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prophète de Mahomet? Quel motif pouvait tout à coup le porter à afficher un si grand zèle pour le catholicisme? La religion était-elle autre chose pour lui qu'un masque d'hypocrisie, une machine de sa politique?

Toutefois sa sainteté pensait et espérait qu'instruit par l'expérience de tous les maux dont la plus puissante des nations avait été la victime, pour avoir en quelque sorte caressé l'impiété et nourri le schisme, le nouveau chef qu'elle venait de se donner sentirait qu'enfin il importait à sa sûreté et au bonheur public de rétablir de bonne foi le libre exercice de la religion catholique, et de s'en déclarer le protecteur spécial. Encouragé par cet espoir, Pie VII, dès qu'il entrevit la moindre apparence de pouvoir réparer les pertes de l'Eglise, s'empressa de suivre des négociations qui devaient tendre à ce but. N'était-ce pas un devoir pour le successeur des apôtres, exerçant sur la terre le ministère du Dieu de paix? Ses soins ne devaient-ils pas se porter vers tout ce qui pouvait consolider la paix spirituelle des peuples de France? Le zélé pontife se hâta d'envoyer à Paris monsignor Spina, archevêque de Corinthe, et le père Caselli, ex-général des Servites; l'un profondément instruit dans le droit canon, l'autre dans la théologie. On entama promptement les négociations. Un

concordat fut proposé et discuté; mais des dif ficultés et des obstacles en traversèrent longtemps la conclusion. Animé du désir ardent de concourir à la pacification générale de l'Eglise, le Saint-Père résolut de répandre ses faveurs sur l'église gallicane, et de se prêter jusqu'où pouvait s'étendre le pouvoir de son ministère, à des concessions que réclamaient l'empire des circonstances et la loi de la nécessité. L'arrivée à Paris du cardinal Consalvi, secrétaire d'état, plus au fait que tout autre des véritables intentions de Pie VII, rendit le calme aux consciences et prépara la restauration du culte. Toutes les difficultés ayant été surmontées, le concordat fut signé à Paris le 15 juillet 1801, et ratifié à Rome, par le souverain pontife, le mois sui

vant.

Il avoit fallu l'acheter toutefois par un sacrifice douloureux pour le cœur paternel du chef auguste de l'Eglise. Napoléon voulait une nouvelle circonscription de diocèses, et il la voulait impérieusement; il demandait la démission des anciens titulaires. C'était exiger que tout fût soumis à sa volonté. A la vérité, les anciens évêques avaient offert librement au pape Pie VI, en 1791, de renoncer à leurs siéges, et son successeur fondait sur leur noble dévouement l'espérance de leur démission définitive. S'il eut la

joie de voir le plus grand nombre abdiquer, il eut aussi la douleur d'apprendre que d'autres s'opposaient à ses vues conciliatrices et paternelles il attendit du temps le remède à cette plaie du sanctuaire, et mit la dernière main à l'opération laborieuse du concordat, par sa constitution du 27 novembre de la même année 1801, qui fut agréée par le Gouvernement français. Le cardinal Caprara, légat apostolique du Saint-Siége, était chargé de presser l'exécution de cet arrangement, de régler toutes les autres affaires ecclésiastiques en France, et de donner lui-même l'institution canonique aux évêques désignés, pour remplir la nouvelle circonscription; enfin, le Concordat fut proclamé à Paris le jour de Pàques 1802, quinze jours après la si— gnature du traité d'Amiens avec la Grande Bre→ tagne. La présence du chef du gouvernement, le concours de toutes les autorités civiles et militaires, les acclamations de l'allégresse publique, donnèrent à cette fête de la restauration religieuse un éclat qui rejaillit sur toutes les églises de France.

Réunir de nouveau la nation française sous les douces lois de l'Evangile, sous la doctrine de l'Eglise, tel fut le grand objet du Concordat, et vers un but si salutaire se dirigèrent les vues paternelles du souverain pontife. Telles furent aussi

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les motifs qui décidèrent Sa Sainteté à faire de si grands sacrifices en faveur de cette convention religieuse. Mais combien ses espérances n'ontelles pas été trompées? Malgré tant de faveurs insignes, Napoléon, sous divers prétextes, mit bientôt à l'épreuve les devoirs sacrés et la conscience du Saint-Père; il déchira son cœur, et le jeta dans un état d'affliction profonde. En compensation du Concordat, il ne lui rendit que la destruction de ce même concordat par des articles séparés dits organiques, et qui furent proclamés comme lois de l'Etat par le Corps-Législatif. Ce procédé astucieux du gouvernement français, imaginé dans des vues purement politiques, altérait l'esprit et l'essence du Concordat.

Ainsi, dès la promulgation mème de ce pacte religieux, le Saint-Père fut forcé de s'écrier avec le prophète Voilà que les plus grandes amertumes sont mêlées aux douceurs de la paix!

Il ne dissimula point ces amertumes dans l'allocution prononcée en consistoire secret, le 24 mai 1802, où Sa Sainteté déclara à l'Eglise et aux cardinaux, qu'en proclamant le Concordat, avait ajouté plusieurs articles dont elle n'avait pas eu la moindre connaissance.

on y

Non seulement ces articles ôtaient au culte catholique, dans l'exercice de ses plus importantes

fonctions, une liberté qui, dès le commencement des négociations, en avait été déclarée inhérente et solennellement reconnue comme étant la base fondamentale de la religion, mais encore quelques-uns attaquaient de front la doctrine et l'essence même de l'Evangile.

Napoléon considérait les évêques comme autant de fonctionnaires publics, non moins dépendans de lui que les fonctionnaires civils et militaires; il mettait la religion au rang des autres branches de l'administration politique, comme si c'était un département d'institution humaine, sujet à l'inspection d'un ministre d'état, rangé dans la même cathégorie que les ministres des finances et de la guerre.

Ainsi furent méprisées et violées les clauses du Concordat de Paris, surtout celles qui avaient été établies en faveur de l'Eglise; ainsi la puissance spirituelle fut remise au caprice de la puissance séculière; et bien loin que ce traité produisît ce qu'en espérait le saint siége, Pie VII, au contraire, eut à gémir sur les maux et les pertes toujours croissantes de l'église de J. Č.

Cependant Napoléon n'avait cessé de faire au Saint-Père des propositions étudiées, mais inconciliables avec la morale évangélique et avec les maximes de l'église universelle, lorsque le Sénat français l'ayant proclamé empereur, il

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