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en jour par les éclaircissemens répandus dans le public; que ces considérations réunies ne lui permettoient pas de renoncer à l'espoir que cette puissance se joindroit à l'Angleterre pour faire cesser, dès-à-présent, l'importation des Nègres dans ses colonies, et la traite, qui dès lors deviendroit inutile.

M. le prince de Talleyrand a répondu, que la France étoit bien prononcée sur le principe de l'abolition de la traite; qu'elle rempliroit exactement l'engagement pris par le traité de Paris; que le gouvernement auroit soin de tout préparer, pour que l'exécution de la mesure ne rencontrât aucun obstacle à l'époque prévue, et qu'il tâcheroit même, dès à présent, de décourager ses sujets du commerce des Nègres par la marche qu'il suivroit, et par les règlemens qu'il adopteroit à cet égard; mais que l'abolition directe et immédiate paroissoit avoir des difficultés insurmontables.

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Après de nouvelles instances de la part de lord Castlereagh, M. le prince de Talleyrand a fini par déclarer que la France s'engageroit à l'abolition certaine au terme convenu, an dé couragement effectif de la traite dans l'intervalle, mais que pour le moment elle ne pouvoit aller plus loin.

Lord Castlereagh est entré alors en explication avec M. le prince de Talleyrand sur la possibilité d'avancer le terme de l'abolition définitive de la traite, et il a allégué différens argumens pour engager la France à substituer au moins le terme de trois ans pour la durée de la traite, à celui de cinq, stipulé dans le traité de Paris.

M. le prince de Talleyrand a répondu, que cette question tenoit à des circonstances particulières qu'on ne pouvoit pas calculer d'avance avec précision; qu'elle tenoit surtout à l'effet que produiroient les mesures du gouvernement françois pour décourager ses sujets de la traite ; que si cet effet étoit tel que les personnes intéressées à ce commerce se disposoient à l'abandonner plutôt, le gouvernement n'auroit aucune objection à admettre ou à proposer luimême une époque plus rapprochée pour l'abolition finale; que sans pouvoir se prêter, aujourd'hui à un engagement positif sur cet article, la France étoit décidée à tout faire pour avancer le terme de la cessation entière, de ce trafic.

Lord Castlereagh s'est adressé alors à M. le chevalier de Labrador, pour savoir s'il y avoit lieu à espérer que l'Espagne se décideroit à une,

abolition immédiate de la traite, ou à fixer au moins un terme modéré pour cette mesure.

M. le chevalier de Labrador a répondu, que S. M. le roi d'Espagne s'étant engagé envers la Grande-Bretagne à prendre en considération les moyens de concilier son vœu pour Tabolition de la traite, avec les devoirs que lui, imposoit la conservation de ses possessious en, Amérique, il se croiroit toujours lié par cet engagement; que cependant le Roi, après avoir consulté sur cet objet les proprictaires dans plusieurs colonies, et surtout ceux des les de Cuba et de Porto-Rico, s'étoit convaincu de, l'impossibilité de prononcer l'abolition immédiate, ou de fixer sculement un terme trop approché pour faire cesser l'importation des Nègres dans ces lles; que d'après le resultat de toutes les démarches faites jusqu'ici, il seroit bien difficile de s'astreindre pour l'abolition. definitive à un terme plus rapproché que celui de huit ans; que quant à lui, il n'étoit pas autorisé à aller plus loin; mais que, d'un autre côté, il croyoit pouvoir garantir que le gouver nement espagnol ne permettroit, dans aucun cas, que des bâtimens espagnols fissent le commerce des Nègres pour des colonies étrangères, ou prêta sent leur pavillon à des expé

ditions contraires aux lois des autres puis

sances.

Lord Castlereagh a répliqué à cette déclaration. Il a dit que, quoique loin de répondre à ses vœux, elle renfermoit au moins l'assurance que l'Espagne vouloit fixer un terme pour l'abolition définitive du trafic des Negres; il s'est réservé d'employer tous les moyens de négociation pour engager l'Espagne à restreindre ce terme, et pour la disposer à entrer dans de nouvelles explications avec ses colonies; il a, en même temps, appelé aux plénipotentiaires des autres puissances, pour faire cause commune avec l'Angleterre dans ces négociations.

M. le comte de Nesselrode, plénipotentiaire de Russie, a pris la parole pour seconder cette proposition et pour engager tous les plénipotentiaires présens à réunir leurs efforts afin d'obtenir de M. le plénipotentiaire d'Espagne, une déclaration plus conforme à leurs vœux

communs.

M. le chevalier de Labrador a observé qu'une démarche pareille seroit inutile, puisqu'il ne pouvoit outre passer ses instructions, et que, d'ailleurs, il s'agissoit ici d'une affaire dans laquelle le Roi, son maître, ne pouvoit pas suivre sans réserve ses propres impulsions; que

cependant il ne se refuseroit pas à informer sat cour des dispositions et des voeux des autres puissances à cet égard.

Lord Castlereagh, s'adressant de nouveau à M. de Labrador, a discuté la question sous différens rapports. Il a, surtout, observé que la réunion des puissances pour un objet aussi respectable, fourniroit aux souverains des colonies des moyens vis-à-vis de leurs propres sujets pour les engager à abandonner là traite, et pour disposer les habitans des colonies à se soumettre à un système plus conforme au bien de l'humanité, et en même temps beaucoup plus favorable à leur intérêt réel et permanent, que celui de l'importation toujours renouvelée des Nègres.

M. le prince de Talleyrand a fortement appuyé ce raisonnenient. Il a dit que c'étoit sans doute un avantage pour les puissances possédant des colonies, que toutes les autres puissances se chargeassent vis-à-vis des propriétaires dans les colonies, d'une partie de l'odieux que la mesure de l'abolition pouvoit avoir d'après leur manière de voir, ou d'après leurs préventions actuelles. Il a ajouté que, d'après son opinion, la déclaration solennelle sur laquelle on venoit de se réunir, ne manqueroit pas

TOME VII.

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