Page images
PDF
EPUB

à deux jours toute discussion sur la question qui vous est soumise par vos comités. Il est impóssible de se dissimuler qu'il y a dans ce rapport des dispositions importantes et sur la discipline de l'Eglise et sur l'ordre public... (Il s'élève des murmures.) Il est impossible de ne pas convenir... (Les murmures augmentent.) Ce rapport est tel qu'il y a dans le projet de décret des articles qui peuvent augmenter les divisions du royaume. Il est nécessaire d'apporter dans cette matière une grande réflexion... (Nouveaux murmures.) Je ne m'opposerai jamais à ce que l'Assemblée repousse des atteintes qui seraient portées aux lois constitutionnelles du royaume; mais il n'est nullement juste, nullement sage de nous obliger à pronon. cer sur des dispositions qui nous sont inconnues. Je demande donc, pour l'honneur de l'Assemblée nationale et pour la tranquillité du royaume, qu'on ajourne à après-demain.

M. Barnave. Dans le système de résistance que de sourdes intrigues dénoncent, et qui s'accroît chaque jour, je crois que l'humanité et la prudence doivent hâter des mesures par le moyen desquelles nous éviterons des punitions plus sévères qui répugneraient à nos ames. C'est pour le salut de ceux-mêmes qui résistent, c'est pour éviter la nécessité douloureuse de sacrifier des victimes à la paix publique, qu'il ne faut pas perdre un moment. Je pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement, et que la discussion doit commencer immédiatement. (On applaudit.)

M. de Cazalès. Il est impossible... (L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement.)

M. de Bonnal, évêque de Clermont (1). Messieurs, ce n'est pas pour repousser les sarcasmes que le rapporteur du comité s'est permis contre les ecclésiastiques; ce n'est pas pour combattre les raisonnements qu'il a faits et que la saine logique désavoue; ce n'est pas pour défendre le traitement qu'il vous propose de nous enlever; ce n'est pas pour faire entendre des plaintes et des murmures sur la rigueur du décret dont on nous menace, que j'ai demandé la parole.

Affermis par la grâce de Dieu contre les épreuves de tout genre, nous espérons que jamais l'on ne verra dans notre conduite que la patience et la résignation avec la fermeté. Ces vertus, dont nous devons l'exemple, sont les fruits de la foi que nous avons été appelés à prêcher, que nous sommes chargés de défendre et dont nous devons suivre toutes les impressions.

Les grands intérêts, Messieurs, absorbent les moindres et les font oublier. Ici nous laissons tout ce qui est temporel; il n'est point dans notre caractère, ni dans nos sentiments de nous en occuper, lorsqu'il s'agit d'un apanage bien plus essentiel de l'Eglise, de la hiérarchie, de sa juridiction et de sa dicipline.

Aussi éloignés de l'enthousiasme et du fanatisme que de l'esprit de faction et de trouble; dominés par l'unique ambition de remplir nos devoirs et de satisfaire notre conscience, nous avons ouvert, de nouveau, d'un côté, les dépôts sacrés où sont contenus les grands principes qui doivent nous diriger; de l'autre, la constitution du clergé.

Dans cette constitution que vous appelez civile

(1) Le dire de M. de Bonnal et très incomplet au Moniteur.

et qui, dès lors, ne devrait traiter que d'objets civils et politiques, nous n'avons pu méconnaître une législation sur des objets spirituels. Accorder la juridiction, l'ôter, 'T'étendre, ou la restreindre, en régler l'exercice, en déterminer les fonctions, voilà ce qu'elle fait; mais voilà aussi ce que les livres saints, et la tradition, aussi vénérable que constante, qui forme la chaîne dont le premier anneau tient à la pierre angulaire sur laquelle l'Eglise est bâtie, nous disent qu'elle ne peut pas faire; voilà ce que nous ne pourrons jamais regarder comme compatible avec les principes de l'Eglise catholique.

Vous la respectez, Messieurs, cette Eglise, et Vous vous glorifiez d'être ses enfants; nous aimons à croire que c'est même par zèle pour elle que plusieurs d'entre vous ont adopté, en grande partie, les articles de Constitution qui nous ont été proposés, comme devant lui rendre l'éclat de sa beauté primitive. Mais nous devons le dire, parce que la vérité ne peut rester captive dans notre bouche, et que c'est vous rendre hommage que de l'énoncer devant vous avec liberté, le tils de Dieu n'a pas laissé son ouvrage imparfait, lorsqu'il a formé son Eglise, il l'a organisée luimême et a laissé à ses apôtres le pouvoir qui devait être transmis à leurs successeurs, de la gouverner; par conséquent, celui de faire des lois, de régler les fonctions des différentes classes des ministres, d'assigner à chacun la sphère au delà de laquelle il ne pourrait exercer sa juridiction, de se perpétuer par l'ordination, d'établir l'ordre canonique pour remplir les différentes places du sanctuaire. Toute autre organisation est étrangère à l'Eglise et ne peut avoir lieu que par son adoption.

Qu'on daigne nous permettre de nous assembler en concile, et là toujours unis au successeur de Pierre, nous chercherons, dans toute la pureté des vues qui doivent nous animer, à concilier, autant qu'il sera en nous, les intérêts de la nation avec ceux de la religion sainte que nous devons tous regarder comme le bien national le plus précieux. Qu'on attende du moins, comme nous l'avons demandé plusieurs fois, que le chef de l'Eglise, consulté par le roi, se soit expliqué.

Messieurs, rien ne peut mieux vous prouver, ainsi qu'à la nation et à l'univers entier, que nous sommes conduits par des motifs dignes de notre caractère que notre résolution qui doit être inébranlable, parce qu'elle tient aux devoirs les plus sacrés, de nous soumettre à toutes les privations et de nous dévouer à tous les sacrifices, plutôt que de manquer à nos principes et de trahir notre conscience.

Par là, nous donnerons à nos détracteurs et à nos ennemis, aux insensés comme aux sages, aux faibles comme aux puissants, le beau spectacle que l'Eglise nous a commandé de donner à tous quand ils s'agit des intérêts de Dieu. Si nous avons à souffrir, nous nous glorifierons de souffrir pour sa cause; nous nous réjouirons de devenir plus semblables à son divin fils; nous nous abandonnerons aux soins de sa providence; nos privations seront nos jouissances, et le monde saura que ce n'est point l'amour des biens terrestres qui domine nos cœurs.

Au surplus, Messieurs, nous le répétons et nous aimons à le répéter dans tout ce qui est civil et politique, nulle soumission ne l'emportera sur la nôtre; nous ne cesserons de montrer, par notre conduite, comme nous l'avons plusieurs fois ici solennellement exprimé, notre fidélité à la loi, à

la nation et au roi; notre ministère sera toujours consacré, comme il doit l'être, à procurer et affermir la paix, l'ordre, l'obéissance à l'autorité légitime dont la religion catholique est le plus ferme appui, et nos cœurs seront toujours occupés à former des vœux pour le bonheur public.

Je supplie l'Assemblée d'ordonner que ce que je viens de dire soit inséré dans son procès-verbal. (Les évêques et le plus grand nombre des ecclésiastiques se lèvent en signe d'adhésion au moment où M. de Bonnal quitte la tribune).

M. de Cazalès. M. l'évêque de Clermont demande que son dire soit inséré au procès-verbal.

[ocr errors]

Voix à gauche L'ordre du jour ! (L'ordre du jour est prononcé.)

M. de Mirabeau l'aîné. Messieurs, tandis que de toutes parts les ennemis de la liberté publique vous accusent d'avoir juré la perte de la religion, je me lève en ce moment pour vous conjurer, au nom de la patrie, de soutenir, de toute la force dont la nation vous a revêtus, cette religion menacée par ses propres ministres, et qui ne chancela jamais que sous les coups dont l'orgueil et le fanatisme des prêtres l'ont trop souvent outragée.

Quelle est, en effet, cette Exposition qui vient à la suite de protestations et de déclarations turbulentes, susciter de nouvelles interruptions à vos travaux et de nouvelles inquiétudes aux bons citoyens? Ne balançons pas à le dire, Messieurs c'est encore ici la ruse d'une hypocrisie qui cache, sous le masque de la piété et de la bonne foi, le punissable dessein de tromper la religion publique et d'égarer le jugement du peuple. C'est l'artifice d'une cabale formée dans votre propre sein, qui continue à méditer des mesures pour le renversement de la Constitution, en affectant le ton de la paix, et qui met en mouvement tous les ressorts du trouble et de la sédition, lorsqu'elle se donne pour ne vouloir plaider que la cause de Dieu, et revendiquer les droits de la puissance spirituelle.

Non, Messieurs, ce qu'on veut, n'est pas que vous apportiez des tempéraments et des modifications à ce que vous avez statué sur la constitution civile du clergé; mais que vous cessiez d'être sages, que vous renonciez à toute justice; qu'après avoir réglé le dehors de la religion, vous en attaquiez le fond; que vous fouliez aux pieds la foi de vos pères, que vous anéantissiez un culte dont vous avez lié la destinée à celle de l'Empire, afin que votre chute dans l'impiété vous imprime un caractère odieux, et semble intéresser la piété des peuples à la dispersion des législateurs de qui la France attendait sa régénération.

Mais s'il était vrai que le sacerdoce français dût à la religion et à sa propre conscience d'opposer des réclamations à vos décrets, ces réclàmations devraient-elles être conçues, rédigées, publiées par les évêques députés à l'Assemblée nationale? Si cette Exposition est un devoir indispensable pour le corps des pasteurs, pourquoi nos collègues dans la représentation nationale, se rendent-ils les organes d'une résistance qui, fût-elle nécessaire, aurait toujours ses inconvénients et ses dangers? Pourquoi faut-il que ce soit du fond de ce sanctuaire même de la loi, qu'il s'élève des voix pour la ruine de la loi? N'était-ce pas là une commission délicate et terrible, dont la prudence voulait qu'on choisit les instruments au dehors du Corps législatif, et

dans une classe d'hommes libres des ménagements et des bienséances que la nation impose aux dépositaires de sa confiance et de son autorité? Ce ténébreux phénomène ne s'explique, Messieurs, que par la détermination prise depuis longtemps de faire hair des persécuteurs du christianisme dans les fondateurs de la liberté et de réveiller contre vous l'ancien et infernal génie des fureurs sacrées. Un tel dessein demande des agents suscités du milieu de vous. Leur caractère public donne du poids à leurs calomnies. On a voulu, pour imprimer au ressort contre-révolutionnaire une teinte constitutionnelle et nationale, que les moteurs en fussent pris parmi les spectateurs et les compagnous de vos travaux. Il résulte de là un signal solennel de scission qui ranime toutes les espérances, et qui, sans les vertus personnelles du prince que vous avez appelé le restaurateur de la liberté française, promettait, au despotisme abattu, des forces pour briser son tombeau, et pour redresser son trône sur les cadavres des hommes échappés à ses fers.

Pour démêler, Messieurs, ce caractère faux et perfide qu'on s'est vainement efforcé de couvrir de tous les voiles d'une raison modérée, et d'une religion sage et tranquille, il vous suffira de remarquer les paroles qui terminent cette étrange Exposition:« Nous pensons que notre premier « devoir est d'attendre avec confiance la réponse <<< du successeur de Saint-Pierre, qui, placé dans «<le centre de l'unité catholique, et de la com«munion, doit être l'interprète et l'organe du « vœu de l'Eglise universelle. »

Concevez-vous, Messieurs, comment des pasteurs qui sont dans l'attente d'une décision suprême et très prochaine de la part d'un tribunal dont ils veulent, à tout prix, reconnaître la souveraineté, tombent dans l'inconséquence de prévenir ce jugement, et de s'établir les précurseurs du conseil de Rome,qui doit apparemment armer la France catholique contre la France libre? N'est-ce pas là publier que l'on fait à l'avance, parce qu'on l'a dictée, une réponse à laquelle on veut attacher les destins de cet E mpire? N'est-ce pas laisser transpirer la connivence établie entre le clergé français et le clergé romain, pour combiner des manœuvres de contre-révolution, et déconcerter, par la perspective sinistre d'un schisme, la force qui nous a soutenus jusqu'ici contre tant d'orages? Ou plutôt, Messieurs, on vous prévient sans détour que vous êtes destinés à subir ce dernier joug, si vous ne vous hâtez de recommencer la constitution du clergé sur les principes exposés par les évêques députés à l'Assemblée nationale. « Nous voulons, disent-ils, employer tous les moyens de sagesse et de charité, pour prévenir les troubles dont une déplorable scission peut devenir l'ouvrage. Nous « ne pouvons pas transporter le schisme dans « nos principes, quand nous cherchons dans << notre conduite tous les moyens d'en préserver «la nation. » Et ce sont des représentants des Français qui tiennent à leurs commeltants ce langage menaçant et séditieux ! Et ce sont les ministres du Dieu de la paix, les pasteurs des hommes qui soufflent l'esprit de discorde et de révolte parmi leurs troupeaux!

[ocr errors]
[ocr errors]

Jamais l'incrédulité systématique n'ourdit de manœuvres, ni si dangereuses, ni si profondément destructives de tous les principes du christianisme. Aucun impie n'en a tenté la ruine, en lui incorporant les intérêts et les passions les plus incompatibles avec la durée de son règne, et en semant dans son sein tous les germes d'une

inquiétude et d'une fermentation si incurable, que, pour le voir s'évanouir et se perdre dans les gouffres du temps, il n'y ait plus qu'à l'abandonner à sa propre destinée. Voilà, Messieurs, ce que sont les évêques députés à l'Assemblée nationale; ils veulent charger la religion du soin de vous punir, et de les venger. Ils savent à quels dangers ils l'exposent; mais ils en ont fait le sacrifice. Ils sont résolus à lui faire courir tous les basards de ce choc terrible, et à la voir s'écrouler sur ses antiques et augustes fondements, pourvu qu'en tombant, elle enveloppe dans ses ruines Vos lois et la liberté !

Certes, Messieurs, quand on vous reproche (1) de retrécir l'ancienne juridiction de l'Eglise, et de méconnaitre la nécessité et l'étendue d'un pouvoir qu'elle exerçait sous les empereurs payens, et dans le temps des persécutions, n'est-ce pas vous inviter à soumettre à un revision sévère le système d'organisation sacerdotale que vous avez adopté ? à ramener la religion à l'existence qu'elle avait sous le gouvernement des anciens Césars, et à la dépouiller de toute correspondance et de toute relation avec le régime de l'Empire? Quelle merveille que des empereurs payens pour qui la religion n'était rien, et dans un temps où l'institution chrétienne n'était ni reçue dans l'Etat ni reconnue par l'Etat, ni entretenue sur les fonds de l'Etat, aient laissé cette institution se regir dans son invisibilité, suivant des maximes qui ne pouvaient avoir d'effets publics, et qui ne touchaient, par aucun point, l'administration civile! Le sacerdoce entièrement détaché du régime social, et dans son état de nullité politique, pouvait, du sein des cavernes où il avait construit les sanctuaires, dilater et rétrécir au gré de ses opinions religieuses, le cercle de ses droits spirituels et de ses dépendances hiérarchiques. Il pouvait régler, sans exciter nulle sensation, ces limites et ces démarcations diocésaines qui ne signifiaient alors que le partage des soins apostoliques, et qui n'obscurcissaient et n'embarrassaient en rien la distribution des provinces romaines.

Alors, Messieurs, la religion n'était que soufferte. Alors les prêtres ne demandaient pour elle, aux maîtres du monde, que de la laisser épancher dans le sein de l'homme ses bienfaits inestimables. Alors les pontifes bénissaient les puissances de laisser reposer le glaive qui avait immolé tant de pasteurs vénérables, et de regarder les modestes organes de l'Evangile avec bienveillance, ou même sans colère. Alors ces ouvriers austères et infatigables ne connaissaient d'autre source de leur frugale subsistance, que les aumones de ceux qui recevaient l'Evangile et qui employaient leur ministère.

Concevez-vous, Messieurs, quels eussent été les transports de ces hommes si dignes de la lendre et religieuse vénération qu'ils inspirent, Si la puissance romaine eût ménagé, de leur temps, à la religion, le triomphe que lui assufeat aujourd'hui les législateurs de la France? Et c'est à ce moment où vous rendez sa destinée inséparable de celle de la nation, où vous l'incorporez à l'existence de ce grand Empire, où vo us Consacrez à la perpétuité de son règne et de son raite, la plus solide portion de la substance de Etat; c'est ce moment où vous la faites si gloheusement intervenir dans cette sublime diviJa du plus beau royaume de l'Univers, et où, plantant le signe auguste du christianisme sur

(4) Page 5 de l'Exposition des évêques.

la cîme de tous les départements de la France, vous confessez, à la face de toutes les nations et de tous les siècles, que Dieu est aussi nécessaire que la liberté au peuple français; c'est ce moment que nos évêques ont choisi pour vous dénoncer comme violateurs des droits de la religion, pour vous prêter le caractère des anciens persécuteurs du christianisme, pour vous imputer, par conséquent, le crime d'avoir voulu tarir la dernière ressource de l'ordre public et éteindre le dernier espoir de la vertu malheureuse!

Et nous ne pouvons pas douter, Messieurs, que ce ne soit dans une intention aussi malveillante (1), qu'on cherche à insinuer que la religion est perdue, si c'est le choix du peuple qui décerne les places ecclésiastiques. Car nos évêques savent, comme toute la France, à quel odieux brigandage la plupart d'entre eux sont redevables du caractère qu'ils déploient maintenant, avec tant de hardiesse, contre la sagesse de vos lois; certes, il en est plusieurs qui auraient trop à rougir de voir se dévoiler au grand jour les obscures et indécentes intrigues qui ont déterminé leur vocation à l'épiscopat; et le clergé, dans sa conscience, ne peut pas se dissimuler ce que c'était que l'administration de la feuille des bénéfices. Je ne veux pas remuer ici cette source impure qui a si longtemps infecté l'Eglise de France de sa corruption profonde, ni retracer cette iniquité publique et scandaleuse qui repoussait, loin des dignités du sanctuaire, la portion saine et laborieuse de l'ordre ecclésiastique, qui faisait ruisseler, dans le sein de l'oisiveté et de l'ignorance, tous les trésors de la religion et des pauvres, et qui couronnait de la tiare sacrée, des fronts couverts du mépris public et flétris de l'empreinte de tous les vices. Mais je dirai que des prélats d'une création aussi anticanonique, des prélats entrés dans le bercail du troupeau du Seigneur, par une porte aussi profane, sont les véritables intrus que la religion réprouve, et qu'ils ne peuvent, sans blesser toute pudeur, condamner la loi qui leur assigne pour successeurs, ceux qui obtiendront l'estime toujours impartiale et pure de leurs concitoyens.

[ocr errors]

« On sait, disent-ils, à quel point la forme « qu'on propose pour les élections est contraire "aux règles anciennes... Il n'y a pas d'exemple « d'une forme d'élection sur laquelle le clergé « n'ait pas eu la principale influence; cette in«fluence est anéantie; il y a des départements < dans lesquels on ne compte pas un ecclésiastique parmi les électeurs (2). » Vous deviez bien frémir, ô vous qui brûlez de taut de zèle lorsque, sous l'ancien régime, le clergé se mêlait pour la restauration de l'ancienne discipline, si peu du choix des premiers pasteurs, et qu'un ministre, vendu aux volontés et aux caprices de ce qu'il y eut jamais de plus pervers et de plus dissolu autour du trône, distribuait, en mercenaire, les honneurs et les richesses de l'Eglise de France, au commandement des mêmes oppresseurs qui se jouaient des larmes du peuple, et qui trafiquaient impunément du bonheur et du malheur des hommes ! Pourquoi ne vit-on jamais sortir des assemblées du clergé, ni doléances, ní réclamations, ni remontrances contre un abus qui tuait si visiblement la religion dans ses plus intimes éléments, et qui corrompait si scandaleusement toutes les sources de la morale?

(1) Page 23 de l'Exposition des évêques. (2) Pages 23 et 24 de l'Exposition.

Non, Messieurs, on ne veut pas sincèrement l'ordre et la justice; on ne veut que brouiller et bouleverser. On n'est irrité que de la force de la digue que vous avez opposée au torrent des passions sacerdotales. On cherche à paralyser la Constitution de l'Etat, pour faire revivre l'ancienne constitution du clergé; on aspire à faire évanouir tous vos travaux dans les longueurs et la contuinité des interruptions qu'on y apporte, et à voir toutes nos scènes politiques se dénouer dans les horreurs d'une guerre religieuse.

Ceux qui revendiquent la part qu'avait autretrefois le clergé à l'élection des ministres de l'Eglise, sont-ils de bonne foi? Il n'y a qu'un mot à leur répondre; le voici Si le clergé actuel ne doit jamais devenir constitutionnel et citoyen, son intervention dans le choix des pasteurs serait un mal public, et le foyer du trouble résiderait à perpétuité dans le seiu de l'Eglise de France. S'il prend enfin l'esprit de la Révolution et de la liberté, le peuple s'honorera d'invoquer sa sagesse et d'écouter ses conseils dans toutes les grandes déterminations qu'il aura à statuer pour le maintien des lois et pour la juste distribution des emplois religieux et politiques.

L'influence de l'ancien clergé sur les élections ecclésiastiques n'a point d'autre origine que le respect et la confiance du peuple. Vous savez, prélats qui m'entendez, vous savez qu'il ne tient qu'à vous de vous faire adorer des hommes et de devenir les oracles de tous leurs conseils. Ressemblez à vos anciens prédécesseurs, et vous verrez bientôt le peuple ressembler aux anciens fidèles et ne vouloir rien faire sans ses pasteurs.

Quoique je n'aie pas eu dessein, Messieurs, de vous exposer l'analyse et la réfutation d'un écrit qui n'a pour base que les traditions surannées d'une théologie arbitraire et inconséquente, je ne puis néanmoins me dispenser d'attirer un moment l'attention de l'Assemblée sur le fond de la question considérée en elle-même, parce qu'enfin il entre peut-être de la vraie religion dans toutes ces réflexions et toutes ces inquiétudes théologiques; et qu'autant nous devons de sévérité à l'esprit de mécontentement et de murmure, autant nous devons de patience, de discussion et d'exhortation aux doutes des âmes timorées.

Le prétexte politique de cette espèce d'insurrection sacerdotale, c'est, Messieurs, que la même puissance qui a changé l'ancienne distribution du royaume, ne pouvait rien changer à l'ancienne démarcation des diocèses, sans le concert de la puissance spirituelle. Ils disent que le Corps législatif n'ayant nul caractère pour restreindre ou pour étendre la juridiction des évêques, ceux-ci ont besoin d'une nouvelle institution, pour se remettre au cours de leurs fonctions.

J'avouerai volontiers que la théologie n'entra jamais dans le plan de mes études; mais sur le point dont il s'agit ici, j'ai eu quelques entretiens avec des ecclésiastiques instruits et d'une raison exacte et saine. En fondant leurs réflexions dans les principes qui appartiennent aux seuls procédés d'un bon esprit et d'une logique inflexible, j'ai acquis le résultat que je vais mettre sous vos yeux.

Le premier des quatre articles qui servent de base aux libertés de l'Eglise gallicane, énonce que les évêques tiennent immédiatement de Dieu la juridiction spirituelle qu'ils exercent dans 1 Eglise paroles qui ne signifieat rien du tout, si elles ne signifient que les évêques reçoivent, dans leur inauguration, la puissance de régir les fidèles dans l'ordre spirituel, et que cette puissance

est essentiellement illimitée : car elle est le fond et l'essence de l'épiscopat, et ne saurait par conséquent connaître d'autres bornes que celles de l'univers entier. Un caractère divin qui perdrait son exisience au delà d'une circonférence donnée, serait un caractère chimérique et illusoire; un pouvoir fondé sur une mission divine et absolue, ne se peut ni restreindre, ni circonscrire ; en sorte que chaque évêque est solidairement, et par l'institution divine, le pasteur de l'Eglise uni. verselle. Aussi le fondateur du christianisme n'a-t-il point partagé entre les apôtres la juridic tion à exercer dans les différentes contrées du monde, et n'a-t-il assigné à aucun d'eux le cercle où il devait se renfermer. Mais chacun d'eux a reçu la puissance de tous; tous ont été indivisi blement établis les recteurs et les chefs de tout le troupeau de Dieu. Répandez-vous, leur dit-il, dans tout le monde, annoncez l'Evangile à toute créature. Je vous envoie comme mon père m'a envoyé. Voilà une décision évidente, où il faut dire que notre épiscopat est d'une autre nature que celui que Jésus-Christ a institué.

La division de l'Eglise universelle, en diverses sections ou diocèses, est une économie d'ordre et de police ecclésiastique, établie à des époques fort postérieures à la détermination de la puissance épiscopale un démembrement commandé par la nécessité des circonstances et par l'impossibilité que chaque évêque gouvernât toute l'Eglise, n'a pu rien changer à l'institution primitive des choses, ni faire qu'un pouvoir illimité par sa nature, devînt précaire et local.

Sans doute, le bon ordre a voulu que la démarcation des diocèses une fois déterminée, chaque évêque se renfermât dans les limites de son église. Mais que les théologiens, à force de voir cette discipline s'observer, se soient avisés d'enseigner que la juridiction d'un évêque se mesure sur l'étendue de son territoire diocésain, et que hors de là il est dépouillé de toute puissance et de toute autorité spirituelle, c'est là une erreur absurde qui n'a pu naître que de l'entier oubli des principes élémentaires de la constitution de l'Eglise.

Sans rechercher en quoi consiste la supériorité du souverain pontife, il est évident qu'il n'a pas une juridiction spécifiquement différente de celle d'un autre évêque: car la papauté n'est point un ordre hiérarchique: on n'est pas ordonné ni sacré pape. Or, une plus grande juridiction spirituelle, possédée de droit divin, ne se peut conférer que par une ordination spéciale, parce qu'une plus grande juridiction suppose l'impression d'un caractère plus éminent, et la collation d'un plus haut et plus parfait sarcerdoce. La primauté du pape n'est donc qu'une supériorité exterieure, et dont l'institution n'a pour but que d'assigner, au corps des pasteurs, un point de ralliement et un centre d'unité. La primauté de saint Pierre ne lu attribuait pas une puissance d'une autre espèce que celle qui appartenait aux autres apôtres, et n'empêchait pas que chacun de ses collègues ne fût comme lui, l'instituteur de l'univers et le pasteur né du genre humain. Voilà une règle sûre pour déterminer le rapport à maintenir contre nos évêques et le souverain pontife (1). Il n'y a là, Messieurs, ni subtilités, ni sophismes, et tout esprit droit et non prévenu est juge compétent de l'évidence de cette théorie.

(1) Tout ceci se résume en un raisonnement qui est sans réplique et que j'énonce de cette manière: Une juridiction qu'on ne tient que de Dieu, et qui en dérive immédiatement, ne peut être limitée, et affectée

[ocr errors]

Mais je l'ai dit, l'intérêt de rappeler les droits de l'Eglise n'est ici que le prétexte de l'entreprise de nos évêques, et l'on ne peut méconnaître la véritable cause de leur résistance.

Les vrais amis de la Constitution et de la liberté ne peuvent se dissimuler que nos pasteurs et nos prêtres persévèrent à compter une classe à part, et à mettre au nombre des devoirs de leur état, l'étude des mesures qui peuvent arrêter la Révolution. Ce sont des prêtres qui rédigent et qui font circuler les feuilles les plus fécondes en explosions frénétiques contre vos travaux; et ces prêtres sont soutenus de toute la prélature aristocratique: on exalte leur dévouement aux anciens abus, comme l'héroïsme du zèle apostolique; on les honore comme les réclamateurs imperturbables des droits de Dieu et des rois; on les encense, on les canonise comme les Ambroises et les Athanases de leur siècle; il ne leur manque que de mourir victimes de leur fanatisme et de leurs transports séditieux, pour recevoir les couronnes de l'apothéose, et pour obtenir la gloire d'être inscrits sur le tableau des martyrs de la religion.

Pontifes qui partagez avec nous l'honneur de représenter ici la nation française, à Dieu ne plaise que j'attire sur vous ni sur vos collègues dispersés dans leurs églises, des reproches qui Vous compromettraient aux yeux d'un peuple dont le respect et la confiance sout nécessaires au succès de vos augustes fonctions. Mais, après cette dernière éruption d'une inquiétude qui menace tout, pouvons-nous croire que vous ne prêtez

à certains lieux, qu'en vertu d'une dispensation divine. Or, la pertilion de l'Eglise universelle en des sections ou diocèses séparés, n'est pas une institution divine. Donc cette partition n'apporte aucune restriction à l'universalité de la juridiction épiscopale.

Si nous jetons un coup d'œil sur les temps apostoliques et sur les premières époques de la fondation des Eglises particulières, nous serous pleinement convaincus que l'idee d'une juridiction illimitée était inséparablement attachée à celle de l'épiscopat, et que ce n'était qu'accidentellement, et par des vues de position et de circonstances, qu'un éveque s'attachait à un territoire déterminé. Nous lisons dans les Actes des Apôtres, chap. XX, que saint Paul, après avoir établi un nombre d'évêques dans l'Asie, leur dit, en leur faisant ses adieux: Veillez votre conduite et celle du troupeau sur lequel le Seigneur vous a établis évêques, en vous donnant la puissance de régir l'Eglise de Dieu que JésusChrist a fondée par son sang. Voilà des paroles assurément bien concluantes et bien précises. Voulons-nous savoir dans quel sens Timothée etait évêque d'Ephèse? Ecoutons comment saint Paul lui écrit peu de temps après qu'il lui eût remis la conduite de cette Eglise. JE. VOUS AI PRIE (1 Timoth. 1, 3) de rester à Ephèse pendant que j'irais en Macédoine, afin que vous fussiez à portée d'empêcher certains faux docteurs de repandre un enseignement different de celui que j'y ai porte...... Il écrit à peu près dans les mêmes termes à Tite, évêque de Crète: MON DESSEIN, dit-il, EN VOUS LAISSANT DANS L'ILE DE CRÈTE, a été que vous vous appliquassiez à réformer quelques abus qui y règnent encore et à établir des prétres dans les différentes villes, comme je vous l'ai recommandé. (Tit. 1, 5.) Il faut convenir que ce langage serait fort étrange dans la bouche d'un homme qui aurait cru que Timothée et Tite n'avaient de juridiction, l'un que sur les Ephésiens, l'autre que sur les Cretois. C'est donc comme si saint Paul eût dit à l'un et l'autre: «Par l'intention divine et en a vertu de l'imposition des mains, vous êtes pasteurs de l'univers. Mais, par la nécessité de soigner en « détail le troupeau du Seigoeur, vous vous renfermerez dans l'arrondissement où je vous ai laissés, et « vous exercerez auprès d'un peuple que j'ai spécialement confié à votre zèle, une puissance que Dieu vous a donnée pour le salut de tous les peuples de la terre, »

ni votre appui ni votre suffrage aux écrivains anticonstitutionnels qui décrient la liberté au nom de l'Evangile, et qui ne visent à rien moins, qu'à présenter la Révolution sous les couleurs d'une manœuvre impie et sacrilège? Et quand vous vous seriez bornés au silence de la neutralité et de l'insouciance, ce silence n'eût-il pas déjà été lui-même un scandale public? Des premiers pasteurs peuvent-ils se taire dans ces grandes crises où le peuple a un si pressant besoin d'entendre la voix de ses guides et de recevoir de leur bouche des conseils de paix et de sagesse? Oui, j'étais déjà profondément scandalisé de ne pas voir l'épiscopat français adresser à ses ouailles de fréquentes et fortes instructions pastorales sur les devoirs actuels des citoyens, sur la nécessité de la subordination, sur les avantages à venir de la liberté, sur l'horreur du crime que commettent tous ces esprits perturbateurs et malveillants qui méditent des contre-révolutions à exécuter dans le sang de leurs concitoyens. J'étais scandalisé de ne pas voir des mandements civiques se répandre dans toutes les parties de ce royaume, porter, jusqu'à ses extrémités les plus reculées, des maximes et des leçons conformes à l'esprit d'une Révolution qui trouve sa sanction dans les principes et dans les plus familiers éléments dù christianisme. J'étais enfin scandalisé et indigné de voir des pasteurs inférieurs affecter la même indifférence, écarter de leurs instructions publiques tout ce qui pourrait affermir le peuple dans l'amour de son nouveau régime, laisser plutôt transpirer des principes favorables à la résurrection de l'ancien despotisme, et se permettre souvent des réticences perfides... Je m'arrête pour éviter des inductions trop facheuses.

Prélats et pasteurs, je ne possède pas plus qu'un autre mortel le don de prophétie; mais j'ai quelque connaissance du caractère des hommes et de la marche des choses. Or, savezvous ce qui arrivera si les âmes ecclésiastiques persévérant à se fermer à l'esprit de la liberté, viennent enfin à faire désespérer de leur convention à la Constitution, et par conséquent de leur aptitude à être citoyens? L'indignation publique, montée à son comble, ne pourra plus souffrir que la conduite des hommes demeure confiée aux ennemis de leur prospérité; et ce qui serait peutêtre encore anjourd'hui une motion violente, ne tardera pas à acquérir le caractère d'une mesure raisonnable, sage et commandée par la nécessité d'achever le salut de l'Etat. On proposera à l'Assemblée nationale, comme l'unique moyen de nettoyer le sein de la nation de tout l'ancien levain qui voudrait se refiltrer dans ses organes, on proposera de décréter la vacance universelle des places ecclésiastiques conferées sous l'ancien régime, pour les soumettre toutes à l'élection des départements, pour mettre le peuple à portée de se donner des pasteurs dignes de la confiance, et de pouvoir chérir, dans les apôtres de la réЛigion, les amis de sa délivrance et de sa liberté.

Et ce projet, Messieurs, tout brusque qu'il pourrait paraître au premier coup d'oeil, attirera d'autant plus l'attention des députés qui sont animés d'un véritable zèle pour répandre partout l'esprit de la Constitution, que son exécution ne pourra jamais entraîner que le déplacement de ceux qui ont donné lieu à la défiance publique, qui sont bien décidément reputés fauteurs ou approbateurs des menées de l'aristocratie, et par conséquent incapables de faire aucun bien réel dans les places qu'ils occupent; car le peuple est

« PreviousContinue »