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la contribution foncière. Vous n'avez point dit : les terres payeront le sixième ou le cinquième, mais vous avez dit qu'elles ne payeront pas plus qu'un cinquième. Je demande donc la suppression de l'article 2 ou son ajournement.

M. Duport. La difficulté qui s'élève en ce moment provient d'un malentendu. Vous avez adopté relativement à la contribution mobilière la même forme que relativement à la contribution foncière, c'est-à-dire que vous avez dit que cet impôt se payera par forme de subvention. Vous avez déterminé que cette contribution s'élèverait à 60 millions, qui seront proportionnellement répartis entre tous les contribuables voilà la subvention; mais ce mode aurait des inconvénients dans son exécution. Un particulier imposé dix fois plus qu'il ne devrait l'être ne pourrait prouver l'injustice de la taxation qu'en compulsant les cotes particulières de tous les contribuables, pour voir si elles sont dans la même proportion que la sienne. Pour éviter cet inconvénient relativement à la contribution foncière, vous avez déjà décrété qu'elle n'excéderait pas un cinquième du revenu net. Relativement à la contribution mobilière, on vous propose de décréter que chaque contribuable payera 1 sou pour livre de son revenu présumé. Cette base est purement fictive; car si elle ne vous produit pas l'impôt dont vous avez besoin, vous l'augmenterez par un nouveau sou pour livre sous le nom de cote d'habitation. Si, au contraire, il y avait un excédant, il serait réparti sur les contribuables en forme de décharge ou modération. Vous ne déterminerez une base fixe de 1 sou pour livre que pour prévenir les injustices dans la répartition, pour que chaque contribuable, s'il se croit trop imposé, puisse se présenter la loi à la main devant les tribunaux.

M. d'André vous propose, au contraire, un impôt de quotité qui ne serait soumis à aucune règle dans ses répartitions, qui livrerait les contribuables au despotisme des municipalités. Vous ne décréterez là base du sou pour livre que pour l'imposition mobilière de 1791; c'est un essai nécessaire pour asseoir ce nouveau genre d'imposition.

M. Defermon. Vous avez reconnu que l'expérience seule pourrait vous faire parvenir à la formation d'un cadastre pour la contribution foncière; il en sera de même de la répartition de la contribution mobilière. Vous ne pouvez en ce moment faire que des taxations incertaines, que l'expérience rectifiera. D'après les données qu'a eues votre comité des impositions, le sou pour livre lui a paru suffisant pour produire le total dont vous avez besoin.

M. Leleu de La Ville-aux-Bois. Je demande que l'on décide d'abord la question de savoir s'il y aura un minimum et un maximum. (La discussion est fermée.)

Plusieurs membres se plaignent que la question n'est pas assez instruite.

M. de Folleville. En bon français, je ne vois dans l'article présenté par le comité qu'un moyen d'amener l'arbitraire; car lorsque le sou pour livre pris en masse ne suffira pas, il faudra bien prendre des mesures pour un nouveau versement. Je persiste donc à croire que l'on procéderait plus sûrement et plus simplement par le quinzième que par le vingtième.

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M. Camus. Il me semble que la question se réduit à ceci Commencera-t-on par imposer au vingtième ou à tout autre taux? Je soutiens que la contribution ne doit pas être assise d'abord audessus du vingtième. Le comité a adopté ce taux en connaissance de cause; s'il s'est trompé, on sera toujours à temps d'augmenter. Mais il ne faut pas commencer par effrayer le peuple...

Un membre: Il ne faut pas le tromper !

M. Camus... avant d'augmenter le taux, il faut avoir la preuve de son insufiisance. Cependant, pour tranquilliser les adversaires, on peut insérer dans l'article ces mots : « sauf à augmenter en cas d'insuffisance. >

M. Defermon. Il ne faut pas croire que nous ayons agi en aveugles. Nous connaissons les loyers des principales villes du royaume. Observez que les fonctionnaires publics, payant le vingtième de leur traitement, payent sur leur industrie, à la différence des capitalistes. Enfin, je vous déclare que si vous adoptez un taux plus considérable, vous n'avez point de cote d'habitation dans les villes, car tout le monde cachera le prix de son loyer. Pour obtenir la connaissance des revenus mobiliers du royaume, commencez par les imposer modérément, sinon elle vous échappera. D'après toutes ces considérations, je demande la question préalable sur l'amendement de M. de Folleville.

M. de Crillon le jeune. Il est une raison plus sensible encore, c'est que si l'on force la cote d'habitation, il est évident que les loyers diminueront et vous perdrez d'un côté ce que vous voulez gagner de l'autre. Vous empêcherez de bâtir. En un mot, ce ne peut être qu'au détriment du Trésor national que l'amendement de M. de Folleville sera adopté.

(La discussion est fermée une seconde fois et la priorité accordée à l'avis du comité, mais à une faible majorité.)

M. d'André. La difficulté véritable est de savoir comment se fera le remplacement, en cas que le produit du vingtième ne suffise pas:

[Assemblée nationale.]

ARCHIVES PARLEMENTAIRES.

sera-ce sur la cote d'habitation ou sur les revenus mobiliers? Je suis du dernier avis, parce que le produit n'étant trop faible que parce qu'on les a ménagés, c'est à eux d'y suppléer, de même qu'ils profiteraient de l'excédant s'il y en avait. Il faut donc ajouter ces mots : « sauf à augmenter sur les revenus mobiliers. »

M. Defermon. Cet amendement est inadmissible, car vous avez décrété précédemment qu'en cas d'insuffisance, ce serait la cote d'habitation qui serait augmentée la première.

M. d'André. Puisqu'il y a un décret contraire, je retire mon amendement; mais j'ajoute que celui de M. de Folleviile devient alors indispensable, pour éviter une injustice: ou bien il faut rapporter un décret qui n'est que réglementaire et qui n'est pas encore sanctionne, et il faut déclarer que l'imposition qui se trouvera trop faible sera répétée sur la même cote.

M. Defermon. Cela n'est pas possible. En effet, je suppose qu'une municipalité ait à répartir 200 livres sur ses revenus mobiliers et qu'elle n'ait que deux ou trois de ses habitants qui soient susceptibles de cette imposition, les autres étant tous propriétaires; il faudra donc qu'elle taxe nécessairement à 100 livres chacun de ces deux imposables, sans pouvoir les soulager en se rejetant sur une autre cote.

Plusieurs membres demandent l'ajournement.
L'ajournement est mis aux voix et prononcé.

M. le Président lève la séance à trois heures et demie.

ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
DU 9 DÉCEMBRE 1790.

OBSERVATIONS DES DÉPUTÉS DE LA VILLE DE PARIS sur la contribution personnelle et sur la manière de répartir et d'asseoir cette contribution.

Le comité d'imposition a présenté à l'Assemblée nationale deux espèces d'impositions directes; une contribution foncière et une contribution personnelle. Cette vue est la conséquence du principe que toutes les facultés du citoyen doivent contribuer aux dépenses de l'Etat: on ne peut donc qu'approuver le plan général de cette disposition.

Mais en même temps qu'on reconnait la nécessité d'une contribution personnelle, comme celle d'une contribution foncière, il est impossible de ne pas apercevoir la difficulté qu'il y a d'asseoir la contribution personnelle d'une manière juste, égale, éloignée de tout arbitraire. On se dissimulerait en vain cette difficulté, elle ne subsisterait pas moins: il faut la connaître, l'envisager et la vaincre; c'est le seul moyen de rendre l'imposition juste et il n'y a qu'une imposition juste dont le recouvrement soit assuré. Le comité des impositions avait présenté un plan d'imposition et de répartition; quelques articles forment la base de l'imposition; des tarifs donnaient l'état

de la répartition: l'Assemblée a décrété une
partie des articles qui composaient la base de
l'imposition; elle ne s'est pas encore expliquée
sur les autres. A l'égard des tarifs, le comité a
reconnu leur imperfection; il les a abandonnés.

Le plan du comité des impositions a fait naitre
des inquiétudes dans la capitale sur l'excès des
sommes que la plupart des citoyens auraient eu
à payer, et sur l'inégalité effective des contribu-
tions qu'on annonçait néanmoins vouloir répartir
avec l'égalité la plus parfaite.

Les déclarations réitérées par les membres du comité de l'imposition, qu'il ne faut point attaquer leurs tarifs, parce qu'ils ne subsistent plus, doivent être un premier motif d'assurance pour les habitants de Paris contre une forme désastreuse de répartition, présentée par des personnes dont les intentions sont extrêmement pures, mais qui, malheureusement, n'étaient pas à portée de connaitre le mécanisme et la pratique, si l'on peut employer ces expressions, des loyers de Paris; elles s'étaient attachées à une théorie abstraite dans une matière ou toute théorie, qui n'est pas calculée d'après l'expérience et les faits, est fausse.

Les citoyens de Paris rendront d'ailleurs assez de justice à ceux qu'ils ont honorés de leur confiance, en les députant à l'Assemblée nationale, pour être persuadés qu'ils ne cesseront d'éclairer l'Assemblée sur les faits dont la connaissance doit régler les décisions relatives à Paris. Is ont dû être instruits que les articles présentés comme base de la contribution personnelle avaient été modifiés en plusieurs parties singulièrement, ea ce qui regarde la manière de taxer les commerçants et les ouvriers; et, sans doute, ils apprendront avec satisfaction, que les observations présentées en ce moment à l'Assemblée nationale, sont le résultat d'un très grand nombre de conférences que les députés de Paris ont eues, tant entre eux qu'avec le comité des impositions, les commissaires de la municipalité, le directeur et quelques receveurs des impositions de la ville.

Mais ce qui doit, par-dessus tout, rassurer nos concitoyens, c'est la volonté connue et constante de l'Assemblée nationale de rendre justice à tous ceux du sort desquels le vœu commun de la nation l'a rendue l'arbitre. Les habitants de Paris sont chaque jour témoins de l'attention avec laquelle l'Assemblée discute les grandes questions qui lui sont présentées; ils ont fréquemment admiré la sagacité de ce grand corps, la délicatesse du tact avec lequel il discerne le point précis des questions, la franchise avec laquelle il revient, dès qu'on l'éclaire, sur les premières idées qu'un aperçu trompeur lui avait fait concevoir, entia l'impartialité constante de ses dé

cisions.

Mettons donc avec confiance, sous les yeux de l'Assemblée nationale les détails qu'il est indispensable qu'elle connaisse sur l'état de Paris quant à la masse de la contribution personnelle possible perception. La nécessité d'une contribution perà percevoir, et quant au mode d'en assurer la sonnelle est reconnue, cette contribution doit être de tout ce que les besoins publics exigent; mais elle ne saurait être de ce que les citoyens n'out pas; il faut donc en fixer la masse possible avant de s'occuper de la répartir, et quant à la répartion, il faut étudier sa forme afin de la faire porter sur ceux qui peuvent la payer, et non sur ceux qui ne seraient pas en état d'y satisfaire: Les dangers d'une erreur et d'un faux calcul en cette matière ne frapperaient pas seulement sur

les particuliers; les individus seraient exposés à des poursuites; mais après tout, que peut-on redouter des poursuites, lorsqu'on n'est pas plus en état de payer les frais que le capital? Les conséquences seraient funestès à la nation entière parce qu'elle aurait compté sur des rentrées absolument nulles, faute de fonds pour les produire.

Une grande ville dans le sein de laquelle toutes les sommes recueillies par des taxes arbitraires et par des déprédations immenses venaient se répandre pour être aussitôt dissipées dans un tourbillon d'affaires, de fêtes, de plaisirs, devait présenter au royaume le spectacle de l'opulence, comme elle lui présentait celui du faste et d'un luxe immodéré.

Paris avait alors de grandes richesses dans le prix de ses maisons, de ses appartements, de ses que

citoyens même, par l'effet de la concurrence des étrangers, payaient chèrement. Il en avait encore dans le produit des taxes établies sur une grande inasse de consommations. La rapidité de la circulation du numéraire, le passage continuel des fonds d'une main dans une autre lui donnaient d'ailleurs des richesses apparentes parce qu'un grand mouvement de l'argent le multiplie en quelque sorte aux yeux des spectateurs: Paris était riche, et l'on devait porter ses richesses au delà de la réalité.

La capitale de la France aura toujours une grandeur réelle mais cette bouffissure, cet excès d'embonpoint provenant du mauvais régime qui existait alors, est déjà tombé. Les citoyens de Paris ne regrettent pas des abus qu'ils ont été ardents à dénoncer, sévères à proscrire; mais ils n'ignoraient pas, lorsqu'ils développaient l'étendard de la liberté, lorsqu'ils réclamaient l'égalité entre tous les membres de la nation, que chez un peuple libre la frugalité est une vertù nécessaire; qu'entre égaux le luxe est difficile et rare. Paris, constamment plus peuplé que les autres villes du royaume, Paris qui jouira, en sa qualité même de capitale, d'une part plus abondante des fruits de la liberté, aura toujours des secours considérables à donner à la nation : Les richesses seront plus stables qu'elles n'étaient; mais elles seront moins aboudantes.

Nous connaissons l'état ancien de Paris, nous sommes assurés de son état à venir, mais le moment du passage de l'un de ces états à l'autre doit fixer l'attention quelques instants. C'est de l'imposition de l'année 1791 qu'il s'agit particulièrement. C'est donc l'état de Paris en 1791, qu'on doit particulièrement considérer. Les ennemis de la Révolution doivent abhorrer une ville qui l'a soutenue constamment de tout son pouvoir : ils l'ont fuit. De vaines terreurs ont éloigné de ses murs des personnes pusillanimes. La réforme des abus a tari les sources qui apportaient dans Paris l'or de tout le royaume : Paris subsistera grand et florissant; mais en ce moment il souffre par l'effet des pertes subites et graudes que les fruits de la liberté ne remplacent pas encore.

La ville de Paris payait sa part des charges publiques en trois articles principaux: vingtièmes, capitations, droits sur les consommations, lesquels s'aquittaient aux entrées de la ville. On y payait, en outre, sa part de la gabelle, des droits sur les fers, les cuirs, les huiles, etc.

La contribution pour les vingtièmes, y compris les 4 sols pour livre, du premier vingtième, montait au plus à cinq millions; la capitation, environ trois millions; les droits d'entrée à vingt

huit millions, la part dans la gabelle et autres droits qui viennent d'être nommés sera forcée si on l'évalue à deux millions.

Le total de ce produit est de trente-huit millions.

Mais le total de ce produit doit aujourd'hui souffrir, en le considérant en lui-même, plusieurs réductions.

1o Le Trésor public payait alors à la décharge de la ville de Paris, pour les boues, lanternes et pompiers, 1,180,000 livres; pour diverses dépenses connues sous le nom de dépenses de la police, 1,554,000 livres; pour le pavé, 827,420 livres; pour le travail des carrières, 400,000 livres; pour les travaux de charité, 600,000 livres; pour les approvisionnements des grains, 3,000,000 livres; pour la garde de Paris, 750,000 livres; et encore accordait-on fréquemment à la ville de Paris des secours importants pour toutes les dépenses extraordinaires que ses besoins ou ses embellissements sollicitaient. Ces différents articles forment un total de 8,250,000 livres. Il ne faut donc pas calculer sur un versement de trente-huit millions au Trésor royal, puisque ce même Trésor fournissant 8,250,000 livres aux dépenses de la ville, le produit réel de la taxe qui profitait à tout le royaume était de 29,750,000 livres seulement.

2o Les entrées de Paris étaient portées à une somme excessive: on sait qu'une bouteille du vin le plus médiocre paye près de 5 sous d'entrée. Les motifs d'une imposition aussi forcée étaient que la ville de Paris ne payait pas les mêmes impositions que les campagnes; taille, industrie, ustensiles de guerre, remplacement de corvées, etc. Mais aujourd'hui, toute différence cessant à cet égard, il serait injuste de faire payer à la ville de Paris des entrées calculées sur un pied plus fort que celles des autres villes. La masse des entrées de Paris sera plus forte que celle des autres villes, parce qu'il y sera importé une plus grande quantité d'objets assujettis aux droits d'entrée; mais le droit d'entrée que chaque objet, pris individuellement, doit acquitter au Trésor public, ne saurait être fixé à Paris sur un pied différent de celui des autres villes du royaume ce serait contrevenir aux décrets constitutionnels qui établissent l'égalité entre les contribuables.

De ces réflexions, il résulte une première conséquence, savoir, que la ville de Paris payerait effectivement plus au Trésor public qu'elle n'y payait précédemment, si on l'obligeait à continuer d'y verser les mêmes sommes. Elle ne les y versait alors que sous la condition d'une sorte de retour, à raison de ce que des dépenses considérables de la ville étaient acquittées par le Trésor public, dépenses laissées aujourd'hui à la charge de la municipalité.

Mais cette conséquence n'est pas la seule à déduire de ce qui a été dit: Il faut aller plus loin; c'est une nécessité indispensable de diminuer considérablement les impositions de Paris: La masse imposable n'est plus la même parce que ses facultés ont éprouvé des retranchements de tout genre.

L'imposition foncière de Paris ou les deux vingtièmes avec les 4 sols pour livre qu'on y payait, annonçait une masse imposable, ou un montant de loyers de 48,000,000 livres, y compris le quinzième qu'on déduisait sur les maisons pour les réparations, auxquelles elles sont sujettes. Il est à remarquer que, d'après les articles décrétés

par l'Assemblée pour base des impositions, savoir que les loyers servent par leur évaluation à déterminer les diverses parties de la contribution personnelle, les loyers de Paris forment sous leurs divers rapports, la masse imposable pour la contribution foncière, et la base de la masse imposable pour la contribution personnelle d'où il suit que l'augmentation ou la diminution de ces loyers produit nécessairement le même effet tant sur la contribution foncière que sur la contribution personnelle.

Dans l'état actuel des choses, les loyers de Paris ont considérablement diminué. Il suffit de parcourir les rues de la ville pour se convaincre qu'il y a du sixième au huitième des maisons et appartements de la capitale à louer. Les offres pour ces maisons et appartements sont inférieures de beaucoup au prix ancien de leur location; et à l'égard des appartements qui étaient loués, de ceux même qui l'étaient par bail, beaucoup de propriétaires ont été forcés de consentir à une diminution au protit de leurs locataires. Plusieurs y ont été déterminés par des vues de justice et d'humanité, d'autres, y ont été contraints par l'appréhension trop fondée que l'impossibilité absolue de payer un loyer devenu trop cher, ne fit déserter les maisons ou les appartements. Beaucoup de demandes en diminution de loyers ont été rapportées par la municipalité de Paris, aux comités ecclésiastique et d'aliénation, pour les biens qu'elle administre. On se plaignait notamment de l'excès des loyers dans les lieux ci-devant privilégiés, qui dispensaient les ouvriers de la maîtrise; et les deux comités ont été d'avis d'autoriser une diminution du quart.

Les loyers évalués à 48,000,000 livres sont donc calculés sur le pied où ils étaient en 1787 et 1788. Dès 1789 ils avaient éprouvé une diminution; ellea d'abord été moins sensible par l'effet de l'imposition établie dans cette année même sur plusieurs bâtiments possédés ou occupés par des cidevant privilégiés. D'ailleurs, la diminution était moins considérable à cette époque, parce que les engagements contractés entre locataires et les propriétaires ne pouvant pas être anéantis subitement, les maisons n'out pas été abandonnées sur-le-champ; et l'eussent-elles été, le vingtièine n'en aurait pas moins été dû, puisqu'il existait des locations.

C'est en 1790 que l'état des locations a commencé d'éprouver de grands changements; c'est actuellement qu'un grand nombre de maisons sont vides et non louees. La diminution doit être évaluée du sixième au huitième et il eu résultera que les loyers formeront une masse de 40 à 42 millions, sur laquelle il faudra déduire le quart, aux termes des décrets, pour obtenir le revenu net susceptible de la contribution foncière, revenu qui se trouve alors de 30 à 31 millions; et telle est la masse impossable pour la contribution foncière.

La masse entière de 40 à 42 millions peut-elle être regardée comme la base de la masse imposable de la contribution personnelle, quant aux parties qui s'évaluent d'après les loyers; de manière qu'en prenant par exemple, et par une règle commune, le décuple des loyers, les facultés mobiliaires susceptibles d'imposition dans Paris monteraient à 420,000,000 livres?

Cette supposition est absolument inadmisible d'abord, parce que dans les grandes villes en général, dans Paris en particulier, les loyers ne sont pas dans une exacte proportion avec les fortunes.

On peut distinguer relativement à l'habitation, trois espèces de lieux différents: les campagnes, dans lesquelles vous comprenons les petites villes, où il n'est pas possible d'établir de prix de location, parce qu'il est excessivement rare d'y habiter ailleurs que dans sa propriété; les villes de second ordre où l'on ne peut se retirer dans des maisons qu'on prend à loyer; on les prend à raison de sa fortune, parce qu'on n'y est pas attiré pas des affaires qui exigent absolument qu'on y demeure, qu'on y ait de grands appartements; et les loyers n'y sont pas fort chers, parce qu'il n'y a pas une grande concurrence de personnes pour les occuper. Enfin, il y a les villes du premier ordre où plusieurs personnes viennent habiter dans l'intention d'y jouir des commodités que leur fortune les met en état de se procurer, mais où un très grand nombre des habitants se loge à raison de ses affaires, à raison de ce que son travail lui fera gagner, plutôt à raison de ce qu'il a déjà gagné; à l'égard de ces personnes, le prix de logement est une partie des avances qu'on sacrifie pour les faire fructifier, plutôt qu'une dépense sur ce que l'on a épargné.

Ce serait une règle extrêmement fautive de calculer, dans de telles villes, les revenus des habitants sur une règle commune qui les arbitrerait à dix fois la valeur du loyer; ce serait encore beaucoup de les supposer, l'un portant l'autre, à six fois la valeur du loyer, et, dans cette supposition, la masse entière des revenus des habitants de Paris se porterait à 246,000,000 li

vres.

Et le point important sur lequel on ne doit pas se faire illusion, est que cette somme de revenus ne représente pas uniquement des revenus mobiliaires. Lorsqu'on dit qu'une masse de loyers de 41 millions suppose 246,000,000 de revenus, cela doit s'entendre de revenus quelconques, mobiliers et fonciers. L'observation est d'autant plus importante, d'après les décrets de l'Assemblée et les déductions qu'elle a ordonnées, le possesseur d'un reveau quelconque, qui a payé pour ce revenu dans la contribution foncière ne doit pas contribuer, pour raison du même revenu, dans la contribution personnelle. On voit donc que si l'on se permettait de prendre pour masse imposable de la contribution personnelle dans Paris, un revenu de 246,000,000 livres, présumé d'après les loyers, on tomberait dans une erreur grave, en ce que l'on comprendrait, dans la masse imposable à la contribution personnelle, des revenus qui n'y fourniront rien, parce qu'ils ont payé tout ce qu'ils devaient à la contribution foncière.

Il s'agit maintenant de savoir de quelle quantité l'on devra diminuer la masse de 246,000,000 livres pour en soustraire les revenus qui se trouvent taxés à la contribution foucière. On ne peut présenter sur ce point que des aperçus jusqu'à ce que l'expérience ait fait connaître les réductions effectives qu'il faudra consentir pour le reversement de la contribution foncière sur la contribution personnelle. Mais il paraît, d'après beaucoup de calculs, qu'on ne saurait estimer beaucoup au-dessous de 150 millions la somme des revenus des habitants de Paris, qui consisteut en produit de fonds. La presque totalité du revenu foncier que produisent les maisons de Paris appartient à des habitants de la ville; la plupart de ceux qui occupent les grandes maisons qu'ou nomme hotels sont propriétaires de terres et de domaines; beaucoup de créanciers de l'Etat habi

taient Paris, et les acquisitions qu'ils vont faire des biens nationaux augmenteront les revenus fonciers des habitants de la ville; il ne reste par conséquent une masse imposable en revenus de facultés mobiliaires que de la somme de 96,000,000 de livres.

Mais, il reste à examiner encore, si, dans la situation actuelle, on peut imposer la ville de Paris sur le pied de cette masse imposable entière. Nous ne dissimulerons pas que la ville de Paris partage avec une grande partie du royaume l'affranchissement de la gabelle, des droits sur les cuirs et autres semblables; mais la ville de Paris n'a plus cette abondance de numéraire que lui apportaient de toutes les provinces les abbés commandataires, les bénéficiers non résidants, les gouverneurs de provinces et de places qui ne résidaient pas non plus, les attachés à la cour, les pensionnaires, les financiers de tous ordres, le nombre infini de personnes qu'entretenaient des tribunaux de toute espèce, et le ressort d'un parlement qui embrassait à peu près la moitié du royaume. Ces dépenses alimentaient le commerce, donnaient l'activité à l'industrie; elles donnaient lieu à une grande circulation d'espèces, qui, dans leur cours rapide et pour ainsi dire, par la déperdition insensible de leur frottement, remplissait les coffres publics.

Un fait bien important confirme les calculs qui viennent d'ètre présentés. L'imposition personnelle de l'année 1790, pour la ville de Paris, a eu pour base le prix des loyers. Le taux commun, combiné sur l'ancienne matière imposable de quarante-huit millious, avait paru présenter un résultat de trois millions, toute déduction faite des décharges et modérations; mais la diminution considérable de l'industrie et des revenus mobiliers de Paris réduit le montant net de deux millions. Or, le taux commun étant du quinzième au seizième, l'un portant l'autre, du prix des loyers, il en résulte une nouvelle preuve que la matière imposable actuelle pour la contribution foncière, ne pourra guère excéder trente à trenteet-un millions.

Les dépenses nécessaires de Paris se sont accrues dans le même temps où ses revenus diminuaient, et où les facilités de payer s'anéantissaient. Mille événements, inséparables de la Révolution, ont occasionné des dépenses subites inopinées dont les traces subsisteront pendant un long temps. Des causes de dépenses nouvelles ont existé: Paris n'avait pas une garde nationale nombreuse à solder en partie, à armer presque en totalité. La police de Paris n'était pas couteuse alors, la vue des châteaux de Vincennes, de la Bastille et de Bicêtre, et, la petite armée d'inspecteurs et d'espions, toujours prêts à y conduire les citoyens à l'aide de lettres de cachet, suppléaient à des gardes nombreuses. Les états, qui ont été fournis par la municipalité, portent sa dépense, dans l'avenir, bien au-dessus de ce qu'elle etait dans le passé, et il faudra des fonds pour ces dépenses, eu même temps qu'il en faudra pour les contributions publiques. Les citoyens de Paris seraient accablés, si l'Assemblée nationale ne prenait pas leur position actuelle, leur position de 1791 en consideration. Ce n'est pas sur des richesses passées, sur une antique opulence qu'on peut asseoir des contributions. Paris en a fourni de très fortes; il pourra en fournir de semblables à l'avenir, mais le moment actuel est pour lui un temps d'espérance, plutôt que de jouissance. Dès l'année 1791, les campagnes vont jouir de l'abolition de la dime: le cultivateur n'est plus sujet

à la corvée; l'habitant des grandes terres est exempt de toutes les servitudes personnelles qui gênaient ses travaux : le parisien a perdu l'aisance que lui donnaient les abus d'un mauvais régime. Il ne regrette pas cette aisance, dès que les abus sont proscrits: il en demanderait encore la proscription, dût-elle entraîner pour lui de plus grands sacrifices; mais il lui est permis sans doute de rendre compte de sa position à ses frères réunis de toutes les parties de la France, pour connaître l'état de chacune des parties du royaume il expose ses pertes, il n'en est pas attristé.

La décision que l'Assemblée nationale prononcera sur la somme de la contribution personnelle qu'elle exigera de Paris, est un préliminaire indispensable pour arrêter un plan de tarif capable de fournir cette contribution. Messieurs du comité de l'imposition l'ont sans doute reconnu euxmêmes, lorsqu'ils ont annoncé, qu'ils ne s'occuperont plus du tarif qu'ils avaient présenté pour la ville de Paris. En effet, les fortunes sont si mobiles dans cette grande ville; les quartiers diffèrent tellement les uns des autres, pour la valeur des loyers, pour la classe des personnes qui les occupent, pour les professions auxquelles elles se livrent, pour la nature des gains qu'elles se promettent, qu'il est très difficile d'établir un tarif sur une base commune, et physiquement impossible de présenter un tarif équitable, si l'on n'a aucune connaissance de la somme à laquelle il faudra arriver.

Nous ne pouvons donc présenter, en ce moment, que quelques vues générales sur les bases du tarif qui sera nécessaire.

Le tarif proposé par Messieurs du comité d'imposition portait sur deux objets : ce qu'ils ont appelé la taxe d'habitation qui était une quotepart de loyer, et ce qu'ils ont appelé la contribution des facultés mobiliaires, présumées d'après le logis; contribution qu'ils établissaient en multipliant un certain nombre de fois la taxe d'habitation.

Il paraît d'abord sujet à beaucoup d'inconvénients d'établir la contribution des facultés mobiliaires absolument sur le pied de la taxe d'habitation. Toute personne qui paye un loyer, a certainement une faculté quelconque, celle qui le met en état de payer son loyer; ce principe était la base de la capitation qu'on payait à Paris. La somme payée pour le loyer peut se graduer par une échelle suivie depuis la taxe la plus modique jusqu'à la taxe la plus forte, parce qu'il est évident, lorsqu'on ne considère que la taxe relative au loyer doit prélever sur cette dépense plus forte une somme plus forte pour les dépenses de l'Etat.

Cette base uniforme disparaît et la régularité des calculs s'évanouit lorsque, ne procédant plus d'après un fait reconnu ou prouvé, le fait du paiement actuel de tant pour le loyer, on veut lever une imposition sur les facultés présumées d'après le loyer. Toute présomption a nécessairement beaucoup de vague et d'incertitude; mais elle en a bien plus encore, lorsqu'elle porte sur une chose aussi mobile que la valeur des loyers. Il serait donc convenable de séparer entièrement le tarif de la taxe d'habitation, du tarif de la contribution foncière il est impossible que tous deux soient gradués sur la même échelle.

Le comité des impositions a proposé et l'Assemblée nationale a ordonné qu'il serait fait un reversement de la contribution foncière sur la contribution personnelle, de manière que le ci

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