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dogmes de l'Eglise catholique; c'est un article de foi défini par le concile de Trente, que le vrai sens de la doctrine évangélique et apostolique, sur l'indissolubilité du mariage, est qu'il ne peut être dissous dans aucun cas, pas même dans celui d'adultère (1). Non seulement le pouvoir législatif ne peut pas abroger cette loi faite par un pouvoir différent du sien, mais encore, il ne peut pas cesser de la reconnaître et de la faire observer en France; parce que le législateur ne peut pas permettre ce qu'il sait être contraire à là religion de la nation. Or, cette religion, dont il ne peut méconnaître l'autorité, enseigne qu'il n'y a point de cas où le divorce ne soit contraire à la doctrine de Jésus-Christ, le législateur est donc obligé de conserver la loi qui le défend, et de la faire observer.

Il en est de même de toutes les autres lois qui ont pour fondement les dogmes de cette religion. Elle les porte avec elle partout où elle pénètre. Le gouvernement qui l'adopte, les adopte aussi, et met au nombre de ses lois civiles tout ce qui tient à l'ordre social. Celui qui refuse de les insérer dans son code, refuse en même temps de la reconnaître en même temps comme religion de l'Etat, et c'est seulement dans ce cas, que, déchue de cette prérogative, l'obligation qui résulte de ces lois est renfermée dans la conscience.

Le célibat des prêtres est une autre loi de l'Eglise, mais d'un ordre différent. Elle n'a pas, comme le divorce, un dogme pour fondement, mais elle fait partie de son régime et de son gouvernement. Elle est presque aussi ancienne, qu'universellement suivie et pratiquée. Il ne s'agit pas ici d'examiner ses avantages et ses inconvénients, non plus que les motifs de l'Eglise en l'établissant. C'est un point de fait qu'elle existe dans toute l'Eglise catholique, depuis quatorze ou quinze siècles. C'est une vérité, non moins certaine, que l'Eglise a eu le pouvoir de rendre cette loi; parce qu'il est de l'essence de toute société d'avoir une autorité suffisante pour faire toutes les lois qu'elle croit propres à sa meilleure organisation. L'Eglise catholique n'a pas eu besoin pour cela du concours du pouvoir civil. En établissant l'obligation du célíbat pour les prêtres, c'est leur conscience qu'elle a liée, et c'est par des peines purement spirituelles qu'elle a sauctionné sa loi. Tout cela n'est pas du ressort de la puissance temporelle, et jusque-là l'Eglise a pu et dû agir sans elle. Mais son intervention est devenue nécessaire pour donner des effets civils à cette loi, et forcer à son observation ceux que le frein de la conscience n'aurait pas arrêtés. Le pouvoir religieux ne pouvait aller jusque-là, et c'est du pouvoir civil seul, qu'elle a emprunté Cette nouvelle force. A-t-il pu, a-t-il dû, dans l'origine, refuser son concours? ce sont des questions presque oiseuses, auxquelles la réponse est facile.

C'est avec la loi du célibat des prêtres, que la religion catholique est devenue en France la religion de l'Etat. Cette loi fait partie non seulement du régime particulier de l'Eglise de France, mais de l'Eglise universelle, qui la prescrit, comme un point important et capital de son gouvernement. La puissance temporelle n'a pu ni dû la contredire par des lois contraires, ni même refuser de concourir, par une intervention spéciale,

(1) Si quis dixerit Ecclesiam errare cum docuit et docet juxta evangelicam et apostolicam doctrinam, propter adulterium, matrimonii vinculum non posse dissolvi......... anathema sit. Can. 7, sess. 24.

à son observation. Car si elle avait pu la contredire par des lois contraires, elle aurait prétendu faire cesser l'obligation de conscience qui résulte d'une loi de religion, ce qui est contradictoire avec la croyance à cette religion; et si elle avait pu refuser de la faire observer par l'intervention de la force qui lui appartient, l'Eglise, qui n'en a aucune pour se faire obéir dans une matière de ce genre, aurait cessé dès lors de se regarder comme la religion de l'Etat, dans un pays qui aurait refusé d'admettre le régime qu'elle a cru devoir adopter. Qu'est-ce, en effet, pour elle que le privilège d'être religion de l'Etat, si elle ne trouve pas, dans le pouvoir civil, la protection dont elle a besoin pour faire observer les lois qu'elle croit nécessaires à son gouvernement?

La puissance temporelle a donc dù en France, comme dans tous les pays catholiques, mettre au nombre des lois civiles, la loi religieuse sur le célibat des prêtres. Aussi l'a-t-elle fait, et on ne trouve pas une époque dans laquelle elle ait cessé de concourir à son observation. Peut-elle à présent retirer ce concours, et déclarer, qu'à l'avenir les lois civiles permettront le mariage des prêtres? Non. Parce que la loi religieuse qui les à défendus a été l'exercice légitime d'une autorité reconnue dans toute religion qu'on croit vraie, d'imposer des devoirs, et de faire des lois qui obligent la conscience. La loi du célibat des prêtres catholiques, pour être en contradiction avec les lois civiles d'un Empire, n'en existe pas moins, tant que l'autorité qui l'a faite ne l'a point rétractée. Elle lie la conscience, et le Corps législatif lui-même ne peut méconnaître cette obligation, sans cesser de croire à cette religion.

Les prêtres sont les ministres essentiels de cette religion; elle ne peut exister sans eux. La nation qui l'adopte, en adopte aussi les ministres; ils ont des devoirs, des obligations et des fonctions attachées à leur état, qui leur sont prescrits par le pouvoir religieux inhérent à l'Eglise catholique. Les lois qui les déterminent, et l'obligation de les observer, suivent les ministres de la religion partout où ils existent. Ils y sont soumis par le plus impérieux des motifs, celui de la conscience. Tant que la puissance civile les reconnaît comme ministres de la religion qu'elle adopte, elle connaît aussi les lois auxquelles ils sont assujettis, et elle sait, qu'ils ne peuvent les enfreindre, sans trahir leur conscience. Elle ne peut donc ni les abolir, parce qu'elles émanent d'une autre autorité que la sienne, ni en dispenser, parce que son pouvoir ne s'étend pas sur les consciences, ni en autoriser l'infraction parce que ce serait approuver la violation d'un devoir.

Le célibat est une de ces lois à laquelle l'Eglise a soumis tous ses ministres. En France, le pouvoir civil connaît cette loi et l'obligation de conscience qui en résulte, pour ceux qu'elle regarde; il ne peut donc pas approuver les mariages des prêtres par une loi qui y attacherait les effets civils. Car ou il croirait par cette loi nouvelle avoir anéanti la loi religieuse du célibat, ou il ne cesserait pas de croire qu'elle subsiste encore. Dans le premier cas, il s'arrogerait un pouvoir qu'il n'a pas; dans le second, il approuverait l'infraction d'une loi dont il reconnaîtrait lui-même l'existence.

La loi religieuse du célibat des prêtres catholiques est donc indépendante du pouvoir civil sous deux rapports le premier, parce qu'il ne peut ni l'abroger, ni la changer; le second, parce qu'il doit concourir à ce qu'elle soit observée, en

tout ce qui est de son ressort, Il en est de même de toutes les autres lois religieuses qui sont des parties importantes du gouvernement de l'Eglise universelle, et qu'elle a cru devoir établir pour le maintien de son régime.

Si cependant le pouvoir législatif reconnaît dans quelques-unes de ces lois générales des inconvénients, que les changements amenés par le temps, dans les mœurs, dans les opinions, dans les climats, rendent assez graves, pour que l'observation en devienne trop difficile, il peut et il doit recourir à l'autorité qui les a faites, pour lui en demander l'abrogation. Celle-ci, toujours dirigée dans sa conduite par une sage condescendance, peut et doit se rendre à ses représentations. C'est précisément en cela que consiste la différence entre les lois fondées sur les dogmes, et celles qui sont de pure discipline. Celles de la première classe ne peuvent être changées par 'Eglise elle-même, et la puissance civile doit s'y soumettre ou renoncer à la religion catholique. L'Eglise, au contraire, a un pouvoir absolu sur les autres et peut les faire céder aux circonstances qui en exigent le changement.

Enfin, il en est d'une troisième classe, sur lesquelles la puissance civile a encore plus d'influence, ce sont celles qui ne tiennent que d'une manière secondaire au régime de l'Eglise catholique. Je prends pour exemple les lois religieuses, qui concernent les ordres monastiques. Comme ministres de l'Eglise, les religieux ne sont pas nécessaires au culte; sous le rapport de chrétiens plus réguliers, leurs obligations sont les conseils et non les devoirs de l'Evangile. Ainsi, ils ne tiennent ni à l'essence de la religion, ni à la nature du gouvernement de l'Eglise. Mais ces institutions, étant purement religieuses, c'est au pouvoir religieux à faire des lois qui déterminent leur manière d'exister. Si ces lois, si cette manière d'exister n'avaient point de rapports avec l'ordre social, la puissance temporelle ne devrait point y intervenir, mais, si les ordres monastiques ne peuvent point exister sans former des sociétés politiques, s'il y a des effets civils, attachés à leurs obligations, le concours du pouvoir civil devient nécessaire, parce que sans lui nul corps politique ne peut exister, parce que lui seul peut attacher des effets civils à des lois religieuses.

De là, suivent deux conséquences évidentes. La première, que nul ordre religieux ne peut s'établir dans un Etat, sans l'intervention de la puissance temporelle. La seconde, qu'elle conserve toujours la liberté de les supprimer. Et en 'effet, pour qu'un ordre religieux cesse d'exister dans un Etat, il suffit que la puissance civile ne veuille plus qu'il forme une société politique, et que ses obligations religieuses aient des effets civils; or, le pouvoir temporel est toujours libre de retirer son intervention sous ces deux rapports. L'existence des ordres religieux ne tient ni aux dogmes, ni au régime de l'Eglise d'une manière nécessaire: elle peut donc exister même comme religion de l'Etat sans cet accessoire; et le pouvoir civil pourrait, sans cesser de la regarder comme telle, anéantir les ordres religieux. C'est ici le lieu de faire une observation importante sur la différence du pouvoir que l'autorité civile peut exercer à l'égard du célibat des prêtres catholiques.

L'un et l'autre sont prescrits par les lois religieuses qui obligent en conscience; l'un et l'autre n'ont d'effets civils que par l'intervention du pouvoir temporel, quí a regardé comme nul tout

mariage contracté par un prêtre catholique, ou par un religieux engagé par la profession solennelle. Cependant le pouvoir civil peut, sans le concours de l'Eglise, non pas délier les religieux de leurs engagements, mais déclarer que les vœux qui seront faits à l'avenir n'ôteront plus la liberté de contracter des mariages valides aux yeux de la loi, tandis qu'il ne peut pas cesser de faire intervenir cette même loi, pour interdire les mariages des prêtres catholiques.

La raison de cette différence est que la profession religieuse n'étant pas nécessaire à la religion catbolique, le pouvoir civil peut déclarer qu'à l'avenir, il ne connaîtra plus de vœux religieux; dès lors, ceux qu'on pourrait faire, seraient ignorés par la loi, et l'obligation qui en résulterait, resterait circonscrite dans les limites de la conscience. Il en serait de ces voeux comme de ceux qui ont été connus jusqu'ici sous le nom de vœux simples; la loi civile n'empêche pas, et ne peut empêcher ceux qui les ont faits, de les enfreindre, parce qu'ils lui sont inconnus.

Mais il n'en est pas de même des prêtres catholiques ils sont essentiels à la religion, qui ne peut exister sans eux. Tant que le pouvoir civil la reconnaît comme religion de l'Etat, il sait nécessairement qu'ils en sont les ministres, et il connait la loi qui les oblige au célibat. Il ne peut donc ni les en dispenser, ni cesser d'en protéger l'observation.

Mais, si ces principes prouvent l'autorité absolue du pouvoir civil sur l'existence politique des corps religieux, la rigueur des conséquences qui en dérivent, ne s'étend pas jusqu'à en conclure que la puissance temporelle peut arbitrai rement dépouiller de leur état les religieux qu'elle trouve existant, ou révoquer les lois, qui les ont considérés comme tels.

Le pouvoir civil ne peut supprimer un ordre religieux qu'en déclarant qu'à l'avenir les lois religieuses, qui lui sont propres, n'auront plus d'effets civils et seront à ses yeux comme n'existant pas. Il ne sera plus tenu ni de les protéger ni d'en empêcher l'infraction, parce qu'il cessera de les connaître, et si un individu promettait encore de les suivre, sa conscience serait le seul garant de l'exécution de ses promesses. Il serait toujours regardé comme libre par la loi civile, qui ne verrait dans lui que le citoyen. Mais il n'en est pas ainsi des individus que le pouvoir civil trouve religieux, lorsqu'il prononce la suppression de l'ordre auquel ils se sont attachés sous la protection des lois. Ils ont le droit de conserver leur état jusqu'à leur mort, il n'y a que la force arbitraire, qui puisse le leur ôter. Bien plus, la loi est toujours obligée de protéger leurs obligations religieuses et d'en empêcher l'infraction, parce qu'elles ont été contractées sous son autorité, et qu'elle ne peut ni ignorer, ni cesser de reconnaître que ce sont pour eux de véritables obligations de conscience. Si donc elle approuvait que ces individus cessassent de les observer, elle se rendrait elle-même complice de leur parjure.

Il y a une grande distinction à faire entre ce que peut le Corps législatif, en matière de religion, et ce qu'il lui convient de faire. C'est la nature et l'essence des choses qui fixent les limites de son pouvoir. Mais la conscience de ceux qui l'exercent, la prudence, l'intérêt de la societé, l'opinion des peuples, leurs préjugés même, si on veut, sont autant de conseillers qu'il doit interroger, avant d'ordonner des changements en matière de religion, même dans les points où

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il n'a pas besoin du concours du pouvoir religieux. Cette règle que la sagesse prescrit à tout législateur, est applicable à tous les pays, où il existe une société, et par conséquent une religion nationale; mais bien plus encore à la France, qui a le bonheur de professer la seule religion véritable.

Ce serait une grande et fatale erreur, de confondre nos institutions religieuses avec nos institutions sociales. L'Assemblée nationale s'est cu permis d'anéantir presque toutes celles-ci, et d'en substituer d'autres, dont elle attend le bonheur et la régénération de la France. La nation jugera si elle a excédé le pouvoir qu'elle lui avait confié le temps et l'expérience apprendront si elle l'a exercé utilement. Mais le pouvoir, qui a établi nos institutions religieuses, ne réside pas mênie dans la nation. L'Assemblée nationale ne peut donc ni les renverser, ni les changer; et quelle que soit la puissance qu'elle s'attribue, on doit lui dire, qu'il est des limites, en matière de religion, qu'elle ne peut franchir; et des bornes qu'il est de son devoir de respecter.

DEUXIÈME ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU 26 NOVEMBRE 1790.

LETTRE DE M. L'ÉVÊQUE DE NANTES

à MM. les recteurs et ecclésiastiques de son diocèse.

A peine, nos très chers coopérateurs, goûtionsnous le bonheur de nous trouver réunis à vous, et au milieu des fidèles de notre diocèse, 'objet continuel de notre attachement le plus vif, que des circonstances nouvelles sont venues nous conseiller une seconde absence: nous nous flattons qu'elle ne sera pas longue; nous espérons voir bientôt se dissiper l'erreur qui l'a occasionnée et que nous pourrons, incessamment, sans obstacle, céder au désir qui nous rappelle sans cesse vers vous. Mais dans cet intervalle, quelque court qu'il soit, il est possible qu'une fausse renommée ou des relations inexactes, aient altéré la vérité des motifs qui nous ont éloigné : il est possible que vos âmes aient été contristées, que l'inquiétude règne dans vos esprits : dès lors, c'est un devoir pour nous de vous instruire, nous le devons au soin de notre réputation, à la dignité de notre ministère, pour votre consolation, et l'édification du troupeau que la Providence nous a confié, lorsqu'elle a dit : « Attendite vobis et universo gregi,

in quo vos spiritus sanctus posuit Episcopos regere « Ecclesiam Dei (1). »

Nous ne voulons donc pas, nos très chers coopérateurs, vous laisser ignorer aucun des faits qui se sont passés pendant notre séjour à Nantes; et c'est avec toute la simplicité de la vérité qué nous vous les exposerons. Le 5 de ce mois, M. le procureur général syndic du département nous avait fait faire une signification par le ministère de deux notaires, tendant à nous demander nos résolutions, relativement à l'organisation civile du clergé le mercredi 17, nous lui fimes notifier notre réponse; elle a été imprimée; elle vous est sans doute connue. Le lendemain, jeudi 18, une députation composée de plusieurs membres

(1) Actes des Apôtres, ch. XXIV, v. 28.

réunis du département, du district, de la municipalité, du club, dit des amis de la Constitution, et de la garde nationale, se présenta pour nous renouveler la demande de notre consentement à la suppression de plusieurs églises paroissiales de la ville, et de leur réunion à la cathédrale. Conséquemment aux principes consignés dans notre notification du 17, et dans une lettre adressée à M. le procureur général syndic, en date du 16 octobre dernier, nous répondîmes que les chapitres des églises cathédrales tenaient à la discipline générale de l'Eglise, qu'elle-même les a revêtus et investis de la juridiction épiscopale, pendant la vacance des sièges, pour gouverner les diocèses; que l'autorité seule, qui a donné ces pouvoirs, peut les ôter, avec les formes canoniques, et les transmettre à d'autres; qu'il n'est point en la puissance d'un évêque particulier, qui, à lui seul, n'est point l'Eglise, de faire un pareil changemeni; que, par conséquent, une administration purement civile et temporelle ne pourrait pas en avoir plus le droit et le pouvoir, qu'elle n'a celui de donner la mission pour l'administration des sacrements; qu'au surplus, il était notoire que Sa Majesté s'était adressée, sur un objet aussi essentiel, au pape, chef visible de l'Eglise, et nous insistâmes à demander qu'on attendit sa décision. Nous voudrions vous taire, nos chers coopérateurs (mais la vérité nous le défend) qu'il nous fût témoigné de l'improbation sur ce recours au pape, chef visible de l'Eglise ; qu'on se permît de nous accuser d'être parjures et de violer nos serments; que nous eûmes besoin de rappeler que, lorsque nous prononçâmes notre serment civique devant la municipalité de Nantes, nous exceptâmes formellement et textuellement tout ce qui pourrait avoir rapport aux principes sacrés de la religion, et qu'alors même plusieurs membres de la municipalité manifestèrent la même exception. Nous pouvons donc vous dire, avec l'apôtre des nations, écrivant aux Corinthiens (1) igitur et si scripsi vobis non propter eum qui fecit injuriam, sed propter eum qui passus est, sed ad manifestandam sollicitudinem nostram quam habemus pro vobis.

Et, en effet, nos chers coopérateurs, quand nous n'avons pas cru les intérêts de notre sainte religion compromis, n'avons-nous pas été les premiers à vous donner l'exemple de la soumission la plus entière à toutes les lois de l'Etat? Oui, nous vous le donnerons toujours l'exemple de cette soumission, de cette obéissance aux puissances de la terre, que nous ordonne l'Evangile, dont nous sommes les ministres, dans ce qui ne sera pas contraire aux ordres de Dieu. Parce que toute puissance vient de Dieu, et que celles qui existent ont été établies par lui (2). Qui resistit potestati, Dei ordinationi resistit... Non est enim potestas nisi à Deo, quæ autem sunt, à Deo ordinala sunt. Nous vous adjurons donc, au nom de Dieu, de dire si nous vous avons jamais enseigné une autre doctrine; nous vous adjurons vous tous, fidèles de notre diocèse; nous vous adjurons vous, en particulier, membres de la députation du jeudi matin, 18 de ce mois, de dire s'il est sorti de notre bouche un seul mot qui soit contraire à ces principes; si nos réponses n'ont point respiré uniquement la douceur et la modération, et si elles ont exprimé autre chose que la distinction nécessaire entre la puissance spirituelle, la puissance civile et temporelle, et la soumission res

(1) Ch. X, v. 18.

(2) Saint Paul aux Rom., ch. XIII, v. 1, 2.

pectueuse que tout catholique doit également à toutes les deux, et à chacune d'elles en particulier. Sous quel rapport pouvons-nous donc être traduits, comme criminels de lèse nation? La pureté de nos principes et de notre doctrine doit donc nous autoriser à vous dire avec assurance, ce que Samuel disait au peuple d'Israël assemblé (1). J'ai conversé devant vous jusqu'à ce jour : me voilà prêt; rendez témoignage de moi devant le Seigneur et son Christ « Itaque conversatus «< coram vobis... usque ad hanc diem, ecce prosto « sum loquimini de me coràm Domino, et co«ràm Christo ejus. »

Maintenant, nos chers coopérateurs, pourrionsnous vous exprimer quelle fut notre douloureuse surprise, lorsqu'on nous instruisit que dans une assemblée nombreuse, tenue le soir de ce même jour, des inculpations très graves provoquaient les opinions les plus violentes; on nous prêtait des idées; on nous supposait des projets si contraires à l'esprit de notre état, à la douceur, à la résignation qui doivent en être la marque distinctive, et à la modération de notre caractère, que nous croyons aussi inutile pour votre instruction, qu'il serait pénible à notre cœur de vous en retracer les détails. C'est alors, qu'averti à diverses reprises, et presque à chaque instant, de la chaleur toujours croissante des esprits, dont nous étions la cause innocente et involontaire, nous oubliant nous-mêmes, sacrifiant le bonheur d'être au milieu de vous, à la crainte de voir peut-être troubler le repos de nos diocésains pour lesquels nous voudrions, comme saint Paul, être anathème; imitant l'exemple de ce grand apôtre dans la ville de Damas (2) nous nous décidâmes à nous éloigner par prudence, emportant avec nous la douleur la plus profonde, les regrets les plus vifs de nous en séparer; mais en même temps et pour toute consolation, l'espoir de venir les rejoindre dans peu; nous pouvons les assureret nous vous prions d'être nos interprètes, qu'ils sont toujours présents à notre esprit, que nous les portons dans notre cœurs, et qu'ils sont l'objet continuel de notre solicitude et de nos prières. Nous leur demandons pour prix de ces sentiments, nous les conjurons de persévérer dans cet esprit de paix, de douceur et de charité qui doit unr tous les chrétiens.

Et vous, nos très chers coopérateurs, dont nous connaissons le zèle infatigable, continuez vos bons exemples, ne cessez de veiller, d'être unis en Jésus-Christ, de prier pour le maintien de la foi, de la religion, pour la prospérité du royaume, pour la paix et le bonheur de tous (3), « Ipse autem Deus pacis sanctificet vos per omnia, et integer spiritus vester, et anima et corpus sine querela in adventu Domini Jesu-Christi servetur. » Ce 22 novembre 1790.

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C. EU., év. de Nantes.

(1) Des Rois, liv. 1, ch. XII.
(2) Actes des Apôtres, ch. IX, v. 25.

(3) Epitre de saint Paul aux Thessal., ch. V, v. 23.

TROISIÈME ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU 26 NOVEMBRE 1790.

LETTRE DE L'ÉVÊQUE DE TULLE au clergé de son diocèse.

Tulle, ce 18 novembre 1790. Vous avez su, Messieurs, tout ce qui s'est passé à Tulle à l'occasion du décret de l'Assemblée nationale pour l'organisation du clergé, les sommations que le département de la Corrèze m'a fait faire de le mettre à exécution, et le scellé qui a été apposé aux portes de ma cathédrale, dont l'entrée m'a été interdite. Je manquerais à un devoir cher à mon cœur, si je vous laissais ignorer plus longtemps ma réponse à ces différentes sommations. Nous avons, Monsieur, le même ministère à remplir. Il nous dévoue à l'instruction des fidèles, dont le salut est confié à nos soins et à la conservation du dépôt de la foi dans toute sa pureté, aux dépens même de notre vie. Je vous dois donc, comme à mon cher coopérateur, compte de ma conduite et des principes qui la dirigent. C'est pour satisfaire à cette obligation, que je vous adresse une copie de la lettre que j'ai écrite à MM. les administrateurs du département. Vous y verrez les motifs qui ont déterminé mon refus de me prêter à leur demande. Je me recommande à vos prières et j'ai l'honneur d'être, avec un parfait attachement, Monsieur et cher coopérateur, votre très humble et très obéissant serviteur.

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Tulle, ce 15 novembre 1790. Messieurs, il s'est présenté devant moi deux prêtres, qui m'ont demandé des provisions pour une cure de Brives qui vaquait. Je les leur ai refusées, parce que cette ville n'était pas de mon diocèse, et que, par cette seule raison, elles seraient nulles. Vous m'avez fait sommer, Messieurs, de la pourvoir d'un prédicateur pour l'Avent, j'ai eu l'honneur de vous faire la même réponse. Lorsque l'Eglise m'a élevé, tout indigne que j'en suis, à la dignité d'évêque de la ville et du diocèse de Tulle, elle en a, conjointement avec l'autorité temporelle, fixé les limites en dehors desquelles tout acte de juridiction de ma part serait frappé du nullité radicale par défaut de mission. Lorsqu'il plaira aux deux puissances d'en étendre les bornes, je me ferai un devoir de correspondre à leur arrangement, et vous me verrez empressé à remplir les devoirs qui en seront la suite.

Vous avez, Messieurs, envoyé dans mon église cathédrale des commissaires pour faire l'inventaire des ornements, vases sacrés, linges et autres effets nécessaires au culte divin; vous avez fait défense à MM. les chanoines de s'y assembler à l'avenir et d'y célébrer l'office divin; un prêtre, sans mission est venu enlever du tabernacle le corps adorable de Jésus-Christ, et comme si ce n'était pas assez, vous avez encore fermé les portes de la sacristie, du choeur et de l'église aux fidèles qui y accouraient chaque jour avec

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un saint empressement; vous me les avez fermées à moi-même, à qui elles doivent être ouvertes en tous temps, et y avez fait apposer les scellés. Je me suis contenté, pour ne pas troubler le repos et la tranquillité publique, de gémir devant Dieu de ce scandale dans l'amertume de mon cœur, bien persuadé que vous ne tarderiez pas à revenir de votre erreur, et que vous répareriez, le plus tôt possible, des procédés aussi violents. Le peuple l'attend de vous, ce bon peuple si chrétien, si religieux. Il a gémi avec nous et il tend les bras vers cette Eglise antique et vénérable, la mère et le modèle des autres églises de mon diocèse.

Enfin, Messieurs, vous m'avez fait sommer d'organiser mon clergé conformément au décret de l'Assemblée nationale. J'ai dit que je répondrais le plus tôt possible, et voici ma réponse que je vous fais avec toute la franchise et la vérité qui doivent résider dans le cœur d'un évêque comme dans leur sanctuaire. Tout le royaume sait, et vous ne l'ignorez pas, Messieurs, que le roi a consulté le souverain pontife, vicaire de Jésus-Christ sur la terre, qui a nommé une congrégation de cardinaux pour examiner chacun des articles dudit décret. Sa décision, consentie par les évêques de France, sera la règle. Je ne dois ni ne puis prévenir le jugement de l'Eglise de Rome, la mère et la maîtresse des autres églises, le centre de l'union catholique, hors de laquelle il n'y a point de salut. Jusqu'à ce qu'il me soit connu, mes mains seront liées : je resterai dans l'inaction; rien n'est capable de m'en faire sortir. Ma conduite est prudente et conforme aux règles, à ce qui s'est pratiqué dans tous les temps, dont je ne dois point m'écarter; lorsqu'il s'agit de la religion, ou de ce qui y tient aussi essentiellement que la hiérarchie ecclésiastique établie par notre divin Maître, je n'écoute que la voix de ma conscience; et, comme les apôtres, j'obéis à Dieu plutôt qu'aux hommes.

Je suis avec respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur,

CHARLES JO. MA., évêque de Tulle.

QUATRIÈME ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU 26 NOVEMBRE 1790.

AVERTISSEMENT DE M. Lefranc de Pompignan, archevêque de Vienne, au clergé séculier et régulier et aux fidèles de son diocèse.

Charles-François, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège apostolique, archevêque de Vienne, primat des primats des Gaules, au clergé séculier et régulier, et à tous les fidèles de notre diocèse : salut et bénédiction en notre Seigneur JésusChrist.

La dernière lettre pastorale que nous vous avons adressée, nos très-chers frères, est devenue l'occasion de divers écrits où nous ne sommes pas ménagés. Dans quelques-uns on assure que par l'envoi de cette lettre à MM. les curés, nous les invitions à soulever le peuple, à renverser l'Etat et la loi; omettons le reste. Quand nous avons été mis à cette épreuve, notre premier devoir sans doute, et grâce au ciel nous ne l'avons pas oublié, notre premier devoir a été de prier

pour ceux qui nous traitaient de la sorte (1) et de bénir en même temps, de remercier le Maître adorable, qui, par sa grande bonté, nous donnait quelque part à ses opprobres, lui qui pour notre amour, et comme l'observe Saint-Augustin, pour la consolation de ses serviteurs, a bien voulu qu'on l'accusat d'exciter le peuple à la révolte, et être appelé séducteur (2) séditieux. Mais que dirons-nous à vous-mêmes, nos très chers Frères ? Nous vous rappellerons les paroles de l'apôtre des Thessaloniciens, déjà citées dans cette même et nous vous exhorterons à ne pas vous laisser ébranler par les persécutions qui nous arrivent; puisque vous devez savoir que, nous y sommes destinés, (3), et qu'elles sont l'apanage des honorables fonctions que le Seigneur nous a chargés de remplir à votre égard. Pasteurs et brebis, confions-nous en ses promesses, et espérons qu'il lui plaira d'accorder des bénédictions spéciales aux œuvres où sera empreint le sceau de la Croix.

On a mis beaucoup de soins et de diligence à empêcher que nos instructions fussent communiquées, à empêcher surtout qu'elles fussent lues dans les églises. Des précautions si recherchées, cet oubli comme affecté des égards ordinaires, tant de zèle, tant de mouvement, afin d'enchainer et retenir captive la vérité, n'ont pas peu contribué, en grand nombre d'endroits, soit à lui donner plus de cours, soit à lui attirer plus d'attention, et pour son ministre c'est bien le lieu de dire Quelles que soient les intentions et quoi qu'il m'en puisse coûter, pourvu qu'elle soit annoncée, qu'importe, j'y trouve, j'y trouverais toujours ma joie (4).

Au reste, nos très-chers frères, cette lecture publique, nous ne l'avons pas prescrite, et nos vénérables coopérateurs savent que là-dessus nous nous en étions pleinement rapportés à leur prudence, qu'éclairait une connaissance plus particulière du besoin de leurs troupeaux : qu'aurait servi, par exemple, en bien des assemblées ce qui concernait les personnes religieuses? Nos justes réclamations contre le désordre et l'insubordination de plusieurs paroisses pouvaient en troubler quelques autres, dociles encore à la voix de leurs pasteurs ailleurs, comme il est arrivé, semble-t-il, à grand nombre de nos détracteurs, on eût mal saisi la justification de notre silence: ailleurs enfin, d'autres raisons pour se régler dans le choix et la distribution de cette nourriture spituelle. Mais elle était parfaitement saine, et s'il le faut, nous en appellerons encore au témoignage de ceux entre les mains de qui nous l'avons déposée; nous oserons en appeler au témoignage de Dieu lui-même. Ah! jamais il n'abandonnera son Eglise, jamais il ne la laissera manquer de pasteurs animés d'un zèle sincère, et qui aient le droit de dire à ceux qu'il rend l'objet de leur sollicitude: Ce n'est pas une doctrine fausse et impure que nous vous avons préchée. Choisis et destinés pour annoncer l'Evangile, nous parlons comme cherchant à plaire, non aux créatures, si souvent aveugles ou injustes, mais à Dieu qui sonde nos cœurs (5). Et croyez, nos très chers frères, à celui que les im

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