Page images
PDF
EPUB

Sans s'occuper des motifs qui ont pu déterminer le commandant militaire français à prendre des mesures aussi violentes, Sa Sainteté ne peut souffrir, ni tolérer dans le silence la nouvelle et grave atteinte qui vient d'être portée à sa souveraineté territoriale.

Elle ne peut non plus tolérer qu'on foule aux pieds, sous ses yeux, aussi fréquemment et sans la moindre pudeur, le droit des gens qui assure l'asile et la protection à tous les individus étrangers. Ce droit des gens envers les étrangers constitue pour tout Gouvernement, une obligation sacrée de les protéger et de les garantir; et vouloir se soustraire à cette obligation, c'est la même chose que vouloir violer ses propres devoirs les plus essentiels, et vouloir se rendre responsable par son silence de la plus grande violation des droits de la société, reconnus chez tous les peuples et dans tous les temps.

Si les principes immuables du droit public ne permettent pas même à un prince de se prêter à la demande d'un autre souverain, pour faire arrêter et consigner les sujets de ce souverain, coupables envers lui, à moins qu'un traité public et réciproque n'ait obtenu préalablement toute confiance et prévenu la bonne foi, ou qu'il ne s'agisse de délits très atroces contre la souveraineté et la société

générale des hommes; combien moins sera-il permis au Saint-Père de garder le silence sur la violence exercée dans sa capitale, par une force étrangère, contre tant d'individus qui vivaient pacifiquement sous la protection des lois?

Comment pourrait-il en effet se taire, lorsque, contre les droits communs à tous les princes et à tous les Gouvernemens, qui ont toujours fait la sûreté de tout homme en pays étranger, Rome, qui, comme centre de la Religion catholique, a toujours eu, (au dire du grand Fénélon) cela de particulier, d'être la chère et commune patrie de tous, et où tous les catholiques ont toujours été considérés comme citoyens romains ; lorsque, disje, cette Rome est maintenant condamnée, par l'abus que fait de sa force une puissance étrangère, à voir, non seulement les droits communs à tous les Gouvernemens et à toutes les nations 9 foulés aux pieds, mais encore à être dépouillée de sa prérogative particulière, et à être témoin que des enfans ne trouvent plus de sûreté, ni d'asile dans le sein de leur mère la plus tendre?

Sa Sainteté observant, toutefois, avec une douleur infinie, que, depuis que la troupe française occupe cette ville, elle renverse tout droit, tant cclésiastique que civil; qu'elle foule aux pieds tous les égards; qu'elle détruit tous les principes

[ocr errors]

qui ont toujours réglé la conduite des souverains et des nations: voyant qu'elle ne respecte pas même l'humanité, puisqu'elle se porte à arrêter de malheureux individus qui, par leurs besoins et la misère où les a plongés leur arrestation en les privant de leur domicile, dans lequel ils avaient leur unique moyen de subsistance, arrachent des larmes des yeux de tout homme sensible, a expressément ordonné au cardinal soussigné, de faire, sur-le-champ, avec la plus vive énergie, ses réclamations auprès de votre excellence, contre des mesures aussi violentes que dignes de blâme; et de demander en son nom la liberté de tous les individus arrêtés. Et si ces justes plaintes ne sout pas écoutées favorablement, selon l'usage, et ne peuvent obtenir aux E pagnols persécutés, cette liberté et cette paix, que tout étranger a toujours trouvée dans la capitale du monde catholique ; l'Europe reconnaîtra, par ce refus, qu'une force étrangère abuse dans Rome de sa puissance, contre la volonté de son souverain, et que le Saint-Père, après avoir épuisé tous les moyens qui lui restent, dans la situation pénible où il se trouve, pour garantir ses propres droits et ceux d'autrui, ne peut faire autre chose que pleurer devant Dieu, sur les conséquences funestes qui ont résulté, et qui résultent de l'occupation hostile de ses états.

Tels sont les sentimens précis que Sa Sainteté a

chargé le soussigné d'exprimer à votre excellence. Fidèle exécuteur de l'ordre qu'il a reçu, il a l'honneur de lui renouveler les sentimens de sa considération distinguée.

Le cardinal BARTHÉLEMI PACCA.

No. XXXV.

A Messieurs les Ministres étrangers.

Du palais Quirinal, le 23 janvier 1809.

LES actes violens et arbitraires, auxquels la troupe française s'est portée, ces jours derniers, contre M. le chevalier Vergas, envoyé avec le caractère public et ministériel d'ambassadeur piès du Saint-Siége, contre messeigneurs Gordogui et Bardaxi, auditeurs espagnols de la Rote romaine, et contre un si grand nombre d'autres individus appartenant à la nation espagnole, ont tellement affligé l'âme de Sa Sainteté, qu'elle a ordonné au cardinal, pro-secrétaire d'Etat, de faire, sur-le-champ, une vive réclamation à monsieur le général Miollis, tant à cause de ces arrestations, qui blessent la souveraineté territoriale, le droit public ecclésiastique et celui des gens, que par la manière injurieuse avec laquelle on les a éxécutés, ayant également manqué à tous les

égards dus à la dignité, au caractère et à l'âge de quelques-uns de ceux qui ont été arrêtés. Le soussigné, en remplissant les volontés de Sa Sainteté, a aussi reçu l'ordre d'envoyer à votre excellence, une copie de cette note, afin qu'elle ait la bonté de la faire parvenir à la connaissance de sa Cour,

En exécutant cette seconde partie des ordres qu'il a reçus, le soussigné renouvelle à votre excellence les sentimens de sa considération distinguée.

Le cardinal BARTHÉLEMI PACCA.

N.° XXXVI.

A nos chers FILS les cardinaux de la

Sainte Eglise Romaine, et à nos vénérables FRÈRES les archevêques et évéques des provinces de notre domination, occupées par les armes des Français,qui sont déportés ;

PIE VII, PAPE.

Nos chers Fils et nos vénérables Frères, salut et bénédiction apostolique.

Vous ne pourriez jamais croire, nos chers fils et nos vénérables frères, quelle a été l'amertume de notre douleur, et de quelle cruelle plaie notre âme

« PreviousContinue »