Oh! comme il a grincé lorsque je refermais Il regarde le ciel. Oh! j'ai pansé la plaie effrayante de l'ombre. Plus d'enfer. C'est fini. Les douleurs sont taries. Rubis de la fournaise! ô braises! pierreries! D'étincelles qui vont devenir des étoiles ! Les âmes, hors des corps comme hors de leurs voiles, En extase. Feu! lavage De toutes les noirceurs par la flamme Transfiguration suprême! acte de foi! sauvage ! Nous sommes deux sous l'œil de Dieu, Satan et moi. Ah! sans moi, vous étiez perdus mes bien-aimés! Ah! vous me maudissez pour un instant qui passe, Quand vous verrez à quoi vous avez échappé ; Car les blancs séraphins, penchés au puits de soufre, Vous voilà délivrés, partez, fuyez là-haut ! Il se penche et semble regarder sous terre Il se redresse. Dieu nous donne l'appui que nous lui demandâmes, Là-haut l'esprit vivant sauvé de la chair morte! Montez de l'ombre au jour. Changez d'éternité ! Poésies à lire de Victor Hugo (dans la collection des Euvres complètes, Hetzel-Quantin, éditeurs, Paris): Odes et Ballades (1818-1828); Les Orientales (1829); Les Feuilles d'automne (1831); Les Chants du crépuscule (1835); Les Voix intérieures (1837); Les Rayons et les Ombres (1840); Les Châtiments (1853) Les Contemplations (1856); La Légende des siècles (1859-1873); L'Année terrible (1872); L'Art d'être grand-père (1877); Le Pape (1878); La Pitié suprême (1879); Religions et Religion (1880); L'Ane (1880); Les Quatre vents de l'esprit (1881); Le Théâtre en liberté (1884); La Fin de Satan (1886); Toute la Lyre (1888); Dieu (1891). Entre ses dix drames, lire: Cromwell (1827); Hernani (1830); Ruy Blas (1838); Les Burgraves (1843); Torquemada (1882). - Pour ses œuvres en prose, voir le premier volume de cette Chrestomathie. Pour la critique de ses œuvres, consulter principalement les ouvrages suivants : Sainte-Beuve, Premiers lundis (1827, 1829), et Portraits contemporains (1831-1835); A. Vinet, Etudes sur la littérature française au XIXe siècle; Leconte de Lisle, Discours de réception à l'Académie (1887); Ernest Dupuis, Victor Hugo, l'homme et le poète (1887); Emile Faguet, XIXe siècle (1887); Paul Stapfer, Racine et Victor Hugo (1887); F. Brunetière, L'évolution de la poésie lyrique au XIXe siècle (1893-1895); M. Guyau, L'art au point de vue sociologique (1889); L. Mabilleau, Victor Hugo (1893); Ch. Renouvier, Victor Hugo, le poète (1589-1893); Victor Hugo, le philosophe (1900). ALFRED DE VIGNY Né à Loches en 1797, mort à Paris en 1863. Romantique de la première heure, Vigny peut paraître presque classique et très objectif à un lecteur superficiel; pourtant il est, comme les autres poètes de l'école, un lyrique subjectif: ce sont ses sentiments, c'est sa pensée personnelle, qu'il a mis dans toutes ses œuvres, même dans celles qui ont un caractère biblique prononcé. Seulement, il a donné à ses sentiments une forme très générale et les a fondus, en quelque sorte, dans un symbolisme transcendental. Poète philosophique par excellence, penseur très profond, Vigny avait une conception absolument pessimiste de la vie ; il la considérait comme une sorte de condamnation au malheur. Il souffrit cruellement de cette désespérance. Son Journal d'un poète, publié après sa mort, nous a livré le secret des amères et hautaines pensées qui assombrirent son existence. Gentilhomme, noble et fier, c'est dans le stoïcisme qu'il chercha un refuge contre la dure fatalité de la vie; cela le conduisit à aimer l'homme, cette victime de l'implacable nature, et, ainsi, après un long détour, il se rapprocha du christianisme, dont sa philosophie première semble le contre-pied. Il écrivit, non par besoin d'épanchement, car il était d'une hautaine réserve, mais parce qu'il crut à la pensée comme manifestation suprême de la personnalité humaine. En le lisant, on songe au mot de Pascal, auquel il ressemble du reste par certains côtés: « L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature, mais c'est un roseau pensant... Travaillons donc à bien penser, voilà le principe de la morale ». Tout cela se trouve dans ses poèmes, que déparent malheureusement parfois les faiblesses du style; sauf dans sa prose, Vigny est un artiste assez inégal, surtout si on le compare à l'impeccable versificateur auquel le romantisme doit sa langue. Moïse 1. Le soleil prolongeait sur la cime des tentes Ces obliques rayons, ces flammes éclatantes, Extrait des Poèmes antiques et modernes. Comparez cette pièce avec le texte biblique. Ecrite en 1822, elle renferme une des conceptions pessimistes de Vigny. D'après lui le génie est un don fatal qui isole l'homme parmi ses semblables et le condamne au malheur. Rapprocher cela de la conception de Chatterton. Voir page 68, dans le Ier volume de cet ouvrage. Ces larges traces d'or qu'il laisse dans les airs, Lorsqu'en un lit de sable il se couche aux déserts. La pourpre et l'or semblaient revêtir la campagne. Du stérile Nébo gravissant la montagne, Moïse, homme de Dieu, s'arrête, et, sans orgueil, Dont le pays fertile à sa droite est placé; Or, des champs de Moab couvrant la vaste enceinte, Tel qu'un bois de cyprès sur le sable qui roule, Du peuple avec la harpe accompagnant les voix, Dirigeaient vers le ciel l'hymne du Roi des Rois. Et, debout devant Dieu, Moïse ayant pris place >> Pourquoi vous fallut-il tarir mes espérances, Hélas! je sais aussi tous les secrets des cieux, |