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pulsion qui leur avait été donnée. Une jeunesse sans expérience, et des citoyens de toutes les classes avaient été invités, entraînés, agrégés à des assemblées suspectes, sévèrement prohibées par les lois civiles et ecclésiastiques, et même sous peine d'anathème par Clément XII et Benoît XIV; les ministres de sa sainteté, la plupart de ses officiers, recommandables par leur intégrité et leur fidélité constante, avaient été tourmentés, déportés, incarcérés, exilés au loin dans les forteresses perdues au milieu des Alpes; on avait fait avec violence la perquisition des papiers et écrits de toute espèce, dans les bureaux des magistrats du saint siége, sans en excepter le cabinet et le porte-feuille du premier ministre ; trois fois le souverain Pontife avait remplacé son secrétaire d'Etat, et trois fois on l'avait enlevé de son palais; enfin, la plupart des cardinaux de l'Eglise romaine, restés près de sa sainteté comme ses coopérateurs, avaient été arrachés à main armée de son sein et envoyés en exil.

Si, dans Rome et dans les contrées limitrophes, la puissance temporelle du Pape avait encore un vain fantôme d'autorité, elle venait d'être anéantie totalement dans les provinces, florissantes d'Urbin, de la Marche et de l'Om

Mais l'opinion publique réprouvait les excès provoqués par l'oppresseur des nations, elle s'en indignait même. En vain plusieurs déclarations du Pape, de la plus haute importance, signées de sa main ou de celle de ses ministres, et affichées par son ordre dans les lieux accoutumés, avaient été arrachées, lacérées et foulées aux pieds par une vile horde de satellites; les regrets et la doufeur de tous les gens de bien, l'estime et la vénération consacraient en quelque sorte la courageuse résistance de Pie VII. On pouvait dire que le Saint-Père trouvait un temple dans tous les

cœurs.

Ce fut alors que, voulant empoisonner et pervertir l'opinion, le dominateur de la France fit imprimer à Rome, malgré les réclamations du Saint-Père, des journaux et des feuilles pério-, diques remplis d'invectives, de reproches et de calomnies, qu'on répandait avec profusion parmi le peuple et dans l'étranger.

Dès le mois d'avril 1808, on avait vu paraître à Rome une feuille ayant pour titre Gazette romaine, sans qu'aucune autorisation eût été donnée à cet effet par le souverain Pontife. Elle circulait malgré les défenses du Pape, sous les auspices de l'autorité française. Mais Pie VII, connaissant la trame obscure de ce tortueux complot, et voulant d'ailleurs constater devant l'Eu

rope entière sa pénible et humiliante situation désavoua la Gazette romaine, comme n'étant point légitime, et déclara aux ministres étran→ gers, résidant près du saint siége, qu'il condam-' nait d'avance tout ce que pourrait contenir cette feuille d'injurieux aux puissances, et de contraire à la vérité ainsi qu'aux principes sacrés de la religion (1).

La Gazette romaine, organe des intentions>> machiavéliques de Napoléon, fournit bien des sujets de plaintes à Pie VII; mais pouvait-il croire que les auteurs de ce journal porteraient l'audace jusqu'à y insérer des articles propres à blesserles principes sacrés dont le Pape est lui-même le ministre et le gardien fidèle? Une telle insertion eût été déplacée dans une gazette quelconque ; ne devait-elle pas être réprouvée dans un journal imprimé à Rome, et sous les yeux du souverain Pontife?

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Ce fut sans doute pour égarer de plus en plus l'opinion et les consciences, qu'on y inséra le discours prononcé, le 2 novembre 1808, par le ministre de l'intérieur de la France sur la situation de l'empire. Dans ce discours fallacieux, on at- ̈ tribuait au concordat, passé entre le saint siége

et Napoléon, des principes et des effets qui tendaient à déshonorer le Pape, et qui pouvaient induire en erreur les personnes qui n'avaient aucune connaissance des termes précis du concordat. On attribuait au Saint-Père lui-même des principes qui dérivaient des lois organiques auxquelles sa sainteté n'avait pas eu la moindre part. N'était-il pas notoire d'ailleurs que dans l'allocution prononcée en plein consistoire, pour publier le concordat, le Saint-Père avait déclaré n'avoir pas connu les lois dites organiques, et qu'il les avait condamnées expressément? Ne s'était-il pas empressé même de faire entendre ses justes réclamations, dont il ne s'était jamais désisté, ni par écrit, ni de vive voix, quoique cependant il n'eût jamais pu en obtenir la réforme?

Par exemple, ni le concordat, ni les lois organiques ne pouvaient faire cesser la distinction marquée par Dieu même entre les deux puissances spirituelle et temporelle ; le concordat ne pouvait accorder à l'empereur Napoléon l'encensoir du sacerdoce et la juridiction divine accordée seulement à l'Eglise et à son chef visible. Telles furent cependant les vues de Napoléon, en publiant les lois organiques et additionnelles du concordat.

Il était faux que cette convention religieuse

eût reconnu et consolidé l'indépendance de l'Eglise de France; si cette indépendance eût existé, il aurait existé aussi un schisme dont le respectable clergé et les bons catholiques de France ont toujours été éloignés; enfin il était également faux que le concordat eût consacré la tolérance des autres cultes. Il consacrait seulement le retour glorieux des catholiques français à l'unité de l'Eglise, et ne contenait pas un seul mot qui eût rapport à aucun culte condamné et proscrit par l'Eglise de Rome.

Si dans les articles organiques on établissait les principes d'une tolérance indéfinie, ces mêmes articles furent constamment repoussés et condamnés par le Pape, quoiqu'on ait voulu les accréditer comme faisant partie du concordat, en les publiant conjointement et sous la même date.

Sans doute sa sainteté âvait dû être indignée et frappée de l'audace des gazetiers qui s'étaient permis de rapporter des discours insultans pour la religion dans le concordat; mais elle ne fut pas moins offensée de voir, dans cette même ga→ zette de Rome, le discours prononcé par les députés des provinces usurpées sur le saint siége, et la réponse qui leur avait été faite.

Pie VII s'abstint de relever le discours

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