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Il y a en ce moment en Europe, une question qui domine toutes les autres, c'est l'Italie ; et il y a en Italie, un intérêt qui résume son histoire comme sa destinée, c'est Rome. Revendiquée par l'Église et par la foi, comme la garantie et la métropole de l'unité catholique, convoitée par la Péninsule, comme la capitale de sa natio

nalité, Rome est restée le problème le plus considérable et le plus redoutable de notre temps.

Grâce à Dieu, la Papauté spirituelle n'est pasen cause. Nous ne sommes plus au temps des hérésies, des schismes et des guerres de religion. Il est incontestable, au contraire, que la force d'expansion du catholicisme tend plutôt à s'accroître dans le monde, qu'à se restreindre. En France, l'Église catholique, puissante et calme, au milieu des cultes dissidents librement exercés, voit grandir son autorité morale, sous la protection de nos lois et de nos mœurs. Au dehors, partout où notre influence civilisatrice pénètre, elle porte avec elle les germes de la foi. Derrière notre drapeau, c'est toujours la croix qui apparaît, et, en donnant au SaintPère plus d'âmes, qu'il ne pourra jamais perdre de sujets, nous reculons tous les jours davantage les frontières du véritable empire, dont le siége est à Rome.

Mais la puissance temporelle du Pape traverse en ce moment une crise, dont nous ne devons ni amoindrir l'importance ni atténuer les périls. Question politique, elle touche

aux plus grands intérêts des gouvernements

et des peuples; question religieuse, elle passionne les esprits, alarme les croyances et remue ainsi ce qu'il y a de plus vital et de plus profond dans l'humanité.

A ce double point de vue, tout ce qui se rapporte à l'indépendance spirituelle du chef de l'Église revêt un caractère d'universalité, qui s'impose à la diplomatie de toutes les nations, et surtout à celle de la France.

Cette crise, quelles en sont les causes? qui a amené ce fatal antagonisme entre la Papauté et l'Italie? qui a soufflé la défiance entre le Vatican et les Tuileries? Si le Pape est isolé aujourd'hui, s'il est séparé du mouvement italien, dont il est le chef naturel, s'il a perdu une partie de ses États, à qui la faute? Est-ce à la politique française? Cette politique a-t-elle manqué d'égards, de dévouement, de sincérité, de patience, d'abnégation et de prévoyance? - Le fils aîné de l'Église n'a-t-il pas été un

fils

respectueux et fidèle? Il faut enfin que les responsabilités se définissent, et que, dans le bilan des faits, minutieusement dressé, chacun ait la part qui lui appartient. L'opinion publique saura reconnaître, quels sont ceux dont

l'aveuglement ou le calcul a amené le pouvoir temporel du Pape au point où il en est aujourd'hui, et, quels sont ceux, dont les efforts toujours généreux et les conseils toujours dédaignés, auraient pu le préserver et le consolider.

II

Lorsqu'au 10 décembre 1848, la confiance nationale remit le pouvoir aux mains de l'héritier de l'Empire, le clergé s'associa à cette manifestation populaire. Ce fut sous la bannière de leurs églises que les populations rurales marchèrent au scrutin; la France entière présenta alors le spectacle dont nous avons été récemment les témoins, lorsque, du sommet des Alpes aux bords de la Méditerranée, Nice et la Savoie ont acclamé leur nouvelle patrie. Pendant les années qui suivirent, le Prince, alors premier magistrat de la République, fut regardé comme la sauvegarde des intérêts catholiques alarmés et des intérêts conservateurs menacés. Toutes les espérances d'avenir se tournèrent vers lui; et, lorsqu'on le vit employer les armes de la France à venger

l'honneur du monde catholique, et donner le drapeau de la révolution pacifiée pour caution de la liberté de l'Église, personne, parmi les hommes sincèrement préoccupés des destinées morales de leur pays, ne douta que nous ne fussions entrés dans une ère féconde de réparation. L'union du pouvoir religieux et de la puissance civile parut se fortifier des témoignages de reconnaissance qui, de tous les points de la France et, on peut le dire, de toutes les églises de la chrétienté, s'élevèrent vers le Prince qui l'avait accomplie.

Par une rencontre providentielle, on voyait à la fois sur le trône de saint Pierre un prêtre, nourri dans les fortes traditions de la société catholique, cherchant à rajeunir par la liberté un pouvoir compromis par la servitude, et à la tête de la France l'héritier du grand homme qui, cinquante ans plus tôt, avait dominé et régularisé la révolution française, pour séparer son esprit de ses passions, et pour appliquer dans des institutions civiles, impérissables, tout ce qu'elle renfermait de juste et de vrai. C'était de la chaire de saint Pierre que devait partir le premier signal du réveil de la nationalité d'un peuple. C'était le représentant de

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