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Il y a même une coutume (celle de Bretagne), ou plutôt une jurisprudence certaine dans cette ci-devant province, par laquelle on accordait cette même faculté au bailleur, sous le titre de retrait censuel, encore que le bail à rente n'en contînt pas la stipulation expresse.

C'est sans aucun fondement que quelques-uns ont cru donner, dans l'article 10 du décret du 15 mars et dans le décret du 19 juillet, l'abolition de ce genre de retrait.

Le décret du 15 mars n'a eu en vue que les droits féodaux. L'article 10 ne supprime que le retrait féodal, le retrait censuel, le droit de prélation féodale, de retenue seigneuriale; expressions qui ne caractérisent que des droits dérivant de la féodalité.

Il y a plus; le projet de décret ne portait que le mot de prélation. Un membre de l'Assemblée observa qu'il existait, en Dauphiné, un droit de prélation non féodale, et qui ne dérivait que de baux à rente foncière. Ce fut sur cette observation que l'on ajouta dans le décret, au mot de prélation, ces épithètes: féodale ou censuelle; et au mot retenue, cette épithète seigneuriale: au moyen de quoi la question est restée entière quant au retrait attaché au bail à rente simple.

On ne peut pas davantage faire dériver l'abolition de ce retrait particulier du décret du 19 juillet, qui n'a anéanti que le retrait lignager et celui de mi-denier.

La question est donc aujourd'hui de savoir si l'on doit conserver, ou non, le retrait attaché aux baux à rente foncière.

A cet égard, nous distinguerons celui qui résulte d'une stipulation expresse, et celui qui ne résulte que d'une loi ou d'une jurisprudence.

La première espèce de retrait est appelée retrait conventionnel; il ne doit pas être confondu avec le rémére, qui se stipule quelquefois dans des contrats de vente, et qui diffère du retrait conventionnel en plusieurs points. La différence la plus essentielle consiste en ce que la faculté de ré1néré ne peut pas être stipulée à perpétuite, parce qu'elle est contraire à l'essence du contrat de vente, qui emporte une abdication totale des droits du vendeur, et parce qu'elle n'est autorisée que comme une ressource en faveur du vendeur, que la necessité oblige quelquefois à se détacher d'un héritage qu'il affectionne, et même de le céder à vil prix. Le retrait conventionnel peut être, au contraire, stipulé à toujours, parce que, dans le bail à rente, le bailleur est censé conserver une espèce de propriété sur le fonds, parce qu'il peut mettre à cette aliénation limitée, telle modification qu'il juge à propos; parce que l'exercice de ce droit ne peut naître que d'un cas éventuel, que le bailleur n'est pas maître de faire arriver, à la différence du réméré qui ne dépend que de la volonté du vendeur. Le retrait conventionnel, indivisible du bail à rente, ne peut se prescrire que comme le bail à rente et avec lui, et se proroge avec lui, par le titre nouvel qui conserve toutes les conditions de l'acte.

Avoir defini la nature et le caractère du retrait conventionnel, c'est avoir décidé d'avance la question proposée.

Il n'y a aucune similitude à établir entre les retraits abolis par le décret du 15 mars et par celui du 19 juillet, et le retrait conventionnel. Les premiers ne devaient leur origine qu'à une puissance, qui avait fait consacrer par la loi des usages établis par l'autorité. Les seconds n'étaient que des grâces et des privilèges établis par la

loi, mais contraires à la liberté du commerce des fonds.

Ici c'est un droit fondé sur une convention légitime; c'est un droit de propriété réservé comme la rente; c'est la condition sine quâ non de l'aliénation. La gêne qui en peut résulter pour le commerce est peu considérable, parce que ce retrait ne peut avoir lieu qu'en vertu d'une stipulation expresse, parce que ces stipulations ne sont pas générales dans tous les baux à rente: d'ailleurs, si c'est une gêne, le propriétaire se l'est imposée à lui-même volontairement, et comme condition sans laquelle il ne serait pas propriétaire.

Avoir dit que le retrait de peut avoir lieu en faveur du bailleur à rente qu'autant qu'il est une convention entre lui et le preneur et la condition de l'aliénation, c'est avoir prononcé un grand préjugé contre le retrait censuel de Bretagne. La justice exige cependant d'approfondir un peu plus cette question, qui peut être importante pour les départements qui sont sortis de cette province.

Il ne faut point se laisser tromper par l'expression de retrait censuel usitée dans le langage breton; ce retrait n'y est point un droit seigneurial: c'est la faculté accordée à tout bailleur de rente foncière de pouvoir retirer l'héritage sujet à la rente, lorsqu'il est vendu. Ce droit ne s'appelle retrait censuel, que parce que, dans l'idiome breton, la rente foncière s'appelle rente censive. Ce que l'usage breton a de particulier, est que le retrait censuel y est de droit com nun, encore qu'il ne soit point stipulé par le bail à rente.

Get usage est critique par les uns, et défendu par les autres. Voici leurs raisons respectives:

Ceux qui attaquent l'usage, opposent qu'il n'est point fondé sur une covention; que c'est un droit exorbitant qui n'est fondé que sur un usage et une jurisprudence, dont la source est évidemment vicieuse.

L'article 306 de la coutume de Bretagne porte« et au cas qu'il n'y aurait prèsme de ra

mage (c'est-à-dire parent lignager) qui voulût « venir au retrait, le seigneur féodal, ou celui qui « a rente censive, peut retirer les héritages ven«dus, par puissance de fief, ou de cens. »

Il est évident, dit-on, à la seule lecture de cet article qe le retrait, dont il parle n'est qu'un droit seigneurial, un droit exercé par puissance de fief, ou de cens, c'est-à-dire en vertu du droit seigneurial sur un fief, ou sur un fonds chargé d'un cens seigneurial.

Il est certain en effet, suivant le témoignage des auteurs bretons (1), qu'anciennement les rentes seigneuriales dues par les fonds roturiers, s'appelaient, comme dans le reste du royaume, cens ou censive. Mais comme dans cette province on appelait aussi cens les redevances non seigneuriales, et comme insensiblement l'usage n'a appliqué cette expression qu'aux simples rentes foucières, cette confusion de dénominations a fait étendre au simple cens non seigneurial le privilège du retrait, que la loi ne donnait qu'au cens seigneurial, en sorte que le retrait des foncières ne s'est évidemment établi, sous le titre même de retrait censuel, que par un simple

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usage, fondé sur une fausse application de la loi territoriale.

Mais cux qui croient que l'on doit conserver l'usage de ce retrait, répondent qu'il n'est point fondé sur une fausse interprétation, mais sur le texte même de la loi.

Quel qu'ait pu être l'ancien usage de la Bretagne, il est avoué par Hevin lui-même (1) que a dès le temps de d'Argentré le simple arrentement • ayant été confondu avec le cens, on lui a laissé « en propre le nom de cens, et l'on a appliqué « le nom de féage, à la tenue noble et à la rotu« rière. » Aussi d'Argentré et tous les auteurs bretons n'ont-ils pas hésité à reconnaître que ces termes rente censive, soit dans l'ancienne cotume, soit dans la nouvelle, s'appliquaient à la simple rente foncière.

S'il est certain que la loi s'applique au seul contrat d'arrentement, on ne peut pas s'en pêcher de recon aître que le retrait dont il s'agit doit être réputé conventionnel. En effet, les dispositions des coutumes ne sont en général que la déclaration des usages. L'article 306 n'est donc qu'un témoignage de la condition sous laquelle Jes ar entements avaient accoutumé d'être faits. D'ailleurs, cet effet ayant éte attribué par la loi de 1539 aux arrentements, il en résulte qu'au moins tous les contrats qui ont été laits postérieurement sont censés faits sous cette condition tacite. Les conventions étant toujours présumées laites conformément à la loi et l'usage.

Telles sont les raisons, que l'on peut invoquer pour et contre, sur la question du retrait usité en Bretagne en matière de simple arrentement t connu sous le titre de retrait censuel, par suite de l'usage qui a restreint le terme de cens à la simple rente foncière.

Quant à nous, nous croyons en premier lieu qu'il existe un doute très fondé sur le point de savoir si la coutume de Bretagne a entendu désigner les simples rentes foncières par cette expression ou rente censive, Hevin, dans sa consultation 70, fait à celle égards deux observations qui paraissent sans réplique. La première consiste à dire que si l'expression rente censive ne s'appliquait qu'aux ar entements, la coutume n'aurait accordé le retrait que sur le fiel noble, et n'aurait rien décidé sur le féage roturier. Il ajoute que le commentaire de l'anonyme sur la très ancienne coutume venait d'être réimprimé en 1538, qu'il était entre les mains de tout le monde lors de la première rédaction de la coutume de Bretagne en 1539: d'où il conclut que les rédacteurs out dù employer le terme censive, dans le même sens de cet auteur, qui, sur ce mot féage de l'article 40 de la trèsancienne coutume avai dit: féage el censive est tout un; fors que féage est proprement ès fiefs nobles.

Mais quand il serait certain que la coutume a voulu comprendre le simple arrentement sous le terme de rente censive, il n'en résulterait jamais que le retrait dût être regardé comme véritablement conventionnel.

Pour se convaincre de cette vérité, il suffit de considérer le motif que d'Argentré et les autres auteurs bretons ont donne à la décision de leur coutume, ainsi interprétée. Après avoir marqué son étonnement, fondé sur ce que la rente purement censive n'emporte aucune obéissance, ni juridiction, il se répond: hic vero videtur dominii directi retentionem operari. Ainsi, suivant cet auteur, lui-même, e retrait accorde par la coutume n'est qu'une conséquence de l'espèce de propriété

1) Consult. 70.

que le bailleur à rente foncière a retenue sur le fonds. Mais 1° c'est reconnaître que le retrait n'est pas une stipulation expresse dans ce contrat ; 2° c'est avoir attribué à ce contrat un effet qui n'en est pas la conséquence nécessaire, puisque le droit commun n'a jamais attaché cette conséquence au genre de propriété que le bailleur à rente se réserve. Celui qui aliène son fonds ne s'est réservé que ce qu'il a stipulé. Il ne peut être présumé s'être réservé sur ce qu'il a exprimé. L'erreur du principe, sur lequel la loi se serait fondée, consisterait à avoir attribué au bail à rente et comme une conséquence sa nature au droit, qui n'en résulte pas nécessairement et qui n'en peut être qu'un accessoire conventionnel.

Il y a donc une différence totale entre le retrait, que l'on suppo-e accordé par la coutume de Bretagne au bailleur, et le véritable retrait conventionel. Celui-ci est un droit réservé par le propriétaire, l'autre n'est qu'un privilège de la loi. C'est ce que la Bigottière reconnaît bien formellement, lorsqu'il dit que le bailleur a le retrait à cause du droit réel qu'il a sur les choses; mais que, s'il l'avait réservé dans la baillée à rente, ce serait un retrait conventionnel.

S'il est certain que le retrait censuel en Britagne n'est point conventionnel, qu'il n'est qu'une faveur et un privilège accordé par la coutume, nous pensons qu'il doit être supprimé, avec d'autant plus de raison qu'il est exorbitant, contraire au droit cominun, et qu'il n'est fondé sur aucun principe de droit, sauf à reserver cette faculté à ceux qui justifieraient par titres l'avoir stipulée par le titre primitif.

Vainement objecterait-on qu'au moins le retrait doit être regardé comme conventionnel dans les baux faits depuis que l'usage a interprété ainsi la coutume. Tout ce qui résulte de l'intention des bailleurs, qui ont contracté depuis cette époque, c'est qu'ils ont entendu jouir d'un privilège. Mais la loi peut et doit détruire les privilèges qui sont exorbitants et les droits qui n'existent que par sa faveur. On le doit ici d'autant plus que le privilège, s'appliquant en Bretagne à tous les baux à rente, devient une gêue considérable pour le commerce des fonds.

A côté du retrait qui est quelquefois accordé au bailleur de fonds il était nécessaire de placer celui que quelques coutumes (1) accordaient au débiteur de la rente foncière de la retirer lorsqu'elle était vendue.

Ce retrait était infiniment favorable, lorsque les rentes foncières étaient irrachetables; c'était donner au propriétaire un moyen de libérer son fonds, saus détruire le contrat entre lui et le bailleur, puisque cette faculte ne s'exerçait que contre un tiers acquéreur.

Mais ce retrait devient inutile d'après la loi qui permet le rachat de toutes rentes foncières. Il n'avait même lieu dans ces coutumes que pour les rentes irrachetables. Il n'y a donc plus aucune raison pour le laisser subsister.

SIXIÈME PARTIE.

De même que la loi nouvelle, qui rend rache

(1) Hainault, chap. LXXVII, art. 35; et chap. XCV, art. 11.

Valenciennes, art. 89 et 90.
Cambrai, titre II, art. 6.
Arras, art. 48.

Béthune, art. 14.

Amiens, loc., art. 7 et 8.

Normandie, art. 501.

tables les rentes foncières, ne doit rien changer aux droits respectifs des ci-devant seigneurs et de leurs vassaux, ni aux droits, respectifs des bailleurs et des preneurs, elle ne doit rien changer aux droits des créanciers et des bailleurs.

Ces créanciers doivent conserver les mêmes hypothèques qu'ils avaient ci-devant et les mêmes moyens de les conserver.

Il s'agit seulement d'ajouter quelques précautions de plus pour faciliter l'exercice de leurs droits, qui pourraient être compromis par la faculté du remboursement qui les rendra plus fréquents.

Les précautions, que proposera le comité, sont à peu près les mêmes que celles qui ont été déjà décrétées, le 3 mai, en faveur des créanciers des ci-devant propriétaires de fiefs.

SEPTIÈME PARTIE.

La libération des fonds est une opération infiniment favorable. Par cette raison, un arrêt du conseil du 9 septembre 1775 avait déjà exempté du centième denier le remboursement des rentes foncières. Il ne s'agit que de donner le caractère de loi à cet usage anterieur.

Tel les sont les vues d'après lesquelles le comité a rédigé le projet de décret ci-joint.

Le nombre de ses articles ne doit point faire craindre une longue discussion. Sur quarantecinq articles qu'il renferme, il y en a vingt te un qui ne sont que l'application faite, au rachat des rentes foncières, de dispositions déjà décrétées pour le rachat des rentes ci-devant seigueuriales.

Le comité aurait pu se contenter de proposer de rendre comuns aux rentes foncières, ces articles décrétés pour les rentes ci-devant seigneuriales; mais il a pensé que cette forme aurait plusieurs inconvénients.

Ele obligerait ceux qui ne voudraient opérer que pour des rentes foucières, à acheter deux décrets, au lieu d'un.

L'application des mêmes règles aux rentes foncières exige des changements d'expression; et un simple renvoi à des lois appliquées aux rentes seigneuriales pourrait donner lieu à des équivoques qui embarrasseraient l'exécution de la loi.

Enfin, on ne doit rien négliger de ce qui peut faciliter l'intelligence et l'exécution de la loi; et il est toujours plus commode de trouver reuni sous un même titre tout ce qui concerne le mème objet.

La répétition de vingt et un articles déjà décrétés n'emploiera donc que le temps nécessaire pour les lire.

PROJET DE DÉCRET

sur le rachat des rentes foncières.

TITRE Ier.

Quelles sont les rentes assujetties au rachat?

Art. 1er. Toutes les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu'elles soient, quelle que soit leur origine, à quelques personnes qu'elles soient dues, gens de mainmorte, domaine, apanagistes, ordre de Malte, même les rentes de dons et legs, pour

cause pie ou de fondation, seront rachetables; les champarts de toute espèce et sous toute dénomination le seront pareillement, au taux qui sera ci-après fixé. Il est défendu de plus, à l'avenir, de créer aucune redevance foncière non remboursable, sans préjudice des baux à rente ou emphyteose et non perpétuels qui seront exécutés pour toute leur durée et pourront être faits, à l'avenir, pour 99 ans et au-dessous.

Art. 2. Les rentes ou redevances foncières établies par les contrats connus, en certains pays, sous le titre de locaterie perpétuelle, sont comprises dans les dispositions et prohibitions de l'article précédent, sauf les modifications ci-après sur le taux de leur rachat.

TITRE II.

Principes généraux sur le rachat.

Art. 1er. Tout propriétaire pourra racheter les rentes et redevances foncières perpétuelles, à raison d'un fonds particulier, encore qu'il se trouve posséder plusieurs fonds grevés de pareilles rentes en vers la même personne, pourvu néanmoins que ces fonds ne soient pas tenus sous une rente ou une redevance foncière solidaire, auquel cas le rachat ne pourra pas être divisé.

Art. 2. Lorsqu'un fonds grevé de rente ou redevance foncière perpétuelle, sera possédé par plusieurs copropriétaires, soit divisément, soit par indivis, l'un deux ne pourra point racheter divisément ladite rente où redevance, au prorata de la portion dont il est tenu, si ce n'est du consentement de celui auquel la rente ou redevance sera due, lequel pourra refuser le remboursement total, en renonçant à la solidarité vis-à-vis de tous les coobligés; mais quand le redevable aura fait le rembourse nent total, il demeurera subrogé aux droits du créancier, pour les exercer contre les codébiteurs mais sans aucune solidarité; et chacun des autres codébiteurs pourra racheter, à volonté, sa portion divisément.

Art. 3. Pourront les propriétaires de fonds greves de rente ou redevance foncière, traiter avec les propriétaires desdites rentes ou redevances, de gré à gré, à telle so nme et sous telles conditions qu'ils jugeront à propos, du rachat desdites rentes ou redevances; et les traités, ainsi fa ts de gré à gré, entre majeurs, ne pourront être attaqués sous prétexte de lésion quelconque, encore que le prix du rachat se trouve inférieur ou supérieur à celui qui u ait pu résulter du tiux qui sera ci-après fixé.

Art. 4. Les tuteurs, curateurs et autres administrateurs des pupil'es, mineurs ou interdits, les grevés de substitution, les maris dans les pays où les dots sont inaliénables, même avec les consentements des femmes, ne pourront liquider les rachats des rentes ou relevances foncières, appartenant aux pupilles, aux mineurs, aux interdits, à des substitutions, et aux dites femmes mariées, qu'en la forme et au taux ciaprès prescrit, et à la charge du remploi. Le redevable, qui ne voudra point demeurer garant du remploi, pourra consiner le prix du rachat, lequel ne sera délivré aux personnes qui sont assujetties au remploi, qu'en vertu d'une ordonnanc du juge, rendue sur les conclusions du commissaire du roi, auquel il sera justifié du remploi.

Art. 5. Lorsque le rachat aura pour objet une rente ou redevance foncière appartenant à une

communauté d'habitants, les officiers municipaux ne pourront le liquider et en recevoir le prix, que sous l'autorité et avec l'avis des assemblées administratives du département ou de leurs directoires, lesquels seront tenus de veiller au remploi du prix.

Art. 6. La liquidation du rachat des rentes, devenues bien national, ne pourra être faite que par les assemblées administratives du district dans l'arrondissement duquel se trouvera situé le fonds grevé de la rente, ou leur directoire, sous l'inspection et avec l'autorisation des assemblées administratives du département; le payement du prix dudit rachat ne pourra être fait qu'à la caisse du district dudit arrondissement, et le directoire du district sera tenu de faire verser le prix dans la caisse de l'extraordinaire.

Art. 7. La disposition de l'article précédent aura lieu indistinctement, et sauf les seules exceptions ci-après, à l'égard des rentes devenues bien national, à quelque établissement, corps ou bénéfices et offices supprimés qu'elles appartiennent, encore qu'il s'agisse d'établissements dont l'administration a été conservée provisoirement. ou autrement, par les précédents decrets et notamment par celui du 23 octobre dernier, soit à des municipalités, soit à certains administrateurs de fondations, séminaires, collèges, fabriques, établissements d'étude, ou de retraite, hôpitaux, maisons de charité, bénéfices actuellement régis par l'économe général du clergé, enfin à certains ordres de religieux ou religieuses, même à l'égard des rentes appartenant aux établissements protestants mentionnés en l'article 17 du titre 1 du décret du 23 octobre dernier; à l'égard de toutes lesquelles rentes devenues bien national, la liquidation du rachat ne pourra être faite que par les administrations de département et district, et le prix du rachat ne pourra être versé qu'en la caisse du district, ainsi qu'il a été dit en l'article ci-dessus, à peine de nullité desdits rachats.

Art. 8. Sont exceptées des dispositions des articles 6 et 7 ci-dessus, les rentes appartenant au domaine de la couronne, aux apanagistes, aux engagistes, aux échangistes dont les échanges ne sont point encore conformés. La liquidation du rachat desdites rentes sera faite, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par les administrateurs de la régie actuelle des domaines, ou par leurs préposés, à la charge: 1° par eux de se conformer aux taux ci-après prescrits; 2° que les liquidations seront vérifiées et approuvées par les administrations du département et district, dans l'arrondissement desquels se trouveront situés les fonds affeciés auxdites rentes; 3° de compter par les administrateurs de la régie du prix desdits rachats, et de le verser au fur et à mesure dans la caisse du district dudit arrondissement, qui le reversera dans la caisse de l'extraordinaire.

Art. 9. Sont pareillement exceptées des dispositions des articles 6 et 7 ci-dessus, les rentes appartenant aux commanderies, dignités et grands-prieurés de l'ordre de Malte. Lesdis rachats, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, pourront être liquidés par les titulaires actuels, à la charge: 1o de se conformer au taux qui sera ci-après prescrit; 2° de faire vérifier et approuver la liquidation par les administrations de département et de district, dans l'arrondissement desquels se trouveront situés les manoirs, ou chefs-lieux, desdites commanderies, dignités et grands-prieurés; 3° de verser le prix'dudit rachal

au fur et à mesure dans la caisse du district dudit arrondissement, qui le reversera dans la caisse de l'extraordinaire.

Art. 10.

Les administrateurs des établissements français et les évêques et curés français, qui possèdent des rentes assises sur des fonds situés en pays étrangers, ne pourront en recevoir aucun remboursement, quand même il leur serait offert volontairement, à peine de restitution du quadruple, en cas de contravention. La liquidation du rachat desdites rentes, s'il était offert volontairement, ne pourra être faite que par les assemblées administratives du district, dans l'arrondissement desquels se trouveront les manoirs desdits bénéfices, ou les chefs-lieux desdits établissements, sous l'inspection et l'autorisation des assemblées administratives du département, et le prix du rachat sera versé dans la caisse du district dudit arrondissement, et de là dans celle de la caisse de l'arrondissement de l'extraordinaire, ainsi qu'il est dit en l'article 6.

Art. 11.

Dans tous les cas où la rente rache'ée, et dont le prix aura été versé dans les caisses de district et de l'extraordinaire, ap, artiendra à des établis sements non supprimés, et qui ne le seront point par la suite, il sera, s'il y a lieu et d'après l'avis des assemblées administratives, pourvu à telle indemnité qu'il appartiendra en faveur desdits établissements.

TITRE III.

Mode et taux du rachat.

Art. 1er. Lorsque les parties, auxquelles il est libre de traiter de gré à gré, ne pourront point s'accorder sur le prix du rachat des rentes, ou redevances foncières, le rachat sera fait suivant les règles et les taux ci-après.

Art. 2. Le rachat des rentes et redevances foncières originairement créées irrachetables et sans aucune évaluation du capital seront remboursables; savoir celles en argent sur le pied du denier vingt, et celles en nature de grains, volailles, denrées, fruits de récolte, services d'hommes, chevaux, ou autres bêtes de somme et de voitures au denier vingt-cinq de leur produit annuel, suivant les évaluations, qui en serout ci-après faites. Il sera ajouté un dixième auxdits capitaux, à l'égard des rentes qui auront été créées sous la condition de non-retenue des dixièmes, vingtièmes et autres impositions royales.

Art. 3. A l'égard des rentes et redevances foncières originairement créées rachetables, mais qui sont devenues irrachetables avant le 4 août par l'effet de la prescription, le rachat s'en fera sur le capital porté au contrat, soit qu'il soit inférieur ou supérieur aux deniers ci-dessus fixés.

Art. 4. Dans les pays où il est d'usage, soit dans les baux à rentes, soit dans les locateries perpétuelles, d interdire au preneur la coupe des bois de haute futaie, ou de l'assujettir à en rembourser la valeur au propriétaire, ou de faire un remploi de prix, le preneur qui voudra rembourser la rente annuelle sera tenu d'ajouter au capital fixé par l'article 2 ci-dessus, une somme à dire d'experts, proportionnée à la nature et à la vafeur du droit que le bailleur se sera réservé sur lesdits bois.

Art. 5. L'évaluation du produit annuel des rentes et redevances foncières non stipulées en argent, mais payables en nature de grains, denrées, fruits de récolte ou service d'hommes, bêtes de somme, ou voitures, se fera d'après les règles et les distinctions ci-après.

Art. 6. A l'égard des redevances en grains, il sera formé une année commune de leur valeur d'après le prix des grains de même nature, relevé sur les registres du marché du lieu où se devait faire le payement, ou du marché plus prochain s'il n'y en a pas dans le lieu. Pour former l'année commune, on prendra les quatorze années antérieures à l'époque du rachat; on retranchera les deux plus fortes et les deux plus faibles, et l'année commune sera formée sur les dix années restantes.

Art. 7. Il en sera de même pour les redevances en volailles, agneaux, cochons, beurre, fromage, cire et autres denrées, dans les lieux où leur prix est porté dans les registres des marchés.

A l'égard des lieux où il n'est point d'usage de tenir de registre du prix des ventes de ces sortes de denrées, l'évaluation des rentes de cette espèce sera faite d'après le tableau estimatif qui en aura été formé en exécution de l'article 15 du décret du 3 mai, par le directoire du district du lieu où devait se faire le payement; lequel tableau servira pendant l'espace de dix années de taux pour l'estimation du produit annuel desdites redevances, le tout sans déroger aux évaluations portées par les titres, coutumes ou règlements.

Art. 8. A l'égard des rentes et redevances foncières stipulées en service de journées d'hommes, de chevaux, bètes de travail et de somme, ou de voitures, l'évaluation s'en fera pareillement, d'a près le tableau estimatif qui en aura été formé en exécution de l'article 16 du décret du 3 mai, par le directoire du district du lieu où devaient se faire lesdits services, lequel tableau servira pareillement pendant l'espace de dix années pour l'estimation du produit annuel desdites redevances; le tout sans déroger aux évaluations portées par les titres, coutumes ou règlements.

Art. 9. Quant aux rentes et redevances foncières qui consistent en une certaine portion des fruits récoltés annuellement sur le fonds, il sera procédé, par des experts que les parties nommeront, ou qui seront nominés d'office par le juge, à une évaluation de ce que le fonds peut produire en nature dans une année commune. La quotité de la redevance annuelle sera ensuite fixée dans la proportion de l'année commune du fonds, et ce produit annuel sera évalué en la forme precrite par l'article 16 ci-dessus, pour l'évaluation des rentes en grains.

Art. 10. Dans tous les cas où l'évaluation du produit annuel de la rente pourra donner leu à une estimation d'experts, si le rachat a lieu entre parties qui aient la liberté de traiter de gré à gré, le redevable pourra faire au propriétaire de la rente, par acte extrajudiciaire, une offre réelle d'une somme déterminée. En cas de refus d'accepter l'offre, les frais de l'expertise, qui deviendra nécessaire, seront supportés par celui qui anra fait l'offre, ou par le refusant, selon que l'offre sera jugée suffisante ou insuffisante.

Art. 11. L'offre se fera au domicile du créancier lorsque la rente sera portable, et lorsqu'elle sera quérable au domicile que le créancier sera tenu d'élire dans le ressort du district du lieu où la rente devait être payée et, à défaut d'élection, à la personne du commissaire du district.

Art. 12. Si l'offre mentionnée en l'article cidessus est faite à un tuteur, à un grevé de substitution, ou à d'autres administrateurs qui n'ont point la liberté de traiter de gré à gré, les administrateurs pourront employer en frais d'administration ceux de l'expertise, lorsqu'ils auront été jugés devoir rester à leur charge.

Art. 13. Tout redevable, qui voudra racheter la rente ou redevance foncière dont son fonds est grevé, sera tenu de rembourser, avec le capital du rachat, tous les arrérages qui se trouveront dus, tant pour les années antérieures que pour l'année courante, au prorata du temps qui sera écoulé depuis la dernière échéance jusqu'au jour du rachat.

Art. 14. A l'avenir, les rentes et redevances énoncées en l'article 12 ci-dessus ne s'arrérageront point, même dans les pays où le principe contraire avait lieu, si ce n'est qu'il y ait eu demande suivie de condamnation; les rentes qui consistent en service de journées d'hommes, de chevaux et autres services énoncés en l'article 8 ci-dessus, ne pourront pas non plus être exigées en argent, mais en nature seulement, si ce n'est qu'il y ait eu demande suivie de condamnation. En conséquence, il ne sera tenu compte, lors du rachat desdites rentes ou redevances, que de l'année courante, laquelle sera alors évaluée en argent, au prorata du temps qui sera écoulé depuis la dernière échéance jusqu'au jour du rachat.

TITRE IV.

De l'effet de la faculté du rachat relativement aux droits seigneuriaux.

Art. 1er. Les propriétaires des ci-devant fiefs ne pourront point exiger de droit de lods et ventes sous prétexte de la faculté qui a été accordée par le décret du 4 août, et qui est confirmée par le présent décret, de racheter les rentes foncières créées irrachetables. Lesdits droits de lods et ventes ne pourront être exigés que lors du remboursement effectif desdites rentes, et dans le cas où les droits casuels n'en auraient point été rachetés avant ledit remboursement; sauf aux propriétaires des ci-devant fiefs à se faire payer des droits accoutumés, dans le cas de mutation ou d'aliénation des fonds, soit dans le cas de mutation ou d'aliénation des rentes, tant que lesdites rentes n'auront point été remboursées, ou que le rachat desdites droits casuels n'aura point été fait.

Art. 2. Les dispositions de l'article précédent auront lieu à l'égard des rentes foncières originairement créées rachetables, mais devenues irrachetables par convention ou prescription.

Art. 3. A l'égard des rentes foncières rachetables, tant celles créées antérieurement au décret et à l'égard desquelles la faculté de rachat n'était point éteinte, que celles créées depuis le 4 août, ou qui pourront l'ètre par la suite, on continuera de suivre, quant à la prestation des droits casuels seigneuriaux jusqu'au rachat d'iceux, les anciens usages établis par les différentes lois, coutumes, statuts ou jurisprudence qui régissaient les fonds grevés de ces sortes de rentes.

Art 4. Il sera libre au propriétaire du fonds grevé de rente foncière, de racheter les droits casuels ci-devant seigneuriaux, soit à raison seulement de la valeur de son fonds, déduction faite de la valeur de la rente, soit à raison de la valeur totale du fonds, sans déduction de la rente.

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