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teur de la feuille des Annales patriotiques, qui, au no 410 du 16 novembre, a impudemment calomnié le patriotisme de M. de Bojé, leur colonel.

Adresse des officiers municipaux de la ville de Vic, qui supplient l'Assemblée de destiner à des établissements utiles les bâtiments nationaux qu'elle renferme dans son sein, et principalement de leur accorder un collège national.

Adresse du conseil général de la commune d'Epinal, qui expose à l'Assemblée ses alarmes au sujet des tentatives multipliées des ennemis de la Constitution. Il demande avec instance :

1° L'établissement de la haute cour nationale; 2o Le renvoi des ministres, et l'application de la loi de la responsabilité, en empêchant préalablement qu'ils n'y échappent par la fuite;

3. La punition exemplaire des coupables dans les affaires de Nancy, Belfort, etc.

4° La garde des frontières par les régiments français;

5 L'organisation et l'armement complet des gardes nationales.

Adresse des administrateurs du département des Hautes-Pyrénées, portant plainte et dénonciation contre l'évêque de Tarbes, qui s'est opposé à l'exécution des décrets de l'Assemblée, concernant la constitution civile du clergé.

(L'Assemblée ordonne le renvoi de chacune de ces adresses aux comités relatifs.)

M. de Choiseul, député de Chaumont-en-Bassigny, demande et obtient un congé d'un mois pour raison de santé.

M. Brostaret lit une adresse du département de Lot-et-Garonne qui demande à l'Assemblée de décréter les moyens à prendre touchant les visas des contributions pour la perception des impôts, attribués par un décret de l'Assemblée à chaque district, tandis qu'une lettre-circulaire de M. Lambert, contrôleur général, n'attribue lesdits visas qu'au seul district du département dans lequel se trouve placé le principal receveur.

M. Brostaret demande le renvoi de cette adresse au comité des finances.

M. Boussion, en appuyant le renvoi, demande que le comité des finances soit chargé de faire le rapport au commencement de la séance de jeudi au soir, afin de ne pas retarder le recouvrement des impositions. Il ajoute que son département, dont le zèle est connu pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, a délibéré de ne point obtempérer à la lettre du contrôleur général qui s'est prêté aux sollicitations des receveurs de l'ancien régime.

(La double motion de M. Brostaret et de M. Boussion est mise aux voix et décrétée.)

M. Merle fait part des ravages que le débordement de la Loire a causés dans le district de Mâcon et demande des secours pour les victimes.

(Cette pétition est renvoyée au comité des finances.)

M. Chasset, rapporteur du comité ecclésiastique. J'ai à vous proposer, au nom de votre comité ecclésiastique, des mesures très instantes pour faire payer au mois de janvier les traitements des ministres du culte. Il n'y a point sur cet objet un moment à perdre. Vous avez ordonné aux receveurs de districts de prendre les mesu

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res nécessaires pour pourvoir au payement des
ecclésiastiques, et vous avez chargé les directoires
de districts et de départements de faire des états
des pensions et traitements des ecclésiastiques
de leur territoire, et d'envoyer ces états à l'As-
semblée nationale, afin de connaître les sommes
qu'il faudrait employer à ces payements. Le co-
mité ecclésiastique n'a pu savoir pour quelles
raisons ces états n'ont point été faits par les di-
rectoires, ni pourquoi les receveurs ont négligé
de prendre les mesures dont vous les aviez char-
gés. La plupart des départements se sont excusés
sur le retard de la publication des décrets... C'est
d'après ces faits que le comité ecclésiastique a
l'honneur de vous proposer le décret suivant :
«L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui
a été fait par son comité ecclésiastique, décrète
ce qui suit:

Art. 1er.

<< Chaque directoire de district sera tenu d'envoyer, avant le 20 décembre prochain, au directoire du département, un état par aperçu, soit des deniers provenant des revenus des biens nationaux qui pourront être en caisse au 1er janvier 1791, soit des traitements ou pensions qui se trouveront payables à la même époque au clergé séculier et régulier, y compris les religieuses et chanoinesses. Chaque directoire de département enverra ensuite, avant le 1er janvier 1791, à l'Assemblée nationale, un état général, formé sur les états particuliers qui lui seront envoyés.

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Art. 2.

Chaque directoire de département, par l'intermédiaire de ceux des districts de son arrondissement, tiendra la main à ce que les termes des traitements et pensions dus et échus au 1er janvier 1791, soient exactement payés à cet effet, lorsqu'une caisse de district ne sera pas suffisamment garnie, et qu'il se trouvera, dans une ou plusieurs autres, une surabondance provenant des revenus des biens nationaux, il ordonnera, des unes dans les autres, les versements qui seront nécessaires. Si, dans toutes les caisses des districts de son arrondissement, il ne se trouve pas des sommes suffisantes pour l'acquittement des dépenses de ce genre à faire dans le département, il en donnera avis à l'Assemblée nationale.

Art. 3.

Dans les payements qui seront à faire des deniers provenant des revenus de biens nationaux, les directoires de département, sur l'avis de ceux de district, ordonneront d'abord celui des traitements et pensions, ensuite celui des intérêts qui seront dus aux créanciers. Quant aux capitaux, ils n'ordonneront le payement d'aucun sans y être autorisés par l'Assemblée nationale, sauf à user, avec retenue et modération, de la faculté qui leur est accordée par l'article 23 du titre quatrième du décret dù 23 octobre dernier.

Art. 4.

Si, faute de diligence contre les fermiers et débiteurs, de la part des receveurs de district, pour les sommes dues et échues, il ne se trouve pas en caisse des sommes suffisantes pour faire face aux payements qui seront à faire au 1er janvier 1791, lesdits receveurs, ainsi que leurs cautions, seront, en vertu de la responsabilité prononcée par l'article 27 du décret des 6 et 11 août

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* Les directoires de département pourront, au surplus, sur l'avis de ceux des districts, ordonner tels payements acompte des traitements et pensions qu'ils jugeront à propos, en attendant la liquidation des uns et des autres, sans cependant excéder le minimum de ce que chacune pourra prétendre; et néanmoins il ne sera fait aucun payement, ni acompte, ni provisoire, ni définitif, à ceux qui n'auront pas satisfait aux dispositions du décret des 6 et 11 août dernier, ni à ceux qui, y étant obligés, n'auront pas satisfait aux dispositions de l'article 39 du décret du 24 juillet précédent, concernant le traitement du clergé actuel, et à celles du décret du 27 de ce mois. »

Art. 8.

Les receveurs de district ne pourront, sous le prétexte de l'exécution des articles qui précèdent, ni sous aucun autre prétexte, se dispenser de verser sans délai dans la caisse de l'extraor dinaire le prix qu'ils ont reçu, ou qu'ils recevront à l'avenir des ventes des biens nationaux. »

(Ce décret est adopté sans opposition.)

M. le Président. L'ordre du jour est un rapport sur l'assassinat du sieur Latierce, maire de Varaize, à Saint-Jean-d'Angély, le 22 octobre dernier.

M. Vieillard, député de Coutances, au nom du comité des rapports.

Votre comité des rapports, chargé de l'examen des pièces qui constatent les malheureux événements arrivés le 22 octobre dernier à Saint-Jeand'Angély, me charge de vous en rendre compte. Le récit que je vais faire est puisé dans les procès-verbaux dressés par les administrateurs du directoire du département de la Charente-Inférieure, par les officiers municipaux de SaintJean-d'Angély, par les membres du directoire du district de cette dernière viile, et par les commissaires envoyés par le directoire du département.

Au mois de septembre dernier, le directoire du département de la Charente-Inférieure fut informé que plusieurs municipalités et gardes nationales s'opposaient à la libre circulation des grains; que, dans certains endroits, on voulait les faire taxer à un prix uniforme et arbitraire, et qu'on cherchait, par des insinuations perfides, à tromper le peuple. Sur cet avis, dont la vérité n'était que trop reconnue, le directoire, pour dissiper l'erreur dans laquelle on entretenait le peuple, fit imprimer et publier de nouveau les décrets de l'Assemblée nationale sur cet objet, et fit en même temps afficher une proclamation dans laquelle il rappelait aux citoyens leurs devoirs et leurs obligations, et leur montrait les dangers qui mena

çaient celles des communautés qui chercheraient à se soustraire à l'exécution des lois. Cette proclamation produisit l'effet attendu dans la majeure partie des municipalités. Cependant M. Arnault, commandant de la garde nationale d'Angeau, excitait le peuple en lui persuadant qu'il ne fallait point payer la dime, qu'il avait vu un décret de l'Assemblée nationale qui défendait de la payer après le 1er octobre prochain. Le directoire du district de Saint-Jean-d'Angély manda M. Arnault; celui-ci se rendit dans la ville pour satisfaire à la réquisition.

Le directoire du département de la CharenteInférieure, qui rend compte de ce fait, assure que M. Arnault ayant passé devant la chambre d'assemblée de la municipalité de Saint-Jean-d'Angély, on lui demanda où il allait; que, sur ce qu'il dit qu'il allait au district, on lui dit : « N'y allez pas; cela ne regarde point le directoire; mais répondez-lui par écrit. » Alors M. Valentin, maire de Saint-Jean-d'Angély, lui dicta cette lettre..... « On vient de me remettre une lettre, ou, pour mieux dire, un mandement qui paraît signé de vous. J'ai l'honneur de vous en adresser copie, afin que vous la vérifiez. Si ce n'est pas une erreur de votre part, je la communiquerai à mes camarades commandant les gardes nationales du district, pour voir le parti que je dois prendre..... » Sur une nouvelle lettre du syndic du district, M. Valentin, maire, conjointement avec un autre officier municipal, engagèrent M. Arnault à ne rien répondre aux questions qui lui seraient faites, ce qu'il exécuta ponctuellement. On voit, par cette circonstance, que l'harmonie et la bonne intelligence n'existaient pas entre la municipalité de Saint-Jean et le district du même lieu.

M. Arnault, plus entreprenant que jamais, se rendit avec sa troupe armée chez le curé d'Angeau, pour visiter ses greniers, et établit une sentinelle à sa porte pour qu'il ne pût faire sortir son blé. Cette visite fut faite en présence du maire d'Angeau, que M. Arnault s'était associé pour cette expédition. Sur la plainte du curé, le directoire du département chargea celui du district de Saint-Jean d'envoyer deux commissaires sur les lieux pour constater les faits, ramener le peuple à l'exécution des lois, et dénoncer au tribunal le maire et le commandant de la garde nationale comme perturbateurs du repos public. M. Arnault parut en armes au milieu de l'Assemblée et tint les propos les plus séditieux. Les commissaires furent obligés de se retirer. Bientôt le mal se propagea; plus de dix paroisses arrêtèrent de ne plus payer de droits, soit de dime, soit de champarts, agriers ou cens non supprimés. Un notaire de la paroisse de Migron se faisait à chaque instant des partisans. On prêchait ce système d'insubordination dans les foires et marchés; on disait que l'Assemblée nationale l'avait ainsi décidé... Enfin, le dimanche 3 octobre, les différents orateurs cherchèrent à faire approuver leurs systèmes. A Migron, M. Girault, notaire, lut une requête qu'il avait faite, et par laquelle il déclarait qu'on ne devait payer aucun droit, jusqu'à ce que les ci-devant seigneurs eussent présenté leurs titres primitifs. On força les habitants honnêtes de signer cette requête en menaçant de pendre ceux qui ne la signeraient pas. Le procureur de la commune requit l'exécution des demandes portées par la requête, les officiers municipaux l'ordonnèrent. Le directoire du département rendit, le 7 octobre, une ordonnance par laquelle il cassa la décision de la municipalité comme séditieuse et contraire

Assemblée nationale.]

ARCHIVES PARLEMENTAIRES

aux décrets de l'Assemblée nationale, chargea le procureur syndic de dénoncer M. Girault et es complices, les officiers municipaux et le proureur de la commune: suspendit ceux-ci prosoirement de leurs fonctions, qu'il confia aux pis premiers notables; enjoignit aux habitants payer les droits jusqu'au rachat; ordonna de iveau l'impression et la publication des dés; enfin, chargea deux membres du district faire exécuter à Migron l'ordonnance acle.

es commissaires se transportèrent le 10 octobà Migron, à la tête de douze cavaliers de la mchaussée. Girault était à la tête des habita, armés de fusils, faux, fourches et bâto Jamais les commissaires ne purent faire rer le peuple de son égarement. Ils se retiret.

même esprit se manifestait dans les villes ves. Un M. Laplanche jouait, le 3 octobre, aurg de Varaize, le même rôle que M. Gi

rat

Migron. M. Latierce, maire de Varaize, et ses lègues officiers municipaux essayèrent de dis l'ivresse dans laquelle on cherchait à enter les habitants. La raison et la modératione purent prévaloir contre le tumulte et l'ag tion des esprits; le maire fut obligé de se retir Laplanche prit sa place, lut avec véhémen un récit incendiaire contre la personne et les oits de M. Amelot, excita divers excès... Sur

réquisition du procureur syndic du distric le procureur du roi rendit plainte et fit inforr. Pendant ce temps, les paroisses se coalisai, au nombre de sept, pour aller au secours de gron, dont les officiers municipaux avaient été uspendus de leurs foncaions.

Unommé Bouhier, huissier, chargé de l'exécu d'un décret de prise de corps contre M. planche et deux autres particuliers, trouvés chés par l'information, partit la nuit du 20

au

sa

octobre pour faire son expédition, suivi de vin-cinq chasseurs bretons et de deux brigad de maréchaussée. Laplanche fut saisi dans aison, de très grand matin, le 21; mais la gar qu'on avait établie à la porte de l'église lut rcée par le peuple. On sonna le tocsin. L'hssier renonça alors au projet d'arrêter les aut

particuliers décrétés. Il partit pour SaintJea mais à un quart de lieue du bourg il fut assali par une quantité très considérable d'habitas armés de fusils, faux, cognées, couteaux de classe, fourches de fer, serpes, leviers. Its dema aient à grands cris qu'on leur rendit l'honn hom e qui leur avait donné de si bons conseil ajoutant que si l'on ne le faisait pas ils couperat la troupe par morceaux. Alors ils firent feu ur l'huissier et sur son escorte. Plusieurs cheurs furent blessés. Les assaillants se précipient avec tant de violence que l'huissier, pour aver sa vie, tira deux coups de pistolet et co anda à la troupe de faire feu. La maréchau certifie dans son procès-verbal que cette mes etait devenue necessaire. Quatre ut tuées sur la place,et trois autres personnes huissier et la troupe arivèrent a blessées... Saint-Jean Angély avec M. Laplanche, qui, à la suite d'un hier interrogatoire, déclara choisir pour son eil M. Valentin, maire, dont il fit le plus belge..... Les habitants de la paroisse de Varaizerieux, sonnèrent le tocsin, écrivirent aux passes voisines des lettres circulaires signées deiciers municipaux pour les engager venir les aider à se venger de leurs a s'armer communs esseurs...

La municipalité de Saint-Jean-d'Angély, requise
par le district de prendre des mesures pour dé-
fendre la ville contre l'insurrection dont elle
était menacée de la part des campagnes, se borna
à ordonner que quelques soldats se promèneraient
sans affectation et sans uniformes aux environs
de la ville, examineraient s'il y avait des attrou-
pements et en rendraient compte. On prévint
l'état-major de faire tenir la troupe prête à mar-
cher; on arrêta enfin que, s'il était nécessaire,
la municipalité irait au-devant des assaillants
pour les exhorter à la paix, à la fraternité etì
rejoindre leurs foyers... A onze heures du matin,
trois officiers municipaux de Varaize viennent à
l'hôtel de ville de Saint-Jean pour se plaindre de
la capture de M. Laplanche et prévenir que cent
paroisses s'assemblent pour venir à la ville. La
municipalité paraît ne s'être occupée d'aucune
mesure... A quatre heures du soir les deux fils
de M. Latierce, maire de Varaize, arrivent à l'hôtel
commun de Saint-Jean, et prient les officiers
municipaux de prendre en considération l'état
dangereux dans lequel se trouvait alors leur
père, qui était à la discrétion d'une troupe con-
sidérable de séditieux. Sur leur prière les offi-
ciers municipaux députèrent trois d'entre eux à
Varaize, sans armes et sans escorte; ceux-ci ont
manqué d'être détenus en otages... De retour
à Saint-Jean-d'Angély, à huit heures du soir, ils
annoncent qu'on les a menacés que si le lende-
main, à six heures du matin, M. Laplanche n'é-
tait pas élargi, dix mille hommes viendraient
assiéger la ville...

Dans une assemblée générale de la commune
et de l'état-major on se décide à suivre le parti
de la conciliation, parce que, disait-on, la ville
était ouverte de toutes parts. On arrêté que les
chasseurs bretons rentreront sous les armes dans
le quartier, et que la garde nationale restera
dans le bureau municipal... Le 22, à neuf heures
du matin, le bruit du tambour se fait entendre.
Les officiers municipaux, décorés de leurs échar-
pes, se portent près de Saint-Julien, où la troupe
des révoltés s'était assemblée au nombre de
quinze à seize cents hommes, ayant à leur tête
les commandants, les officiers municipaux, les
curés, les drapeaux. On députe trois officiers

unicipaux et un détachement de toutes les paroisses révoltées auprès de M. Blancard, juge criminel, qui avait refusé la veille l'élargissement de M. Laplanche; on lui donne des assesseurs ; l'assistance prononce l'élargissement, et à midi le détenu est mis en liberté, conduit vers la troupe par ses libérateurs et porté en triomphe...

L'échange de M. Laplanche devait se faire contre la personne de M. Latierce, maire de Varaize; mais les forcenés ne tinrent aucun compte de la promesse qu'ils avaient faite de rendre ce dernier, En vain les officiers municipaux de Saint-Jeand'Angély employèrent les voies de la douceur et de la persuasion; en vain M. Isambard, curé de Taillant, se jeta seul au milieu des séditieux, le leur arracha, le porta sur son dos dans une maison voisine, où, faisant de son corps un rempart à ce malheureux, il parait les coups qu'on lui portait. Le maire de Varaize ne put trouver d'issue pour s'échapper; la porte de la maison fut brisée, le courage du brave curé de Taillant deviot inutile, et M. Latierce, repris par les brigands, reçut le coup de la mort.... M. Bouhier, huissier, M Pelluchon, procereur du roi a Saint-Jean-d'Augély, et les membres du directoire de district étaient menacés; mais, sur les invitations de la

municipalité, la troupe se retira, sans avoir causé de nouveaux malheurs. Le lendemain 23 octobre, la municipalité de Saint-Jean, instruite par les gardes nationales des paroisses de La Vergue, Loizai et Sandes, que M. Bouhier, huissier, avait été arrêté sur le territoire de ces paroisses, répondit qu'il fallait le conduire à La Rochelle pour que la justice prononcât sur son sort.

Elle arrêta: 1° la convocation du conseil général de la commune et sa formation en bureau permanent; 2o le concert avec les membres du directoire du district; 3° la réquisition de toutes les troupes pour être prêtes à marcher; 4° une députation au directoire du département; 5o elle fit payer par le fermier de l'abbaye 600 livres pour frais de députations et autres... Les officiers municipaux de Varaize vinrent aussi consulter ceux de Saint-Jean sur la capture de M. Boubier; on leur fit la même réponse de le conduire à La Rochelle, et on leur offrit le secours de la maréchaussée; ils le refusèrent... Une partie des habitants des différentes paroisses qui volaient au secours de ceux qui avaient capturé M. Bouhier furent arrêtés par la garde établie près le moulin à poudre. Enfin, par les exhortations, les menaces de la municipalité de Saint-Jean, M. Bouhier fut rendu et conduit à la municipalité où il prêta interrogatoire. On le constitua ensuite prisonnier.

Les officiers municipaux, interrogés par les administrateurs du district du département sur la conduite tenue par la municipalité, répon tirent qu'ils avaient été trop occupés pour prévenir le directoire; qu'ils n'avaient pas requis la force publique parce qu'ils avaient craint des malheurs, et qu'ils savaient que les séditieux en voulaient aux chasseurs bretons; que les membres du directoire du district avaient été obligés de s'enfuir parce que le peuple criait hautement qu'il en voulait au district et aux juges. D'après ces détails, les administrateurs du département donnèrent ordre aux députés de la municipalité de se retirer sur le champ à Saint-Jean-d'Angély, à l'effet d'y préparer le logement de six cents hommes qu'ils allaient faire partir. Le procès-verbal du directoire du département constate que cet ordre, qui aurait dù rassurer les députés municipaux, leur donna de l'inquiétude, et qu'ils répondirent que la précaution était inutile. Ceci ne fit qu'affermir le directoire dans sa résolution. Il requit cent vingt hommes du régiment d'Agenais, cent cinquante hommes de la garde nationale et cent trente gendarmes de partir sur-le-champ pour Saint-Jean-d'Angély; il instruisit M. Mailly, commandant à La Rochelle, de ses dispositions, en le priant de faire passer à Saint-Jean d'Angély un bataillon d'infanterie, et d'envoyer à Saintes quatre canons de campagne, afin d'imprimer au peuple égaré une salutaire terreur jusqu'à ce qu'il fût désabusé. MM. Bréard et Jouneau, membres du directoire du département, furent nommés commissaires pour se rendre avec la troupe, afin de s'occuper au rétablissement de la paix publique, de faire respecter l'autorité des magistrats et des administrateurs du district, désarmer les séditeux et emprisonner les coupables.

Les mesures prises par le directoire à cet égard annoncent autant de prévoyance que de sagesse et de patriotisme..... Des avis affligeants, peut être exagérés, déterminèrent les commissaires à demander un supplément de troupes. M. Mailly y envoya cinquante hommes du régiment de RoyalLorraine-cavalerie, et quatre pièces d'artillerie; trois cents hommes vinrent également de Rochefort... Les membres du directoire du district, dont

le vice-président avait été forcé par les séditieux à donner sa démission, furent réintégrés et reprirent leurs fonctions. La municipalité regarda cette réintégration comme injurieuse à la garde nationale, en ce qu'elle supposait que des violences avaient déterminé sa démission ou l'absence des membres du directoire du district, el arrêta de ne pouvoir prendre part à tout ce qui se ferait à cet égard, en se réservant de justifier sa conduite aux yeux de la France entière.

Le premier acte qui fut fait fut la capture de M. Laplanche et du nommé Lebroue, décrété comme lui, et de plusieurs complices de l'assassinat de M. Latierce. Cette capture fit sonner le tocsin dans les paroisses; mais l'un des commissaires, celui qui s'était chargé des opérations extérieures, commença ses expéditions; il fit investir le bourg de Varaize, descendre la fatale cloche qui avait donné le signal de l'attroupement et de la révolte, et arrêter ceux des habitants qui avaient été dénoncés comme les plus coupables; il fit ôter aux autres les armes qu'ils avaient souillées par le meurtre de leur maire, citoyen vertueux, devenu victime de sa soumission aux lois. Une expédition semblable fut faite au bourg de Fontems. Les remords, la terreur, la honte avaient fait rentrer en eux-mêmes ces malheureux qu'on avait égarés. On expliqua les décrets, on en fit remarquer les avantages, la nécessité de les observer fut démontrée; enfin la vérité parut dans tout son jour... Des larmes de douleur coulèrent des yeux de ces infortnnés; ils manifestèrent le repentir le plus vif, abjurèrent leurs erreurs, livrèrent les meurtriers à la justice, et renouvelèrent le serment civique.

Les commissaires out agi de même dans chacune des autres paroisses qui avaient pris part à la révolte. Onze à douze jours ont été par eux employés à rétablir le calme, à recevoir les témoignages de repentir, les nouveaux serments de fidélité à la nation, à la loi et au roi... Vingt-six personnes dénoncées comme auteurs ou complices de l'assassinat de M. Latierce, ont été saisies et constituées prisonnières. La liberté a été rendue à 'huissier Bouhier par les soins des commissaires... Depuis l'exécution de l'ordonnance de suspension contre les officiers municipaux de Migron, ces officiers municipaux et les habitants de la paroisse, profitant des conseils d'un pasteur éclairé et bon citoyen, avaient constamment résisté aux sollicitations de se réunir aux séditieux de Varaize. Le département a cru devoir rétablir ces officiers municipaux dans leurs fonctions, après leur avoir fait prêter le serment civique. La tranquillité la plus durable était rétablie dans les campagnes; mais tous les efforts avaient été inutiles à l'égard des habitants de Saint-Jean-d'Angély...

La première impression qu'opère le récit de la catastrophe cruelle dont j'ai eu l'honneur de vous donner les détails est sans doute celle de l'indignation. L'indulgence envers les auteurs de l'assassinat de M. Latierce serait un délit; l'impunité ferait renaître les excès. Il faut un grand exemple; l'intérêt public l'exige impérieusement; sans cela les propriétés cesseraient d'être respectées, la sûreté individuelle ne serait plus qu'une chimère.

Le peuple, qu'on cherche à égarer par toutes sortes de moyens, devenant l'instrument des passions et de l'intérêt de nos ennemis, se livrerait sans mesure et sans remords à tous les excès qui pourraient faire écrouler l'édifice que vous venez d élever.... Votre comité a donc pensé à cet égard qu'il était urgent et indispensable d'accélérer

l'information, et de faire subir à ceux qui seront convaincus le châtiment dû à leurs crimes... Les prisonniers ne sont plus à Saint-Jean-d'Angély; et, puisque des raisons fortes s'opposent à ce que l'information se continue dans cette ville, il a paru prudent à votre comité qu'elle fût achevée par un autre tribunal.

Mais, en vous proposant son avis sur cet objet, votre comité a pensé que vous deviez porter vos regards sur la conduite tenue dans cette occurrence par les divers corps administratifs... Quant aux membres du directoire du département, votre comité s'est convaincu qu'ils ont rempli leurs devoirs avec autant de patriotisme que d'intelligence; ils ont même montré un courage héroïque qui doit leur assurer des témoignages de satisfaction de votre part et la reconnaissance de tous les bons citoyens. Les gardes nationales et les troupes de ligne qui ont marché sur leur réquisition ont reçu, de la part des administrateurs assemblés, des félicitations et des remerciements du courage et de la sagesse qu'elles ont su allier dans cette fâcheuse circonstance.... Mais, si vous n'avez que des éloges à donner aux membres qui composent le département de la Charente-Inférieure, n'aurez-vous pas la douleur de ne pouvoir témoigner les mêmes sentiments aux officiers municipaux de Saint-Jean-d'Angély et aux administrateurs du district de cette ville? Votre comité a examiné séparément la conduite des uns et des autres; il semble que la municipalité ne voit pas d'un bon ceil dans le sein de la ville une administration dont l'autorité est supérieure à la sienne.... Déjà vous avez été forcés de prononcer sur les contestations qui ont existé à Saint-Jean-d'Angély : l'élection des officiers municipaux n'avait pas été libre; la violence avait présidé à leur nomination; le sang de leurs con. citoyens avait coulé à cette occasion.

Sur un rapport de votre comité de Constitution, vous avez cru devoir casser cette nomination et en ordonner une nouvelle; mais l'ascendant que ces officiers municipaux illégalement élus avaient pris sur le peuple a assuré leur réélection. Tous les membres du district, au contraire, choisis par les électeurs de la campagne et de la ville, oat été pris dans le parti opposé; de là peut-être l'animosité qu'on a cherché à exciter contre eux.... La garde nationale de Saint-Jean-d'Angély n'est pas formée comme elle devait l'être; les officiers municipaux ont fait désarmer des citoyens qui ont réclamé depuis longtemps, et au mois de juin dernier vous décrétâtes qu'il leur serait rendu justice par une nouvelle formation de la garde nationale; décret qui est resté sans exécution... En examinant la conduite des membres du directoire du district on ne peut s'empêcher, au premier coup d'œil, de la blâmer. Si, lorsqu'ils ont été prévenus, le 21 octobre, des attroupements des campagnes, ils eussent requis les troupes de ligne et la garde nationale, au lieu d'aller consulter la municipalité; s'ils eussent forcé cette municipalité de proclamer la loi martiale, on ne déplorerait peut-être pas aujourd'hui le malheureux événement qui est arrivé. Mais cette réflexion ne doit pas vous être présentée isolément. Les actes remis à votre comité et le témoignage même des administrateurs du département se reunissent pour constater qu'ils avaient toujours été attachés aux vrais principes et qu'ils ont donné des preuves multipliées de leur patriotisme. On peut leur reprocher de la faiblesse ; mais il paru à votre comité que les circonstances

dans lesquelles ils se sont trouvés méritent d'être approfondies. Le directoire du département présume lui-même que cette faiblesse trouvera son excuse dans la procédure qu'il instruit contre les séditieux. Je ne vous proposerai donc point de prononcer à cet égard.

Quant à la municipalité, votre comité n'a pu se défendre de l'indignation qu'inspire la conduite qu'elle a tenue; il a remarqué que ses torts sont aussi nombreux qu'ils sont inexcusables.

Les officiers municipaux, avertis le 21 par le procureur-syndic du district, refusent de demander au département des secours... Comment ne trouverait-on pas révoltant qu'ils soient allés à Varaize faire avec les séditieux un traité dont le prix était une violation des lois, la délivrance d'un prisonnier détenu en vertu d'une accusation légale? Requis de nouveau par le directoire du district, à quatre heures et demie, de mettre la ville en état de défense, ils se bornent à annexer cette réquisition au procès-verbal. Ils font plus, ils enchaînent le courage des troupes de ligne sur les plus frivoles prétextes, tandis que ces troupes étaient plus que suffisantes pour dissiper les attroupements qui, dans le principe, étaient peu nombreux... On remarque même ici une contradiction bien choquante dans les relations des officiers municipaux. Dans le principe ils n'avaient pas assez de forces pour les employer, et ce motif les détermine quand l'assassinat est commis; alors le prétexte cesse, et ils disent qu'ils vont publier la loi martiale; menace qui opère son effet. Qu'on réfléchisse sur l'utilité de cette mesure si elle eùt d'abord été mise en usage. Ils conviennent qu'il y avait parmi les attroupés de bons citoyens, des officiers municipaux; mais ces bons citoyens, que la force avait contraints, seraient-ils restés parmi les assistants? Ne se seraient-ils pas rangés du côté des amis de l'ordre et de la paix ?

Il a paru certain aux administrateurs du département que, si les officiers municipaux de Saint-Jean-d'Angély avaient exécuté à cet égard ce que vos décrets, ce que l'humanité leur dictaient, ils n'auraient pas sacrifié le repos de leurs concitoyens, ils auraient sauvé la vie du maire de Varaize. Ils ont fait trembler les membres du directoire du district sous le prétexte de la fureur du peuple, quand ils auraient dû les protéger de toute la force publique.

Votre comité, sans vouloir pousser trop loin ses recherches, n'a pu se défendre du soupçon que la municipalité partageait le vœu des insurgents à l'égard du district, et que l'expulsion ou la retraite des membres du directoire semblait être une fête pour elle. Nous avons donc pensé que la conduite de cette municipalité devait être scrupuleusement examinée, et qu'il devait être fait information dans un tribunal de tous les faits consignés dans les procès-verbaux du directoire du département. Dans cet état il a paru à votre comité qu'il serait inconvenant et peut-être dangereux de maintenir les officiers municipaux dans l'exercice de leurs fonctions.

Avant de finir, permettez-moi de vous représenter que les événements dont je vous ai rendu compte, quelque affligeants qu'ils soient, n'ont jamais dû servir de prétexte à ce qu'on répandit dans le public et à ce qu'on osât même dire dans cette tribune qu'une grande quantité de paroisses de Saintonge avaient déclaré qu'elles ne payeraient plus d'impôts. La cause des malheurs qui ont eu lieu, toute injuste qu'elle était relativement au payement des droits seigneuriaux et

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