Page images
PDF
EPUB

entraînait alors la confiscation de toutes celles qu'on surprenait dans la circulation et même chez les particuliers: moyen violent, mais nécessaire lorsqu'on voulait tirer un bénéfice usuraire de la fabrication, et dont nous n'avons heureusement plus besoin de nous servir.

Il n'y a point eu de refonte depuis 1726 jusqu'en 1785. Par sa déclaration du 30 octobre, le roi ordonna que les louis d'or anciens, qui étaient à la taille de trente au marc, cesseraient d'avoir cours, et seraient remplacés par des louis nouveaux à la taille de trente-deux au marc. C'était diminuer la valeur du louis de 1/16. En même temps on statua que les hôtels des monnaies les recevraient pour 25 livres jusqu'au 1er avril suivant, et pour 24 livres 15 sous seulement passé cette époque. Mais comme ce prix de 25 livres n'évaluait les anciens louis qu'à 1/25 de plus que les nouveaux, et qu'ils valaient réellement 1/16 au-dessus de ceux-ci; et que, d'un autre côté, la peine de la confiscation était tombée en désuétude et n'était point rappelée dans l'édit, un grand nombre de louis anciens continuèrent à circuler, non sans avoir été réduits par la rognure au poids des nouveaux.

Pendant les premières années de la Révolution, on songea beaucoup plus à multiplier les pièces de monnaie qu'à supprimer l'usage d'aucunes d'entre elles.

La loi du 16 vendémiaire an II est la première qui contienne quelque disposition propre à faire disparaître les pièces anciennes. En fixant les frais de fabrication des matières d'or et d'argent à 1/100 du poids de l'argent, et à 1/300 du poids de l'or, elle en exemptait néanmoins les anciennes monnaies de France, en considération de ce qu'elles les avaient déjà payés une fois. Ce fut pour peu de temps. Suivant le tarif du 26 pluviose de la même année, elles ne sont plus payées aux hôtels des monnaies que sur le même pied que les lingots et monnaies étrangères. Mais comme les lingots n'avaient point cours de monnaie, et que les pièces anciennes jouissaient encore de cet avantage, le public n'était point encouragé à les porter à la monnaie concurremment avec les lingots.

La loi du 28 thermidor an III, fondamentale de notre monnaie républicaine, confirme cette disposition, qui n'était pas de nature, comme on voit, å opérer le retirement de nos anciennes espèces.

Celle du 9 frimaire an IV fut accompagnée d'inconvénients graves qui la firent rapporter le 26 germinal suivant. Elle affranchissait de tous frais de fabrication les matières d'or et d'argent, de façon que l'hôtel des monnaies rendait en écus de 5 francs la mème quantité d'argent fin qu'on lui portait; mais il la rendait réduite à un titre uniforme, certifié; et l'on était intéressé à lui porter des métaux pour épargner les frais d'affinage et les refondre ensuite.

Les choses furent rétablies sur le pied où les avait mises la loi du 28 thermidor an III, dont nous venons de voir l'inconvénient; et elles sont restées de même jusqu'à un arrêté du 27 messidor an X, qui exempte les matières d'argent des frais d'administration générale en les laissant chargées des frais de monnayage.

Enfin le projet de loi qui vous est soumis, en exemptant de tous frais les anciennes espèces de France seulement, et non les lingots et les espèces étrangères, est plus conforme aux principes et plus propre à accélérer la refonte et l'uniformité désirable dans nos monnaies. Espérons que ces conséquences seront graduellement étendues aux

autres espèces anciennes, à mesure que l'activité de nos ateliers monétaires fournira les moyens de les remplacer; et que, par une suite de ces réformes, la circulation des grosses sommes sera successivement débarrassée du quarantième en monnaie de cuivre, qui produit tous les effets d'un véritable alliage, et empêche que notre monnaie ne jouisse, dans nos rapports commerciaux, de la faveur que mérite l'excellence de ses bases et la fidélité de sa fabrication.

L'article 4 du projet porte que le tarif, suivant lequel ces pièces seront reçues dans les paiements et aux hôtels des monnaies sera déterminé par un règlement d'administration publique. Ce tarif sera calculé suivant la quantité de métal fin contenu dans les anciennes monnaies. L'article 6 de la loi du 16 vendémiaire an II les admettait, savoir les pièces d'argent sur le pied de 10 deniers 21 grains, et les pièces d'or sur le pied de 21 carats 17/32 et de 21 carats 21/32, suivant qu'elles étaient antérieures ou postérieures à l'année 1786. Peutêtre aurait-il été à désirer que le tarif fût de même annexé à la loi actuelle; mais vous remarquerez qu'il y a peu d'inconvénient à ce qu'il en soit séparé, puisqu'il ne peut pas être contraire à l'article 3, qui veut que les pièces anciennes soient échangées contre des pièces neuves, sans aucune retenue, c'est-à-dire fin pour fin, en termes de mounaies.

Il me reste à vous parler, tribuns, du dernier article. Il est ainsi conçu :

Les auteurs, fauteurs et complices de l'alté«ration et de la contrefaçon des monnaies na«<tionales, seront punis de mort. »

Le Code pénal, confirmé en ce point par la loi du 3 brumaire an IV, sur l'instruction criminelle, les condamne seulement à quinze années de fers. Vous savez que la peine de mort est prononcée, par d'autres lois, contre les contrefacteurs de papiers nationaux. Ici, comme en beaucoup d'autres occasions, la peine avait été mesurée, non sur le degré de perversité que suppose le délit, mais sur le tort qui en résulte pour la société. Cependant, à considérer, même sous ce point de vue, le délit qu'il s'agit de réprimer, on s'apercevra que, s'il tend à introduire dans la société des valeurs fausses en sommes moins considérables, il donne lieu à des faux plus multiplés, à des faux dont il est plus difficile d'anéantir les traces, et qui vont porter le ravage dans la chétive propriété du pauvre.

L'exposé des motifs du projet de loi s'étant étendu principalement sur la nécessité de réprimer la contrefaçon et l'altération des monnaies par une peine sévère, par une peine à laquelle les fruits du crime lui-même ne donnassent pas les moyens de se soustraire, je n'insisterai pas sur ce point, et me bornerai à vous faire remarquer que, Si quelques criminalistes s'effrayaient de la dangereuse extension que pourrait recevoir le mot fauteurs, dans le cas où il serait appliqué à des personnes qui exposeraient innocemment dans la circulation des pièces altérées, ils devraient se rassurer par l'adjonction du mot complice, dont le sens est beaucoup mieux déterminé dans les tribunaux criminels, et dont la définition, très-importante et très-bien faite, occupe un titre entier du Code pénal.

Tribuns, je me suis efforcé de vous faire connaître le fondement et l'esprit de la loi sur laquelle vous êtes appelés à délibérer. Vous avez vu que ce serait en vain qu'on espérerait arriver à l'uniformité du système monétaire, si l'on n'offrait pas au public des motifs, puisés dans son intérêt, de se défaire des pièces anciennes en commençant

par les plus altérées. Je vous ai exposé les principes d'économie politique suivant lesquels il parait juste et convenable de faire supporter aux porteurs de pièces altérées la perte résultant de l'altération, qu'elle soit le résultat de la fraude ou l'effet naturel de la circulation, et de ne pas leur faire supporter la perte du changement de l'empreinte, qui est le fait du Gouvernement; j'ai cherché à vous faire sentir qu'il convenait surtout de reconnaître ces principes au moment où l'on désire retirer des espèces dont la disparité et la dégradation embarrassent le commerce, compliquent les comptes et favorisent la mauvaise foi; j'ai comparé les dispositions principales du projet de loi avec les parties de notre législation antérieure qui ont statué sur le même objet; enfin, j'ai justifié à vos yeux la punition sévère, mais juste, qui doit contribuer à préserver notre monnaie nouvelle des altérations que l'ancienne a subies. C'est d'après les considérations que je viens d'avoir l'honneur de vous soumettre que votre section des finances a reconnu, je ne dis pas seulement l'opportunité de cette loi, mais son indispensable nécessité, et qu'elle a été unanimement d'avis de vous en proposer l'adoption.

Le Tribunat ordonne l'impression du rapport de Say.

La séance est levée.

[blocks in formation]

Art. 1er. Les communes qui ont obtenu, dans les tribunaux civils, des jugements qui leur ont adjugé des droits de propriété ou d'usage, soit dans les forêts nationales, soit dans celles où la République a quelque intérêt, et à l'exécution desquels il a été sursis par la loi du 29 floréal an III, produiront par-devant le préfet de leur département lesdits jugements et les pieces justificatives, dans le délai de six mois, passé lequel, et, faute de ce faire, lesdits jugements seront regardés comme

non avenus.

Art. 2. Il sera procédé à l'examen et révision desdits jugements, conformément aux articles 2 et 3 de la loi du 28 brumaire an VII.

Art. 3. Le délai pour y statuer sera d'un an, à dater du jour de la remise qui aura été faite des jugements et des pièces. Le même délai est accordé, à compter de la publication de la présente, pour prononcer sur les jugements et pièces justificatives précédemment produits, et sur lesquels il n'a pas été statué. Ces délais expirés, les jugements qui n'auront pas été attaqués par la voie de l'appel auront leur plein et entier effet.

Art. 4. L'article 5 de la loi du 28 brumaire an VII est maintenu; toutes autres dispositions de loi contraires à la présente sont abrogées.

Exposé des motifs.

Citoyens législateurs, une loi du 28 août 1792 autorisa les communautés d'habitants à se pourvoir, dans l'espace de cinq ans, par-devant les tribunaux, à l'effet de faire annuler les triages et partages ou concessions de bois et forêts au préjudice de leurs usages, et de faire réviser ou réformer les cantonnements prononcés par jugements, ou convenus par transactions.

Celle du 10 juin 1793 soumit à l'arbitrage forcé la connaissance des contestations relatives à ces objets.

Ainsi, du 28 août 1792 au 10 juin 1793, les tribunaux ordinaires purent prononcer sur les demandes des communautés d'habitants; et, à compter du 10 juin 1793, ils furent remplacés par les arbitrages forcés.

On ne tarda pas à reconnaître les inconvénients de cette législation, et dès le 7 brumaire an III, une loi suspendit provisoirement, et jusqu'à ce qu'il en eût été autrement ordonné, toute exploitation de bois dans lesquels les communes étaient rentrées en vertu de sentences arbitrales.

Une loi du 29 floréal suivant étendit cette suspension aux réintégrations prononcées par des jugements des tribunaux, de sorte que les lois des 28 août 1792 et 10 juin 1793, et les jugements qui en avaient été la suite, se trouvèrent dès lors dans un état de suspension absolu.

Les lois des 28 brumaire an VII et 11 frimaire an IX ont déterminé les mesures nécessaires pour mettre un terme à la suspension des sentences arbitrales; mais il n'a pas encore été statué sur les moyens de faire cesser la suspension prononcée contre les jugements rendus d'après la loi du 28 août 1792.

Il n'est pas nécessaire d'insister sur les inconvénients qui résulteraient d'un plus long retard à s'occuper de cet objet; il faut que les communes jouissent en pleine propriété des bois que les jugements leur ont accordés, ou que ces jugements soient réformés et annulés.

Le projet de loi soumis à votre sanction, citoyens législateurs, n'a pas d'autre objet ; et quant aux dispositions accessoires, elles sont conformes à celles que vous avez déjà adoptées pour parvenir à la vérification de l'équité des sentences arbitrales, et prévenir la spoliation du domaine public.

Le Gouvernement est donc bien persuadé que vous donnerez votre sanction à ce projet.

Les citoyens Fourcroy, Berenger et Réal sont introduits :

Le citoyen Foureroy présente un projet de loi concernant l'organisation des écoles de pharmacie, dont il développe les motifs en ces termes :

Citoyens législateurs, le projet de loi dont je vais vous donner lecture est la suite et le complément de la loi sur l'exercice de la médecine; il en est aussi la conséquence; car le traitement heureux des maladies suppose la bonne préparation des médicaments.

Dans l'antiquité, cette préparation ne fut pas séparée de la médecine. Chez les premiers peuples civilisés, les médecins trouvaient dans les productions les plus communes de la nature, dans les eaux, l'air, la chaleur, la lumière, les aliments, dans les affections morales elles-mêmes, des armes pour combattre les maux qui nous affligent. Mais le nombre des maladies s'étant accru comme celui des hommes réunis dans l'enceinte étroite des cités, et comme celui des passions qui les ont agités, les recherches et les connaissances, étendues dans la même proportion, ont tellement multiplié les substances médicamenteuses, et surtout leur mélange et leurs diverses modifications, que l'art de les disposer pour les malades a dû nécessairement former une occupation et une profession particulières. Cette profession a été constamment surveillée par tous les gouvernements: chez toutes les nations modernes, les règlements qui la concernent sont plus ou moins sévères, et la police en dirige partout l'exécution.

Avant la Révolution, la pharmacie était soumise

1

en France à une foule de modes, variés suivant les différentes provinces, soit pour la réception de ceux qui voulaient l'exercer, soit pour la surveillance de la préparation et de la vente des drogues simples et composées. Des abus sans nombre existaient dans cette partie qui intéresse la vie des hommes. On colportait impunément dans les villes, on vendait dans toutes les places, et surtout dans les foires, des préparations mal faites ou sophistiquées, qui ajoutaient encore aux ravages produits par Timpéritie des guérisseurs. Dans les grandes villes seulement, les pharmaciens, établis après un apprentissage assez long et des épreuves assez rigoureuses pour assurer leur capacité, préparaient des médicaments qui méritaient la confiance des médecins et des malades. Paris seul se distinguait par l'établissement d'un collége de pharmacie où l'enseignement des sciences qui éclairaient la pratique de cet art était fait avec soin. Aucun autre établissement public analogue n'existait en France.

La création de six écoles de médecine a fourni au Gouvernement l'idée et l'occasion d'établir à côté de chacune d'elles une école de pharmacie, et d'instituer ainsi entre ces deux genres d'enseignement une analogie qu'appelaient la nature et le but de ces écoles.

Tel est l'objet du titre premier du projet de loi qui vous est soumis. Six écoles de pharmacie, placées dans les mèmes villes que les six écoles de médecine, instruiront les écoles de cet art, en surveilleront l'exercice, en dénonceront les abus et en étendront les progrès. Il y sera institué, à cet effet, des cours d'histoire naturelle, de chimie et de pharmacie proprement dite. Le Gouvernement donnera à chacune de ces écoles, et à mesure qu'il l'instituera, les règlements nécessaires à son administration. Ainsi sera étendu pour toute la République le bienfait d'une instruction dont Paris seul avait joui jusqu'à présent. Comme dans cette ville, les frais des cours et l'entretien de cinq autres écoles de pharmacie seront pris sur le produit des réceptions, et, de plus, sur celui des rétributions que les élèves paieront pour les leçons qu'ils s'empresseront d'y prendre. Ce qui a été adopté pour l'étude de la médecine doit convenir par les mêmes raisons à l'étude de la pharmacie.

C'est en vain que quelques personnes paraissent craindre que l'école de Paris ne perde, par l'érection de cinq autres écoles, la considération et le lustre dont elle a joui depuis un siècle. Elle ne formera plus, en effet, un college comme celui qui existait depuis 1777, parce qu'il ne peut plus exister de corporation. Si sous le nom d'école gratuite de pharmacie, ce collége a subsisté jusqu'à présent avec une forme très-rapprochée de celle qu'il avait avant la Révolution, il est aisé de voir que cette forme, qui permettait aux pharmaciens de Paris de se réunir et de délibérer en corps, n'ajoutait rien à la bonté des leçons, et diminuait à coup sûr de la sévérité des exercices et des examens nécessaires aux réceptions. On regrette, à la vérité, ce privilége de corporation qui avait échappé à la destruction de tous les autres priviléges analogues, parce qu'il est très-naturel aux hommes de regretter une faveur rare, une prérogative qui n'existe nulle part. Mais quelle influence ce privilége, par lequel tous les pharmaciens de Paris, en se réunissant pour s'occuper des intérêts d'une communauté qui n'existe plus, conserveraient le droit d'interroger un aspirant, pourrait-il avoir sur la garantie de l'enseignement et de la réception? L'expérience prouve qu'il diminuait les ressources de l'école par la part, très-faible

néanmoins, que chaque pharmacien avait sur la rétribution des récipiendaires, et que l'enseignement en souffrait. Quant aux examens, ils étaient bien plus superficiels et bien plus légers qu'ils ne le seront désormais, en raison de la multiplicité même des examinateurs et de la brièveté de leurs interrogations. Ce qui le prouve sans réplique, c'est le nombre considérable des récipiendaires qui, redoutant sans doute des examens plus sévères d'après le nouveau projet, se présentent depuis quelques mois. D'ailleurs, le système des corporations est trop éloigné de la législation actuelle, et il est sujet à de trop graves inconvénients pour qu'il soit permis de faire pour la pharmacie ce qui n'a été fait ni pour la médecine ni pour la chirurgie, quoique ces deux sciences aient eu des facultés et des colléges dont l'illustration remontait à plusieurs siècles. Cependant sept années d'existence glorieuse des écoles actuelles de mdecine sans facultés ni colléges prouvent assez que le rétablissement des facultés n'est pas nécessaire à la solidité de l'enseignement, puisque ce dernier est maintenant fort supérieur à celui qui existait avant 1792. Qu'on cesse donc d'annoncer des alarmes qui ne peuvent avoir d'autre fondement qu'un regret hors de saison, et qu'on se persuade qu'une bonne organisation des écoles de pharmacie donnera les mêmes avantages que celle des écoles de médecine.

Le titre second du projet de loi concerne la discipline des élèves. L'art de préparer les médicaments ne s'apprend pas seulement par l'étude théorique et dans les cours. Si celui qui veut le posséder à fond, et y devenir savant, doit suivre les écoles, tous ceux qui se destinent à l'exercer doivent s'adonner à la pratique et se fixer dans les laboratoires des pharmaciens. Comme cette dernière condition est de rigueur, la loi doit fixer le temps d'apprentissage et le mode suivant lequel les jeunes gens destinés à cette profession doivent se conduire chez les pharmaciens et être reconnus élèves; huit années de séjour dans les pharmacies seront exigées d'eux avant leur réception. Trois années de cours dans les écoles leur épargneront cinq années de ce séjour, parce qu'il est bien prouvé qu'une théorie approfondie rend plus prompte et plus sûre la pratique.

La réception des pharmaciens est le sujet du troisième titre. Elle a des rapports avec celle qui a été fixée pour l'art de guérir. Il y aura deux genres de réception : l'un aura lieu dans les six écoles et par leurs professeurs réunis à deux docteurs des écoles de médecine; l'autre, dans les jurys de médecine de chaque département, auxquels seront adjoints quatre pharmaciens. Il était nécessaire de ne pas établir des jurys de pharmacie dans les villes où il y a des écoles, parce que celles-ci eussent été privées des rétributions destinées à les entretenir. Cependant les examens seront les mêmes dans les uns et les autres de ces établissements, parce que les pharmaciens doivent également savoir préparer partout les médicaments usuels. Ils seront théoriques et pratiques, et les règlements veilleront à ce qu'ils soient faits avec une rigueur dont on n'a malheureusement donné que bien peu d'exemples encore. L'expérience prouve que la loi ne saurait rendre trop difficiles des actes de cette espèce; et ces institutions, quelques rapports qu'elles aient avec la sûreté publique, ne sont que trop sujettes à dégénérer et à s'affaiblir par la durée.

Les frais de réception seront de 900 francs dans les écoles de pharmacie, et de 200 seulement dans les jurys. Ce produit fournira à l'entretien des

écoles et au paiement des membres des jurys. L'aspirant devra réunir les deux tiers au moins des suffrages, et prêter serment d'exercer son art avec probité et fidélité. Ainsi, tout homme qui voudra se faire recevoir pharmacien n'oubliera jamais, qu'exerçant un art qui intéresse si essentiellement la vie de ses concitoyens, la moralité et la probité sévères doivent, autant que la science, diriger sa conduite dans l'exercice de sa profession.

Le quatrième et dernier titre embrasse tout ce qui est relatif à la police de la pharmacie. Il prescrit d'abord aux pharmaciens établis d'adresser leurs titres aux autorités administratives et judiciaires, afin que leur droit légal soit constaté; il donne aux pharmaciens reçus dans les écoles le droit de s'établir par toute la République, et il restreint celui des pharmaciens reçus par les jurys à leurs seuls départements respectifs; il défend à tout individu de prendre patente de pharmacien sans avoir été légalement reçu suivant les formes anciennes ou nouvelles; il enjoint à ceux qui seraient établis sans droit et sans titre de se faire examiner et recevoir dans le délai de trois mois après l'établissement des écoles de pharmacie ou des jurys; il permet cependant aux officiers de santé établis dans les communes où il n'y aura pas de pharmaciens, de tenir des drogues pour les malades qu'ils traiteront. Cette disposition est nécessaire et a toujours eu lieu, mais il faut en restreindre les abus; aussi l'article défend-il aux officiers de santé de vendre des médicaments dans une officine ouverte. La liste des pharmaciens légalement établis dans chaque département sera publiée par le préfet, afin qu'on connaisse les hommes dignes de la confiance publique.

A la suite de ces règles générales viennent celles qui sont relatives à l'inspection et à la visite des pharmacies; inspection sans laquelle toutes les dispositions précédentes seraient superflues. Elle n'avait eu lieu jusqu'à présent qu'à Paris et dans quelques grandes villes. Le projet régularise cette mesure pour toute la République. Les jurys de chaque département feront, dans les chefs-lieux et dans les communes qui en dépendent, ce que les écoles de pharmacie seront chargées de faire dans les villes où elles seront établies, et dans celles situées à 10 lieues de rayon de ce centre d'instruction pharmaceutique.

Il est ensuite prescrit aux pharmaciens de ne pas vendre de remèdes secrets, de ne faire aucun autre commerce que celui des drogues, de se conformer aux dispensaires ou formulaires des écoles de médecine pour la préparation des médicaments. La liste des remèdes secrets ou des compositions particulières que les journaux annoncent chaque jour, même chez les pharmaciens de Paris, prouve un relâchement dangereux dans cette partie de la police, et une licence dont le plus grand nombre des hommes de l'art gémit et se plaint avec raison. Mais, si la loi limite ainsi le commerce et la distribution des drogues dans les officines de pharmacie, elle doit aussi ne plus permettre aux épiciers de débiter les médicaments à côté des poisons de tous genres et des substances alimentaires qu'ils distribuent à tous les instants de la journée. Il faut d'ailleurs que chacun ne fasse que ce qu'il sait faire, dans des professions et des commerces qui intéressent la santé et la vie; il faut détruire les abus et détruire les accidents et les malheurs dont le nombre se multiplie d'une manière effrayante. Voilà pourquoi le projet de loi rappelle de nouveau, à

la fin de ce dernier titre, les précautions relatives à la vente des substances acres et vénéneuses. Si ces mesures avaient toujours été exécutées avec la sévérité qu'elles exigent, peut-être que les crimes affreux dont nous venons d'ètre témoins n'auraient point effrayé l'humanité.

Enfin, deux dernières dispositions entièrement nouvelles ajouteront encore aux avantages que promet à la société le projet qui vous est soumis : l'une est relative aux herboristes, genre de profession trop peu surveillé, et qui, exercé par des hommes sans aucune connaissance, peut produire de grands maux et faire naître des erreurs bien préjudiciables pour les malades; l'autre charge les professeurs des écoles de médecine et de pharmacie de s'occuper de la rédaction d'un dispensaire ou formulaire dont l'état actuel des sciences chimique et pharmaceutique réclame depuis plus de vingt ans une nouvelle édition.

Tels sont, citoyens législateurs, les motifs du projet de loi sur l'exercice de la pharmacie; ils sont fondés sur la nécessité de régulariser tout ce qui tient à cette utile profession; ils sont liés à ceux qui ont dicté la loi sur l'exercice de la médecine: ils vous paraîtront sans doute également avantageux à la République.

Le citoyen Foureroy donne lecture du texte du projet de loi.

Projet de loi.

TITRE PREMIER.

Organisation des écoles de pharmacie.

Art. 1er. Il sera établi une école de pharmacie à Paris, à Montpellier, à Strasbourg, et dans les villes où seront placées les trois autres écoles de médecine, suivant l'article 25 de la loi du 11 floréal an X.

Art. 2. Les écoles de pharmacie auront le droit d'examiner et de recevoir, pour toute la République, les élèves qui se destineront à la pratique de cet art; elles seront de plus chargées d'en enseigner les principes et la théorie dans des cours publics, d'en surveiller l'exercice, d'en dénoncer les abus aux autorités, et d'en étendre les progrès.

Art. 3. Chaque école de pharmacie ouvrira tous les ans, et à ses frais, au moins trois cours expérimentaux, l'un sur la botanique et l'histoire naturelle des médicaments, les deux autres sur la pharmacie et la chimie.

Art. 4. Il sera pourvu, par les règlements d'administration publique, à l'organisation des écoles de pharmacie, à leur administration, à l'enseignement qui y sera donné, ainsi qu'à la fixation de leurs dépenses et au mode de leur comptabilité.

Art. 5. Les donations et fondations relatives à l'enseignement de la pharmacie, pourront être acceptées par les préfets, au nom des écoles de pharmacie, avec l'autorisation du Gouvernement.

TITRE II.

Des élèves en pharmacie et de leur discipline. Art. 6. Les pharmaciens des villes où il y aura des écoles de pharmacie feront inscrire les élèves qui demeureront chez eux, sur un registre tenu à cet effet dans chaque école; il sera délivré à chaque élève une expédition de son inscription, portant ses nom, prénoms, pays, âge et domicile; cette inscription sera renouvelée tous les ans.

Art. 7. Dans les villes où il n'y aura point d'école de pharmacie, les élèves domiciliés chez les pharmaciens seront inscrits sur un registre tenu à cet effet par les commissaires généraux de police, ou par les maires.

Art. 8. Aucun élève ne pourra prétendre à se faire recevoir pharmacien, sans avoir exercé pendant huit années au moins son art dans des pharmacies légalement établies. Les élèves, qui auront suivi pendant trois ans les cours donnés dans une des écoles de pharmacie, ne seront tenus, pour être reçus, que d'avoir résidé trois autres années dans ces pharmacies.

Art. 9. Ceux des élèves qui auront exercé pendant trois ans, comme pharmaciens de deuxième classe, dans les hôpitaux militaires ou dans les hospices civils, seront

admis à faire compter ce temps dans les huit années exigées.

Ceux qui auront exercé dans les mêmes lieux, mais dans un grade inférieur, pendant au moins deux années, ne pourront faire compter ce temps, quel qu'il soit, que pour ces deux années."

Art. 10. Les élèves paieront une rétribution annuelle pour chaque cours qu'ils voudront suivre dans les écoles de pharmacie; cette rétribution, dont le maximum sera de 36 francs par chacun des cours, sera fixée pour chaque école par le Gouvernement.

TITRE III.

Du mode et des frais de réception des pharmaciens. Art. 11. L'examen et la réception des pharmaciens seront faits, soit dans les six écoles de pharmacie, soit par les jurys établis dans chaque département pour la réception des officiers de santé, par l'article 16 de la loi du 19 ventôse an XI.

Art. 12. Aux examinateurs désignés par le Gouvernement pour les examens dans les écoles de pharmacie, il sera adjoint, chaque année, deux docteurs en médecine ou en chirurgie, professeurs des écoles de médecine; le choix en sera fait par les professeurs de ces écoles.

Art. 13. Pour la réception des pharmaciens par les jurys de médecine, il sera adjoint à ces jurys, par le préfet de chaque département, quatre pharmaciens légalement reçus, qui seront nommés pour cinq ans et qui pourront être continués; à la troisième formation des jurys, les pharmaciens qui en feront partie ne pourront ètre pris que parmi ceux qui auront été reçus dans l'une des six écoles de pharmacie créées par la présente loi. Art. 14. Ces jurys, pour la réception des pharmaciens, ne seront point formés dans les villes où seront placées les six écoles de médecine et les six écoles de pharmacie.

Art. 15. Les examens seront les mêmes dans les écoles et devant les jurys; ils seront au nombre de trois : deux de théorie, dont l'un sur les principes de l'art, et l'autre sur la botanique et l'histoire naturelle des drogues simples; le troisieme, de pratique, durera quatre jours, et consistera dans au moins neuf opérations chimiques et pharmaceutiques désignées par les écoles ou les jurys. L'aspirant fera lui-même ces opérations; il en déciira les matériaux, les procédés, les résultats.

Art. 16. Pour être reçu, l'aspirant, âgé au moins de vingt-cinq ans accomplis, devra réunir les deux tiers des suffrages des examinateurs. Il recevra des écoles ou des jurys un diplôme qu'il présentera, à Paris, au préfet de police, et dans les autres villes, au préfet de département, devant lequel il prètera le serment d'exercer son art avec probité et fidélité. Le préfet lui délivrera, sur son diplôme, l'acte de prestation de serment.

Art. 17. Les frais d'examen sont fixés à neuf cents franc: dans les écoles de pharmacie, à deux cents francs pour les jurys. Les aspirants seront tenus de faire, en our, les dépenses des opérations et des démonstratious qui devront avoir lieu dans leur dernier examen.

Art. 18. Le produit de la rétribution des aspirants pour leurs études et leurs examens dans les écoles de pharmacie sera employé aux frais d'administration de ces écoles, ainsi qu'il sera réglé par le Gouvernement, conformément à l'article 4 ci-dessus.

Art. 19. Le même règlement déterminera le partage de la rétribution payée par les pharmaciens, pour leur réception dans les jurys, entre les membres de ces jurys.

Art. 20. Tout mode ancien de réception, dans des lieux et suivant des usages étrangers à ceux qui sont prescrits par la présente loi, est interdit et ne donnera aucun droit d'exercer la pharmacie.

TITRE IV.

De la police de la pharmacie.

Art. 21. Dans le délai de trois mois après la publication de la présente loi, tout pharmacien ayant officine ouverte sera tenu d'adresser copie légalisée de son titre, à Paris, au préfet de police, et dans les autres villes, au préfet de département.

Art. 22. Ce titre sera également produit par les pharmaciens, et sous les délais indiqués, au greffe des tribunaux de première instance dans le ressort desquels se trouve placé le lieu où ces pharmaciens sont établis.

Art. 23. Les pharmaciens reçus dans une des six écoles de pharmacie pourront s'établir et exercer leur profes

sion dans toutes les parties du territoire de la République.

Art. 24. Les pharmaciens reçus par les jurys ne pourront s'établir que dans l'étendue du département où ils auront été reçus.

Art. 25. Nul ne pourra obtenir de patente pour exercer la profession de pharmacien, ouvrir une officine de pharmacie, préparer, vendre ou débiter aucun médicament, s'il n'a été reçu suivant les formes voulues jusqu'à ce jour, ou s'il ne l'est dans l'une des écoles de pharmacie, ou par l'un des jurys, suivant celles qui sont établies par la présente loi, et après avoir rempli toutes les formalités qui y sont prescrites.

Art. 26. Tout individu qui aurait une officine de pharmacie actuellement ouverte, sans pouvoir faire preuve du titre légal qui lui en donne le droit, sera tenu de se présenter, sous trois mois, à compter de l'établissement des écoles de pharmacie ou des jurys, à l'une de ces écoles ou à l'un de ces jurys, pour y subir ses examens et y être reçu.

Art. 27. Les officiers de santé établis dans des bourgs, villages ou communes où il n'y aurait pas de pharmaciens ayant officine ouverte, pourront, nonobstant les deux articles précédents, fournir des médicaments simples ou composés aux personnes près desquelles ils seront appelés, mais sans avoir le droit de tenir une officine

ouverte.

Art. 28. Les préfets feront imprimer et afficher, chaque année, les listes des pharmaciens établis dans les différentes villes de leur département; ces listes contiendront les noms, prénoms des pharmaciens, les dates de leur réception et les lieux de leur résidence.

Art. 29. A Paris et dans les villes où seront placées les nouvelles écoles de pharmacie, deux docteurs et professeurs des écoles de pharmacie, et assistés d'un commissaire de police, visiteront au moins une fois l'an les officines et magasins des pharmaciens et droguistes, pour vérifier la bonne qualité des drogues et médicaments simples et composés. Les pharmaciens et droguistes seront tenus de représenter les drogues et compositions qu'ils auront dans leurs magasins, officines et laboratoires. Les drogues mal préparées ou détériorées seront saisies à l'instant par le commissaire de police, et il sera procédé ensuite conformément aux lois et règlements actuellement existants.

Art. 30. Les mêmes professeurs en médecine et membres des écoles de pharmacie pourront, avec l'autorisation des préfets, sous-préfets ou maires, et assistés d'un commissaire de police, visiter et inspecter les magasins de drogues, laboratoires et officines des villes placées dans le rayon de dix lieues de celles où sont établies les écoles, et se transporter dans tous les lieux où l'on fabriquera et débitera, sans autorisation légale, des préparations ou compositions médicinales. Les maires et adjoints, ou, à leur défaut, les commissaires de police, dresseront procès-verbal de ces visites, pour, en cas de contravention, être procédé contre les délinquants conformément aux lois antérieures.

Art. 31. Dans les autres villes et communes, les visites indiquées ci-dessus seront faites par les membres des jurys de médecine, réunis aux quatre pharmaciens qui leur sont adjoints par l'article 13.

Art. 32. Les pharmaciens ne pourront livrer et débiter des préparations médicinales ou drogues composées quelconques que d'après la prescription qui en sera faite par des docteurs en médecine ou en chirurgie, ou par des officiers de santé, et sur leur signature. Ils ne pourront vendre aucun remède secret; ils se conformeront, pour les préparations et compositions qu'ils devront exécuter et t'nir dans leurs officines, aux formules insérées et décrites dans les dispensaires ou formulaires qui ont été rédigés ou qui le seront dans la suite par les écoles de médecine. Ils ne pourront faire dans les mêmes lieux ou officines aucun autre commerce ou débit que celui des drogues ou préparations médicinales.

Art. 33. Les épiciers et droguistes ne pourront vendre aucune composition ou préparation pharmaceutique, sous peine de cinq cents francs d'amende. Ils pourront continuer de faire le commerce en gros des drogues simples, sans pouvoir néanmoins en débiter aucune au poids médicinal.

Art. 34. Les substances vénéneuses, et notamment l'arsenic, le réalgar, le sublimé corrosif, seront tenues dans les officines des pharmaciens et les boutiques des

35

« PreviousContinue »