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et loyaux comme cette Assemblée, comme la nation.

On a prétendu que nous voulions égarer l'Assemblée par ces mots généraux : foi publique, respect pour les engagements, et on a mis en parallèle la nécessité; mais la nécessité est le cri de ralliement des brigands. Je ne puis m'empêcher de témoigner que c'est un grand scandale pour la nation et pour l'Europe qu'après trois décrets proclamés dans la situation la plus importante, dans circonstances les plus critiques, on ose mettre en question une semblable motion dans un moment où tout est calme, où les finances présentent des symptômes de prospérité (On applaudit.), dns un moment où le crédit renaît, où l'argent baisse, où la plus simple industrie d'un ministre des finances peut décharger la nation des intérêts onéreux qu'elle paye. C'est en ce moment qu'on propose de remettre en question un objet sur lequel votre justice a prononcé, quand les efforts des ennemis de la liberté se multipliaient, quand la prévarication vous entourait, quand les ténèbres des finances s'épaississaient encore! Vous avez porté le flambeau dans ces ténèbres, et l'obscurité s'est dissipée, et vous délibéreriez maintenant sur une telle proposition! Je la livre à tout le mépris qu'elle mérite. (On applaudit et on demande à aller aux voix.)

M. Ræderer. Le comité que vous aviez chargé de l'examen de la question a unanimement décidé qu'il n'y avait pas lieu à délibérer.

M. Le Bois-Desguays. Mais les rentiers, en rapportant leur quittance d'imposition, seraient déchargés de l'imposition personnelle.

M. le Président. M. Lavenue a fait une proposition qui consistait à établir une imposition proportionnelle.

M. Lavenue. Et constitutionnelle.

M. le Président. La proposition de M. Lavenue consistait à établir une imposition proportionnelle sur les rentes. Vous savez quel a été l'avis du comité auquel on avait renvoyé celle proposition on demande que, d'après cet avis, la question préalable soit mise aux voix sans délibération ultérieure; je vais consulter l'Assemblée.

M. Lavenue. Je demande à poser, à mon tour, la question. J'ai fait une motion tendant à établir une imposition proportionnelle sur tous les capitaux placés sur l'E at, Le comité a dit que je voulais effectuer une retenue sur les rentes : il a eu tort, car je pense qu'il faut détruire toute retenue sur les rentes. Vous connaitriez ma proposition si vous vouliez m'entendre.

M. Démeunier.Je vais lire une rédaction, pour que M. Lavenue la combatte,« L'Assemblee nationale, renouvelant d'une manière solennelle les dispositions de ses décrets des 17 juin, 16 août e 25 septembre, déclare que, fidèle à ses principes, voulant maintenir ses décrets et respecter la foi publique, elle ne délibérera pas sur la proposition qui lui est faite. « Je demande maintenant qu'on entende M. Lavenue.

M. Lavenue. La question sur laquelle vous allez prononcer, réduite à ses termes les plus simples, consiste à savoir si les capitaux placés sur l'Etat doivent contribuer proportionellement aux dépenses publiques comme les biens-fouds...

M. Barnave demande la parole. M. le Président la lui refuse,

M. Lavenue. Mon opinion est fondée sur vos propres décrets et sur les principes mêmes de vos comités, Les articles 12 et 13 de votre Déclaration des Droits sont ainsi conçus : « Article 12. La garantie des droits de l'homme et force yet déce instituee force pique, donc pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » « Article 13. Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable; elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » L'article 11 de vos fameux arrêtés du 4 août est ainsi conçu: « Les privilèzes pécuniaires, personnels ou réels, en maiière de subsides, sont abolis à jamais. La perception se fera sur tous les citoyens et sur tous les biens, de la même manière et dans la même forme. » E fin, vous avez déc reté le 7 octobre que « toutes les contributions et charges publiques, de quelque nature qu'elles soient, seront supportées proportionnellement par tous. les citoyens et par tous les propriétaires, à raison de leurs bins et facultés. »

Voilà vos principes, Y a-t-il une richesse qui soit hors de l'atteinte de l'impôt ? Cette rich sse n'aurait pas besoin de la loi et de la force publique; les rentes ne sont pas une richesse de cette nature; donc elles sont soumises à l'article 13 de la Déclaration des Droits. Les rentes sont-elles insaisissables par l'impôt ? non donelles sont soumises à l'article 11 des arrêtés du 4 aout, Les rentes n'appartiennent-elles à personne? Si elles appartiennent à quelque citoyen, elles sont soumises aux décrets du 7 octobre.

Je passe aux principes du comité d'impositions. Il a dit, dans son premier rapport, que toutes les richesses mobilières doivent être assujetties à l'imposition.

Les capitaux sur l'Etat sont des richesses mobili res, donc ils doivent être imposés. Le comité a proposé de déterminer la contribution personnelle par la base du loyer; donc il pense que les capitaux sur l'Etat doivent être imposés, car ceux qui possè lent des capitaux ont des loyers proportionnes à leur revenu. Je ne diffère done du comi é que par la quouité de l'imposition. Il soumet les rentes à trois centiè nes, et je crois qu'elles doivent supporter la même imposition que les propriétés foncières. Leur produit est moins casuel, leurs annuités sont plus invariables que celles de toute autre proprieté; donc il n'y a nulle raison pour s'écarter à l'égard des rentes de l'égalité d'imposition; donc il faut assujettir les rentes au tarif des propriétés foncières. (On applaudit.) J'ai donc prouvé ma proposition par les dé rets constitutionnels et par les principes du comité.

Je passe maintenant aux objections qui ont été faites. On oppose premièrement que l'Assemblée a confirmé tous les engagements de l'Etat sans qu'il puisse être fait aucune déduction ni releDue; 2° que les rentes sont de véritables contrats passés dans les formes alors légales; 3° que la plupart des rentiers sont des étrangers; qu'one contribution exigée d'eux serait une violation du droit public, et qu'on les obligerait d'enlever de France leurs capitaux, ce qui causerait une perte considérable de numéraire; 4° entia, on prétend

qu'il est injuste d'attaquer des propriétés ci-devant insaisissables par l'impôt.

Je fais d'abord une réponse commune aux deux premières objections. Si le comité veut exempter les rentiers, il faut renoncer à la base du loyer pour la contribution personnelle; sans cela les rentiers payeront l'imposition personnelle, ou bien le Trésor public leur bonifiera cette contribution; alors la tournure que le comité a prise n'est plus qu'une cautèle indigne de l'Assemblée, et imaginée pour tuer l'esprit de la loi en paraissant en cbserver le texte. J'interpelle le comité; je l'accuse, J'aborde maintenant le fameux décret du 27. L'A semblée nationale a déclaré que, sous aucun prétexte, il ne serait fait aucune réduction niretenue sur toutes les parties de la dette publique. Entendons-nous; par ces mots aucune réduction ou retenue, l'Assemblée a-t-elle voulu dire aucune imposition? non. Vous avez aboli à jamais tout privilège en matière de subside; l'exemption d'imposition pour les rentes serait un privilège en matière de subside; donc vous n'avez pas entendu, par les mots réduction et retenue, l'imposition. Déduire ou retenir, c'est autre chose qu'imposer. (On applaudit.) Une réduction, soit du capital, soit de l'intérêt, est une operation injuste et vexatoire; une retenue d'une partie aliquote d'un capital ou des intérêts, comme du dixième, du vingtième, est une opération également injuste. Il convenait à l'honneur de la nation française, et c'est pour ses représentants une obligation rigoureuse, de faire cesser à cet égard les craintes des créanciers de l'Etat ; mais l'Assemblée n'a pas entendu, en déclarant l'abrogation des retenues et des réductions, déroger aux décrets du 4 août; autrement par une clause dérogatoire elle aurait précisé l'exemption des rentiers. Gette clause dérogatoire n'existe pas; donc l'Assemblée n'a pas entendu prononcer l'exemption. Je vais plus loin pour le complément de la démonstration, et j'appelle l'attention de M. de Mirabeau,qui doit me contredire.

L'Assemblée s'est expliquée catégoriquement; elle a décrété, le 7 octobre, que les contributions seraient supportées proportionnellement par tous les citoyens et par tous les propriétaires, à raison de leurs biens et facultés. Les rentiers sont des proprietaires, les rentes sont des facultés: donc les renuers sont compris dans l'article. S'ils n'y étaient pas con pris vous l'auriez dit; or, vous ne l'avez pas dit. Il est vrai que M. de Mirabeau demanda une exception en faveur des rentiers; mais une acclamation générale repoussa cette demande. M. Vernier observa que, comme capitalistes, les créanciers de l'Etat he devaient éprouver aucune retenue; mais que, comme citoyens, ils devaient supporter les impositions. Ce fut sur ce motif que vous rendites votre décret. (On applaudit.) Il est donc démontré que l'Assemblee n'a pas voulu exempter les rentiers de la contribution proportionnelle.

On nous oppose que le contrat passé entre les reatiers et l'Etat l'a été dans les formes légales, et qu'il est i attaquable dans toutes ses dispositions. Sans doute, il faut respecter toutes dispositions dont les parties pouvaient convenir entre elles sans blesser les droits d'autrui; mais la stipulation qui exemptait les rentes de l'imposition portait atteinte à la propriété individuelle de tous les citoyens, car elle diminuait la portion contributoire. Lorsqu'un citoyen se soutrait à l'imposition, il faut que ce qu'il ne paye pas soit payé par les autres citoyens. Ainsi donc cette clause était nulle en soi. Le législateur provisoire

ne l'a pas validée; c'était un privilège qui violait l'équité, et par vos décrets vous avez anéanti tout privilège en matière de subside.

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Le contrat existe donc dans toute l'intégrité compatible avec les principes quand vous assurez le payement de la rente établie pour la somme empruntée. Il est aussi aisé de répondre à l'objection relative aux étrangers. Voyons s'il est de leur intérêt bien calculé de retirer leurs capitaux. Un étranger propriétaire d'une rente de 100,000 livres ne réaliserait son capital que pour 70 ou 75,000 livres; il faudra qu'il le place quelque part. Sera-ce en Angleterre? Les finances de cet empire sont épuisées, le taux de l'intérêt y est moindre qu'en France. Sera-ce en Hollande, à Genève, etc.? L'argent y abonde... Ne craignons donc pas qu'un étranger retire un capital qui lui rapporte 5,000 francs, et qui ne lui produirait ailleurs que 2,000 ou 2,200 livres.

Je passe à la troisième objection. (On demande que l'opinant lise son projet de décret.) C'est un principe déjà réduit en droit constitutionnel que les propriétés et les facultés payent. Les rentes sont des propriétés et des facultés. On dit que les étrangers n'ont pas besoin de la protection de la force publique; mais la contribution exigée pour le maintien de la force publique n'est pas demandée à raison des personnes, mais à raison des propriétés; ainsi la propriété d'un étranger doit payer comme celle d'un Français. Je vais développer les moyens...

(On demande de nouveau que l'opinant lise son projet de décret.)

(Une partie de l'Assemblée réclame l'ajournement.)

M. Lucas L'ajournement serait dangereux pour la chose publique. Je demande que la discussion soit continuée, et la question décidée sans désemparer.

(Cette proposition est mise aux voix, et, après deux épreuves consécutives, M. le président prononce qu'on délibérera sans désemparer,)

(Plusieurs membres réclament le doute.)

M. le Président. Je n'ai nul doute sur le résultat des deux épreuves; MM. les secrétaires n'en ont pas plus que moi.

(Plusieurs membres insistent sur le doute.)

M. Barnave. Comme l'opinion que nous défendons ici tient à la foi et au crédit public, elle ne peut que gagner à être discutée. Plus le décret que vous rendez est important, plus il doit être solennel. Nous retirons la motion que nous avions faite de délibérer sans désemparer, et nous attendrons le moment où l'Assemblée se croira assez instruite.

M. Gaultier-Biauząt. Le préopinant a confondu. Il a cru qu'on pouvait établir un impôt taxatif sur les rentes ce serait une chose inconstitutioncelle; mais l'Assemblée a décrété qu'il serait mis un impôt sur les facultés. Les rentiers payeront cet impôi. Il y aurait un grand danger à laisser supposer qu'ils seront autrement taxes. Cette taxation att querait la foi publique et trois de vos décrets. (On applaudit.)

(La suite de la discussion est renvoyée à demain.)

M. de La Chatre (ci-devant le comte), député

de la ci-devant province du Berry, demande et obtient un congé de 15 jours.

(La séance est levée à trois heures.)

ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU 3 DÉCEMBRE 1790.

PROJET DE DÉCRET SUR LA CAISSE DE L'EXTRAORDINAIRE

présenté au nom du comité des finances et des commissaires nommés pour la surveillance de ladite caisse.

TITRE PREMIER.

De l'état de la caisse de l'extraordinaire.

Art. 1er. La caisse de l'extraordinaire destinée à la recette des revenus et des fonds qui ne feront pas partie des contributions ordinaires, et à l'acquittement des dettes de l'Etat, sera un établissement entière:nent distinct et séparé du Trésor public ou caisse de l'ordinaire.

Art. 2. Il n'y aura qu'une seule caisse de l'extraordinaire; mais le service de cette caisse sera divisé en deux parties administration et trésorerie.

Art. 3. L'administration de la caisse sera entre les mains du commissaire nommé par le roi à cet effet. Aucune somme ne sera délivrée que sur les ordonnances par lui données en exécution des décrets de l'Assemblée, sanctionnés par le roi. La date et la teneur des décrets seront exprimées dans les ordonnances; il sera responsable desdites ordonnances.

Art. 4. Le commissaire du roi, ou administrateur de la caisse de l'extraordinaire, veillera à ce que la recette de toutes les sommes qui doivent être portées à la caisse y soient versées exactement et à leur échéance à cet effet, il fera dresser le dénombrement des biens nationaux par départements, districts, cantons et municipalités. Les directoires de départements et de districts seront tenus de lui donner tous les renseignements nécessaires sur cet objet, et de lui envoyer tous les mois un état sommaire des biens pationaux mobiliers et immobiliers qui auront été vendus dans le département ou dans le district.

Art. 5. L'administrateur prendra pareillement les précautions qui lui paraîtront le plus convenables pour surveiller la rentrée de là contribution patriotique, et celle des autres objets à verser dans la caisse de l'extraordinaire.

Art. 6. Le trésorier de l'extraordinaire recevra Ia totalité des sommes qui doivent entrer dans la caisse de l'extraordinaire, selon le détail qui en sera fait au titre II. Il recevra aussi les originaux des obligations et des annuités qui seront fournies par les municipalités et par les particuliers qui se rendront acquéreurs des biens nationaux : il en sera laissé un duplicata au receveur de district.

Art. 7. Toutes les sommes qui proviendront des recettes de l'extraordinaire seront versées dans une seule et même caisse il sera tenu des livres en parties doubles, pour constater la recette générale, ainsi que les remboursements des dettes d'Etat et des secours fournis au Trésor public; mais il sera tenu, en outre, des livres auxiliaires pour constater l'état de la recette de chaque partie.

Art. 8. La caisse de l'extraordinaire sera visitée et vérifiée par le commissaire du roi, en présence des commissaires de l'Assemblée nationale, au moins deux fois dans chaque mois; les livres de la caisse seront cotés et paraphés par première et dernière feuille, par le commissaire du roi.

Art. 9. Le trésorier de l'extraordinaire fournira un cautionnement en immeubles, de la somme de 1,200,000 livres.

Art. 10. Les honoraires du commissaire du roi, administrateur, seront de la somme de 25,000 li

vres.

Ceux du trésorier, de la somme de 40,000 li

vres.

Ils présenteront à l'Assemblée nationale, dans le mois, un plan détaillé des bureaux et des commis qu'ils jugeront leur être nécessaires, ainsi que du local où la trésorerie de l'extraordinaire et l'administration de la dite caisse pourront être établies.

Art. 11. Les assignats, qui vont être incessamment fabriqués, seront déposés, à mesure de leur fabrication, dans une armoire fermant à trois clefs, qui sera établie à la caisse de l'extraordinaire. Leur dépôt se fera en présence tant des commissaires de l'Assemblée et du roi pour la fabrication des assignats, que des commissaires de l'Assemblée et du roi pour la caisse de l'extraordinaire. Une des clefs sera remise à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire, une autre au trésorier de la même caisse et la troisième aux archives, d'où elle ne pourra sortir que pour être remise à un des commissaires de l'Assemblée nationale.

Art. 12. Le lundi matin de chaque semaine, le commissaire du roi et un des commissaires de l'Assemblée se transporteront à la caisse de l'extraordinaire; et, en leur présence, il sera délivré au trésorier la quantité d'assignats qui lui sera nécessaire pour faire les payements de la semaine, suivant le bordereau qu'il représentera. Le trésorier en donnera son reçu sur un registre particulier, qui demeurera renfermé dans la même armoire que les assignats.

Art. 13. Les honoraires des administrateurs et trésoriers, appointements des comis, frais de bureaux et toutes autres dépenses relatives à la caisse de l'extraordinaire, seront payées par le Trésor public, d'après ce qui aura été décrété par l'Assemblée.

Il est expressément défendu à tout employé à la caisse de l'extraordinaire, de se payer par ses mains des deniers de la caisse, sous quelque prétexte que ce puisse être.

TITRE II.

De la recette de la caisse de l'extraordinaire.

Art. 1. Le produit des ventes des domaines nationaux, soit mobiliers, soit immobiliers, les intérêts des, obligations données en payement des acquisitions, le produit du rachat des droits féo

daux, les sommes provenant des fruits des domaines nationaux, la contribution patriotique, les bons restant dans la caisse des receveurs des décimes du ci-devant clergé, formant le reliquat de leurs anciens comptes, et toutes autres recettes extraordinaires qui ont été ou seront décrétées par l'Assemblée, seront versées dans la caisse de l'extraordinaire.

Art. 2. Aussitôt la réception du présent décret, les receveurs de district feront passer à la caisse de l'extraordinaire tous les fonds déjà réalisés; et successivement de quinzaine en quinzaine, tous ceux qu'ils recevront sur les objets mentionnés ci-dessus, sauf l'exception résultant du décret du 30 novembre, relativement aux seuls fruits des biens nationaux.

Art. 3. L'Assemblée nationale charge spécialement les directoires de district, sous la surveillance des départements, de maintenir l'exactitude desdites remises, et rend les administrateurs_responsables des retards qui pourraient résulter de la négligence des trésoriers à cet égard.

Art. 4. Le produit des fruits qui, en vertu du décret du 30 novembre, a été ou sera réalisé jusqu'au 1er janvier 1791, servira à acquitter, dans les districts, les pensions et traitements dus aux ecclésiastiques, religieux, religieuses et chanoinesses, sauf les suppléments à fournir par le Trésor public pour compléter leur entier payement; mais à compter de cette époque, ils seront versés directement dans la caisse de l'extraordinaire, et le Trésor public sera chargé de faire acquitter les dites pensions et traitements.

Art. 5. Les receveurs de district arrêteront, le 31 décembre de cette année, un état des recettes qu'ils auront faites jusqu'à cette époque sur les fruits. Ils feront certifier cet état par les directoires, et le remettront au trésorier.

Art. 6. Les receveurs de district accompagneront les remises qu'i s feront à la caisse de l'extraordinaire, de bordereaux séparés où la nature de chaque objet d'où proviendront les fonds sera distinguée, et ils auront soin d'y détailler les valeurs dans lesquelles ils auront reçu.

Art. 7. Lors de leur recette, les receveurs exprimeront, dans leurs journaux, les som nes qu'ils recevront en espèces, et ils les expédieront au trésorier de l'extraordinaire.

Art. 8. Les dites espèces seront versées sur-lechamp au Trésor public, qui remettra en échange à la caisse de l'extraordinaire pareille somme en assignats, lesquels seront annulés et biffés surle-champ, en présence de l'administrateur du Trésor public, de la manière qui sera détaillée ciaprès.

Art. 10. Le mot annulé sera écrit en gros caractères sur le corps de l'assignat, et on biffera en outre le revers, de manière cependant que les signatures et numéros demeurent reconnaissables, pour pouvoir être facilement déchargés sur les livres d'enregistrement. Leur numéro sera affiché dans le bureau du receveur du district, et à la Bourse dans les lieux où il y aura une Bourse.

Art. 11. Lesdits assignats ainsi annulés et biffés seront envoyés à la caisse avec les bordereaux dont il est fait mention à l'article 6.

Art. 12. Aussitôt que la caisse de l'extraordinaire aura reçu un million d'assignats annulés, il sera procédé publiquement, et en présence des commissaires de l'Assemblée nationale, à leur brûlure, au jour, lieu et heure qui seront indiqués par affiche; et il sera du tout dressé procèsverbal, qui sera déposé aux archives nationales,

et un double remis à la caisse de l'extraordinaire.

TITRE III.

Des payements à faire par la caisse de l'extraordinaire.

Art 1°. La caisse de l'extraordinaire ne fera aucune espèce de dépense; il n'en sortira aucune somme que pour l'acquit des diverses parties de la dette publique non constituée, dont le remboursement a été ou sera décrété, et pour fournir au Trésor public les secours qui auront été pareillement décrétés.

Art. 2. La caisse de l'extraordinaire étant chargée, par le présent décret, de recevoir le produit des fruits, et les intérêts des obligations qui, d'après les opérations relatives au clergé, sont devenues une portion des revenus nationaux, elle remettra pour l'année 1791 au Trésor public, par forme de compensation, la somme de soixante millions en assignats.

Art. 3. Pour éviter les inconvénients résultant de la lenteur des recouvrements du premier tiers de la contribution patriotique, destinée dans son origine aux besoins du Trésor public, et pour en simplifier la comptabilité, la caisse de l'extraordinaire y versera, à mesure des en rées qu'elle pourra faire sur la totalité de la contribution patriotique seulement, et dans les valeurs qui renteront, la somme à laquelle ce premier tiers sera évalué.

Art. 4. Ladite évaluation est fixée à trentecinq millions.

Art. 5. Lorsque le versement de ces trentecinq milions au Trésor public sera complété, toutes les rentrées de la contribution patriotique seront employées à l'extinction des assignats.

Art. 6. Les reconnaissances de liquidation d'offices seront présentées au commissaire-ordonnateur, qui en gardera un double, et délivrera au porteur des ordonnances sur les trésoriers, pour leur montant.

Art. 7. Lesdits ordonnances, acquittées par le trésorier, resteront dans ses mains pour sa décharge, et il y joindra la reconnaissance de liquidation acquittée par la partie prenante. Le rapport de ces deux pièces sera nécessaire à sa décharge.

Art. 8. Le commissaire-ordonnateur délivrera pareillement au trésorier, des ordonnances pour le montant des effets au porteur, dont le remboursement aura été décrété par l'Assemblée nationale; et sur ces ordonnances le trésorier acquittera lesdits effets.

Art. 9. Lorsque le payement s'effectuera, et en présence de la partie prenante, il sera coupé un des angles du papier, de manière à l'annuler évidemment, et ils seront ensuite brûlés publiquement dans la forme qui sera prescrite. Le procès-verbal de brûlement, signé des commissaires qui seront désignés, sera rapporté par le trésorier, avec l'ordonnance, et lui servira de décharge lors de la reddition de ses comptes.

ASSEMBLÉK NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE LAMETH.

Séance du samedi 4 décembre 1790, au matin (1).

La séance est ouverte à dix heures du matin.

M. Castellanet, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la seance d'hier dont la rédaction est adoptée.

M. Cornilleau, député suppléant du ci-devant bailliage du Mans, prête seriment et est admis dans le sein de l'Assemblée pour y remplacer M. le curé Bourdet, décédé, député du mêine bailliage.

M. d'André. Messieurs, l'impôt personnel des membres des ci-devant cours souveraines était précédemment relenu sur leurs gages, sans égard à leur fortune. Je propose de les faire rentrer sous la règle générale et de décider qu'ils seront imposés dans le lieu de leur domicile, de la même manière que les autres citoyens. Voici mon projet de décret:

"L'Assemblée nationale décrète que les membres des ci-devant cours supérieur s doivent être imposés à la capitation pour la présente année, chacun dans le lieu de leur domicile, et relativement à leurs facultés, de la même manière que les autres citoyens.

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(Ce décret est mis aux voix et adopté.)

M. Le Couteulx, après avoir dit qu'il y avait urgence à mettre en activité le tribunal de district de Mayenne, propose et fait adopter le décret suivant :

"L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu du besoin pressant de mettre en activité le tribunal de district de Mayenne, dont l'installation ne peut avoir lieu par le défaut d'officiers municipaux et de conseil général de la commune dans cette ville, autorise, pour cette fois, le directoire du district de Mayenne à procéder à l'installation du tribunal de district, et des juges de paix du canton de Mayenne, suivant les forines établies par le titre VII du décret sanctionné par le roi, sur l'organisation judiciaire; charge son comité de Constitution de prendre connaissance des difficultés relatives à là municipalité de cette ville et au conseil général de la commune, pour lui en être rendu compte inces

samment. »

M. Le Couteulx, au nom du comité des finances. Le conseil général d'administration du district d'Amiens a nommé, le 18 septembre dernier, à la majorité absolue des suffrages, et conformément à vos décrets, M. Chambos à la place de receveur du district, et a fixé jusqu'au 25 le délai dans lequel il devait fournir son cautionnement. L'élu s'est plaint à l'administration du département de l'énormité de ce cautionnement, porté par le district à 300.000 Lvres. Le département à consulté votre comité des finances, qui a donné un avis pour la réduction de la

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

somme; mais les membres du district ont pris un arrêté dans lequel, considérant l'avis du comité comme l'effet des insinuations de M. Chambos, considérant que les efforts faits par ce nouveau receveur pour la prolongation du délai fixé pour fournir le cautionnement faisaient douter de sa solvabilité et tendaient à compromettre l'autorité des administrateurs, ils délibérèrent que, dans le cas où M, Chambos obtiendrait une prolongation de délai ou une réduction sur le cautionnement, le directoire procéderait à une nouvelle élection, déclarant révoquer dès à présent sa nomination.

Le directoire du département répondit, le 30 septembre, par un arrêté dans lequel, considérant que l'Assemblée nationale était saisie de cette affaire, il déclarait que le district ne pouvait prononcer la révocation. Le directoire du district reconnut lui-même la nullité de sa délibération, puisqu'il admit M. Chambos à justifier de son cautionnement; mais celui-ci voulant, d'après l'avis du département, réduire son cautionnement à 234,800 livres, le directoire nomma à sa place M. Gosselin. Quatre membres ont protesté contre cette délibération..... Votre comité des finances Vous propose le projet de décret suivant :

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité des finances, déclare que la nomination qui a été faite le 18 septembre, par le conseil du district d'Amiens, du sieur Chambos, pour remplir les fonctions de receveur du district, n'a pu être révoquée; qu'elle est bonne et valable, sauf au sieur Chambos à faire recevoir son cautionnement, ainsi qu'il est prescrit par le décret des 12 et 14 novembre. »

(Ce décret est adopté sans discussion.)

M. Bouche. J'ai une pétition importante à vous présenter, Le collège de l'Oratoire établi à Salins est composé de six membres, qui ont pour tous revenus une somme de 1,000 et quelques cent livres. Leurs écoliers, dispersés par les circonstances, ne leur payent plus les droits qu'ils avaient habitude de percevoir. La ville de Salins vous a envoyé plusieurs adresses pour vous demander les moyens de pourvoir à l'entretien de ce collège. J'ai l'honneur de yous observer que cet établissement est très respecté en Franche-Comté. Tous ses membres sont bons sujets, bons patriotes, Français au physique com ne au moral. C'est peut-être le seul corps qui ait devancé la publication de vos lois. Je demande que les adresses de la ville de Salins soient renvoyées au comité des finances.

(Cette proposition est adoptée.)

M. Vernier, rapporteur du comité des finances, propose le décret qui suit et qui est adopté sans discussion :

«L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, ordonne, conformément à son décret du 10 septembre dernier, que les secours de 11,750 livres accordés annuellement par le Trésor public aux instituteurs et administrateurs de l'atelier de charité de Bar-le-Duc, qui, à raison de ce don, s'étaient chargés de nourrir annuellement cent enfants trouvés de l'hôpital de Nancy, seront entièrement acquittés, tant pour les 4,000 livres qui restent dues sur 1789, que pour le plein de l'année 1790; enjoint aux administrateurs dudit département de pourvoir pour l'avenir, et à compter de janvier 1791, de la manière la plus convenable et la plus économique, à la subsistance de ces cent enfants, sauf

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