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8.422 quintaux 61, le produit de leur pêche en 1788 (1),c'est-à-dire à 14 quintaux et 3 livres (2), ou leur travail réduit à six mois à 28 quintaux et 6 livres par jour, veulent s'attribuer la gloire de répandre l'abondance dans une ville qui consom me journellement au moins 250 quintaux de poisson, relativement à sa grande population, sans comprendre ce que son territoire, la Provence, le Dauphiné, le Languedoc, Lyon même, viennent y puiser.

Ce n'est que de la part de ces pêcheurs étrangers, dont plusieurs arrivent au port ou débarquent sur la côte sans avoir fait leurs déclarations au bureau de la santé (3), et qui peuvent jeter dans le royaume le fléau de la peste, dont serait la première victime une ville où ils viennent chercher leur nourriture dans le temps où leur patrie la ieur refuse.

Ce n'est enfin que de la part de ces mêmes pêcheurs, qui ne présentent à l'Etat ni espérances ni resources, qui tendent par leur concours et leur introduction à ruiner les pêcheurs français, la pépinière et l'école permanente des matelots, et qui par des procédés abusifs, condamnés pendant l'attribution de l'intendant même, détruisent l'ea èce (4); qui excitent les réclamations de tous les pêcheurs de la Méditerranée (5), qu'ils chassent de leurs côtes, qu'ils repoussent même en vertu des lois du pays (6), et qui ont dédaigné les faveurs dont le gouvernement a voulu les combler (7), de devenir même prud'hommes, en un mot d'être traités comme Français en refusant de reco naître la juridiction (8), à laquelle ils ont été soumis, pour la cinquième fois, par l'arrêt du conseil du 20 mars 1786, et dont l'impartialité est reconnue par les conseils de leur nation (9) en refusant enfin de s'inscrire au bureau des classes au défi de l'article 3 du même arrêt (10). III. Cette juridiction n'est pas d'ailleurs conforme aux pri cipes actuels.

Le peuple pêcheur nomme et choisit dans son sein ces juges; le premier est toujours pris parmi ceux qui ont été prud'hommes, on y traite, on y juge les affaires promptement el sans épices, en un mot les prud'homines, sous cette dénomination honorable, sout les juges de paix des pê

(1) Page 52 du mémoire des Catalans, en 1789, et pages 22 et 23 du mémoire servant de supplément aux doléances des pêcheurs de Marseille.

(2) Voyez aussi les observations à la fin de ce mémoire, sur le prejudice de la pêche du palangre.

(3) L'article 2 de l'arrêt du conseil de 1786 soumet les pêcheurs étrangers à faire déclaration de leur arrivée à la salie commune des pêcheurs de Marseille. On y tient un registre de ces déclarations, lequel, comparé à celui du bureau de la santé, prouvera certainement l'assertion.

(4) Voyez le dossier des pièces justifiant les procédés abusifs des pêcheurs étrangers.

(5) Voyez entre autres les attestations des pêcheurs de la Ciotat et de Martigues.

(6) Décret de l'intendant de Barcelone du 23 septembre 1765, envoye dans le temps au ministre de France, qui refusa aux patrons Gaultier et Achard, de Martigues, de faire la pêche sur les côtes, disant que cela est défendu par les lois du pays, excepté aux pêcheurs du lieu, immatriculés, et leur enjoint de se retirer avec leurs filets. Voyez aussi l'attestation des pêcheurs de Martigues.

(7) Voyez l'arrêt du conseil de 1786, au dossier des titres justificatifs.

(8) Voyez le dossier des lettres des ministres, et

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cheurs, des vrais arbitres appelés et placés par la confiance générale et la volonté libre.

IV. Il n'y a point d'inconvénient de laisser subsister une pareille juridiction.

Les prud'hommes sont amovibles, leurs fonction ne durent qu'une année; les étrangers ont l'avantage de se faire assister aux audiences par eurs interprètes ou leurs consuls. Enfin ces juges ne font que passer dans les charges, et ont intérêt d'administrer avec intégrité la justice, soit pour ne point perdre de la considération dont ils ont toujours été jaloux, et sur laquelle est fondée l'estime publique, soit pour ne pas être exposés pour ainsi dire, le lendemain, à être mal jugés par ceux dont ils auraient été les juges la veille.

V. Nécessité de continuer une pareille juridiction aux pêcheurs de Marseille. Cette nécessité est impérieuse: 1o Les pêcheurs ont un langage particulier, et des expressions qui leur sont propres. Chaque pêche a sa forme de procéder, ses limites, ses filets permis et réglés et ceux qui sont prohibés. Il est donc évident qu'il faut êire pêcheur pour juger pareille matière, et on conviendra bien plus facilement de cette nécessité si l'on considère qu'il faut encore connaître les anses de la côte que les pêcheurs fréquentent, les lieux en pleine mer qu'on ne désigne souvent que par la citation d'un rocher caché au fond des eaux, et qui n'en a pas moins son nom; les places où l'on droit de prendre poste, et celles où il n'y en a point de convenu; la distance qui doit être observée entre les filets respectifs et sur laquelle le juge ne peut être instruit que par des mesures propres aux pêcheurs seuls et que toute la théorie de la profession serait incapable de lui apprendre;

2° C'est le dimanche que se tiennent les audiences publiques, et ce ne peut-être que le dimanche, car tous les autres jours de la semaine sont consacrés à la pêche que ne permettent pas de suspendre l'approvisionnement d'une grande ville et la conservation des matelots qui n'ont d'autre salaire qu'une portion aux bénéfices de cette profession;

3. La pratique de la pêche est tellement indispensable que les prud'hommes eux-mêmes sont quelquefois forcés d'appeler des sapiteurs;

4 Les raisons d'utilité publique ci-dessus développées et qu'aucune considération ne peut ni affaiblir ni faire oublier.

Dans ces circonstances les patrons-pêcheurs de Marseille et leurs députés à Paris sollicitent de la justice de l'Assemblée nationale la conservation d'une juridiction dont l'origine est la plus ancienne de tous les tribunaux du royaume, d'une juridiction qui est également établie dans presque tous les autres ports de la Méditerranée, qui s'est acquise la vénération de tous les citoyens, et à l'existence de laquelle est évidemment attachée l'assurance de secours que le commerce, la navigation, la marine royale et une province entière exigent.

Les députés des patrons-pêcheurs de Marseille.
Signé TOURNON, prud'homme.

FLOUX, ancien prud'homme.
PONSARD, archiviste desdits pêcheurs.

PROJET DE DÉCRET

sur la police de la pêche française.

L'Assemblée nationale, instruite que, depuis un temps immémorial, il existe dans plusieurs ports

du royaume des juges sur les faits et police de la pêche et dont l'exercice ne dure qu'une année;

Que des juges appelés prud'hommes sont choisis parmi les patrons-pêcheurs français et par eux élus à la pluralité absolue des suffrages dans une assemblée générale présidée par les officiers de l'amirauté;

Que ces prud'hommes, après avoir prêté serment, sont installés, soit par les officiers de l'amirauté, soit par les officiers municipaux; qu'ils sont chargés de la manutention des règlements faits à l'occasion de la pêche, et qu'ils décident, chacun dans son ressort, sans épices, sommairement et en dernière instance, sans forme ni figure de procès et sans appeler avocats ni procureurs, tous les différends et constestations sur le fait, forme et manière de la pêcherie entre tous pêcheurs établis dans lesdits ports, ou fréquentant leurs mers respectives;

Qu'auprès de ces juges, et aux frais desdits patrons-pêcheurs, il existe un secrétaire pour la rédaction des jugements, et des gardes ou valets chargés de les exécuter et de faire comparaître les parties aux audiences publiques qui se tiennent les seuls jours de dimanche dans une salle commune à portée de leur habitation et du siège de leur profession;

Et convaincue que pareilles juridictions, soit parce qu'elles sont entièrement gratuites, soit parce qu'elles sont exercées par des gens de l'art élus par les justiciables eux-mêmes, ne peuvent qu'être favorables aux pêcheurs français, qui sont la pépinière et l'école permanente des matelots;

Considérant qu'il était de la sagesse des représentants de la nation de s'occuper de ces hommes si précieux à l'Etat et si propres à en assurer la force, et de rendre constitutionnels et communs à tous les pêcheurs du royaume des établissements qui, conciliés avec les principes du nouvel ordre judiciaire, leur rapprocheront toujours la justice, et les attacheront à une profession dont les plus grands intérêts sollicitent l'accroissement;

Après avoir entendu son comité de Constitution et de marine réunis, a décrété et décrète ce qui suit :

Art. 1or. Les prud'hommes des patrons-pêcheurs des différents ports de royaume actuellement en possession de ladite juridiction, continueront, jusqu'à la fin de la courante année, de connaître et juger dans leurs ressorts respectifs et en dernière instance, suivant les formes et usages de leur juridiction, tous les différends et contestations sur les faits et police de la pêche entre tous pêcheurs établis dans lesdits ports, ou fréquentant leurs mers respectives.

Art. 2. Aux fêtes de Noël de chaque année, les patrons-pêcheurs français ou devenus français aux termes du décret du 30 avril, sanctionné le 2 mai dernier, s'assembleront dans leurs ports respectifs et dans la salle de leur juridiction, qui est, ou sera à cet effet, par eux et à leurs frais établie, devant un des officiers municipaux et le procureur de la commune ou son substitut, pour nommer, à la pluralité absolue des suffrages et au scrutin individuel, quatre prud'hommes dont le nombre de voix, ou, en cas d'égalité, l'âge règleront le rang. Le premier sera le juge de paix, et les deux suivants les assesseurs pour juger à la pluralité des voix, en première instance, tous les différends et contestations sur les faits et police de la pêche entre tous pêcheurs établis, ou fréquentant les mers desdits pêcheurs, et en dernier ressort celles qui n'excéderont pas 50 livres.

Le quatrième prud'homme pourra assister aux jugements qui seront rendus pour s'instruire des motifs et de la discussion.

Art. 3. Les prud'hommes ainsi nommés seront installés, le premier jour de l'année, dans la salle ordinaire de la juridiction, par l'officier municipal, à leur réquisition ou à celle du procureur de la commune, ou de son substitut, et ils prêteront le serment de......

Il sera du tout dressé procès-verbal par le secrétaire greffier de la commune pour la première fois, et ensuite par le secrétaire particulier desdits patrons-pêcheurs, dont il sera ci-après parlé.

Art. 4. Le secrétaire écrira, en présence de l'officier municipal et du procureur de la commune, ou son substitut, le bulletin de tout patroc-pêcheur qui ne pourrait l'écrire lui-même, et il ne sera reçu aucun autre bulletin, que ceux qui auront été écrits ou par les membres ou dans la forme ci-dessus dans l'Assemblée même et sur le bureau (1).

Art. 5. Le quatrième prud'homme en exercice et les quatre plus anciens prud'hommes, suivant l'ordre et la discussion du tableau qui a été ou sera à cet effet dressé, composeront le tribunal d'appel où le quatrième prud'homme en exercice présidera, et où seront portées et jugées en dernier ressort les causes dont l'objet excédera 50 livres; et dans les lieux où il n'y a pas eu jusqu'à présent de pareils établissements, il sera de plus nommé quatre anciens patrons-pêcheurs, conformément aux articles 2, 3 et 4.

Art. 6. Dans la même assemblée, et en la forme de l'article 2, les patrons-pêcheurs éliront à leurs frais un secrétaire qui sera chargé, sous dû inventaire à double original de tous leurs papiers, d'écrire les bulletins, de dresser les tableaux ou états des patrons-pêcheurs, et de ceux éligibles, de rédiger les procès-verbaux d'élection et de serment, les instructions et jugements des procès tant en première qu'en dernière instance, dans un livre qui sera paraphé par les officiers municipaux, et il prêtera serment de remplir fidèlement les fonctions à lui confiées, devant ladite assemblée et entre les mains de l'officier municipal qui la présidera.

Art. 7. Il sera élu en la même manière deux gardes ou valets au plus, qui feront les fonctions d'huissiers auprès desdits juges et prêteront le même serment.

Art. 8. Le secrétaire et les gardes ci-dessus pourront être continués et confirmés chaque année à la volonté desdits patrons-pêcheurs. Ils ne pourront prétendre aucun droit particulier des justiciables, à peine de restituer et de con.

cussion.

Art. 9. Les juges de paix ou prud'hommes et ceux qui composeront le tribunal d'appel ne pourront être choisis que parmi les anciens prud'hommes ou les patrons-pêcheurs, français ou devenus français commandant un bateau ou bâtiment de pêche, armé au moins de trois homines, tout compris seront aussi éligibles ceux desdits patrons-pêcheurs, qui, sans avoir été prud'hommes, et avoir un pareil armement, serviront gratuitement par eux-mêmes ou leurs préposés dans la garde nationale maritime desdits ports, et dont il sera justifié par le registre qui sera à cet effet tenu par le secrétaire desdits pêcheurs. Art. 10. Le tribunal de paix et celui de der

(1) Décret, 2 février 1790.

nière instance ne pourront jamais être vacants; en cas d'absence ou empêchement, ils seront remplis par les plus anciens pêcheurs; suivant l'ordre et la discussion du tableau, et qui auront les qualités déterminées par l'article précédent.

Art. 11. Le secrétaire fera sur-le-champ lecture, à la partie condamnée, du jugement rendu en première instance par le juge de paix; et si elle ne déclare pas de suite en être appelante, l'appel ne sera plus reçu.

Art. 12. Toutes les affaires, soit en première et dernière instance, seront traitées et jugées sommairement et sans épices, le dimanche qui suivra la demande ou appel; et les jugements seront exécutés sur-le-champ, après due lecture, par la séquestration, s'il y a lieu, des bateaux, agrès et filets.

Art. 13. Dans les ports où il n'existe point de prud'hommes ou juges sur les faits et police de la pêche, il sera procédé, immédiatement après la publication du présent décret, en conformité des articles précédents, à la formation desdits juges de paix et de dernière instance, pour l'exercice des premiers élus cesser néanmoins à la fin de l'année 1791.

Art. 14. Lesdits patrons-pêcheurs présenteront incessamment au Corps législatif leur projet respectif de lois et règlements sur les faits et police de la pêche, et jusqu'alors lesdits juges de paix et de dernière instance réunis feront observer les lois et les règlements actuellement en vigueur dans leur ressort pour l'utilité, la conservation, I accroissement des pêches, et le maintien de l'égalité parmi les pêcheurs, et ils pourront même ordonner l'exécution provisoire de tous règlements délibérés sous ces considérations, à la pluralité des voix, dans une assemblée générale.

Art. 15. Lesdits juges de paix, joints à ceux de dernière instance, veilleront à la perception et à l'emploi des impositions qui seront délibérées en la forme ci-dessus et homologuées par les municipalités, et de celles qui l'ont été par le passé, Sous due autorisation, pour subvenir aux frais de l'administration et des établissements qui viennent d'être déterminés, ainsi qu'à l'extinction des dettes légitimement contractées, à la charge, par eux, de justifier de l'emploi, à la fin de chaque année, par un état qu'eux ou leur secrétaire certifieront véritable, et remettront auxdites municipalités, et d'être personnellement et par corps responsables de tout divertissement, pour lequel ils pourront être poursuivis, au nom du procureur de la commune ou de son substitut: et cependant il ne sera rien innové aux impositions actuellement existantes dans certains ports, et que les patrons-pêcheurs, sous due autorisation, lèvent sur le produit de leur profession, lesquelles continueront d'être perçues sur tous indistinctement, et au même taux, nonobstant tous abonnements particuliers, qui seront de nul effet et valeur.

Art. 16. Aucun ne pourra exercer la profession de patron-pêcheur en France, qu'il ne soit Français ou devenu Français, ou qu'il ne soit enregistré avec son équipage dans les bureaux des classes, et auprès desdits juges de paix des pêcheurs au greffe de commerce et de mer, et qu'il n'ait déclaré avec son équipage vouloir s'établir en France, et jouir, à l'expiration du terme porté par le décret du 30 avril aux conditions y contenues, du droit de citoyens français, et de celui de voter dans les assemblées de patrons-pêcheurs, à peine, à défaut d'interruption dans leurs demeures, lors des levées des matelots, d'être dé

chus de la faculté de faire la pêche, de saisie et confiscation de leurs bateaux, filets et agrès, et de telles amendes qui seront prononcées par ledit juge de paix, au profit desdits patrons-pêcheurs.

Art. 17. L'Assemblée nationale déclare que les pêches sont des propriétés nationales; en conséquence les met sous la sauvegarde de la nation, de la loi et du roi, et ordonne que les gardes nationales et troupes de ligne, à la réquisition des municipalités ou des juges sur la pêche, seront tenus de prêter main forte pour l'exécution du présent décret.

OBSERVATIONS sur le projet de décret remis au comité de Constitution par les prud'hommes des patrons-pêcheurs de Marseille.

Rien n'est plus intéressant pour la France commerçante, et plus digne du zèle et de l'attention de l'Assemblée nationale, que l'objet du mémoire que nous avons remis au comité de Constitution.

L'Etat a besoin de matelots, il est donc pressant de s'occuper des pêches nationales qui sont la véritable pépinière et l'école permanente de ces hommes, soldats toute leur vie, sans être à charge à l'Etat en temps de paix.

C'est en protégeant et multipliant les pêches que l'Angleterre travaille sans cesse à augmenter ses forces navales: ce ne sera jamais que par la même voie que nous pourrons parvenir à lui en imposer.

Notre mémoire et l'ouvrage sur les pêches maritimes de France, publié en 1777, par le sieur Lemoyne, ancien maire de Dieppe (1), où nous avons puisé cette grande vérité, ne permettent pas de douter de l'avantage de notre profession. Il est général pour tout le royaume par son utilité au commerce et à la marine royale; il est particulier à Marseille par les provisions que nous fournissons à cette ville, puisque les Catalans, les plus nombreux de tous les pêcheurs étrangers fréquentant ses mers, n'y restent qu'une partie de l'année, et ne leur procurent de leur aveu qu'environ neuf mille quintaux de poisson, aux dépens de plus de dix mille que nous leur cédons pour les appâts en sardines et autres poissons.

Mais l'utilité particulière n'existât-elle point, et fût-il certain que les pêcheurs étrangers procurent l'abondance du poisson à Marseille, cette utilité devrait toujours être sacrifiée au bien général de l'Etat. La France a un commerce étendu et des flottes destinées à le protéger; et conment favoriser l'un, et faire mouvoir les autres, si on cède à de misérables considérations d'une abondance imaginaire, et à des déclamations qui ne peuvent avoir que l'erreur ou l'antipatriotisme pour base; si on ne prévient pas que le nombre des pêcheurs diminue, si on n'embrasse tous les moyens pour en faciliter l'accroissement?

Ces moyens résident évidemment dans le projet de décret mis sous les yeux du comité, et essentiellement sous une loi qui donnera à tous les pêcheurs du royaume une juridiction de famille et une justice purement gratuite à laquelle tous les pêcheurs indistinctement soient soumis (2).

Le renvoi des différends sur les faits de la pêche à d'autres juges qu'à des gens de l'art ne

(1) Ce mémoire de l'imprimerie royale a été remis au comité de Constitution. (2) Articles 2 à 13.

ferait que perpétuer les maux qu'ont éprouvés jusqu'à ce jour tous les pêcheurs français obligés de recourir à des tribunaux dispendieux et ignorant les formes et la manière des pêcheries, et reproduirait pour Marseille le préjudice qu'a causé à sa pêche l'arrêt du conseil du 29 mars 1776, qui attribuait à l'intendant la connaissance des affaires (1), où les pêcheurs étrangers seraient parties, préjudice qu'a voulu faire cesser l'arrêt du conseil du 20 mars 1786.

L'Assemblée nationale a bien reconnu la nécessité d'attribuer la connaissance des affaires de commerce et de mer à un tribunal mercantile, à des juges élus par les commerçants et les marins: elle ne traitera donc pas moins favorablement la police des pêches non moins utile, et ne nous refusera pas une juridiction à part et des juges élus par des pêcheurs. Il a fallu là des hommes qui eussent l'expérience de la profession; il est donc nécessaire pour les pêches qu'il y ait des juges qui en aient la pratique et la théorie. Les marchands et les marins ont un langage propre; nous avons aussi des expressions relatives et particulières. Les affaires civiles peuvent être traitées et jugées tous les jours, à tous les instants. Un pareil régime pourrait encore moins nous convenir qu'aux différends mercantiles et maritimes. A notre police, on ne peut consacrer que le jour de repos (le dimanche); au commerce, que telle heure et tels jours, à moins qu'on crût indifférent de détourner des pêcheurs de leurs travaux, qui doivent être continuels pour leur subsistance, pour l'accroissement des matelots et l'apprivisionnement de la majeure partie du royaume, et d'arrêter des négociants

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au milieu de leurs opérations de cabinet et de magasin qui font la prospérité du commerce. Ici la position du tribunal est indifférente; pour les pêches, il est nécessaire qu'elle soit à portée des pêcheurs, au milieu, pour ainsi dire, de notre demeure et au voisinage de nos bateaux et bâtiments que nous ne pouvons guère perdre de vue. Auprès des juges ordinaires, résident des huissiers qui découvrent sans peine la demeure des parties qu'ils sont chargés d'assigner auprès de nous. Les difficultés seraient incroyables; presque tous les pêcheurs ne sont pas connus sous leur nom patronimique; un surnom ou un sobriquet les distinguent, et nous n'éprouvons point ces difficultés par le soin que nous avons de choisir pour gardes ou valets faisant les fonctions d'huissiers, des anciens pêcheurs qui vivent et travaillent au milieu des justiciables.

Ces moyens résident aussi dans l'exécution provisoire des règlements (1) qui ont l'assentiment de tous les pêcheurs français, et dans la proclamation prochaine, de la part du Corps législatif, d'une loi définitive sur les filets et les procédés de la pêche dans chaque port du royaume.

Ils résident encore dans l'égalité des impositions et dans la suppression de tout abonnement accordé aux pêcheurs étrangers (2), ce qui n'était qu'un privilège et une distinction, non seulement inadmissibles en leur faveur, mais encore inconstitutionnels parmi les nationaux, égalité contre laquelle peuvent s'élever contre nous les pêcheurs étrangers établis ou fréquentant es mers de Marseille, que c'est à eux que nous devons la continuation de ces impositions, et aux procédures qu'ils nous font soutenir depuis au delà de soixante ans pour les amener à la même police, aux mêmes règles et aux mêmes obligations.

Ces moyens résident dans plusieurs dispositions du ressort particulier du comité de la marine, el que nous ne rapporterons par conséquent pas ici, et enfin dans la teneur de l'article du projet de décret (3), qui n'admet à l'exercice de la profession de patron-pêcheur français, que le Français ou le pêcheur étranger qui se soumet à le devenir. Cet article peut seul opérer entre la France et ses voisins une juste réciprocité et la réparation des pertes qu'occasionnent les émigrations respectives, et conséquemment à la nation française l'exportation de notre numéraire (4); d'ailleurs les Français ne peuvent aller faire la pêche sur aucune côte étrangère, et particulièrement en Espagne, sans s'y faire naturaliser, puisqu'on repousse partout les pêcheurs français, puisqu'en Espagne la pêche n'est permise sur ses côtes qu'aux pêcheurs du lieu immatriculés (5), en vertu des lois du pays invoquées par l'Espague, et consenties sans connaissance par la France (6) dans l'article 3 du traité du 2 janvier 1768. L'Assemblée nationale ne fera donc aux étrangers que ce qu'ils exigent de nous; elle ne fera aux Espagnols, en les soumettant au service de la France, que ce qu'ils ont consenti par le même traité. Avant et après lui, nos pêcheurs ont été employés

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(1) Article 14.

(2) Article 15.

102 bat. Patrons, matelots et mousses. 812

Nota. Il y avait, avant la dernière guerre, sur la côte de Marseille, sous la juridiction des prud'hommes 35 ou 40 bateaux de pêche en 1786, il n'y en avait que 14 ou 15.

(3) Article 16.

(4) En 1788, l'exportation des souls Catalans fut de 369,408 liv. 12 s. Voyez leur mémoire, page 52.

(5) Voyez notre mémoire, l'attestation des pêcheurs de Martigues, jointe audit mémoire et déclaration du sieur Aussan, remise au comité.

(6) Elle ne prit pas communication des ordonnances auxquelles l'Espagne se rapporte dans cet article.

sur les vaisseaux de la marine, et les Espagnols ont promis, par le même article, d'être assujettis aux lois, statuts et pragmatiques qui se trouveront établis pour les pêcheurs nationaux; la franchise du port de Marseille ne s'y oppose même pas. Elle a eu en vue d'y attirer les négociants de tous les pays et le commerce de tout l'univers, mais jamais les pêches particulières n'ont présenté l'idée d'un commerce; il n'en existe point sans échange; jamais les pêcheurs, et encore moins ceux des côtes, n'ont eu la vanité de se ranger dans la classe des négociants.

Au reste, partout les pêches sont des véritables propriétés nationales, pourquoi donc les laisserait-on encore partager à ceux qui ne supporteraient pas les charges de l'Etat? Si le pêcheur est obligé de servir la nation en temps de guerre, la nation à son tour doit protéger le pêcheur en temps de paix, lui conserver sans cesse les fruits de son industrie et empêcher que les étrangers les lui ravissent. C'est dans cette protection que le pêcheur français trouve retracées toutes ses obligations et tous les services que l'Etat a droit d'exiger de lui; c'est dans elle seule où la nation peut en puiser la réclamation.

Ce n'est pas seulement l'intérêt privé des pêcheurs qui sollicite le décret proposé; l'intérêt général de la France le provoque encore, parce qu'il n'y a pas sûreté pour le commerce où il n'y a pas de pêcheur, parce qu'il n'y a plus de marine où il n'y aura plus de matelots. L'introduction des étrangers nous prépare ce sort, et nous présente cette triple perspective. Avant elle, les pêcheurs de Marseille auraient pu fournir 2,000 matelols à la marine royale, aujourd'hui nous serions en peine d'en présenter 800 (1). Avant elle, le Martigues et la Ciotat avaient un nombre considérable de bateaux, aujourd'hui leur nombre est réduit à moins de la moitié (2); il en est de même de tous les autres ports de la Méditerranée. Partout les pêcheurs étrangers viennent enlever la place aux pêcheurs nationaux (3); partout ils vivent dans l'indépendance et au milieu des exemptions dont nous sommes privés. Et qu'on ne soit plus étonné de la diminution que nos pêches éprouvent, de la perte que le commerce et la marine essuient. En vain, depuis plus de soixante ans, nous demandons justice et protection; en vain nous avons obtenu à grands frais cinq arrêts du cons il; il n'a pas encore été possible de soumettre les pêcheurs étrangers à une égalité de droits et d'obligations. De là nos pêcheurs se découragent, abandonnent la profession et en éloignent leurs enfants. On les a vus même en dernier lieu réduits au désespoir et sur le point

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de fuir une demeure (1), où ils ne rencontraient que des peines et des amertumes. S'ils ont été retenus dans leurs foyers, on le doit à l'existence de l'Assemblée nationale, à l'espoir dont ils ont été flattés qu'elle s'occupera de leur sort, et à la confiance entière qu'ils ont mise dans sa justice.

Les députés des patrons-pêcheurs de Marseille. Signé TOURNON, prud'homme.

FLOUX, ancien prud'homme.

PONSARD, archiviste desdits patronspêcheurs.

OBSERVATIONS justifiant le préjudice que porte à Marseille la pêche du palangre.

Les pêcheurs catalans palangriers prétendent procurer à Marseille l'abondance du poisson. Eclaircissons une fois pour toutes ce fait, et ne cherchons que dans leur aveu les preuves de cette supposition.

D'abord il faut savoir:

Ce que c'est qu'un palangre;

Le nombre des bateaux employés à cette pêche; La durée du séjour de ces pêcheurs à Marseille;

Qui leur fournit les appâts;
Quelle en est la quantité;

Et quelle quantité leur est nécessaire.

1o Le palangre est une ligne-mère, composée de 4,800 bras de ligne (2) ayant chacun un hameçon, qu'on garnit ordinairement de sardines, formant l'appat avec lequel on prend le merlan et autres poissons.

Mais les pêcheurs catalans n'emploient tout au plus que 3,000 hameçons (3);

2o Les Catalans ont souvent 80 bateaux palangriers à Marseille (4). Ils aiment à en imposer par le nombre; mais il leur serait trop défavorable, parce que plus ce nombre serait grand, plus serait petite l'idée qu'ils veulent donner dé l'importance de leur pêche (5). Nous réduirons donc ce nombre à 60 bateaux, sans craindre d'étre démentis.

3° Ils ne restent qu'une partie de l'année à Marseille. Ils disent: La plupart de nous ont fait une absence de trois mois (6).`

4° Les fournisseurs des appâts sont les pêcheurs marseillais (7).

5o Les Catalans n'emploient ordinairement à ces appâts que la sardine (8).

6o La quantité qui leur est nécessaire est facile à fixer; il faut au moins la moitié d'une sardine à chaque hameçon; or, chaque palangre catalan, composé de 3,000 hameçons, a besoin de 1,500 sardines pesant, à raison de 15 sardines la livre, un quintal poids de table. Or, les 60 palangriers catalans, consomment, chaque jour, aux appâts 60 quintaux de poisson.

Maintenant il s'agit de connaître le produit de leur pêche et le temps qu'ils y emploient.

Ils ont dit (9): La plupart de nous ont fait une

(1) Voyez les pièces remises au comité de Constitution.

(2) Mémoire des Catalans, page 32. (3) Mémoire des Catalans, page 38.

Voyez le dénombrement fait en 1786. (5) Mémoire des Catalans, page 52. (6) Mémoire des Catalans, page 52. (7) Mémoire des Catalans, pages 64 à 69. (8) Mémoire des Catalans, page 45. (9) Mémoire des Catalans, page 52.

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