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<< Gouvernement de l'Empereur avait pris toutes les précautions << nécessaires, afin de garantir la sécurité du Saint-Père dans le «< présent, l'indépendance du Saint-Siége dans l'avenir. »

<< Aucun doute n'est possible a CET ÉGARD,» répond M. le Président du Conseil d'État. « Le Gouvernement prendra toutes les « mesures nécessaires pour que la sécurité et l'indépendance du << Saint-Père soient assurées (1). »

Un an plus tard, dans la séance du 12 avril 1860, M. Baroche répétait textuellement ces paroles, et ajoutait avec gravité :

<< Elles n'ont pas été légèrement prononcées (2). »

Et pour le prouver, M. le Président du Conseil d'État exposait de nouveau, dans les termes catégoriques que voici, les intentions du Gouvernement:

<< Le Gouvernement français considère le Pouvoir temporel <«<< comme une condition essentielle de l'indépendance du Saint« Siége...

<< Le Pouvoir temporel NE PEUT Être détruit. Il doit s'exercer << dans des conditions SÉRIEUSES. C'est pour rétablir ce Pouvoir « qu'a été faite l'expédition de Rome en 1849. C'est pour main<< tenir ce même pouvoir que, depuis onze ans, les troupes fran<«<çaises occupent Rome : leur mission est de sauvegarder à la <«< fois LE POUVOIR TEMPOREL, L'INDÉPENDANCE et la sécurité du «Saint-Père (3). »

Ce n'est pas tout: l'honorable M. Jules Favre ayant cru pouvoir dire que, dès longtemps et par tous ses actes, l'Empereur avait condamné le pouvoir temporel de la Papauté, M. le Président du Conseil d'Etat protesta en ces termes : « L'Empereur n'a

(1) Compte-rendu officiel de la séance du 12 avril 1860. — (2) Ibidem. — (3) Ibidem.

<< t-il

pas lui-même repoussé, d'une manière aussi noble que so<<< lennelle, cette étrange accusation (1)? »

Pour écarter les appréhensions exprimées par un autre orateur, M. le Président du Conseil d'État fit une dernière déclaration, et assura: «< que les troupes françaises ne seraient retirées de Rome que lorsque le Saint-Père, suffisamment confiant dans ses propres troupes, se jugerait assez fort pour se passer de l'appui de nos soldats; que le Gouvernement français ne voudrait pas faire cette expérience du lendemain dont parlait M. Rossi: cela serait contraire à ses vœux les plus ardents. >> << LA DÉCLARATION DU Gouvernement est formelle a cet ÉGARD (2). »

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Devant ce concert unanime de tant de voix parlant de si haut, si on était venu me dire: Tout cela signifie simplement :

La France, gardant la personne de Pie IX, laissera le Piémont faire contre la Souveraineté temporelle du Pape tout ce qui lui plaira :

Envahir ses États, écraser ses défenseurs, camper à ses portes, déclarer qu'il veut pour capitale la Ville éternelle, et qu'il y sera dans six mois :

Eh bien, en mon âme et conscience, je le déclare, je n'aurais pas cru qu'il fût possible de faire à la bonne foi et à l'honneur du Gouvernement d'un grand pays une plus sanglante injure;

Et si, aujourd'hui, il faut définitivement entendre dans ce sens toutes les paroles que j'ai rappelées, eh bien, je le déclare encore,

(1) Compte-rendu officiel de la séance du 30 avril 1859.

(2) Ibidem.

ma conscience est stupéfaite, et je ne sais plus ce qu'il faut penser de la loyauté et de la parole humaine (1).

Mais on a dit que les meilleures intentions étaient modifiées par la force irrésistible des événements. Examinons donc ces événements. Vous les racontez, Monsieur, à votre manière. Je vous suivrai. Vous m'obligez à faire, en vous suivant, plus de politique que je n'en ai jamais fait; mais j'y suis forcé, j'en appelle à vous-même.

(1) En même temps qu'il tenait ce langage, le Gouvernement témoignait, par ses actes, sa résolution de ne pas se laisser mettre en suspicion devant le pays.

Dans un communiqué à l'Ami de la Religion, du 19 juin 1859, ce n'était pas seulement la personne, c'était l'autorité politique du Saint-Père, relevée par nous il y a dix ans, que le Gouvernement déclarait être sous la garde respectueuse de nos armes.

Quelques jours après, le 3 juillet, le Siècle imprimait en tête de ses colonnes cet autre communiqué, non moins significatif :

« Le journal le Siècle, en attaquant aujourd'hui la Papauté dans son pouvoir politique, confond la noble cause de l'indépendance italienne avec celle de la Révolution.

« Le Gouvernement de l'Empereur doit protester contre cette confusion, qui est de nature à exciter les mauvaises passions, à troubler les consciences et à tromper l'opinion publique sur les principes de la politique française.

« Le respect et la protection de la Papauté font partie du programme que l'Empereur est allé faire prévaloir en Italie...

« Les journaux qui cherchent à fausser ce caractère d'une glorieuse guerre, manquent à ce qu'il y a de plus obligatoire dans le sentiment national.

«L'Indépendance politique et la souveraineté spirituelle, unies dans la Papauté, la rendent doublement respectable, et condamnent moralement des attaques contre lesquelles le Gouvernement aurait pu invoquer la répression légale; mais il a préféré les livrer à la justice de l'opinion. >>

Enfin, dernier et expressif témoignage, l'Union de l'Ouest, d'Angers, recevait, le 3 novembre suivant, un avertissement au sujet d'un article qui avait paru au Gouvernement, rendre suspectes les intentions solennellement exprimées de l'Empereur envers le Saint

Père.

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Et je le demande d'abord :

Quelle est la situation? A qui, à quel homme de bonne foi persuadera-t-on qu'il ait pu se faire en Italie quelque chose contre la volonté de la France? Ces Piémontais, qui n'étaient rien avant Magenta et Solferino, malgré tout le bruit qu'ils font de la nationalité italienne et de leur armée; ils ne sont évidemment rien que par le sang des Français. A qui fera-t-on croire qu'ils aient été un seul jour libres de désobéir à la France? Interrogez le bon sens des masses, consultez un de nos soldats, entrez dans la chaumière d'un paysan, posez à qui vous voudrez cette simple question: Les malheurs du Pape seraient-ils possibles, si la France ne le voulait pas? Aucun homme raisonnable ne voudra l'avouer. On en est donc réduit à se dire que si l'épée de la France est forte, au contraire sa politique est faible, qu'ayant droit à des égards, elle a souffert des dédains, et laissé abreuver d'outrages son auguste protégé.

Non, nul ne doute de la toute-puissance de la France et du Gouvernement de l'Empereur, mais c'est à condition que sa politique demeure au niveau de son épée.

Hélas! le Gouvernement n'a que trop senti lui-même la force de ces apparences, et c'est pour les combattre qu'on a cru néces

saire d'imaginer les explications dont vous avez, vous, Monsieur

IMBRE

le Directeur de la Presse, demandé la permission d'être l'interprète; en voici le résumé fidèle:

« La France a été attirée en Italie malgré elle, par les circonstances. Elle y est entrée pleine de sollicitude pour les droits du Saint-Père. Elle a offert à l'Autriche de neutraliser son territoire. L'Autriche a eu le tort de se retirer, de livrer les populations à elles-mêmes, et elles se sont insurgées. C'est alors que l'Empereur a supplié le Pape de faire des réformes et des sacrifices, puis il lui a proposé le Vicariat du Roi de Sardaigne dans les Romagnes; le Pape n'a rien accepté. Les Piémontais ont envahi le territoire pontifical, le Gouvernement de l'Empereur a blâmé cette violence, il a retiré son Ambassadeur de Turin, il a doublé la garnison de Rome, mais il n'a pas pu faire que le Pape, faute d'avoir concédé à propos les réformes nécessaires, n'éprouvât le même sort que le Grand Duc de Toscane, le Duc de Modène, le Roi de Naples, etc. »>

Si j'ajoute quelques insinuations amères et des amplifications superflues, voilà, Monsieur le Vicomte, tout votre écrit.

Ce n'est pas à moi, Monsieur, à défendre les Autrichiens; ce n'est ni mon rôle, ni mon goût. Mais il m'est bien permis de regarder la carte et de faire observer, certain qu'aucun militaire ne me démentira, que, lorsque nous touchions à Vérone, il leur était fort difficile de rester à Bologne et à Ferrare. Il m'est bien permis de rappeler aussi que le Prince Napoléon, commandant le 5 corps d'armée, a déclaré, dans un rapport inséré au Moniteur, que ses manœuvres et son approche avaient forcé les Autrichiens à se retirer.

Aussi je m'étonne de vous entendre accuser Pie IX d'avoir été abandonné par tout le monde, même par les Autrichiens.

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