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Ce nouveau mode permit de porter successivement le commerce jusqu'en des pays éloignés, principalement dans le Nivernais et dans le Morvand, contrées abondantes en bois, et dans lesquelles, auparavant, les forêts étaient une nature de biens sans objet, par le défaut de consommation.

La plus ancienne date que l'on puisse assigner au flottage à bûches perdues remonte à 1490, suivant MM. de La Tynna et Rousseau, qui ont publié sur le commerce des bois de chauffage un excellent ouvrage auquel nous empruntons ces renseignements.

Dès cette époque, les bois de la forêt de Lyons étaient flottés sur la rivière d'Audelle, affluant dans la Seine, et venaient à Paris en remontant le fleuve par bateau. Ces bois se sont longtemps appelés bois d'Audelle.

Quant au flottage en trains, Jean Rouvet paraît être l'auteur de cette invention.

<< Le premier (dit Saint-Yon, Traité des eaux et foréts) qui » a fait venir du blois flotté du Morvand à Paris, a été Jean » Rouvet, marchand, bourgeois de ladite ville, qui, en l'année » 1549 seulement, trouva l'invention, en retenant par écluses, » ès saisons plus commodes, les eaux des petits ruisseaux et ri» vières qui sont au-dessus de Cravant, de leur donner la force, » en les laissant puis après aller, d'emmener les bûches que l'on » y jette à bois perdu jusqu'audit port de Cravant, où on les >> recueille et accommode par trains sur la rivière d'Yonne, en » la sorte qu'on les voit arriver en ladite ville de Paris. »

Successivement le flottage s'étendit sur les principales rivières et fut l'objet de nombreux règlements qui vinrent protéger un mode de transport aussi précieux.

Le domaine de l'État, relativement aux cours d'eau navigables et flottables, s'étend, suivant un arrêt du Conseil du 14 août 1694, même à leurs bras non navigables ni flottables, qui sont considérés comme leurs accessoires. Ces principes ont été consacrés depuis par un arrêt du Conseil d'Etat du 22 janvier 1824. Mais suivant des arrêts de la Cour de cassation des 29 juin 1813 et 23 août 1819, conformes d'ailleurs à l'arrêté du 19 ventose an vi, lorsqu'une rivière n'est navigable ou flottable que dans certaines parties de son cours, les parties non navi

gables ni flottables sont laissées aux propriétaires riverains, sans que ceux-ci puissent disposer de l'eau de manière à gêner ou à rendre impossible la navigation des parties inférieures.

Nous avons vu que c'est au gouvernement qu'il appartient de classer les rivières; c'est lui également qui fixe les points où une rivière devient navigable, après des enquêtes de commodo et incommodo qui doivent précéder toutes les ordonnances rendues pour résoudre ces questions. Ces formalités doivent être remplies, dit Foucard dans ses Éléments de droit public et administratif, même pour la déclaration de flottabilité à bûches perdues, quand cette question est douteuse. Les raisons sont ici les mêmes que dans les autres cas. Si les obligations des riverains sont moins lourdes quand il n'y a qu'un flottage à bûches perdues, elles n'en existent pas moins. Ainsi, tout ce qui est relatif aux constructions d'usines, aux barrages pour les arrosements, etc., devra être modifié en considération du flottage. Il faudra aussi un marche-pied pour lequel, par exemple, il sera nécessaire d'indemniser les riverains quand le flottage qui n'existait pas encore sera établi.

En principe général, les riverains doivent être indemnisés de tous les dommages que leur occasionne la déclaration de navigabilité ou de flottabilité d'une rivière qui n'avait aucun de ces

caractères.

Les rivières sont soumises à de nombreux règlements qui ont pour objet de maintenir le libre cours des eaux, et d'empêcher qu'on y fasse des travaux ou des constructions qui pourraient arrêter le service de la navigation.

Ainsi, il est défendu de détourner l'eau des rivières, ou d'en affaiblir ou altérer le cours par des tranchées, fossés ou canaux, à peine de destruction des ouvrages, réparation des choses aux frais des contrevenants, et d'une amende de 100 fr. au plus, sans préjudice des dommages-intérêts.

On ne peut sans autorisation construire sur les rivières navigables ou flottables aucun moulin, batardeau, écluse, gord, pertuis, édifice quelconque. Ceux qui obtiennent cette autorisation doivent conserver et entretenir en bon état les digues, chaussées, épanchoirs et passe-lits ou pertuis qui servent au passage des bateaux, radeaux et bois mis à flot.

Il est défendu de tirer des terres, sables et autres matériaux à 12 mètres près des rivages et ruisseaux navigables, à peine de 100 francs d'amende.

Il est également défendu d'y jeter aucunes immondices, gravois, matériaux, etc., à peine, d'enlèvement aux frais des contrevenants et d'une amende de 100 francs.

Les entrepreneurs qui travaillent aux ponts et aux murs des quais sont tenus d'enlever les décombres provenant des batardeaux qui ont été faits pour lesdits ouvrages à peine d'amende et d'enlèvement de ces décombres à leurs frais.

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Il est défendu aux tanneurs et mégissiers de laver dans la rivière leurs bourres et cuirs avant d'être écharnés, de bouler les morplains ou de les jeter dans la rivière; ils doivent laisser reposer les eaux qui sont dans les plaines afin que les morplains restent dans les fonds pour y être vidés, exposés sur les berges, s'y égoutter, et être ensuite portés hors de la ville dans des tombereaux.

Il est enjoint aux marchands et voituriers par eau de faire enlever de la rivière les bateaux coulés à fond et leurs débris, ainsi que de dessus les ports et quais, à peine d'amende et de confiscation.

C'est à l'administration départementale et à l'administration municipale qu'il appartient de rendre des règlements pour régler la police des rivières suivant les besoins de chaque localité.

Les préfets doivent faire procéder par les ingénieurs des ponts et chaussées à la visite des rivières navigables et flottables, à celle de tous les canaux d'irrigation et de desséchement, à l'effet de constater les ponts et chaussées, digues, etc., utiles à la navigation, à l'agriculture, à l'industrie en général; de reconnaître les amas de pierre, batardeaux, pilotis, etc., et tous autres empêchements nuisibles au cours de l'eau; les saignées ou prises d'eau que les propriétaires riverains pourraient avoir faites pour l'irrigation de leurs héritages, sans autorisation.

Ils ordonnent la destruction des usines, moulins, etc., dont l'établissement ne serait pas fondé en titres, et qui seraient reconnus dangereux pour la navigation ou nuisibles au cours de l'eau.

L'administration agit sur les rivières navigables ou flottables comme autorité pour tout ce qui est voirie et police de navigation; comme gestion domaniale pour tout ce qui résulte du droit de propriété que les lois attribuent à l'Etat sur les propriétés domaniales, sauf les droits de pêche, moulins, bacs et autres usages que les particuliers peuvent y avoir par titres de possessions valables.

Les lois concernant les eaux navigables et flottables sont générales; elles n'établissent aucune distinction entre les industries qui peuvent en réclamer l'usage.

La France est divisée en 21 bassins de navigation dont les limites sont déterminées par les montagnes ou coteaux qui versent leurs eaux dans le fleuve principal, et chaque bassin est subdivisé en arrondissement de navigation.

Les portions de fleuves et rivières faisant partie des départements autres que celui dans lequel est placé le chef-lieu d'arrondissement de navigation intérieure, sont mises dans les attributions administratives du préfet de ce chef-lieu, mais seulement en ce qui concerne les travaux à exécuter dans le lit et sur les bords des rivières ou des fleuves. Le surplus de l'administration est exercé par le préfet du territoire. (Arrêté du 8 prairial an xi. )

L'ingénieur du département où est fixé le chef-lieu d'arrondissement exerce ses fonctions relativement aux travaux à faire sur toute l'étendue des fleuves et rivières compris dans les attributions du préfet de son département. ( Idem.)

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Toutes les dispositions concernant les mesures répressives de grande voirie sont applicables aux communications par eau, et par conséquent les contraventions en cette matière sont déférées aux conseils de préfecture. (Loi du 29 floréal an x.)

Cependant c'est aux tribunaux de police et non aux conseils de préfecture qu'il appartient de connaître des contraventions aux règlements administratifs relatifs à la police et à la sûreté des embarcations. (Cour de cass., 14 novembre 1835.)

Droits de navigation intérieure. Le droit de navigation intérieure a été créé par la loi du 30 floréal an x, qui en avait affecté les produits au balisage, à l'entretien des chemins et ponts de hallage, à celui des pertuis, écluses, barrages et autres

ouvrages d'art construits pour l'avantage de la navigation. Il était établi sur les fleuves et rivières navigables ainsi que sur les canaux navigables.

Suivant cette même loi, le produit de la perception sur chaque rivière formait une masse distincte exclusivement consacrée à l'amélioration de cette rivière; chaque rivière avait, d'ailleurs, son tarif particulier. Depuis 1814, la spécialité de cet impôt a cessé, et des sommes bien plus importantes que celles qu'il produisait ont été consacrées aux travaux de la navigation.

Sous l'empire de la législation de l'an x, le taux des tarifs et le mode de perception variaient non seulement de bassin à bassin, mais même entre les rivières d'un même bassin et entre les bureaux établis sur une même rivière. Les bases de la tion diffèraient également.

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Il importait donc de ramener tous les tarifs à un taux et à des bases uniformes, autant du moins que cela était possible, et pour y arriver on adopta pour éléments du tarif, 1° la distance parcourue; 2° le poids de la marchandise, en prenant le tonnage du bateau comme moyen de vérification du poids de chargement et en divisant les marchandises en différentes classes. Ce sont ces éléments qui ont servi de base à la loi du 9 juillet 1836, dont nous allons exposer les principales dispositions.

Cette loi ne concerne que la navigation de 10 des 21 bassins de navigation qui existent en France, savoir : les bassins de la Seine, de la Meuse, de la Moselle, du Rhône, de l'Adour, de la Gironde, de la Charente, de la Loire, de la Vilaine et de l'Orne. Les limites de ces bassins sont déterminées, ainsi que nous l'avons vu au commencement de cet article, par les montagnes ou coteaux qui versent leurs eaux dans le fleuve principal. Par conséquent, ils comprennent, en outre des fleuves et rivières que nous venons de nommer, tous leurs affluents. Il reste donc 11 bassins qui ne sont pas imposés, 7 parce qu'ils sont à peine navigables; 2 autres, ceux de la Somme et de l'Hérault; la canalisation de la Somme étant achevée, la perception sur la partie au-dessous d'Abbeville jusqu'à Saint-Valery doit être établie de la même manière que dans la partie supérieure de ce canal concédé. Quant à l'Hérault, il est déjà assujetti à un tarif semblable au canal du Midi, dont il est peut-être considéré comme

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