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dont le premier est estimé 1,551 francs, le second 1,708 fr., et le troisième 2,328 francs, suivant procès-verbal du 4 brumaire an X; 2o et un autre bâtiment estimé 350 fr., suivant le même procès-verbal.

Art. 290. Le produit desdites ventes sera employé à la construction d'une fontaine sur la place publique de ladite commune, et à celle d'un pont sur la rivière d'Ampus. TITRE LIV.

Département de Vaucluse.

Aliénations.

Art. 291. Le maire de la ville d'Orange est autorisé à concéder au citoyen Joseph Roure fils une maison et hangar servant au pesage public, et tombant en ruines, estimés à la somme de 825 francs, suivant procès-verbal du 24 nivôse an X.

Art. 292. Cette concession est faite à la charge, par le citoyen Roure, de faire construire, à ses frais et dépens, un autre bâtiment destiné au même service, et dont la propriété appartiendra à ladite ville, sur un terrain communal désigné au devis estimatif du 5 pluviôse an VIII, et conformément audit devis et à un autre devis supplémentaire du 1er germinal suivant.

Art. 293. Tous les frais seront supportés par le citoyen Roure.

TITRE LV.

Département de la Vienne.
Acquisition.

Art. 294. Le maire de la ville de Poitiers est autorisé à acquérir du citoyen Laureme une portion de terrain située sur le rempart, pour y établir une tuerie pablique, ladite portion de terrain contenant un septième .d'hectare, et estimé 3,500 francs, suivant procès-verbal du 3 messidor an X.

Art. 295. Cette acquisition sera faite moyennant le prix de 3,240 francs, d'après une convention sous seing privé, en date du 5 messidor an X, arrêtée entre le maire et le citoyen Laureme.

Art. 296. Le montant desdites acquisition et construction sera payé sur les revenus ordinaires de la ville de Poitiers.

TITRE LVI.
Departement des Vosges.

CHAPITRE PREMIER.

Alienations.

Art. 297. Les maires des communes de Beaumesnil et de Fimesnil sont autorisés à vendre, dans la forme prescrite pour l'aliénation des domaines nationaux, quatre petits terrains communaux possédés par indivis entre lesdites communes :

Le premier, contenant 32 ares 68 centiares, et estimé 120 francs;

Le deuxième, contenant 10 ares 21 centiares, et estimé 24 francs.

Le troisième, contenant ares 41 centiares, et estimé 12 francs;

Et le quatrième, contenant 4 ares 1 centiare, et estimé 24 francs.

Le tout ainsi qu'il est détaillé au procès-verbal du 5 vendémiaire an X.

Art. 298. Le produit desdites ventes sera employé à acquitter les frais d'un procès que lesdites communes ont eu à soutenir contre la commune d'Herpelmont.

Art. 299. Le maire de Cheniménil est autorisé à vendre, dans la forme prescrite pour l'aliénation des domaines nationaux, un pré dit le Pré de Lelle, appartenant à ladite commune, contenant un hectare 53 ares 19 centiares, et estimé 2,000 francs, suivant procès-verbal du 10 nivôse an X.

Art. 300. Le produit de ladite vente servira jusqu'à due concurrence, à acquitter une somme de 1,991 francs 8 centimes que la commune de Cheniménil doit à la République.

Art. 301. Le maire de la commune de Dompierre est autorisé à vendre au citoyen Thomas-Joseph Cuny fils un terrain communal contenant 10 ares 97 centiares.

Art. 302. Le citoyen Cuny paiera, pour le prix de ladite vente, la somme de 220 francs, suivant le procès-verbal d'estimation du 2 ventôse an X.

Art. 303. Le maire de la commune de Traintrux est autorisé à concéder au citoyen Durand 2 ares 40 centiares d'un terrain communal au canton des Rouges-Eaux.

Art. 304. Le citoyen Durand paiera, pour le prix de ladite concession, une rente annuelle et sans retenue d'un franc 50 centimes, selon le procès-verbal d'estimation du 18 pluviose an X.

CHAPITRE II.

Acquisition.

Art. 305. Le maire de la commune de Maudray est autorisé à acquérir la maison ci-devant presbytérale, avec jardin et dépendances, appartenant à la veuve JeanNicolas Hauzo et à ses enfants, et estimés 3,800 francs, suivant procès-verbal du 14 nivôse an IX.

Art. 306. Cette acquisition sera faite moyennant la somme de 2,640 francs, prix consenti dans la délibération des parents des mineurs Hauzo, en date du 18 fructidor an VIII, homologuée le 23 nivôse an X, par le tribunal civil de l'arrondissement communal de Saint-Dié.

Art. 307. Cette somme sera acquittée avec les fonds dont la commune a actuellement la disposition, et le bâtiment acquis servira de maison commune et à la tenue de l'école primaire.

TITRE LVII.
Département de l'Yonne.
Imposition extraordinaire.

Art. 308. La commune de Saint-Julien-du Sault est autorisée à s'imposer extraordinairement, en centimes additionnels aux contributions foncière, mobilière et somptuaire, et en une ou plusieurs années, ainsi qu'il sera réglé par le préfet, la somme de 2,721 francs 95 centimes, pour acquitter les frais de reconstruction de deux ponts de cette commune.

TITRE LVIII.

Dispositions générales.

Art. 309. Toutes les fois qu'un des preneurs à rente voudra l'amortir, il en aura la faculté en payant vingt années du montant de la rente.

Art. 310. Si la somme que chaque commune ou hospice aura à sa disposition, provenant de remboursement, aliénation ou soulte d'échange, par suite de la présente loi, peut suffire à acquérir 50 francs de rentes sur l'Etat, cette acquisition sera faite sous la surveillance du préfet. Si elle n'est pas suffisante pour acheter 50 francs de rentes, le préfet en réglera l'emploi.

Art. 311. Tous les travaux qu'une commune aura à faire en vertu de la présente loi, seront, si fait n'a déjà été, évalués par devis, et ensuite faits, reçus et payés comme les travaux publics nationaux, sous l'inspection gratuite d'un ingénieur du département et sous la surveillance du préfet du département.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

L'ordre du jour appelle la discussion de dix projets de loi d'intérêt local, présentés par le conseiller d'Etat Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély), dans la séance du 24 ventôse, et adoptés par le Tribunat, dans la séance du 28 du même mois. Ces projets de loi concernent les communes de Grasse, Morlaix, Bruxelles, Valenciennes, Perpignan, Châlons, Chollet, Laumeur, Abbeville et Tournay.

Après avoir entendu le vœu d'adoption émis par les orateurs du Tribunat, le Corps législatif procède au scrutin.

Les dix projets de loi sont adoptés à l'unanimité. Le conseiller d'Etat Defermon, orateur du Gouvernement, donne lecture d'un projet de loi relatif aux pensions, dont il développe les motifs dans les termes suivants :

Citoyens législateurs, la loi que je viens vous présenter tend à établir un ordre fixe dans une partie intéressante de l'administration publique, en conciliant ce que prescrit l'économie avec ce que commandent la justice et la générosité d'une grande nation envers ceux qui se sont dévoués à son service.

La législation sur les pensions n'avait rien de fixe avant 1789. L'Assemblée constituante, frappée

de la prodigalité avec laquelle on en avait accordé, la supprima par une mesure générale, et régla, par les dispositions de la loi du 22 août 1790, les conditions auxquelles les pensions pourraient être accordées.

La même Assemblée fixa à dix millions la somme qui pouvait être employée en pensions, et à deux millions la somme destinée à accorder des secours, et défendit d'en accorder au delà, sous aucun prétexte.

Elle réduisit à dix mille francs le maximum de la pension que pouvait obtenir un citoyen.

Elle décréta ensuite que les soldes et demi-soldes ne feraient point partie du fonds de dix millions.

Les assemblées qui suivirent l'Assemblée constituante, entraînées par des circonstances extraordinaires, accrurent cette partie des dépenses publiques, soit en déterminant des bases et conditions différentes de celles établies par l'Assemblée constituante, soit en faisant participer à la bienveillance nationale des personnes qui, par suite de leurs services, ou par la suppression des établissements auxquels elles appartenaient, se trouvaient privées de moyens d'existence.

La charge trop considérable qui résulta pour le trésor public de ces nouvelles facilités rendit bientôt nécessaire la diminution du maximum des pensions; et, par la loi du 19 juin'1793, il fut fixé à trois mille francs.

Enfin, en l'an VI, les mêmes considérations firent réduire toutes les pensions au tiers ; et depuis la loi du 9 vendémiaire an VI, aucune pension n'a excédé trois mille francs, et tous les pensionnaires n'ont été payés que du tiers du montant de leurs pensions.

Les défenseurs de la patrie et leurs veuves sont seuls exceptés; et, d'après des lois de l'an VI et de l'an VIII, les pensions qui sont accordées à cellesci, et la solde de retraite accordée aux premiers, sont payées intégralement.

Le montant intégral des pensions liquidées jusqu'à ce jour s'élève à près de 50 millions, et celles qui restent à liquider forment encore une masse considérable. Le Gouvernement a reconnu, avec regret, qu'il était impossible de songer à revenir sur ce qui a été faít; mais il a jugé indispensable de s'occuper de l'avenir.

Presque toutes les parties de l'administration publique ont reçu des améliorations sensibles. Il ne serait pas raisonnable de laisser les fonctionnaires qui servent avec zèle et désintéressement dans l'incertitude cruelle de rester sans récompense et sans ressources, si des infirmités contractées par leurs travaux et leurs veilles les mettaient hors d'état de continuer leurs services. Le Gouvernement a pensé que vous partageriez à cet égard sa sollicitude; et la loi que je vous présente le mettra en état de leur accorder des pensions dont le maximum est fixé à six mille francs, et dont l'ensemble ne pourra excéder chaque année la moitié des extinctions qui auront lieu sur la masse des pensions existantes. Il ne croit pas qu'on puisse faire moins, et la situation de la fortune publique ne permet pas de faire davantage. Déjà, par l'amélioration de la caisse des Invalides de la marine et par les fonds de retenue qui ont lieu dans plusieurs ministères et administrations publiques, le trésor public a été considérablement déchargé. On étendra cette dernière mesure à toutes les parties qui en seront susceptibles; de sorte qu'avec la loi proposée, il y a lieu d'espérer que les bons et longs services recevront leur juste récompense.

Si, dans le cours de cinq années, fixé par l'ar

ticle premier, l'exécution de la loi a produit le résultat qu'on doit s'en promettre, vous le reconnaîtrez par la fixation annuelle du fonds des pensions, qui formera un article particulier de la loi sur les dépenses publiques; et vous ne devez pas douter de l'empressement du Gouvernement à proposer les nouvelles mesures qui pourront être utiles.

Le Gouvernement est persuadé, citoyens législateurs, que vous donnerez votre sanction à une loi qui réunit tous les avantages que les circonstances permettent d'attendre.

Projet de loi sur les pensions.

Art. 1er. Il ne sera, pendant cinq ans, créé, chaque année, de pensions que pour une somme égale à la moitié des extinctions survenues pendant l'année.

Art. 2. Aucune pension ne pourra excéder six mille francs.

Art. 3. Le fonds des pensions fera, chaque année, un article particulier de la loi sur les dépenses publiques. Art. 4. Ne sont pas comprises dans les dispositions de l'article premier les soldes de retraite, les anciennes pensions restantes à liquider, ni les pensions à payer sur les fonds formés par des retenues faites dans diverses administrations sur les traitements des employés.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message. La séance est levée:

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Le Corps législatif arrête qu'il sera fait des messages au Sénat conservateur, au Gouvernement et au Tribunat pour leur annoncer la démission du citoyen Ornano (de Liamone).

On procède au scrutin pour la nomination d'un membre de la commission administrative en remplacement du citoyen Ledanois. Le citoyen Renaut-Lascours obtient la majorité des suffrages.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, titre X, du Code civil, relatif à la minorité, à la tutelle et à l'émancipation.

Les orateurs du Gouvernement et ceux du Tribunat sont introduits.

La parole est à un orateur du Tribunat.

Leroy (de l'Orne) (1). Citoyens législateurs, nous venons vous apporter le vœu d'adoption émis par le Tribunat en faveur du projet de loi, titre X, du Code civil, relatif à la minorité, à la tutelle et à l'émancipation.

De tous les droits que l'homme exerce sous l'em

(1) Nous reproduisons le discours de Leroy (de l'Orne) d'après les impressions ordonnées par le Corps législatif. Cette version diffère sur quelques points de celle du Moniteur.

pire des lois, il n'en est point qui soit plus éminemment social que le droit de propriété. La cause et l'objet de la société sont peut-être également dans ces mots : avoir et conserver. Les autres droits sont sacrés, sans doute; mais ils le sont surtout, parce qu'ils sont la sauve garde du droit de propriété. Aussi, un des signes les moins équivoques des vues libérales d'un législateur, un des caractères les plus certains de la bonté de son ouvrage, c'est la protection religieusement tutélaire assurée à ce premier des avantages de la vie civile. Ordinairement cette protection doit être négative. Il est des cas où elle doit être essentiellement agissante.

L'homme, en général, n'a besoin que de n'être pas gêné dans l'exercice de son activité, de son industrie, de son intelligence. Les membres de la cité sont mis à l'abri des usurpations de la violence, contre lesquelles l'état de nature ne leur offrait aucune garantie. La faiblesse de chacun d'eux est devenue, pour ainsi dire, la force du pouvoir public lui-même : admirables effets de la sociabilité de l'homme, ouvrage admirable du génie observateur qui les coordonne!

Mais les institutions des hommes, tout reureuses qu'elles soient, ne peuvent changer l'ordre de la nature or nous ne sommes pas faibles seulement relativement aux autres, nous pouvons l'être encore par nous-mêmes.

Une longue enfance nous tient sans défense devant toutes les difficultés de la vie. Malheureux que nous sommes, nous n'avons pas même la conscience de notre insuffisance! autre misère de l'espèce humaine. L'âge et l'expérience avaient éclairé l'esprit d'un individu: des vices d'organisation sont développés par les passions, par des peines profondes. Je cherche en vain ce trait propre qui distingue l'homme dans la chaîne des êtres vivants, je cherche en vain sa céleste empreinte : la raison a fui.

L'humanité réclamait dans ces deux cas un appui spécial de la société. Le dernier est réglé par un projet de loi sur lequel vous aurez à-délibérer dans quelques jours, et qui est relatif à l'interdiction. Le premier l'est par le projet dont je vais avoir l'honneur de vous entretenir.

Le Gouvernement, en méditant cette matière, qui n'est pas nouvelle, n'a guère eu qu'à soumettre au principe de l'uniformité les diverses règles, résultat des coutumes et du droit écrit, qui partageaient la France avant la Révolution. Il a dû pourtant opérer les modifications convenables. Nous allons discuter le projet de loi, guidés par cette double considération, dont l'effet doit être de nous mettre à portée de le bien apprécier.

Ce projet se divise en trois chapitres. Le premier traite de la minorité; le second de la tutelle, et se subdivise en neuf sections intitulées : 1o de la tutelle des père et mère; 2o de la tutelle déférée par le père ou la mère; 3o de la tutelle des ascendants; 4° de la tutelle déférée par le conseil de famille; 5o du subrogé tuteur; 60 des causes qui dispensent de la tutelle; 7° de l'incapacité, des exclusions et destitutions de la tutelle; 8° de l'administration du tuteur; 9° des comptes de la tutelle. Le troisième chapitre traite de l'émancipation. Nous allons les parcourir successivement.

De la minorité.

Le chapitre premier ne renferme qu'une seule disposition. D'après cette disposition, la minorité durera jusqu'à vingt et un ans accomplis.

Avant la loi du 20 septembre 1792, la majorité ne commençait, dans presque toute la France, qu'à

vingt-cinq ans; cette loi a fixé à vingt et un ans le terme de la minorité : il n'y a donc ici une innovation que par rapport au temps antérieur. Il nous paraît aisé de le justifier.

La majorité est une institution sociale qui, comme toutes les autres, varia toujours suivant les gouvernements, les mœurs, les climats. A Rome elle fut reculée jusqu'à vingt-cinq ans. Elle a lieu à quinze en Turquie. Nous ne vivons pas sous le ciel brûlant qui permit au législateur de celle-ci de compter sur des facultés hâtives. Le despotisme des pères n'est pas chez nous, comme chez les enfants du farouche Romulus, le ressort principal de la machine politique.

Chez les Francs, la majorité commença aussi à quinze ans. Ce peuple guerrier pensait qu'on était un homme, un citoyen, dès qu'on était soldat. On sait que cet ordre de choses ne changea que lorsque leurs armes, devenues plus pesantes, ne purent plus être portées dans un âge si tendre. La minorité fut alors prolongée jusqu'à vingt et un ans. Nous honorons aussi les vertus militaires; mais nos mœurs ne sont plus assez simples, nos intérêts sociaux assez peu compliqués, pour que la législation qui consacrerait parmi nous, à l'exemple des Francs, la majorité à quinze ans, ne fit pas à ceux qui seraient l'objet de cette faveur un présent seulement funeste.

De tels extrêmes ont donc pu se réaliser ailleurs avec l'aveu de la sagesse; ils seraient pour nous des excès sans motifs.

Quelques-unes de nos provinces, comme la Normandie, reconnaissaient la majorité à vingt et un ans, et ne se plaignirent jamais de cet usage. Nous faisons la même observation, par rapport à toute la France, sur celle de vingt et un ans établie depuis dix ans. Cette majorité convient donc à nos

mœurs.

Ajoutons que l'intérêt de la société est d'étendre le plus possible la vie civile de chacun de ses membres. La loi de 1792 l'étendit véritablement de quatre années pour la plus grande partie de la France. L'état de nos lumières nous autorisait à conserver cette conquête faite sur la nullité de l'enfance. Enfin, la Constitution admettant dès vingt et un ans à l'exercice des droits de citoyen, il eût été peu conséquent de déclarer incapable de l'administration de ses affaires celui qui était reconnu capable de prendre part à l'administration par excellence, à l'administration de l'Etat. Je passe à l'examen du chapitre II.

De la tutelle.

La tutelle est le pouvoir donné par la loi à un citoyen pour défendre celui à qui la faiblesse de son age ne permet pas de se défendre lui-même. La nature a fait les parents les plus sûrs défenseurs de leurs enfants, en les faisant leurs amis les plus tendres. La mission du législateur se borne donc à les suppléer. Le projet de loi statue qu'en cas de mort naturelle ou civile, la tutelle des enfants mineurs et non émancipés appartiendra de plein droit au survivant des père et mère. Cette disposition ne fait que rappeler ce qui était en vigueur dans la portion de la France régie par le droit écrit, et où la mère était préférée à tout autre, sans qu'il fût même besoin du rescrit du prince voulu par les lois romaines. Dans la France coutumière, les mères ne pouvaient être tutrices qu'autant que, sur un avis de parents, elles étaient agréées par le juge. Cette précaution était humiliante pour les mères. La constitution physique des femmes, leur éducation, ne donnent peut-être pas aux mères tout ce qui rend propre à une

bonne administration; mais les pères aiment-ils comme elles? Oh! que ce sentiment exquis de la tendresse maternelle suppléera puissamment quelque infériorité de connaissances !

D'ailleurs, les inconvénients qui pourraient résulter d'une capacité non parfaite sont écartés par le projet. Il est réservé au père le droit de nommer par acte de dernière volonté, ou par une déclaration faite devant le juge de paix ou devant notaire un conseil spécial à la mère survivante, pour l'assister soit dans tous les actes de son administration, soit dans une partie de ces actes qu'il désignera. Ainsi, une mère ne connaîtra plus la honte d'être déclarée indigne de veiller au bonheur de ses enfants, la destinée cruelle de voir confier aux soins d'un autre ceux dont elle a payé si cher l'existence.

Mais la mère se remarie. Le projet veut qu'avant l'acte de mariage elle convoque le conseil de famille, qui décidera si la tutelle doit lui être conservée. A défaut de cette convocation, elle perdra la tutelle de plein droit, et son nouveau mari sera solidairement responsable envers elle des suites de son silence. Il le sera également de la gestion postérieure à son mariage, dans le cas où le conseil de famille conserverait la tutelle à la mère. Ces diverses précautions répondent aux craintes qu'il est naturel de concevoir sur la tendresse d'une mère qui contracte une nouvelle union : cet indice pourtant est quelquefois trompeur. Il est de certaines positions où les veuves, pour l'intérêt même de leurs mineurs, sont obligées de se remarier. Le projet tempère donc sagement la rigueur du droit romain, qui dépouillait la mère de la tutelle par le seul fait des secondes noces.

Le projet de loi suppose le père et la mère décédés. Un tuteur aura pu être donné au mineur, toujours indifféremment, par le dernier mourant. Ainsi celui des parents que la mort vient arracher au fils, dont il était le seul appui, sentira des regrets moins déchirants; il lui laisse un ami, le choix de son cœur ; il meurt, et sa tendresse vivra encore près de cet enfant que la nature abandonne.

Le père et la mère sont morts, et n'ont pas fait choix d'un tuteur. Dans ce cas, la tutelle appartiendra de droit à l'aïeul paternel, à son défaut à l'aïeul maternel, et ainsi en remontant, toujours en préférant le côté paternel. Cette prédilection pour la ligne paternelle est une suite nécessaire de l'organisation même de la famille.

Mais il peut ne pas y avoir d'ascendants. Les tuteurs, ainsi que nous aurons occasion de l'exposer, peuvent être exclus, valablement excusés : alors le soin de pourvoir les enfants d'un tuteur est remis à un conseil de famille. Ce conseil sera Convoqué à la première réquisition des parties intéressées, ou mème d'office par le juge de paix. Six parents ou alliés le formeront dans les cas ordinaires. Si les parents ou alliés ne se trouvent pas en nombre suffisant sur les lieux; si les distances ou toute autre cause ne permettent pas au juge de paix de les appeler, il est autorisé à les remplacer par des citoyens de la commune connus pour avoir eu des relations habituelles d'amitié avec le père ou la mère du mineur. La position du conseil de famille garantit les sentiments affectueux qui doivent l'animer; le juge de paix qui le préside leur donnera la direction de l'impartialité.

Cette bonne composition du conseil de famille nous a paru justifier assez le silence que garde le projet sur les cautions à demander au tuteur, ainsi que l'exigeaient, dans certains cas, les lois romaines. La tutelle est un fardeau; il était

devenu sans motif d'en augmenter le poids. L'usage qui voulait que les parents nominateurs fussent tenus de la mauvaise administration des tuteurs, en cas d'insolvabilité, n'était pas moins déraisonnable la famille a rempli son devoir quand elle fait son choix avec toutes les précautions de la bonne foi, avec tous les soins de la tendresse.

Citoyens législateurs, j'ai parcouru les quatre premières sections du chapitre second, qui embrasse toutes les espèces de tutelles, et j'en ai discuté toutes les dispositions principales.

La section qui vient après traite, ainsi que nous l'avons annoncé, du subrogé-tuteur, qui n'est autre chose que le curateur des pays coutumiers. La curatelle est le complément de la tutelle. Il est possible que le tuteur, souvent le parent du mineur, ait des intérêts communs, en opposition même avec les siens. Le législateur ne devait pas laisser la fidélité aux prises avec l'intérêt. Dans ce cas, un autre protecteur est donné au mineur dans la personne du subrogé-tuteur. Il est pourvu à ce que l'installation du tuteur et celle du subrogé-tuteur soient toujours simultanées.

Il est pris des mesures aussi pour garantir l'indépendance de la surveillance de ce subrogétuteur. Le tuteur ne sera point choisi dans la même ligne que lui; il ne pourra prendre part à sa nomination; il ne pourra jamais provoquer sa destitution, ni voter dans les conseils de famille dont la convocation aurait cet objet.

Après avoir ainsi complété l'organisation de la tutelle, le projet détermine le cas où l'on peut en être dispensé. Sans doute, et nous croyons l'avoir établi en commençant ce discours, la tutelle est une charge publique ; mais la société qui la défère la défère au nom d'un intérêt particulier. Si d'autres devoirs qu'elle a imposés au nom de l'intérêt général sont incompatibles avec les soins que réclame la tutelle, il est raisonnable que ces premières obligations ne soient pas sacrifiées aux secondes. Le projet de loi précise, avec une sage discrétion, les diverses dispenses, ainsi fondées sur des considérations d'utilité commune.

La tutelle est une charge publique ; mais c'est aussi, et d'abord, une charge de famille. Ce sera donc un cas légitime de dispense que celui d'un étranger qui refusera d'accepter une tutelle, parce qu'il y aura sur les lieux ou dans les environs un parent ou un allié capable de la gérer. La loi qui en charge un individu doit vouloir qu'il ait des moyens d'atteindre le but qu'elle se propose. Un age trop avancé, des infirmités graves, présentaient des excuses qui ont été accueillies. Une attention trop partagée pourrait nuire à l'administration; deux tutelles dispenseront d'une troisième; un époux qui peut être déjà occupé de son ménage, de ses enfants, ne sera pas forcé d'accepter une seconde tutelle, si ce n'est celle de ses enfants. Cinq enfauts légitimes autoriseront aussi à refuser toute autre tutelle que celle de ses enfants. Cette faveur était due à la fécondité conjugale, que l'on trouve toujours avec les mœurs et l'amour du travail, ces honorables principes de la prospérité des nations. Les enfants morts seront compris dans le nombre, s'ils ont euxmêmes laissé des enfants actuellement existants.

Les enfants morts en activité de service dans les armées de la République seront toujours comptés. Les Romains, dont la législation consacrait à peu près la même exception, la motivaient avec une noblesse vraiment touchante: Hi qui pro republicá ceciderunt, in perpetuum per gloriam vivere intelliguntur. Ces braves étaient censés vivre toujours leur gloire ne pouvait mourir.

La septième section détermine les incapacités, les occasions d'exclusion et de destitution de la tutelle. La huitième trace la marche de l'administration des tuteurs. La neuvième déclare leur responsabilité, établit diverses mesures de garantie tout à la fois dans leurs intérêts et dans ceux du mineur. J'imiterai le silence de l'orateur da Gouvernement sur ces trois sections, renfermant des dispositions presque en tous points conformes à notre ancienne législation, offrant d'ailleurs des détails, importants à la vérité, mais qui ne sont susceptibles d'aucun développement utile. Je me tairai également sur les deux innovations qu'elles présentent, et que le même orateur n'a point dissimulées.

La première a pour objet de donner plus de solidité aux transactions faites par le tuteur; la seconde, de le délivrer, au bout de dix années, de la crainte d'aucune tracasserie de la part d'un mineur ingrat ou cupide. Je ne pourrais que reproduire ici des motifs qui vous ont été parfaitement développés lors de la présentation du projet de loi.

Il me reste à vous parler de l'émancipation.

De l'émancipation.

Il ne s'agit point ici de l'émancipation si fameuse des Romains, et par laquelle un père affranchissait son fils de la puissance paternelle. Des historiens ont prétendu qu'originairement cette émancipation n'était qu'une vente. L'étymologie du mot et la formule longtemps en usage que prononçait le père dans cette circonstance semblent confirmer leur opinion. Mancipo tibi hunc filium qui meus est, disait le père à un étranger, en présence de sept témoins, dont l'un tenait une balance à la main, comme pour peser la pièce de monnaie, prix du marché.

Et nous aussi, nous avons consacré dans nos lois la puissance paternelle; mais on l'y chercherait en vain avec ces traits barbares. Nous l'y reconnaîtrons ce que la nature la fit: une puissance d'amour et de protection. Mais, quoique l'émancipation qui nous occupe doive aussi produire l'effet de mettre l'enfant qui en sera l'objet hors de l'autorité de ses père et mère, c'est surtout l'effet qu'elle doit avoir relativement aux biens de cet enfant, que nous sommes appelés à considérer.

L'émancipation est un état moyen entre la minorité et la majorité. La distinction établie entre ces deux états repose sur la considération que l'homme n'est, en général, capable de diriger ses affaires qu'à un certain âge. Nous avons fixé cette époque à vingt et un ans. Cette institution, toute positive qu'elle soit, n'en a pas moins son origine dans la nature elle-même, qui nous paraît n'avoir opéré qu'à cet àge le développement des facultés. Mais l'instruction nous apprend que ce développement est plus précoce chez quelques-uns. N'estil pas conséquent de rendre proportionnellement plus précoces aussi les résultats qu'il doit avoir devant les lois? Si cette condescendance du législateur n'est jamais aveugle, si l'exercice qu'il veut en faire peut être un aiguillon pour les vertus à naitre, une récompense pour celles déjà manifestées; sí la loi a toujours en réserve un moyen de réparer une erreur, de punir l'hypocrisie ou d'intimider les penchants vicieux, on sera forcé de convenir que le vœu de la société ne sera pas moins rempli que celui de la raison : or la réunion de tous ces avantages nous paraît être renfermée dans la partie du projet soumise en ce moment à Votre attention.

C'est au père, c'est à la mère, c'est au conseil

de famille que le droit d'émancipation est confié. Qui pourrait mieux apprécier le mineur que ceux qui l'ont sans cesse sous les yeux? Qui pourrait promettre plus de circonspection dans l'exercice même de leur bienveillance que ceux à qui la nature a rendu si précieux le bonheur de celui qui en sera l'objet?

C'est à quinze ans révolus que l'on pourra être émancipé. Quelque heureuse que soit notre organisation, quelques moyens nouveaux qu'ajoute l'éducation, cet âge manquera toujours de cette connaissance des hommes et des choses, de l'expérience, ce don du temps. La loi devait donc au mineur émancipé un dernier appui dans les moments difficiles de son administration. Dans ce cas aussi, elle lui donne un curateur, mais ce n'est plus un maître, c'est un conseil, c'est un ami. Les articles 475, 476, 477 et 478 du projet de loi réalisent cette idée tutélaire qui nous montre le mineur laissé libre dans l'administration de ses biens, et mis pourtant à l'abri du danger de l'inexpérience.

Restait le cas des obligations onéreuses que le mineur émancipé pouvait contracter par voie d'achat ou autrement. Les tribunaux pourront les réduire, en cas d'excès; mais alors le mineur pourra être dépouillé du bienfait de l'émancipation, remis en tutelle, et il y restera jusqu'à sa majorité accomplie: disposition sage offrant tout à la fois la sauvegarde d'une confiance trop facile, une juste punition du désordre et des dissipations. Je terminerai en vous rappelant deux disposi tions déjà consacrées par la jurisprudence actuelle :

La première est celle qui déclare le mineur émancipé de plein droit par le mariage. Comment ne pas reconnaître capable du soin de ses biens celui que l'on a reconnù capable des soins d'époux et de père?

La seconde porte que le mineur émancipé qui fait un commerce est réputé majeur pour les faits qui y sont relatifs. La société devait cette faveur au commerce, dont tous les moyens sont paralysés si ses transactions ne sont pas irrévocables.

Citoyens législateurs, je touche au terme de la carrière que j'avais à parcourir. Si je vous ai exposé avec quelque exactitude les motifs qui ont déterminé l'assentiment du Tribunat, il est maintenant établi, dans vos consciences comme dans les nôtres, que le projet de loi que je viens d'analyser présente l'heureuse combinaison des dispositions diverses de l'ancienne législation de la France, appropriées par la sagesse à notre nouvelle situation politique, à nos mœurs, à l'état de nos lumières. Or tous les caractères d'une bonne loi de ce genre nous paraissent signalés dans ce peu de mots. Nous pensons donc que le titre X du Code civil, relatif à la minorité, à la tutelle et à l'émancipation, n'est pas moins digne que ceux auxquels vous avez déjà apposé le sceau de la volonté nationale d'être offert à l'attente du peuple français comme à sa reconnaissance.

C'est d'après ces considérations qu'au nom du Tribunat nous en votons l'adoption.

Le Corps législatif ordonne l'impression du discours de Leroy (de l'Orne).

Aucun autre orateur n'ayant demandé la parole, la discussion est fermée.

L'Assemblée procède au scrutin et adopte le projet de loi par 207 boules blanches contre 5 boules noires.

La séance est levée.

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