Page images
PDF
EPUB

lieu,

l'approbation de l'administration ou du directoire de département, qui sera donnée, s'il y sur l'avis de l'administration ou du directoire du district;

2° Que dans tous les cas où il s'agira d'établir un impôt sur le district, sur le département, ou de faire des emprunts concernant les dites administrations, les impositions ou emprunts ne pourront avoir lieu sans l'autorisation spéciale du Corps législatif;

« 3° Comme les députations à la fédération générale, ordonnées par les décrets des 8 et 9 juin, avec faculté aux directoires des districts, et, à leur défaut, aux municipalités des chefs-lieux de district, de fixer, de la manière la plus économique, la dépense à allouer aux députés pour le voyage et le retour, et que plusieurs districts sollicitent du Corps législatif des autorisations à l'effet d'emprunter ou d'imposer pour satisfaire auxdites dépenses qui concernent chaque district;

«L'Assemblée nationale, pour prévenir la multiplicité des opérations sur cet objet, décrète que, pour les cas dont il s'agit seulement, elle autorise les administrations ou directoires de département à approuver et homologuer les délibérations de districts, à l'effet d'imposer, chacun dans son ressort, les sommes nécessaires pour subvenir au payement et dépenses dont il s'agit.

4° A l'égard des emprunts, ils ne seront autorisés que dans le cas où l'imposition ne pourrait avoir lieu sur les districts par des circonstances particulières, telles que des surcharges momentanées d'impôts, des événements de grêles, inondations, incendies et autres, et cette autorisation d'emprunts ne sera accordée qu'à la charge de pourvoir, par l'autorisation même, au mode et à l'époque des remboursements à faire dans de brefs délais.

5. Comme il est arrivé que, dans quelques villes ou districts, on a obligé les receveurs de deniers publics à faire l'avance de différentes sommes, soit pour la dite fedération, soit pour d'autres dépenses relatives au nouveau régime, l'Assemblée nationale, en prohibant ex pressement pour l'avenir de telles infractions, ordonne que les dites sommes seront rétablies entre les mains des receveurs que l'on a obligés de verser, dans la quinzaine après la publication du présent décret, sauf aux districts ou municipalités à faire imposer les sommes nécessaires au dit remplacement; les administrations ou directoires de départements demeurant autorisés, pour cette fois seulement, à homologuer les délibérations qui seront prises à cet effet »>:

M. Vernier, rapporteur du comité des finances, propose ensuite trois décrets qui, après quelques débats, sont adoptés en ces termes :

PREMIER DÉCRET.

« L'ASSEMBLÉE NATIONALE, ouï le rapport de son comité des finances sur l'état présenté par M. Drevon, colonel de la garde nationale du Pont-de-Beauvoisin, et certifié par MM. du comité des recherches, le dit état relatif aux dépenses de l'arrestation du sieur Borie et du nommé Besse, qui ont été amenés et conduits à Paris, décrète qu'il sera payé au sieur Drevon, 2,155 livres 4 sols, formant le montant du dit état.»

1re SÉRIE. T. XXI.

SECOND DÉCRET.

« L'ASSEMBLÉE NATIONALE, instruite, d'après le rapport de son comité des finances, que la suppression des droits féodaux a donné lieu à nombre de difficultés entre le régisseur général des domaines de la ci-devant province de Lorraine, ses fermiers et sous-fermiers; que ceux-ci, sous prétexte de la suppression de quelques-uns des droits à eux affermés, refusent de payer, en tout ou en partie, les termes échus en juin et novembre de la présente année 1790, ce qui occasionne un vide notable dans la perception des revenus publics, décrète, conformément à ce qui a été statué à l'égard des fermiers des biens ecclésiastiques :

1° Que les baux à ferme qui ne comprenaient que des droits supprimés, sans mélange d'autres biens ou droits, demeureront résiliés à l'expiration de la présente année, sans autre indemnité que la restitution des pots-de-vin ou celle des fermages légitimement payés d'avance, au prorata de la non-jouissance;

« 2° Qu'à l'égard des fermiers qui ont pris à bail des droits supprimés, avec d'autres biens ou droits non supprimés, ils ne pourront demander que la réduction des pots-de-vin, loyers ou fermages, en proportion du droit dont ils cesseront de jouir, suivant l'estimation qui en sera faite par les assemblées administratives ou leurs directoires, sur les observations des municipalités, sans qu'il puisse y avoir lieu à d'autres et plus grandes indemnités; interdisant à tous les fermiers et sous-fermiers de porter ailleurs leurs demandes que par-devant les départements ou leurs directoires, dont les arrêtés seront exécutés provisoirement et nonobstant toutes oppositions.

[ocr errors]

TROISIÈME DÉCRET.

« L'Assemblée nationale, sur le compte rendu par le rapporteur du comité des finances, des emprunts qui ont été faits sur les billets des régisseurs-généraux des vivres de la marine qui vont successivement échoir, et dont le montant s'élève à 3,600,000 livres, décrète que les emprunts dont il s'agit ne seront pas renouvelés; défend de faire ou renouveler aucuns emprunts de ce genre à l'avenir; ordonne que les billets fournis lors desdits emprunts seront remboursés sur le rapport que le comité de liquidation en fera incessamment à l'Assemblée nationale; décrète que les intérêts desdits billets seront payés jusqu'au jour du remboursement sur le principal originaire des billets, et d'après la liquidation qui en aura été faite par le comité de liquidation. »

M. le Président fait part à l'Assemblée d'une pétition qui lui est adressée par les députés des sections de la ville de Versailles, pour être admis

la barre de l'Assemblée, afin d'obtenir une décision sur un point qui arrête la continuation de l'élection des officiers municipaux de cette ville. (L'Assemblée renvoie cette pétition à son comité de Constitution, pour en rendre compte demain.)

M. de Tracy, député du département de l'Allier, instruit l'Assemblée que la commune de Moulins a nommé pour un de ses officiers mu

13

[merged small][merged small][ocr errors]

L'Assemblée nationale déclare qu'on ne peut attaquer l'élection de l'un des officiers municipaux de Moulins, à raison de sa qualité d'entreposeur de tabac.

[ocr errors]

L'Assemblée se réserve d'examiner incessamment si l'inéligibilité que les circonstances ont prescrite à l'égard des percepteurs des impôts indirects est une disposition réglementaire ou si on doit l'insérer dans le code des lois constitutionnelles. »

M. le Président. L'ordre du jour est un rapport du comité de l'imposition sur la proposition d'imposer les rentes dues par le Trésor public (1).

M. Ræderer donne lecture du rapport en ces termes :

Messieurs, dans la séance du 22 octobre dernier, un membre a demandé que le comité de l'imposition fût chargé de faire, à jour fixe, un rapport à l'Assemblée sur la portion d'imposition que doivent supporter les rentes viagères constituées sur le Trésor public. L'Assemblée nationale a décidé que le comité de l'imposition ferait ce rapport dans huitaine.

La motion sur laquelle vous nous avez demandé un rapport, suppose, Messieurs, que les rentes viagères constituées sur le Trésor public sont incontestablement imposables, et qu'il ne s'agit plus que de régler le taux de leur impositiou. Or, nous n'avons pas cru pouvoir admettre cette supposition; nous ne croyons même pas que vous ayez entendu l'admettre. Nous ne yous ferons donc pas de rapport sur la portion d'imposition que doivent supporter les rentes dont il s'agit; nous vous demanderous, au contraire, de fixer votre attention sur l'idée même d'imposer les rentes d'une manière quelconque.

Nous avons regardé cette idée comme contraire à la justice, à l'intérêt public, au texte précis d'un de vos plus mémorables décrets. Nous croyons qu'il est nécessaire d'empêcher qu'elle ne se propage, qu'elle ne se reproduise; nous pensons qu'il vous convient de déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer sur aucune proposition tendant à imposer les rentes viagères dont le Trésor public est chargé.

De courtes réflexions vont justifier le projet de décret que nous avons l'honneur de vous proposer.

Il nous semble d'abord qu'il ne serait qu'une conséquence nécessaire de celui du 27 août 1789. Par le décret du 27 août 1789, l'Assemblée nationale declare que, dans aucun cas et sous aucun prétexle, il ne pourra être fait aucune nouvelle retenue ni réduction quelconque sur aucune des parties de la delle publique.

Le sens de ce décret est fort clair, il embrasse

(1) Ce rapport est incomplet au Moniteur.

toute la dette publique constituée. A l'époque du décret comme aujourd'hui, cette dette était divisée en deux parties: celle des rentes viagères, celle des rentes perpétuelles; tout le monde sait que, dans l'origine, les rentes viagères ont toutes été exemptées de retenues; mais qu'à la suite quelques-unes ont subi des rédactions en vertu d'actes du pouvoir arbitraire; que toutes les rentes perpétuelles, quoique soumises en grande partie à des retenues par le titre de leur création, l'ont encore été par la force qui se jouait de tous les titres, et que tous ces faits étaient un des objets des réclamations générales à l'époque où l'Assemblée nationale a été convoquée; le but du décret du 27 août à donc été de fixer la condition des rentes, de la rendre désormais immuable, d'assurer leur tranquillité, de garantir la foi publique. Ainsi, l'Assemblée nationale ne pourrait aujourd'hui, sans se rendre contraire à elle-même, Saus détruire son propre ouvrage, sans se rendre coupable de cette versalité de principes qu'on reprochait à l'ancien gouvernement, et dont elle n'à jusqu'ici donné aucun exemple, malgré l'immense étendue et la prodigieuse diversité de ses travaux; elle ne pourrait, dis-je, sans se dégrader, imposer aujourd'hui, soit une nouvelle retenue sur les rentes perpétuelles déja assujetties à une retenue, soit une retenue sur les rentes viagères quí, jusqu'à présen', en ont été absolument exemptes, et pour lesquelles conséquemment cette retenue serait encore bien plus nouvelle que pour les autres. Ainsi, proposer à l'Assemblee nationale de délibérer sur une motion qui suppose une imposition de rentes viagères, c'est lui proposer de contredire ce qu'elle a dit, d'ébranler ce qu'elle a consolidé, de défaire ce qu'elle a fait. La motion renvoyée à votre comité doit donc ne pas être écoutée, elle doit être repoussée de toute délibération.

On espère obtenir pour elle la discussion, en disputant sur les sens du décret du 27 août. On doit soutenir devant l'Assemblée nationale qu'elle n'a entendu proscrire par ce décret que les réductions des capitaux, que les retenues sur les capitaux, et qu'elle n'a rien décidé relativement aux rentes mais, Messieurs, ce n'est là qu'une misérable argutie.

Chaque partie de la dette publique constituée le subdi ise en deux parties, les rentes ou intérêts, d'une part; les capitaux, de l'autre. Le mot de réduction s'applique aux capitaux; le mot de retenue s'applique aux rentes. On a toujours appelé réductio l'alteration des capitaux; on a toujours appelé nouvelle retenue l'altération des rentes stipulées par les conventions de l'emprunt. Jamais ce mot n'a été appliqué aux capitaux; donc le sens qu'on prétend donner au décret du 27 août est evidemment et absurdement faux.

Au fond, Messieurs, quelle a été la cause immédiate actuelle de la sollicitude qui a dicté ce décret à l'Assemblée nationale en faveur des créanciers de l'Etat ? C'est qu'au même instant, et par une première disposition de ce décret, l'Assemblée nationale votait un emprunt de quatrevingts millions tel qu'il lui avait été proposé par le premier ministre des finances, c'est-à-dire à 5 0/0, exempt de toute retenue (1). Vous n'avez sans doute pas oublié, Messieurs, que le premier ministre des finances, en vous proposant un emprunt de 5 0/0 sans retenue, vous avait an

(1) Voyez le procès-verbal du 25 août au matin, et le mémoire de M. Necker, p. 6.

noncé que l'emprunt ouvert par vous à 4 1/2 n'avait pas réussi, principaleinent parce que vous n'aviez pas voulu le porter à cinq. II n'avait donc pu vous proposer, pour suppléer à un emprunt à quatre et demi exempt de retenue, un emprunt à cinq soumis à une retenue qui eût porté le taux de l'intérêt encore au-dessous de quatre et demi.

Si donc la première partie du décret du 27 août votait un emprunt à 5 0,0 exempt de retenue; si cette exemption de retenue était évidemment une condition essentielle au succès de l'emprunt, il ne peut pas être douteux que la disposition finale du décret qui déclare qu'il ne pourra être fait de nouvelle retenue ni réduction quelconque sur aucune des parties de la dette publique, ne s'entendit alors d'une nouvelle retenue sur les interêts et rentes dues par le Trésor public, d'une retenue arbitraire, d'une retenue contraire aux conditions originaires de l'emprunt. Le succès de l'emprunt etait très important à la chose publique: le salut de la chose publique tenait donc en ce moment à une exemption de retenue; par cette raison, vous avez dû vouloir et vous avez voulu que toute stipulation d'immunité de retenue fui sacrée : c'est donc cette volonté qu'exprime votre décret: le sens du mot retenue ne peut donc être équivoque pour quiconque aura gardé quelque souvenir des circonstances dans lesquelles vous avez fait ce décret.

Ce n'est pas encore tout, Messieurs; entre la lecture du mémoire du premier ministre des finances et votre délibération, plusieurs orateurs ont été entendus. J'ouvre le discours de celui qui vous a proposé le décret que vous avez adopté avec quelques modifications, et là je trouve les motifs qui vous ont déterminés.

Le crédit est perdu, disait M. l'évêque d'Auton, et il l'est par deux causes principales: la diminution des revenus publics, et l'inquiétude qui s'est répandue sur les principes de l'Assemblée nationale, relativement aux engagements publics. Il faut, ajoutait-i: 1° qu'un comité soit chargé d'indiquer les moyens d'établir l'équilibre entre les dépenses et les revenus; il faut: 2 décider en ce moment si l'on doit maintenir dans leur integrité les engagements publics, et si la situation des finances n'exige pas, ne légitime as une réduction de la detle publique par DES RETENUES SUR LES RENTES et les effets royaux. Remarquez, Messieurs, ces dernières paroles. M. l'evêque d'Autuo, après avoir ainsi présenté la question, pose en principe que le titre des créanciers de l'Etat présente une propriété inattaquable, MÉME PAR UN IMPOT (page 5 de la notion de M. l'evêque d'Atan) QUE TOUTE IMPOSITION SUR

LES RENTES SERAIT UNE VIOLATION MANIFESTE DES

ENGAGEMENTS DE LA NATION. (Ibid. p. 9). Vingtcluq pages de discours sont employées à prouver ctte proposition: tels étaient les motifs de la motion de l'évêque d'Autun, sur laquelle a été rendu votre décret.

Il paraît assez clair, Messieurs, qu'en adoptant le fond de la motion de M. l'évêque d'Autun, vous avez consacré ses principes.

Enfin, Messieurs, il est si vrai que l'esprit du décret fut d'exempter les rentes de toute contribution qu'il a été déposé sur le bureau et annexé au procè--verbal de la séance du 27 août une déclaration de MM. d'Antraigues, Madier et autres, dans laquelle ils disent qu'il ne leur est pas accordé le pouvoir d'affranchir les créanciers de l'Etat des charges publiques, et qu'il leur est ex

pressément enjoint de requérir qu'ils y fussent soumis. Il était donc entendu.

Mais, Messieurs, tous ces rapprochements, tous ces pénibles commentaires pour expliquer un décret très clair, et constater un sens très notoire, sont bien superflus, dès qu'on nous accorde que ce décret proscrit toute reduction des capitaux. Il est absolument égal que l'Assemblée ait garanti les rentes sans les capitaux, ou les capitaux sans les rentes, pourvu qu'elle ait garanti les unes ou les autres. Le sort des premières est inséparable de celui des seconds; ce que la loi fait pour celles-ci, elle le fait pour ceux-là. Il est impossible de baisser la rente par un moyen quelconque, sans réduire proportionnellement le capital, ou de réduire le capital sans baisser la rente. Certainement un contrat de 5,000 livres de rentes net sur l'Etat, qui aura coûté 160,000 livres de capital, ne se vendra demain que 80,000 livres, si la rente est aujourd'hui réduite à 4,000 livres.

Si donc les défenseurs du système d'imposer les rentes nous passent que l'Assemblée ne peut toucher aux capitaux, il est évident que leur système est dénué de sens, qu'il n'est qu'un jeu de mots, ou plutôt qu'un misérable balbutiement, qui, pour ainsi dire, ne porte pas même un son net aux oreilles. Ainsi, dans leur système même, le decret du 27 août ecarterait leur proposition. Ainsi leur système lui-même appelle la question prealable.

Si pourtant ce décret pouvait ne point vous paraitre decisif, ou s'il pouvait vous causer quelque regret, nous vous deinanderions de vous retracer les principes de justice qui le rendent sacré; de Vous représenter les considérations d'intérêt national qui l'ont rendu non seulement légitime, mais encore nécessaire; car ici, comine partout, l'unité s'est trouvee à côté de la justice, comme pour la recommander à l'intérêt particulier.

Les rentes dont il s'agit ont toutes été déclarées exemples d'impositions par le titre qui en ordonne la création; c'est sous cette condition qu'elles ont été acquises par les prêteurs, et qu'elles out reçu l'existence. L'immunité des impositions fait donc partie d'une convention passée entre l'Etat et ses créanciers; cette immunité est douc i revocable. La justice conduit ir ésistiblement à cette conséquence; et elle semble prescrire de s'y renfe iner.

Cependant, Messieurs, c'est ici que commence sérieusement l'attaque des partisa is de l'impôt sur les rentes. Selon eux les lois qui ont créé des exemptions de retenue ont en cela créé des privilèges et les privilèges sont abolis; sacrifiez-les, disent-ils aux prèteurs, du reste votre propriété vous est garantie, et nos conventious sont sacrées.

Votre comité, Messieurs, pense que rien ne ressemble moins à un privilège que l'immunité dont il s'agit; il n'y voit qu'une condition d'u marché régulièrement contracte.

Un privilège est un avantage exclusif concédé par un acte de la puissance publique. L'exemption de retenue dont il s'agit, u'est que l'effet d'un contrat réciproque passe sous l'autorité de la loi: car, dans tout emprunt public, il faut disti guer la loi qui en règle les conditions et le contrat qui l'effectue. Louer un capital est un acte de la vie civile, comme vendre ou acheter un bien; louer un capital au prix de la loi, c'est faire un marché aussi régulier que de vendre à la taxe une denree taxée. Ainsi, quand le prix de la loi pour le loyer de l'argent prêté à l'Etat, est le taux couraut de l'intérêt entre particuliers, et, de plus

l'exemption de retenue, c'est un marché très régulier, que de louer avec exemption de retenue, il n'y a pas là de privilège.

L'exemption de retenue n'est pas en elle-même une immunité, puisque, entre particuliers, elle a toujours pu être stipulée, pourvu que l'intérêt ne passât pas 4 0/0, et qu'aujourd'hui elle peut être stipulée méme l'intérêt étant à 5 0/0. Parce qu'une loi fixait ci-devant le taux courant de l'interêt entre particuliers à 5 0/0 à charge de retenue, il ne faut pas croire que les lois, qui ont ordonné des emprunts publics, aient accordé une faveur extraordinaire, et surtout une faveur gratuite aux prêteurs publics, en leur ordonnant l'exemption de retenue.

Il n'est pas dans la puissance des lois de fixer le taux de l'intérêt de l'argent, il leur est seulement possible de suivre et de déclarer celui auquel l'a porté pour un temps la libre concurrence des offres et des demandes dans un genre d'affaires qui comportent toutes une égale sûreté, c'est-à-dire les placements hypothécaires. Le commerce, dont tous les placements se font de confiance, et n'ont pas une sûreté qui puisse être soumise au calcul, le commerce s'est affranchi du taux légal, et il loue tous les jours l'argent à des prix différents. Le taux légal des rentes hypothécaires même a varié cent fois en France.

Si donc, Messieurs, l'autorité publique, en réglant l'intérêt, ne fait que déclarer le cours de la concurrence libre, si elle est réduite, non seulement à laisser libre le taux du commerce, mais même à ne point le déclarer, par l'impossibilité de suivre ses vaccillations, il parait évident que quand elle fixe l'intérêt des emprunts publics, elle ne fait que reconnaître l'impossibilité où est l'Etat d'emprunter à de meilleures conditions; elle ne fait que déclarer le taux auquel les prêteurs trouveront à lui prêter un avantage équivalent ou faiblement supérieur à celui de tout autre placement. Si donc elle offre 10 0,0 d'intérêt, c'est parce qu'elle sait que le capitaliste aurait intérêt de préférer d'autres emplois à 8, à 6 peut-être. Ainsi, daus l'hypothèse même où la loi de l'emprunt offre un intérêt fort supérieur à l'intérêt légal, elle n'offre qu'un avantage équivalent ou faiblement supérieur à un autre placement; elle ne donne donc pas de privilège.

Si une nation qui décrète un emprunt à un intérêt bien plus fort que l'intérêt légal entre particuliers ne donne pas de privilège, elle n'en donne pas non plus, lorsque, einpruntant au taux ordinaire, elle ne fait qu'exempter des impositions. Exempter dans ce cas des impositions ce n'est pas faire autre chose que bausser l'intérêt du montant de ces impositious, c'est comme si, chargeant la rente de la retenue, elle avait demandé en sus du taux ordinaire le montant de l'imposition. Emprunter à 5 0/0 sans retenue du dixième, ou emprunter à 5 1/2 avec retenue du dixième, c'est absolument la même chose. Il n'y a donc plus de privilège dans un cas que dans l'autre.

[blocks in formation]

la différence qui se trouve entre le revenu des fonds territoriaux et celui des capitaux placés sur le Trésor public. Mais cette différence se trouve aussi entre les placements commerciaux et les placements hypothécaires; et elle est bien rachetée dans tous les cas. L'avantage de certains placements n'est jamais le prix des inquiétudes et des risques qui y sont attachés, et dont les autres sont exempts.

Messieurs, une partie de vos emprunts sont remplis par des étrangers. On ne peut pas dire que, pour cette classe de prêteurs, l'exemption de retenue soit un privilège; l'impôt n'était pas une charge commune à cet étranger et au régnicole; le capital du premier n'était pas soumis à l'impôt avant d'être attiré dans le royaume par l'exemption même de l'impôt. Dira-t-on à cet étranger que son immunité de retenue sera supprimée comme contraire à l'égalité? Non, sans doute, Messieurs, vous la respecterez comme une convention; eh bien! cette circonstance suffit seule pour préserver les prêteurs nationaux de toute atteinte. Non seulement il serait impossible de les discerner, les prêteurs régnicoles des étrangers, en imposant par voie de retenue; mais même il serait impossible de les distinguer dans le droit et en face de la justice; si l'exemption de retenue n'est pas un privilège pour l'étranger, elle n'en est pas un pour le régnicole, car celui-ci était aussi libre que le premier de placer ou de ne pas placer ses fonds sur le Trésor public; ce que l'un n'a fait qu'en vertu d'une convention libre, l'autre ne l'a fait qu'au même titre; si donc elle est sacrée pour l'un, elle doit l'être pour l'autre.

Encore une fois, Messieurs, un emprunt public est nécessairement composé de deux actes fort distincts la loi qui le decrète, le contrat qui le consomme. Pour qu'une nation pût emprunter sans contrat, et par une simple loi, il faudrait qu'elle pût ordonner, non seulement l'emprunt, mais encore le prêt; or, commander un prêt, contraindre à un prêt, ce ne serait pas emprunter, ce serait prendre; à la vérité, ce serait prendre avec la promesse de rendre, mais en manifestant le pouvoir de ne pas rendre, car il est bien plus facile de retenir ce qu'on a pris que de prendre. Il est donc de l'essence d'un emprunt public d'ètre composé d'une loi et d'un contrat.

S'il est nécessaire de distinguer, dans un emprunt, la loi et le contrat, il faut pareillement distinguer la nation quand elle fait la loi, de la nation quand elle fait le contrat. Quand elle fait la loi, elle exerce la puissance souveraine; quand elle passe le contrat, elle n'est qu'un particulier agissant sous l'autorité et sous la garantie de la lo; obligée de s'y conformer comme un aut e, rebelle et coupable comine un autre quand elle s'en écarte. Elle ne diffère d'un particulier que par la certitude qu'elle a de l'impunité dans ses ecarts; privilè e bien affaibli sans doute par la honte qu'il y aurait pour elle à s'en prévaloir.

Si la loi ne peut suppléer au contrat pour effectuer un emprunt, une loi postérieure à un emprunt légal, ne peut pas déroger au contrat, ni le détruire.

Si une nation ne peut contraindre par une loi à prêter au Trésor public, une loi postérieure ne peut changer les conditions d'un prêt volontaire, et le contracter ainsi en prêt forcé. Si une nation n'a pu emprunter en vertu de la seule souveraineté, et qu'elle ait été obligee de descendre à constater de pair à pair avec les prêteurs, elle ne peut pas, en vertu de sa souveraineté, se délier des engagements qu'elle a pris comme particulier, elle

ne peut pas se délier, par la loi de l'impôt de la gêne qu'elle s'est imposée en vertu de la loi de l'emprunt. La faculté de rompre par une loi des conventions faites sous la garantie d'une loi antérieure, serait plus redoutable que celle de forcer, par une seule loi, à faire ce qu'on n'a obtenu que d'une convention. La première de ces facultés ne serait que le pouvoir d'opprimer. La seconde serait le pouvoir d'opprimer et de tromper.

*་

Ainsi, Messieurs, quand une loi a autorisé une rente exempte de retenue, et qu'un contrat l'a constituée, on ne peut charger cette rente d'une retenue sans violer toute justice, et abdiquer toute pudeur.Le prêteur, qui serait menacé d'une infraction à son traité, serait en droit de dire à ceux qui la lui feraient craindre Vous n'aviez pas le droit de me contraindre à vous prêter à charge de retenue: or, ce droit que « vous n'aviez pas avant notre contrat, vous << n'avez pu l'acquérir depuis; après que je vous « ai confié mon argent, vous n'avez pas le droit de m'imposer des conditions que vous ne pou« viez pas m'imposer avant de l'avoir. Si vous ne pouviez m'extorquer un prêt aux conditions « que vous dictez aujourd'hui, vous ne pouvez «me les imposer après avoir surpris mes fonds. « La force aidée de la perfidie n'a pas plus de ⚫ droit sans doute que n'en avait la force toute « seule.

[ocr errors]
[ocr errors]

Je finis, Messieurs, par une observation tirée de l'intérêt même des finances nationales.

Le moment approche où la Constitution affermie, la paix établie partout, les impôts exactement perçus, la force publique sagement dirigée, et doucement énergique, doivent rétablir le crédit public. Le moment venu, vous pourrez reconstituer la dette; vous pourrez, par des transactions libres, en réduire l'intérêt à 4 0/0, alors donc vous pourrez faire plus qu'arracher quelques millions à des créanciers reconnus legitimes en imposant les rentes, vous pourrez soulager la France de 50 millions d'impôts. C'est à cette grande et salutaire opération que vous devez tendre, Messieurs. L'honneur d'exécuter peut appartenir à vos successeurs immédiats; ainsi la nation n'en attendra pas longtemps les fruits.

Mais pour assurer l'abondante récolte qui s'offre à la nation dans un avenir très prochain, il faut vous refuser au grapillage qu'on vous propose aujourd'hui, il faut manifester de nouveau votre respect pour les engagements nationaux, rejeter avec une indignation civique une proposition qui tendrait à détruire sans retour la confiance des créanciers de l'Etat. Le comité insiste sur la proposition de décréter qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion qui lui a été renvoyée par le décret du 22 octobre dernier. Au comité de l'imposition, le 2 décembre 1790. ROEDERER, LA ROCHEFOUCAULD, DUPONT (de Nemours), DEFERMON.

(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport lu par M. Roederer.)

M. le Président fait lecture de la liste des personnes qui ont demandé la parole pour ou contre la motion d'imposer les rentes.

(On demande à aller aux voix.)

M. Duport. C'est pour une observation d'ordre que je prends la parole. S'il y avait lieu à délibérer sur la proposition qui vous a été faite, si la discussion s'engageait sur le fond, vous porteriez un grand coup à votre crédit. (On applau

dit). La confiance que l'on a dans un négociant porte sur sa probité. Eh bien! le crédit des nations se compose des même éléments pour gagner 22 millions vous vous priveriez de toute ressource. Supposons que nous soyons obligés de faire la guerre; il nous faudra nécessairement des secours extraordinaires. Eh bien! qui voudra nous fournir de l'argent si nous donnons un exemple de mauvaise foi, et si, dans cette circonstance importante, revenant contre nos décrets, nous manquons aux engagements que nous avons contractés? (On applaudit et on demande à plusieurs reprises à aller aux voix.)

M. Lavenue. Je répondrai à l'observation d'ordre du préopinant que dans l'ordre naturel j'aurais du présenter d'abord ma motion, et qu'alors il ne se serait pas élevé une motion incidente de délibérer, comme par acclamation, qu'il n'y a pas lieu à délibérer. Alors, à la vérité, vous n'auriez pas eu à applaudir à ces grands mouvements d'éloquence qui ne sont bons qu'à égarer des Français quand on leur parie d'honneur et de probité. S'il y a nécessité à accueillir ma motion, il y aura de l'honneur à l'adopter, et vous n'aurez pas compromis le bien de la nation entière. C'est la totalité de la nation que vous représentez; c'est sur les intérêts de toute la nation que vous statuez (On applaudit) une grande question de laquelle dépend l'imposition de 20 ou 30 millions de plus.

M. Ræderer. Quand on a demandé à M. Lavenue à combien s'élèverait l'imposition des rentes, il a dit 12 millions.

M. Lavenue. La grande question qui vous occupe, c'est de savoir si vous imposerez les rentes sur l'Etat comme les autres biens. Cette grande question, dis-je, est puisée dans la plupart des cahiers; elle ne peut être écartée par la question préalable.

M. Fréteau. J'appuierai la motion de M. Duport par une considération très forte, la loyauté... Il s'élève des murmures à droite.) L'Assemblée ne peut revenir sur ses décrets des 17 juin, 27 juillet et de la fin d'août 1789. Nous devons payer ce que l'Etat a emprunté, nous l'avons promis. La seule manière, j'osai le dire au roi, et l'on sait quelles furent pour moi les suites de l'expression libre de ma pensée (On applaudit), la seule manière de faire tomber un interêt désastreux, c'est d'être fidèles à nos engagements; les pères de famille, les bons citoyens traiteront avec nous à un intérêt modéré; ils nous prêteront à 4 0,0 en rentes perpétuelles, à 8 0,0 en viager, pour faire cesser ces intérêts ouéreux. (On applaudit.) Je maintiens qu'il serait indigne de l'Assemblée nationale de croire que les habitants des campagnes ne payeront pas des impôts qui n'ont été décrétés que pour attendre le moment où l'on pourra diminuer la masse d'imposition qui porte sur la nation.

M. de Mirabeau. J'appuie la motion de M. Duport, et je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit par lui et par M. Fréteau; cependant il est une observation que je ne puis me dispenser de faire. On veut jeter de la défaveur sur la proposition de M. Duport en disant qu'il est étrange qu'une aussi grande discussion soit écartée par la question préalable; eh bien ! elle est repoussée par trois décrets invincibles comme la raison, nobles

« PreviousContinue »