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N.° XXVI.

Aux Ministres étrangers.

Du palais Quirinal, le 28 septembre 1808.

La justice et la sainteté de la cause pour laquelle le Souverain Pontife a souffert dans l'intervalle de près de huit mois tant de violations et tant d'outrages, l'ont forcé et le forcent encore aujourd'hui de rompre le silence sur des abus continuels d'autorité que se permet la force française, et qui forme la série presqu'incroyable de l'injuste persécution qu'il éprouve.

Déjà on a vu avec horreur à Rome une commission militaire; on y avait vu s'effectuer, contre toute espèce de droit, tant d'arrestations et tant de déportations des sujets de Sa Sainteté. On y avait vu même s'exécuter dans cette capitale, sous les yeux du souverain, des sentences de mort sur divers malheureux condamnés à la fusillade; mais ce repréhensible abus de force n'avait point encore été porté contre aucun sujet de Sa Sainteté. Cet attentat manquait, et il vient d'être enfin commis contre le nommé Joseph Vanni de Caldarola, au service, dit-on, de sa majesté le roi Ferdinand IV, en qualité de colonel des troupes de ligne; lequel ayant débarqué dans le voisinage de

Cestia, fut arrêté comme soupçonné d'espionnage, traduit au fort Saint-Ange, et ensuite condamné par la commission militaire à la fusillade, exécuté hier sur la place du Peuple, au grand frémissement de la ville de Rome.

Le Saint-Père, vivement ému par l'énormité de ce nouvel attentat qui absorbe et détruit à la fois dans son essence même les droits du Souverain; de cet acte qui réunit en soi la violation des personnes et du territoire; de cet acte qui caractérise une usurpation manifeste du haut domaine, lequel n'appartient à personne autre qu'au prince légitime, PROTESTE hautement qu'il désapprouve et condamne, de la manière la plus solennelle, un aussi grave et sanglant attentat.

Sa Sainteté veut bien faire abstraction de tout autre principe du droit des gens; mais Vanni est né son sujet ; et quoique le lieu d'origine de cet infortuné soit aujourd'hui enlevé injustement au Saint-Siége, le Souverain Pontife qui n'a pas voulu, qui ne veut et qui ne voudra jamais tant qu'il vivra, donner aucun acquiescement; qui réclame et qui réclamera toujours devant Dieu et devant les hommes contre la violence de cette spoliation, regarde Vanni comme son sujet, et comme tel, tend que s'il était vraiment coupable, il n'appartenait à nul autre de le puoir qu'au magistrat suprême de son véritable et légitime souverain.

en

Sa Sainteté voulant donc que tous les ministres étrangers résidant près le Saint-Siége aient connaissance des torts, des injures et des violences qu'elle ressent du nouvel attentat qui fait déborder la mesure du nombre infini de ceux qu'on n'a cessé de faire jusqu'à présent à sa Souveraineté; et voulant aussi qu'ils connaissent toujours sa désapprobation et ses solennelles protestations afin qu'ils en tiennent informées leurs Cours respectives, a ordonné au cardinal Pacca, co-secrétaire d'état de transmettre à votre excellence la connaissance de tout ce que dessus; et en se faisant un devoir d'exécuter fidèlement les ordres de: son Souve→ rain, il vous renouvelle l'expression de son estime.

Le cardinal BARTHELEMI PACCA,

N.. XXVII.

A M. le général MIOLLIS.

Du palais Quirinal, le 15 octobre 1808. LES excès auxquels osent s'abandonner, sous l'ombre de la protection française, les scélérats qui se sont inscrits dans la troupe civique, sont si énormes et si multipliés; les réclamations contre leurs atrocités, qui arrivent chaque jour des différentes contrées, par l'organe des curés et des évêques, sont si fréquentes et si vives, que l'indi

gnation du Saint-Père est parvenue au dernier terme. En conséquence, le cardinal, pro-secrétaire d'Etat, se voit forcé de rompre le silence qui lui avait été imposé par l'inutilité de tant de plaintes, et de reprendre la parole pour entretenir encore une fois votre excellence de ce détestable enrôlement, contre lequel depuis cinq mois crient à haute voix les droits les plus sacrés de la souveraineté reconnue, et de l'homme civilisé; et pour lui dépeindre les attentats les plus graves et les plus scandaleux, commis en dernier lieu; bien certain que votre excellence elle-même ne pourra les connaître sans frémir, et sans être saisie d'horreur.

Un nommé Nicolas Fabrizi, de Torricé, n'ayant d'autre propriété que celle de ses vices ne s'y était jamais abandonné en toute liberté, jusqu'au moment où il a cru follement que la cocarde française qu'il porte, comme soi-disant capitaine de cette troupe, lui accordait l'impunité. Depuis ce temps-là, il n'y a point d'excès qu'il ne se permette, point d'impudicité dont il ne se fasse gloire publiquement. Ce rebelle ose mal parler, dans le public, de la personne auguste et sacrée de Sa Sainteté, de son gouvernement et de ses ministres, cherchant à s'associer, dans les pays voisins, les hommes qui professent le même esprit d'immoralité et d'irréligion. Il fait exécuter des

arrestations inspirées par l'esprit de vengeance ; il fait publier des proclamations dictées par l'avidité des exactions que respire son cœur détestable. Il a tendu des piéges, plus d'une fois, à la vie du juge du pays. Le vingt-trois du mois de septembre était le jour destiné pour cette victime, si quelques honnêtes gens ne fussent accourus, pour le sauver, dans le palais public, où ledit Fabrizi, escorté de plusieurs de ses partisans s'était rendu armé d'un fusil, d'un pistolet et d'un

couteau.

Le vingt-quatre de septembre, ce même scélérat parut dans la foire de Casamari, avec un cortége de quelques individus de la garde civique. Ils commirent une infinité d'actes de pouvoir arbitraire et de concussion, ils bâtonnèrent et blessèrent plusieurs personnes; ils arrachèrent avec audace et avec mépris une ordonnance qu'on avait coutume d'afficher, pour maintenir le bon ordre pendant cette foire; ils semèrent la confusion et le désordre; enfin, ils tentèrent tous les moyens de provoquer un soulèvement populaire. Le jour suivant, Fabrizi et ses satellites s'étant rendus à Banno, alièrent s'établir dans le couvent des Pères Conventuels, obligeant de vive force, et avec les manières les plus brutales, ces religieux à le nourrir avec sa suite; et, après s'être gorgés et rassasiés à leur volonté, après avoir commis

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