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CONGRÈS DE VIENNE,

No XXXIX.

Dépêche du Vicomte Castlereagh au Comte Bathurst, en date de Vienne, du 9 octobre 1814 (1).

MYLORD,

Par suite des ordres du Prince-Régent, j'ai adressé au prince Talleyrand la note officielle, dont l'incluse est une copie.

J'ai pensé qu'il étoit essentiel d'employer tous les moyens pour porter la France à adopter la mesure de l'abolition immédiate, avant le commencement des discussions du congrès.

Je n'ai pas perdu d'occasion pour préparer favorablement aux prochaines discussions les esprits des divers plénipotentiaires, et ai pris des mesures pour leur fournir les renseignemens nécessaires pour les mettre en état de bien entendre la question. Je suis fâché cependant de trouver que jusqu'à présent ni les ministres d'Espagne, ni ceux de Portugal, n'aient reçu de leurs cours aucun pouvoir pour entrer en

(1) Traduite de l'anglois, ainsi que l'annexe.

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Note remise à Vienne, par le vicomte Castlereagh, au Prince de Talleyrand, le 8 octobre 1814.

Comme il a été rapporté au gouvernement Britannique que S. A, le prince de Talleyrand, principal secrétaire d'état de S. M. T, Ch. pour les affaires étrangères, avoit laissé tomber quel ques expressions, portant que le gouvernement françois ne s'opposeroit pas à l'abolition immédiate de la traite des esclaves, pourvu qu'il fat mis en état de justifier un sacrifice tel que cette mesure est supposée renfermer, par quelque acquisition procurée à la nation, ou que quelque compensation fût assuree à ses plan

teurs;

Et quoique rien de ce qui se passa dans le cours de la discussion au mois de mai dernier à Paris, sur la question du commerce dés esclaves, ne fut le moins du monde calculé à donner de la consistance à une telle idée; S. A. R. le Prince

Régent, toujours empressée de saisir toute suggestion qui peut lui ouvrir la perspective de terminer ou d'abréger ce grand mal de la société, a ordonné au soussigné, principal secrétaire d'état pour les affaires étrangères, d'inviter le gouvernement françois à négocier pour l'abolition absolue et immédiate de la traite des esclaves sur la base suivante; savoir, la cession par la Grande-Bretagne en faveur de la France d'une ile dans les Indes occidentales, ou, si cela n'étoit pas possible, l'avance par la GrandeBretagne d'une somme d'argent à appliquer par le gouvernement de S. M. T. Ch. au bénéfice des colons françois à titre de compensation pour la perte qu'ils sont supposés éprouver si la traite des esclaves est immédiatement abolic au lieu de l'être au bout de cinq ans, ainsi que cela avoit été stipulé par le premier article additionnel de la paix de Paris.

S. A. R. le Prince - Régent éprouvera une véritable satisfaction en faisant ce nouveau sacrifice, au nom de la nation Britannique, aux intérêts de l'humanité et au progrès d'une cause que sa gloire et son devoir paroissent lui ordonner de soutenir; et S. A. R. ressentira une plus grande satisfaction encore, si elle peut aussi mettre S. M. T. Ch. en état d'exécuter

sur-le-champ ses intentions bienveillantes sans sacrifier les intérêts de ses sujets.

Le soussigné prie S. A., etc.

Signe CASTLEREAGI.

No XL.

Extrait d'une dépêche du vicomte Castlereagh au comte Bathurst, date de Vienne, le 11 novembre 1814.

J'At l'honneur de vous transmettre la réponse que j'ai reçue du prince de Talleyrand à ma proposition relative à l'abolition immédiate de la traite.

Signé CASTLEREAGH.

ANNEXE.

Note du prince de Talleyrand, remise au vicomte Castlereagh, et datée de Vienne, le 5 novembre 1814.

Le soussigné ministre de S. M. T. Ch., et son secrétaire d'état au département des affaires étrangères, a reçu la note que S. E. lord vicomte Castlereagh lui a fait l'honneur de lui adresser, et par laquelle il propose de s'entendre pour une abolition actuelle et immédiate de la traite de la part de la France.

Les sentimens du Roi, par rapport à ce genre de trafic, lui font sincèrement désirer que son abolition immédiate puisse être trouvée compatible avec un intérêt auquel il doit subordonner ses déterminations, avec l'intérêt de son royaume et de ses colonies. Mais l'état de celles-ci ne lui est point encore connu. Il y en a même une partie dans la possession desquelles la France n'est point encore rentrée. Ainsi, des élémens sans lesquels il est impossible de se - former une opinion dans une matière aussi grave, les uns manquant totalement, les autres doivent être recueillis dans les ports et les villes de commerce où un nombre d'expéditions ont été déjà faites ou préparées sur la foi du traité du 30 mai. Il faut avant tout pouvoir les réunir tous, ensuite les comparer et les discuter, ce qui exige nécessairement du temps. Il en faut d'ailleurs pour préparer l'opinion, et surmonter des préjugés contre lesquels on n'a point en France, comme en Angleterre, le secours de l'expérience.

C'est pourquoi S. M.T.C., qui s'est engagée, et qui est prête à unir tous ses efforts à ceux de S. M. Britannique pour faire prononcer l'abolition générale de la traite par toutes les puissances de la chrétienté, pense qu'il est né

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