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ordonné à vos comités diplomatique et militaire de vous rendre compte d'une demande de 4 millions faite au nom du roi par le ministre de la guerre, pour être appliqués aux besoins les plus urgents des places de première ligne de nos frontières. Vous vous rappelez que vous avez désiré que les frontières du royaume fussent garnies de la quantité de troupes nécessaires pour les protéger, que les citoyens fussent armés pour défendre leurs foyers, que les forteresses fussent remises dans un état respectable, et ces précautions vous étaient indiquées par les circonstances du moment. Alors l'horizon politique s'obscurcissait de toutes parts et de toutes parts présageait des tempêtes. Une partie de l'Europe était en guerre, et l'autre s'y disposait avec une activité effrayante; l'indiscipline et l'anarchie empoisonnaient nos armées, nous faisaient redouter au moins de les voir nulles pour la défense de l'Etat, et les alarmes des peuples grossissaient encore les dangers réels qu'il nous était permis de prévoir et que nous voulions détourner. Les événements ont changé depuis; le nord de l'Europe est en paix, et si quelques agitations s'y manifestent encore, du moins les orages qu'elles annoncent ne paraissent point dirigés vers nous.

L'Angleterre, l'Espagne et la Hollande ont suspendu leurs armements immenses, et leurs arsenaux se remplissent de ces apprêts de destruction qui en étaient sortis, et dont l'appareil menaçait les deux mondes de la dévastation et de toutes les calamités que la guerre traîne après elle. L'insubordination, ce fléau des armées, qui désolait la nôtre, qui nous a fait craindre de la voir succomber aux accès répétés de cette affreuse épidémie, ce poison destructeur a cessé ses ravages; des symptômes plus consolants annoncent de la part des troupes l'amour de l'ordre, le respect pour les lois et le retour à la discipline, principe et garant des succès militaires. La prochaine organisation des gardes nationales accroît à juste titre les motifs de notre sécurité. Cette opération double la force des troupes de ligne, en ce que celles-ci, abandonnant presque entièrement aux milices nationales la garde des forteresses, pourraient au besoin se réunir en grandes masses, se mouvoir ou prendre des positions respectables entre les points d'appui qui leur seraient assurés, observer et tenir en échec les forces supérieures qui menaceraient quelques parties de nos frontières; d'où il suit que, malgré les réductions qu'une économie nécessaire a prescrites dans l'armée, loin d'être affaiblis, nous nous trouvons dans une situation défensive plus favorable que celle où nous étions précédemment. Tant d'avantages devraient calmer toutes les craintes; cependant un sujet d'inquiétude agite les esprits; des forces considérables sont assemblées près dé nos limites, l'appareil de la guerre se déploie aux portes de l'Empire, et, bien que les combinaisons de la politique, les renseignements du ministère, la foi des traités, toutes les probabilités enfin soient d'accord pour éloigner les soupçons sur les suites de cet armement d'une puissance voisine, l'objet seul de cette expédition militaire effarouche l'imagination d'un peuple nouvellement libre, et dont les alarmes se proportionnent au prix qu'il met à la possession d'un bien dont il a à peine goûté les premières douceurs. Ges alarmes sont respectables même dans leur exagé. ration: elles mériteraient que l'Assemblée nationale s'attachât à les dissiper, quand d'ailleurs la dignité de la nation ne lui ordonnerait pas de porter sa surveillance sur les événements qui se

passent autour de nous. Le ministre de la guerre à préparé les mesures de sagesse et de prudence que la France attend de l'Assemblée nationale. Les ordres adressés aux commandants des troupes les ont prévenus de la nécessité de s'occuper de tous les moyens propres à garantir les frontières des suites d'une agression étrangère, et dans cette intention leurs premiers regards se sont portés sur nos fortereeses.

Une grande partie des approvisionnements militaires nécessaires à leur défense manque dans presque toutes, parce que depuis cinquante ans aucune d'elles n'a été exposée aux dangers d'un siège, parce que, des approvisionnements qui existaient, une partie est hors de service par l'effet de la vétusté, et l'autre a été employée à divers usages et consommée par économie, même pour la soustraire à l'altération qu'elle éprouvait dans les magasins. Heureusement ces objets de premier besoin, qui consistent presque tous en bois de différents calibres, sont faciles à remplacer; mais il est absolument nécessaire d'y pourvoir. Nos places n'imposeront à personne tant que des palissades et des barrières n'en mettront pas les dehors à l'abri d'une insulte, tant que le manque de plates-formes ne permettra pas d'y établir des batteries, tant que le jeu des eaux qui constituent leur défense ne pourra pas s'exécuter faute des bois nécessaires pour en procurer la manœuvre, tant que la communication des ouvrages sera interrompue par le défaut de moyens propres à l'établir. Il faut aussi quelques réparations, soit aux terrassements, soit aux revêtements des ouvrages avancés qui sont les premiers attaquables ou de ceux qui couvrent des établissements capitaux, tels que des écluses ou des moulins. Quelques approvisionnements de grains sont aussi nécessaires dans quelques-unes de vos places.

Tels sont les divers objets de première néces sité auxquels sont destinés les 4 millions que le ministre de la guerre vous a demandés de là part du roi. Les aperçus estimatifs qu'il a fournis à vos deux comités prouvent que le gouvernement s'est borné aux dépenses rigoureusement indispensables pour mettre nos places à l'abri d'un affront, mais suffisantes pour se ménager le temps de les munir avec plus de soin et de précaution selon les circonstances, et pour les porter enfin (dans le cas où, contre toute probabilité, cela deviendrait nécessaire) au degré de force et de résistance dont elles sont susceptibles.

Vous concevrez, comme le ministre vous le dit dans sa lettre, que cet effort est bien éloigné de ceux qu'exigerait l'hypothèse d'une attaque réelle de nos frontières, qui entraînerait la nécessité d'en armer les places au grand pied de guerre; mais il suffit au besoin du moment. Nos forteresses, généralement parlant, pourraient être en meilleur état; cependant il faut bien se garder de croire leur sûreté compromise par des dégradations apparentes qui, sans altérer leur force réelle, affligent les regards de ceux qui les considèrent. Des brèches complètes suivies de l'éboulement des terres que soutenaient les maçonneries sont, pour les places où ces accidents existent, un mal grave, un danger réel, néanmoins susceptible de remède, même dans le moment d'un siège. Ce cas est très rare, et très peu de nos places sont à ce point de dégradation. Quant à ces écorchements qui les défigurent et leur donnent l'air du délabrement, ils sont un inconvénient sans doute en ce qu'une dégradation en facilite une autre, en ce que la dépense de l'entretien s'accroît, en ce que la confiance diminue;

mais considérées sous le rapport de la force des villes de guerre dans le moment où elles sont attaquées, l'inconvénient qui en résulte est presque nul, et je ne crains pas d'affirmer qu'en supposant deux places absolument semblables, qui seraient assiégées dans le même temps, la différence de résistance produite par l'état différent des maçonneries de leurs revêtements, pourvu que, comme je viens de le dire, il n'y ait pas de brèches effectives à l'une d'elles, cette différence, dis-je, dans la durée des deux sièges, ne serait pas d'une demi-journée. Je saisis avec empressement cette occasion de tranquilliser l'Assemblée nationale et les autres citoyens sur l'état de ruine apparente où sont plusieurs de nos places, et de les prier de ne point juger la valeur intrinsèque de nos forteresses d'après de légères excoriations qui n'affectent que l'épiderme de leurs remparts.

Vos deux comités, joignant aux considérations que j'ai eu l'honneur de vous exposer ci-dessus celle que les fonds très modérés demandés par le ministre de la guerre, devant être consommés aux extrémités du royaume, deviendraient une ressource précieuse dans les points où la circulation toujours ralentie offre des moyens de subsistance plus rares aux journaliers et aux hommes de métier, que les approvisionnements auxquels ils étaient destinés resteraient à l'Etat, et qu'un n'aurait fait tout au plus une dépense anticipée et non une dépense inutile, ils ont été d'avis que la demande qui vous est soumise était conforme aux vues d'économie, de prudence et de sollicitude paternelle qui doivent diriger l'Assemblée nationale, et qu'elle ne pouvait pas, sans inconvénient n'être pas adoptée; en conséquence, c'est en leur nom que j'ai l'honneur de vous proposer le décret suivant :

« L'Assemblée nationale, délibérant sur la demande du ministre de la guerre, oui le rapport de ses comités diplomatique et militaire, décrète qu'il sera accordé au département de la guerre une somme extraordinaire de 4 millions, destinée à subvenir aux frais des travaux et aux approvisionnements les plus pressés dans les différentes places de guerre où ces travaux et ces approvisionnements seront jugés nécessaires. »

M. Defermon. Je demande qu'il soit ajouté par amendement, et « que, de mois en mois, il sera rendu compte à l'Assemblée, par le ministre de la guerre, de l'emploi desdits fonds ».

L'amendement et le projet de décret sont adoptés en ces termes :

« L'Assemblée nationale, délibéránt sur la demande du ministre de la guerre, ouï le rapport de ses comités diplomatique et militaire, décrète qu'il sera accordé au département de la guerre une somme extraordinaire de quatre millions, destinée à subvenir aux frais des travaux et des approvisionnements les plus pressés dans les différentes places de guerre où ces travaux et ces approvisionnements seront jugés nécessaires, et que, de mois en mois, il sera rendu compte à l'Assemblée nationale, par le ministre de la guerre, de l'emploi dudit fonds. >>

Un membré observé qu'il est important que l'Assemblée sache provisoirement, ainsi qu'elle en a plusieurs fois manifesté le veu, quel est le montant du non-complet dans l'armée des années 1789 et 1790. Il fait la motion que le ministre de la guerre soit tenu de donner cet état dans un mois.

(Gette motion est décrétée.)

M. de Cussy, au nom du comité des monnaies, fait une exposition des principes du comité sur le système monétaire. Passant en revue tous les désordres qui se sont produits dans cette partie de l'administration, il ne craint pas d'affirmer que pendant que le comité est à la poursuite des abus, ceux à qui ces abus ont servi de patrimoine jusqu'à présent, ont trouvé moyen de les multiplier:

Il fait un tableau de toutes les difficultés du système monétaire, il exhorte l'Assemblée à porter le flambeau de la lumière dans cette administration dont les peuples sont la victime depuis plusieurs siècles: Il est temps que la vigilance nationale mette la monnaie au taux où elle doit être. Il prie l'Assemblée de mettre en discussion les questions suivantes :

Quel poids servira à la division de la monnaie? Portera-t-elle la même empreinte que celle qui

a cours?

La valeur en sera-t-elle exprimée par une légende ?

Pour quelle somme en fabriquera-t-on ?

Où prendra-t-on des fonds pour cette fabrication?

M. de Cussy propose l'ajournement jusqu'à ce que ces points aient été décidés.

M. Malouet. Je m'oppose à l'ajournement: Nous avons besoin de petite monnaie, tout le monde le sait; alors pourquoi différer? Comment nous sommes-nous procuré des matières d'or et d'argent? En faisant des sacrifices. Eh bien, il faut encore en faire; contentons-nous d'ajourner ce qui regarde les principes monétaires et décrétons aujourd'hui la quantité de petite monnaie qui nous est nécessaire avec le titre que nous lui

donnerons.

M. Bouche. Cette motion est des plus délicates; mais avons-nous done juré de tout faire et sommes-nous insatiables d'affaires? Laissons à la législature prochaine à s'occuper des monnaies et contentons-nous de décréter tout bonnement la petite monnaie dont nous avons besoin.

M. de Virieu. Avant la création du nouvel ordre judiciaire il existait une cour des monnaies; elle surveillait cette administration, mais aujourd'hui que cette cour n'existe plus vous ne pouvez rien décréter sans reconstituer une administration, car sans cela vous exposériez la nation à tous les risques possibles. La taille ne doit son origine qu'à l'abus que les princes faisaient de la fausse monnaie; les peuples aimèrent mieux payer cet impôt que d'être obligés d'avoir continuellement dans le commerce des valeurs factices. Depuis cette époque, les abus qui se sont commis dans les monnaies sont innombrables. Il est temps qu'ils cessent; le travail de votre comité est prêt; dans trois jours il peut être imprimé et distribué, j'insiste sur l'ajournement.

M. Rewbell. Une nécessité qui s'impose est celle de substituer de la monnaie de billon à l'incommode monnaie de cuivre. Si vous émettez de nouvelles pièces de cuivre, prévenez donc les commerçants que, pour un marché d'un louis, ilš seront obligés de se prémunir d'une brouette et qu'ils s'en iront chargés du prix incommode qu'ils auront reçu:

M. Duport. Je me plains de ce que le comité, au lieu de donner son ávis, au lieu de faire un rapport, ne fait que des questions. En attendant que le comité veuille bien nous en préparer la solution, je demande qu'il soit décrété qu'il sera fait une fabrication de petite monnaie.

M. Demeunier. Il suffit en ce moment de résoudre les questions suivantes : Combien faut-il de petite monnaie ?

Admettra-t-on la monnaie de billon ? Adoptera-t-on les divisions décimales? Entin quelle empreinte portera cette petite monnaie?

Comme vous ne pouvez examiner aujourd'hui ces questions, je propose de les renvoyer à jeudi. Cette proposition est adoptée et le décret sui

vant est rendu :

L'Assemblée décrète que son comité des monnaies lui présentera jeudi prochain ses vues sur chacune des questions suivantes:

«1° Quelle est la somme de petite monnaie dont il paraît convenable d'ordonner la fabrication dans les moments actuels;

«2° Ordonnera-t-on de fabriquer de la monnaie-billon, où se bornera-t-on à une monnaie rouge et à une monnaie d'argent d'un titre bas? a 3° Adoptera-t-on la division décimale?

"Le comité des monnaies se concertera sur cet objet avec le comité des finances, et indiquera les moyens d'exécution touchant la petite monnaie qui parait nécessaire à la circulation. Il sera tenu, en outre, de rappeler les questions proposées par lui dans la séance de ce jour, et de les accompagner de ses réponses. »

M. Pinteville-Cernon. Je viens vous rendre compte de la situation actuelle du Trésor public; elle est très consolante. Le mois dernier, la recette à excédé la dépense de 3 millions, et tout annonce pour ce mois-ci un succès encore meilleur. La caisse de l'extraordinaire est prête à y verser 2 millions; la loterie a eu des tirages plus heureux; la ferme générale tient ses engagements, et l'état de la régie des aides est assez bon. Il y avait hier au soir dans la caisse, en espèces d'or, 2,242,000 livres; en argent, 9,475,000 livres; en assignats 11,374,000 liv.; en effets 6,592,000 livres. Ainsi le Trésor public n'a pas encore besoin des secours qui ont été désignés pour le mois de décembre dans l'aperçu des besoins et des dépenses des deux derniers mois de cette année; nous pouvons attendre jusqu'au 10, et lorqu'à cette époque nous vous proposerons un nouveau versement au Trésor public, ce sera pour continuer l'économie des espèces qu'il est précieux de conserver. (On applaudit à plusieurs reprises.)

M. le Président. L'ordre du jour est la discussion du projet de décret sur l'organisation de la force publique (1).

M. Rabaud, rapporteur. Le comité de Constitution, avant de présenter à l'Assemblée les projets de décrets sur l'organisation de la force publique dans ses diverses parties; a cru devoir les faire précéder des articles constitutionnels. La postérité y retrouverait les principes dans toute leur pureté pour corrriger les erreurs que le temps aurait pu introduire. C'est même le seul moyen de

(1) Voyez le rapport de M. Rabaud de Saint-Étienne, Archives parlementaires, t. XX, p: 592:

conserver la Constitution dans son intégrité, parceque les principes constitutionnels expliquent clairement la pensée du législateur et qu'ils la perpétuent sans altération. Enfin, si l'Assemblée trouvait quelque chose à y changer, à ajouter ou à retrancher, le comité en profiterait pour rectifier les diverses parties de son travail qui sont des conséquences de ces principes. Voici les articles constitutionnels que votre comité présente à votre délibération :

De la force publique en général :

Art. 1°. L'Assemblée nationale déclare, comme principes constitutionnels, ce qui suit:

1° La force publique, considérée d'une manière générale, est la réunion des forces de tous les citoyens.

2° L'armée est une forcé habituelle, extraite de la force publique, et destinée essentiellement à agir contre les ennemis du dehors.

3o Les corps armés pour le service intérieur sont une force habituelle extraite de la force publique et essentiellement destinée à contre les perturbateurs de l'ordre et de la paix.

4° La nation ne forme point un corps milltaire; mais les citoyens seront obligés de s'armer aussitôt que l'ordre public troublé ou la patrie attaquée demanderont l'emploi de la force publique, ou lorsque la liberté publique sera en péril.

5. Ceux-là seuls jouiront des droits de citoyens actifs qui, réunissant d'ailleurs les conditions prescrites, auront pris l'engagement de rétablir l'ordre au dedans quand ils en seront légalement requis, et de s'armer pour la défense de la liberté et de la patrie.

6° La force armée est essentiellement obéissante.

7° Nul corps armé ne peut exercer le droit de délibérer.

8° Les citoyens ne pourront exercer le droit de suffrage dans aucune des assemblées politiques s'ils sont armés ou seulement vêtus d'un uniforme.

9o Les citoyens ne peuvent exercer aucun acte de force publique établie par la Constitution sans avoir été requis.

10° Les citoyens ne pourront refuser le service dont ils seront requis légalement.

"Art. 2. En conséquence, l'Assemblée nationale déclare que les citoyens actifs et leurs enfants mâles, âgés de dix-huit ans, déclareront solennellement la résolution de remplir au besoin ces devoirs en s'inscrivant sur les registres à ce destinés.

«Art. 3. L'organisation de la garde nationale n'est que la détermination du mode suivant lequel les citoyens doivent se rassembler, se former et agir, lorsqu'ils seront requis de remplir leur service.

«Art. 4. Les citoyens requis de défendre la chose publique et armés en vertu de cette réquisition, ou s'occupant des exercices qui seront institués, porteront le nom de gardes nationales.

Art. 5. Comme il n'y a qu'une nation, il n'y aura qu'une garde nationale, soumise aux mêmes règles, à la même discipline et au même uniforme.

La discussion s'ouvre sur la première disposi tion de l'article 1°r.

M. de Montlosfer. Je n'ai jamais cru qu'il fût possible d'organiser un corps sans parler de son

ame. (Il s'élève des murmures.) Je trouve, après avoir lu tous les articles, une force publique qui ne sera pas organisée. Il faudrait savoir qu'elle sera sa vie, quelles seront ses attaches, ses ressorts. J'ai donc raison de dire qu'on propose un corps mort au lieu d'un corps organisé. Le roi est le chef de la force publique... Je crois que Vous ne pouvez oublier dans des articles sur la force publique le nom du roi, sans être criminels envers la nation, qui vous a ordonné une constitution monarchique. Vous l'avez dit quand vous étiez moins forts qu'à présent; vous avez déclaré le gouvernement français essentiellement monarchique je dois être scandalisé de voir le comité de Constitution l'oublier. Il n'est pas de monarchie quand la force publique n'est pas dans les mains du roi. Je demande le renvoi et l'ajournement des articles, et l'impression de tous les projets d'organisation de la force publique dans ses diverses parties. Il faut imposer cette pénitence au comité de Constitution, pour lui apprendre à proposer un projet de décret sur l'organisation de la force publique où il n'est pas question du roi.

M. Brillat-Savarin. Tout ce qu'a dit M. de Montlosier est prématuré. Dans l'ordre des choses, il faut savoir si on aura une armée avant de lui donner un chef.

M. Démeunier. M. de Montlosier a calomnié le comité et l'Assemblée nationale. D'après les principes que vous avez déjà manifestés et suivant les propositions que votre comité doit vous faire, le roi aura une autorité telle que la Constitution le veut. Les articles qu'on vous présente maintenant ne sont pas, si vous le voulez, constitutionnels, mais bien une espèce de déclaration des droits et des devoirs sur cette partie... Il est extraordinaire que, quand votre comité désire que vous décrétiez d'abord ces bases afin qu'il ne vous présente pas ensuite un travail imparfait, on demande l'impression de quatorze titres.

M. de Foucault. Je demande qu'on discute d'abord la quatrième et la cinquième disposition, qui peuvent vous faire perdre la liberté après laquelle vous courez et après laquelle nous courons tous... Ne voyez-vous pas qu'on vous prspose la conscription militaire que vous avez rejetée Sans doute, tout citoyen doit s'armer quand la patrie est en danger; mais il ne doit pas dépendre d'un chef de tenir sans cesse sous les armes tous les citoyens. Je pense donc que vous ne devez pas décréter que tous les citoyens seront soldats.

M. de Lafayette. Quand nous serons arrivés à la discussion de la quatrième et de la cinquième disposition de cet article, il sera facile de calmer les inquiétudes du préopinant sur la liberté publique. Mais la première contient un axiome si clair et si simple que je ne crois pas qu'on doive balancer à la mettre aux voix.

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M. Malouet. Si la force publique peut être soumise à une autre autorité que celle du chef de la nation, considérez quelle institution vous établiss z. Vous mettez en opposition le pouvoir exécutif avec le chef suprême des gardes nationales. (Plusieurs voix s'élèvent: Il n'y en a pas!) Vous ne pouvez établir une disparité aussi choquante dans la nation. Je demande donc qu'il soit dit: L'armée est une force habituelle extraite de la force publique, sous l'autorité suprême du roi. »

M. Muguet. L'amendement de M. Malonet tendrait à établir des principes destructifs de la liberté publique.

M. Le Chapelier. La manière dont le roi influera médiatement sur les gardes nationales est une grande question qui vous sera soumise par votre comité; mais ce qui doit prouver que nous ne voulons pas opposer un chef à un autre chef, c'est que nous avons déjà décrété qu'il y aura un chef des gardes nationales par chaque département; l'Assemblée s'est même réservé de statuer s'il n'y en aurait pas un par chaque district: et c'est même l'avis du comité de Constitution. De quoi s'agit-il ici? de décréter en principe général que tous les citoyens ont le droit de défendre la liberté.

M. Malouet. Je demande la parole.

M. de Noailles. J'observe à M. le président que plusieurs membres ayant demandé la parole avant M. Malouet, ils doivent l'obtenir avant lui.

M. de Montlosier. Mon amendement doit être mis aux voix... Si vous refusez de m'entendre... Je demande qu'on renouvelle le serment d'être fidèle au roi; cette proposition doit passer avant toutes les autres. M. le président, mettez-la aux voix.

(La discussion est fermée sur l'amendement.)

M. de Folleville. Je demande, par sousamendement, que, pour lever les inquiétudes de ceux qui semblent redouter la latitude du pouvoir exécutif, il soit dit : « sous l'autorité constitutionnelle du chef de la nation. » Qu'est-ce que cette multitude de petits caciques sous le nom de commandants de gardes nationales de district?

M. le Président. Sur l'amendement et le sousamendement on réclame l'ordre du jour. (Plusieurs voix s'élèvent dans la partie gauche: Non, la question préalable!)

L'amendement et le sous-amendement sont écartés par la question préalable.

(Des cris redoublés partent du côté droit, la gauche applaudit.)

La première disposition de l'article 1er, mise aux voix, est adoptée. (On applaudit.)

Plusieurs membres de la partie droite abandonnent leur place et sortent de la salle.

M. de Chastenay-Lenty, en s'adressant à la partie gauche: Observons le plus profond silence; il s'agit d'un des points les plus sacrés de notre Constitution.

M. Rabaud fait lecture de la seconde dispotion de l'article 1er.

M. de Montlosier. Il faut ajouter après ces

mots de la force publique, » ceux-ci : « dont le roi est le chef. Je tiens à cet amendement et le soutiendrai jusqu'à la mort; on doit le mettre aux voix.

M. Duquesnoy. On ne répète ainsi le nom du roi que pour publier dans vingt libelles que Vous attaquez les principes monarchiques. Vous avez décrété que le roi était le chef suprême du pouvoir exécutif; veut-on que vous le répétiez dans toutes vos délibérations? Il est temps que l'on sache que ceux qui parlent sans cesse de l'autorité du roi ne sont pas ceux qui la veulent. (On applaudit; plusieurs voix s'élèvent: Ce sont ses ennemis ! Les meilleurs amis de la Constitution sont aussi ceux du roi; le roi est dans la Constitution; que l'on ne vienne donc pas profaner davantage ce nom de roi et cette autorité pour nous faire perdre notre temps et exciter des désordres.

M. de Montlosier. Il n'est pas permis d'inculper ainsi un membre de cette Assembée sans qu'il lui soit permis de se défendre... Je n'inculpe pas votre parti, et certainement c'est beaucoup pour moi; mais j'inculpe votre décret.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

(La seconde disposition de l'article 1er adoptée.)

M. Rabaud, après avoir fait lecture de la troisième disposition de l'article 1er, dit: Il faut distinguer la force et son organisation. Quand on parle de la machine, on ne parle pas du moteur. Tout, dans ces dispositions, a rapport à la force matérielle. Je dois rappeler ces principes pour ceux dont l'imagination divague avec tant de facilité.

M.de Montlosier. Je vois dans cette troisième disposition une inconvenance; vous pouvez en redresser le sens en la considérant abstraitement. La force publique désignée dans l'article doit avoir un chef. (On demande que M. de Montlosier soit rappelé à l'ordre.) Je vous défie de m'empêcher de parler; je vous dirai toujours, je vous dirai jusqu'au dernier moment, que vous voulez renverser les principes, que vous êtes des manichéens. Je demande donc que l'on mette aux voix mon amendement

M. Gourdan. Je demande qu'il soit ajouté après ces mots : « Perturbateurs de l'ordre et de la paix, ceux-ci : « Et contre les ennemis de la liberté.>>

M. Rabaud. Dois-je répondre à cet amendement? (Plusieurs voix sélèvent Non!.)

(La troisième disposition de l'article 1er est décrétée.)

M. Rabaud fait lecture de la quatrième disposition.

M. de Foucault. Je demande la question préalable.

M. Le Chapelier. Cette phrase: « la nation ne forme point un corps militaire,» n'exprime pas une idée nette. Le comité a voulu dire que les gardes nationales, qui sont toute la nation, ne sont pas un corps militaire; mais il faut l'expliquer d'une manière plus claire.

M. Démeunier. Il me semble qu'il faudrait réunir le paragraphe neuvième à celui-ci, et dire: Mais les citoyens seront obligés de s'armer aussitôt qu'ils en auront été requis. »

(La proposition de M. Démeunier est adoptée.) (La quatrième et la neuvième disposition sont réunies et décrétées, sauf rédaction.)

M. Rabaud fait lecture de la cinquième disposition.

M. de Montlosier. Il est singulier qu'on veuille forcer les citoyens à prendre les armes.

M. Démeunier. M. le président, il est de votre devoir de rappeler à l'ordre un opinant qui s'élève contre une disposition déjà décrétée. Que M. de Montlosier ouvre un des procès-verbaux du mois de mai, et il y verra que l'Assemblée nationale a décrété que nul ne pourrait exercer les droits de citoyen actif s'il n'était enrôlé dans la garde nationale. Je demande donc qu'on mette l'article aux voix, et, si M. de Montlosier persiste, qu'on le mette à l'ordre et qu'on inscrive son nom sur le procès-verbal.

M. Rabaud. Il me semble que l'on peut réunir les paragraphes six et sept en les transposant, et dire: « Nul corps armé ne peut exercer le droit de délibérer; la force armée est essentiellement obéissante. »

(Cette rédaction est décrétée.)

M. Rabaud fait lecture de la huitième et de la dixième disposition.

M. Démeunier. Je dois déclarer ici que le comité de Constitution vous proposera d'autoriser un corps de discipline dans lequel la garde nationale pourra délibérer. Pour éviter toute chicane postérieure, je demande qu'il soit fait mention de ma déclaration au procès-verbal.

(La huitième et la dixième disposition sont décrétées, et la proposition de M. Démeunier est adoptée.)

Divers membres présentent encore quelques observations sur les articles suivants.

Après quelques additions et changements proposés ou adoptés par le rapporteur, les articles ci-après se trouvent décrétés :

TITRE PREMIER.

De la force publique en général.

• L'Assemblée nationale déclare comme principes constitutionnels ce qui suit:

1° La force publique, considérée d'une manière générale, est la réunion des forces de tous les citoyens;

« 2. L'armée est une force habituelle, extraite de la force publique, et destinée essentiellement à agir contre les ennemis du dehors;

3° Les corps armés pour le service intérieur sont une force habituelle, extraite de la force publique, et essentiellement destinée à agir contre les perturbateurs de l'ordre et de la paix;

« 4° Ceux-là seuls jouiront des droits de citoyens actifs, qui, réunissant d'ailleurs les conditions prescrites, auront pris l'engagement de rétablir l'ordre au dedans, quand ils en seront légalement requis, et de s'armer pour la défense de la liberté et de la patrie;

«< 5° Nul corps armé ne peut exercer le droit

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