix, Bruxelles, Valenciennes, Perpignan, Châlons, Chollet, Laumeur, Abbeville et Tournay.

La délibération est ajournée.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux droits d'usage dans les forêts nationales.

Nul orateur ne se présentant à la tribune, il est procédé au scrutin.

Le nombre des votants est de 56, dont 54 votent pour l'adoption et 2 pour le rejet."

Le citoyen Delaistre, rapporteur, et les tribuns Depinteville-Cernon et Imbert, sont chargés d'exposer devant le Corps législatif les motifs de ce

væu.

Fabre (de l'Aude) fait un rapport sur le projet de loi concernant les finances (budget de l'an XI).

Citoyens tribuns, vous désiriez depuis longtemps que le projet de la loi annuelle sur les dépenses et les recettes de l'Etat ne fût point morcelé et transmis au Corps législatif à des époques éloignées vous ne pouviez, en effet, juger du mérite du système de finances qu'on se proposait de suivre, qu'autant que l'ensemble vous en était soumis; et cet ensemble ne pouvait point résulter de projets isolés sur quelques parties de recettes, de l'ouverture d'un ou plusieurs crédits provisoires, et de la fixation de dépenses déjà faites, du moins en grande partie, lorsqu'on en sollicitait l'autorisation.

Mais, au milieu de la guerre et à la suite du désordre dans lequel le Gouvernement avait trouvé l'administration générale et les finances, il lui était impossible (comme l'observe très-bien le ministre des finances dans le compte qu'il vient de rendre de son administration en l'an X), de proposer un budget qui n'aurait pu être appuyé sur aucune base, même approximative, soit pour les recettes, soit pour les dépenses.

Aujourd'hui, continue ce ministre, il convient de revenir à l'exécution de la loi constitutionnelle, qui veut que les recettes et les dépenses de chaque année soient réglées par le Corps législatif.

Ainsi, le droit sacré et inaliénable qu'ont toujours eu les peuples libres de régler les dépenses publiques, et de consentir les contributions, est solennellement avoué; et pourrait-on penser qu'il pût étre méconnu par le chef du Gouvernement, lui qui accueille avec transport toutes les idées libérales, et qui fait consister sa principale gloire à gouverner un peuple libre et généreux ?

Indépendamment de l'obligation imposée au Gouvernement par l'article 45 de la Constitution, de diriger les recettes et les dépenses de l'Etat, conformément à la loi annuelle, qui détermine le montant des unes et des autres, l'art. 57 veut que les comptes détaillés de la dépense de chaque ministre, signés et certifiés par lui, soient rendus publics.

Celui qu'a rendu le ministre des finances, pour l'an X, vous a été déjà distribué; nous ne pensons pas qu'il en ait jamais existé d'aussi clair, d'aussi précis, d'aussi satisfaisant. Tout y porte le cachet de l'ordre, de la régularité et surtout de la bonne Foi et de la loyauté qui distinguent ce ministre.

Le compte de celui du trésor public vous a été aussi distribué, et vous avez dû sentir, en le lisant, combien il a fallu de zèle et de constance pour réduire à des résultats simples une comptabilité aussi compliquée de sa nature, et en extirper tous les abus.

En donnant la plus grande publicité à ces deux comptes, le Gouvernement a envoyé au Corps législatif un projet de loi sur les finances, en huit titres.

Le premier, relatif aux crédits ouverts pour les dépenses des années V, VI, VII et VIII, à acquitter en rentes de cinq pour cent consolidés;

Le second, aux dépenses de l'an IX; Le troisième, à l'annulation d'un crédit devenu inutile pour l'an X;

Le quatrième, aux dépenses de l'an XI;

Le cinquième, à un supplément de crédit accordé par le § II de l'art. 8 de la loi du 21 floréal an X;

Le sixième, à la fixation des contributions de l'an XII;

Le septième, à l'amélioration du sort des rentiers viagers, des pensionnaires et des veuves et enfants des défenseurs de la patrie;

Le huitième enfin, à un crédit provisoire pour l'an XII.

Ce projet vous ayant été transmis par le Corps législatif, le 23 de ce mois, vous l'avez renvoyé à votre section des finances, qui m'a chargé de vous rendre compte de l'examen qu'elle en à fait.

Sur le titre Ier, relatif aux crédits ouverts pour les dépenses des années V, VI, VII et VIII.

La loi du 13 ventôse an IX a ouvert, pour le paiement des créances des fournisseurs des années V, VI et VII, un crédit de 2,700,000 fr. de rentes, représentant, à raison de 3 pour cent, un capital de 90,000,000 fr.

Il avait été inscrit au grand-livre, d'après le compte du ministre, jusqu'au 1er vendémiaire an XI, 392,355 fr., représentant, toujours à raison de 3 pour cent, un capital de 13,078,500 fr.

Les dépenses restant à acquitter en cette valeur sont estimées à 56,000,000. Ensemble. 69,078,500 fr. L'excédant de ce premier crédit est donc de 20,921,500 fr.

La même loi a ouvert, pour le paiement de ce qui pouvait être dû aux fournisseurs de l'an VIII, un autre crédit d'un million de rentes, représentant,à raison de 5 pour cent,un capital de 20,000,000.

Il avait été inscrit, jusqu'au 1er vendémiaire dernier, 581,194 f., représentant toujours, à raison de 5 pour cent, un capital de 11,623,880 fr.

Les dépenses restant à acquitter en cette valeur sont estimées à 20,000,000 f. Ensemble,31,623,880 f. L'insuffisance de ce dernier crédit est donc de 11,623,880.

Mais, comme l'observe le ministre, les deux crédits suffiront pour couvrir tout ce qui reste dû des exercices des années V,VI, VII et VIII, en rendant commun aux quatre exercices l'excédant du premier crédit; et cela ne change rien à la loi du 30 ventôse.

Il suffira donc d'autoriser le Gouvernement à employer, comme il le demande, le montant des deux crédits réunis à acquitter les dépenses des

exercices des années V,VI, VII et VIII, sans égard à la limitation des sommes affectées à chacun d'eux, en se conformant au surplus des dispositions de la loi du 30 ventôse an IX.

Voilà à quoi se réduit le titre premier.

Sur le titre second, relatif aux dépenses de l'an 1X.

Le désordre dans lequel le Gouvernement avait trouvé les finances et les embarras d'une guerre qui absorbait toute sa pensée ne lui avaient point permis de s'occuper de la formation d'un budget, qui d'ailleurs n'eût fait qu'annoncer à nos ennemis la faiblesse de nos moyens précuniaires.

Le Gouvernement se borna donc à évaluer le produit qu'on pouvait espérer des contributions existantes; il y ajouta ensuite la proposition d'un crédit de 20,000,000 en domaines nationaux; et les lois des 19 nivôse et 30 ventôse an IX mirent en masse une somme de 435 millions à sa disposition pour les dépenses du service, non compris les frais de négociations.

Dans l'objet de réparer l'omission du budget de l'an IX, que les circonstances difficiles où se trouvait le Gouvernement l'avaient empêché de former et de présenter au Corps législatif, et pour régulariser ou acquitter les dépenses de cette même année concernant chaque ministère, le ministre des finances a inséré dans son compte-rendu, page 13, un tableau des recettes et des dépenses dé l'an IX, connues au Ier vendémiaire an XI.

Il en résulte que les dépenses des divers ministères, en y comprenant 32 millions de frais de négociations et un fonds de réserve de 1,781,891 fr. pour solder tout ce qui pourrait être encore dû, s'élèvent à la somme totale de 526,477,041 fr.

Le produit total des objets portés au budget provisoire de l'an IX se portant à 495,577,041, Le déficit serait de 31,000,000.

de

Le Gouvernement propose au Corps législatif de l'autoriser à prélever cette somme 31,000,000,

Savoir:

1° Sur les sommes dues par les acquéreurs de domaines nationaux antérieurement aux lois des 15 et 16 floréal an X, 10,000,000;

2° Sur le produit des rachats de rentes, 5,000,000; 3° Sur les rentrées qui auront lieu en l'an XI sur les contributions arriérées de l'an VIII et années antérieures, 8,000,000;

4° Sur le recouvrement de diverses créances du trésor public, dont la rentrée est poursuivie, 3,000,000;

5° Sur le produit des valeurs remises à la régie de l'enregistrement, 5,000,000.

Total égal, 31,000,000.

De cette manière, l'exercice de l'an IX se trouvera entièrement soldé, comme les quatre précédents.

Sur le titre III, relatif à l'annulation d'un crédit devenu inutile pour l'an X.

La loi du 17 floréal an X avait mis à la disposition du Gouvernement une somme de 500 millions pour faire face à toutes les dépenses de cette année; savoir: 470 millions, montant présumé des contributions et des autres revenus de l'Etat, et 30 millions à prendre sur le produit des ventes de domaines nationaux.

Les contributions et les autres revenus de l'an X annonçant une rentrée certaine de 503,521,623 f., qui suffisent et au delà pour faire face à toutes les dépenses, le crédit supplémentaire de 30 mil

lions devient inutile; le Gouvernement vous propose de l'annuler et d'affecter au service de l'an XI l'excédant des recettes quelconques de l'an X.

Cette position est, comme le voit le Tribunat, aussi belle et aussi satisfaisante qu'on peut le désirer.

Sur le titre IV, relatif aux dépenses de l'an XI.

La loi du 20 floréal an X avait ouvert au Gouvernement, sur les produits des contributions de l'an XI, un crédit de 300 millions pour les dépenses des premiers mois de cette dernière année, et le Gouvernement vous propose aujourd'hui de lui ouvrir un autre crédit de 289,500,000 fr. pour solder ces mêmes dépenses. Ces deux crédits réunis s'élèveront à la somme totale de 589,500,000 fr.

La répartition en est faite, dans le projet de loi, entre les divers ministères; et un état beaucoup plus détaillé des dépenses de chacun d'eux, arrêté par le Premier Consul, a été envoyé à votre section des finances, pour lui faciliter l'examen de chaque nature de demandes.

Nous nous sommes d'abord demandé comment il se faisait qu'une somme de 589,500,000 fr. fût nécessaire pour pourvoir aux dépenses de l'an XI, tandis que, pour l'an IX, la somme de 526,477,041 fr. et pour l'an X celle de 500,000,000, avaient été reconnues suffisantes pour couvrir en entier les dépenses.

Mais toutes les difficultés ont disparu par un examen approfondi du projet de loi, des états détaillés et du compte rendu par le ministre des finances.

La dépense est plus forte en l'an Xl que pendant l'an IX :

1° A cause des dépenses fixes des administrations et de l'ordre judiciaire de tous les départements de la République, qui sont aujourd'hui payés par le trésor public. C'est un objet de 18,777,151 francs.

2° En l'an IX, le ministre de l'intérieur n'a eu que 33,250,000 fr. pour son service ordinaire et extraordinaire, distraction faite de 5,845,150 fr. pour le fonds commun des départ ments; mais les grandes routes ont été si fort dégradées pendant le cours de la Révolution, l'entretien des canaux a été tellement négligé, qu'il a fallu nécessairement accorder pour ces objets un supplément de fonds au ministre. Il a été encore nécessaire d'augmenter son crédit d'un solde de 7,610,000 fr. pour les subsistances, par où il s'est élevé à 47,110,000 fr. Différence 14,000,000 fr.

3° Le ministre de la marine a eu, en l'an IX, 91 millions; en l'an XI, on a voulu réparer, du moins en partie, les pertes énormes que nous avions faites dans le cours de la Révolution; il a fallu restaurer encore nos colonies, et réduire les révoltés de Saint-Domingue. Ces diverses causes ont mis le Gouvernement dans la nécessité de demander, pour le ministre de la marine, un crédit de 126,000,000. Différence: 35,000,000. 4 En l'an IX, le département de la guerre avait un fonds de 238 millions, et une partie de nos troupes subsistait hors du territoire français, et n'était point à la charge du trésor public; en l'an XI, le crédit du ministre n'est augmenté que de cinq millions comparativement à l'an IX, et le trésor public supporte à peu près la même dépense à cause du danger qu'il y aurait eu à opérer un désarmement.

On peut évaluer à environ 35 millions la dépense que faisaient nos troupes dans le Piémont, dans

la Batavie, la Cisalpine et autres Etats étrangers; ainsi, la dépense du ministère de la guerre en l'an X1, au lieu de coûter cinq millions de plus, prėsente une moindre dépense de 30,000,000.

5o En l'an IX, la dette publique, y compris les pensions, s'élevait à 77 millions; elle est pour l'an XI, y compris également les pensions, de 84,023,482 fr., à cause de la dette publique et des pensions des six nouveaux départements. Différence: 7,023,482 fr.

6° En l'an IX, le ministère des relations extérieures ne coûtait que six millions; la paix ayant rétabli toutes nos anciennes relations, cette dépense s'est élevée, pour l'an XI, à 7 millions. Difference: 1,000,000.

Total des différences: 105,800,633 fr.

En parcourant l'état détaillé des dépenses de l'an XI, on trouve encore d'autres objets qui ne pouvaient point être compris dans le budget de l'an IX.

Mais, quand même on n'ajouterait à la dépense de l'an X, montant à 526,477,041 fr., que la somme de 105,800,833 fr., cette dépense se serait élevée à 632,277,674 fr., c'est-à-dire à 42,777,674 fr. de plus qu'en l'an XI; ce qui démontre qu'il y a eu réellement de grandes économies opérées depuis l'an IX, au moyen d'un meilleur ordre dans les différentes branches de l'administration générale.

Sinous voulions comparer les dépenses de l'an IX à celles de l'an X, ce nouveau rapprochement donnerait des résultats également avantageux à l'esprit d'ordre et d'économie, qui fait chaque jour de nouveaux progrès; mais nous croyons inutile de fatiguer plus longtemps votre attention par des calculs comparatifs que chacun de vous est à portée de faire lui-même.

Parmi les articles de dépenses des états détaillés concernant chaque ministère, nous en avons remarqué un de six millions pour la représentation à Paris du Premier Consul, frais et entretien du palais des Tuileries, de Saint-Cloud et dépendances, et pour ses voyages.

On en trouve immédiatement après un second de 1,200,000 fr. pour la dépense du second et du troisième Consuls, à raison de 600,000 chacun, avec cette observation que les dépenses ci-dessus sont fixées à perpétuité pendant la vie du Premier Consul, conformément au sénatus-consulte du 16 thermidor an X.

En effet, l'article 53 porte que « la loi fixe, << pour la vie de chaque Premier Consul, l'état des « dépenses du Gouvernement. »

Vous remarquerez sans doute avec nous, citoyens tribuns, combien cette fixation est modérée, qu'elle s'éloigne peut-être trop de la liste civile de l'ancien Gouvernement, qui s'élevait à plus de 25 millions, et que la nation a un intérêt sensible à environner son premier magistrat de l'éclat qui convient à un rang aussi élevé, puisque les honneurs et la gloire dont il est investi rejaillissent sur elle et concourent à la faire respecter au dehors.

Je ne parle point des services signalés que le Premier Consul a rendus à son pays; l'histoire lui assignera le rang qu'il doit occuper dans la postérité parmi les grands hommes qui ont le plus illustré leur siècle, et déjà la reconnaissance nationale lui a élevé dans tous les cœurs un temple plus glorieux que tous les monuments qui pourraient la consacrer.

Le Tribunat sentira aussi la nécessité d'environner également d'un certain éclat la dignité du second et du troisième Consuls, qui portent avec le Premier l'honorable fardeau du Gouvernement. Leur dépense, fixée parchacun d'eux à 600,000 fr.,

nous a paru plutôt au-dessous qu'au niveau de la représentation que doivent nécessairement avoir la seconde et la troisième personne de l'Etat.

Nous terminerons le titre relatif aux dépenses générales de l'an XI, en observant que les frais des négociations ne sont portés, dans le projet de loi, qu'a 9 millions pour cette année, au lieu de 32 millions qu'ils ont coûtés en l'an IX, et de 13,677,719 fr., en l'an X.

Votre section pense donc que vous devez approuver tous les articles de dépenses de l'an XI, et accorder au Gouvernement un crédit de la somme de 289,500,000 fr. faisant, avec celui de 300,000,000 ouvert par la loi du 20 floréal an X, la somme totale de 589,500,000 fr., qui lui suffira pour solder l'exercice de l'an XI.

Les recettes de cet exercice s'étant améliorées au delà de toutes les espérances, et leur accroissement étant de jour en jour progressif, comme l'annonce le ministre des finances, vous avez d'avance la certitude qu'elles suffiront pour couvrir la totalité des crédits.

Sur le titre V, relatif à un supplément de crédit accordé par le II de l'article 8 de la loi du N 21 floréal an X.

Cette loi a autorisé le Gouvernement à faire inscrire sur le grand-livre, dans le cours de l'an X: 1 Trois millions de cinq pour cent consolidés, sur lesquels il a été inscrit en l'an X pour 979,958 fr.; en sorte qu'il restait de libre, au premier vendémiaire an XI, sur ce crédit, 2,020,042 fr.

2° Quatre millions pour consolidation de tiers provisoire, avec jouissance des intérêts, à compter du 1er vendémiaire an XII, sur lesquels il a été inscrit en l'an X pour 1,782,371 fr.: de manière que, sur ce second crédit, il restait de libre, au premier vendémiaire an XI, 2,217,629 fr.

Total: 4,237, 671 fr.

Le ministre pense que ce qui reste à consommer sur le premier de ces crédits suffira pour les inscriptions qui pourront être demandées dans le cours de l'an XI et dans le commencement de l'an XII pour le constitué, mais que la dette exigible pourrait avoir des besoins plus étendus; il a proposé en conséquence au Gouvernement, et celui-ci au Corps législatif, l'ouverture d'un nouveau crédit de deux millions en rente de cinq pour cent consolidés, pour ne pas se trouver au dépourvu d'ici à la session du Corps législatif de l'an XII.

Vous approuverez sans doute, citoyens tribuns, cette mesure de prévoyance, qui annonce l'intention où est le Gouvernement d'accélérer la liquidation de l'arriéré antérieur à l'an V, et de faire jouir, le plus tôt possible, les créanciers de tout ce qui peut leur être légitimement dû.

Sur le titre VI, relatif aux contributions de l'an XII.

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personnelle, somptuaire et mobilière, affectés aux dépenses fixes et variables des administrations et de l'ordre judiciaire dans tous les départements, 37,720,651 francs.

Plus, deux centimes additionnels aux mêmes contributions pour fonds de non-valeurs et de dégrèvements, 4,856,000 fr.

Plus, cinq centimes additionnels aux mêmes contributions pour les dépenses des communes, 12,1 10,000 fr.

Plus, dix centimes additionnels au principal des portes et fenêtres, affectés aux frais de confection des rôles et aux fonds de dégrèvements et de non-valeurs, 1,600,000 fr.

Plus, trois centimes au moins additionnels aux contributions foncière, personnelle, somptuaire, mobilière et des portes et fenêtres, pour les remises des percepteurs, 7,764,000 fr.

Et enfin cinq centimes additionnels au principal des patentes, pour fonds de dégrèvements et nonvaleurs, 900,000 fr.

Ensemble des centimes addit., 64,980,655 fr. qui, réunis au principal de 576,800,000, forment un total général de 341,780,651 francs.

NOTA. Les remises des percepteurs chargés du recouvrement des patentes se prennent sur le principal, et ne doivent pas, par conséquent, être portées en augmentation des contributions directes.

Il est juste, sans doute, que tous les genres de revenus contribuent aux besoins de l'Etat; mais l'on devrait enfin convenir qu'une masse contributive de 341,780,651 fr. en impositions directes, indépendamment des droits d'enregistrement, d'hypothèques et autres, qui pèsent en partie sur les propriétés foncières, est excessive et hors de toute proportion avec les autres revenus de l'Etat.

Nous l'avons si bien démontré l'année dernière, que tout ce que nous avons dit à cet égard est demeuré sans réponse, et l'on s'est contenté, d'un côté, d'accorder aux contribuables fonciers une légère diminution, dont nous aurons bientôt occasion de parler; et, de l'autre, d'ordonner des opérations d'arpentement et d'évaluation dans quelques communes de chaque département, pour parvenir, s'il est possible, à une meilleure répartition de l'impôt foncier.

Ces deux mesures prouvent du moins que les observations du Tribunat et celles des conseils généraux des départements ont excité la sollicitude paternelle du Gouvernement; ce qui doit faire espérer aux propriétaires fonciers d'obtenir enfin une justice complète pour l'an XIII.

Après ces réflexions générales sur la masse énorme des contributions directes et leur disproportion avec les autres revenus de l'Etat, votre section s'est occupée de l'examen particulier de chacune de ces contributions.

Contribution foncière.

En l'an XI, elle se trouve fixée à 220,200,000 fr. de principal; savoir: 210,000,000 fr., dans les cent deux anciens départements, et 10,200,000 fr., dans les six nouveaux.

L'article 1er du titre VI du projet la règle pour l'an XII en principal, dans les cent huit départements, à 210,000,000 fr.

C'est donc, au premier aperçu, une réduction de 10,200,000 fr., qui dù être répartie sur tous les départements, et qui eût diminué, par conséquent, du vingt-deuxième leur contribution en principal, si elle l'eût été également.

Mais, d'un autre côté, au lieu de 14 centimes additionnels, qu'on avait cru suffire en l'an XI pour les dépenses fixes et variables des départe

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