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Si le navire est arrêté avant le voyage commencé, c'est-à-dire si les risques pour compte des assureurs n'ont pas encore couru, c'est alors un danger de terre, qui ne peut être à la charge des assureurs. Toutes les pertes, les dommages et toutes les dépenses faites pour le navire, les journées des matelots, etc., sont étrangères aux assureurs, parce qu'ils n'étaient pas effectivement assureurs, et qu'ils ne devaient l'être que depuis l'instant où le navire aurait mis à la voile. (Art. 328 et 341 du Code de commerce).

Si le prince, dit le Guidon de la mer, arrête , le navire comme s'il s'en voulait servir; s'il avait ▶ affaire de portion ou de toute la marchandise; > s'il ne veut permettre aux navires de sortir qu'en , flottes, ou redoublement d'équipage, ou s'il prévoyait à plus grand danger les arrêtans pour quelque tems, l'assureur n'est en aucune indemnité, › quand telle chose avient dedans le même port, pour ce que ce sont des dangers de la terre, pro> cédant du vouloir du prince. ) (Guidon de

la mer, chap. 9, art. 6).

Mais si le sinistre, ou les dommages arrivés au navire pendant le tems de l'arrêt de prince, et avant le risque commencé, ainsi que les journées employées à l'équiper, dont il est parlé dans l'article 253, concernent les seuls propriétaires, sans qu'ils puissent avoir recours contre leurs assureurs, il n'en est pas ainsi, si le navire est arrêté après le départ du navire, c'est-à-dire après les risques

commencés. Dans ce dernier cas, les assureurs sont garans de toutes les pertes occasionnées par cas fortuits et fortunes de mer, relativement à l'intérêt assuré, et ils doivent supporter l'avarie résultant de la nourriture et des loyers des matelots dont parle l'art. 254, pour la part dont l'assuré en a été tenu. (Voyez Pothier, n°. 57, et Émérigon, tom. 1, pag. 538).

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Lorsque, par exemple, pour éviter l'ennemi, un navire qui est en voyage s'arrête dans un port, ou sous le canon d'une citadelle, les dépenses faites pendant ce séjour forcé sont avaries grosses, à la charge des assureurs.

L'ordonnance concernant les consulats, du 3 mars 1781, disposait, tit. 3, art. 46: « Lorsque les bâtimens seront détenus dans les Échelles » par ordre des puissances du pays, de l'ambas»sadeur du Roi, et des consuls ou vice-consuls, → par la crainte des corsaires ou pirates, ou à l'oc› casion d'accidens de peste survenus dans lesdits » bâtimens, il ne sera payé que demi-salaire aux équipages pendant tout le tems de la détention, > lequel sera constaté par l'ambassadeur du Roi à » Constantinople, et par les consuls ou vice-con» suls des autres Échelles.» Ce demi-salaire pendant la détention était sans doute à la charge des assureurs comme avarie grosse, à moins qu'ils n'eussent stipulé dans la police le pacte franc d'avaries.

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La distinction que nous venons de faire, comme

l'observe Émérigon, loco citato, n'a pas lieu à l'égard des marchandises assurées, et la raison en est simple: c'est que les art. 328 et 341 du Code de commerce mettent aux risques des assureurs les marchandises assurées, dès le moment qu'elles sont chargées dans les navires ou dans les gabares pour les y porter.

Il faut cependant supposer ici que l'assurance a été faite sans détermination de tems; car si, dans le cas contraire, l'arrêt de prince avait eu lieu hors le tems déterminé, les assureurs ne seraient pas responsables.

Pothier dit, au no. 57, que lorsque le prince a pris, dans un cas de besoin, en tout ou en partie, les marchandises assurées, et en a payé le prix, l'assuré étant payé du prix de ses marchandises ne souffre aucune perte, et n'a par conséquent aucun recours contre les assureurs.

Cependant il faut faire observer que Pothier a sans doute raison, si le prince qui fait arrêt et prend les effets de la cargaison les paie le prix qu'ils auraient été vendus au lieu de leur destination. Dans ce cas, l'assuré n'a rien à demander aux assureurs, puisqu'il ne souffre aucune perte.

Mais s'il y a lésion dans la vente forcée des effets arrêtés par un prince ami, si le prix de cette vente n'égale pas celui que l'assuré aurait eu de sa marchandise au lieu de sa destination, les assureurs. sont responsables de la différence, sans cependant qu'on ait égard au profit espéré de la marchandise.

Il suffit que l'assuré recouvre la valeur primitive de sa chose au moment du départ, avec ses frais de mise dehors, tels que ceux de chargement, de nolis, prime, etc. Le but de l'assurance est de garantir l'assuré de la perte, et non, en aucun cas, de lui faire avoir du profit. C'est dans ces principes qu'ont été rendus deux arrêts rapportés par Émérigon, tom. 1, pag. 553 et suiv. (Voyez d'ailleurs Valin sur l'art. 49, titre des assurances, Guidon de la mer, chap. 7, art. 6, et chap. 9, art. 13).

et le

Si les souverains amis peuvent arrêter, pour nécessité publique, les navires étrangers, d'après la pratique de l'Europe, comme le dit Vattel, liv. 2, chap. 9, S 121, à plus forte raison le Roi peut-il prendre, pour le service de l'État, les vaisseaux de ses sujets, et employer au même usage les navires neutres qui se trouvent dans les ports ou rades de France. Par les lois romaines, les propriétaires des navires étaient obligés de fournir leurs bâtimens pour le transport des bleds et pour autres nécessités publiques: Cùm omnes in commune, si necessitas exegerit, conveniat utilitatibus publicis obedire. (L. 1, C. de navibus non excusandis).

Il en est de même parmi nous. Les armateurs des navires le Zéphir et la Constance, qui avaient été pris pour le service du Roi dans la guerre de l'indépendance américaine, firent faire des sommations aux commissaires de la marine, et protestèrent contre, etc. Par arrêt du Conseil, en

date du 24 septembre 1781, tous les actes des armateurs furent cassés et annulés, et il leur fut fait défense, ainsi qu'à tous négocians, d'en faire passer et signifier de semblables, sous peine de punition exemplaire, etc.

Les docteurs ont agité la question de savoir si, pendant l'expédition, le navire périt, ou s'il est pris par l'ennemi, le prince doit en payer la valeur? Mais les docteurs sont partagés sur ce point. Les uns, tels que Peckius, Parésius et Kuricke, soutiennent la négative, sauf certaines modifications; d'autres, tels que de Luca et Marquardus, disent que le souverain doit payer.

Nous pensons que le prince, en payant le fret (et, dans ce cas, les souverains ne manquent jamais d'accorder un nolis convenable), n'est point responsable des fortunes de mer, à moins que le souverain ne s'en soit rendu responsable. C'est, dans le cas contraire, aux propriétaires à pourvoir à leurs assurances, parce que le souverain n'est point assureur de droit des navires qu'il prend pour le service de l'État. Cependant, dans l'ordre du prince, il peut se trouver des conditions d'où il résulte que les risques de mer sont pris à sa charge, et alors il répond du sinistre.

Au reste, il importe peu, pour la responsabilité de l'assureur ou sa non responsabilité, que l'arrêt de prince émane d'un gouvernement étranger ou du gouvernement de l'intéressé au navire; cette distinction n'a rien de réel pour l'assureur. La

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