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M. Ramel-Nogaret. Je propose, par amendement, que la taxe personnelle soit faite dans le lieu où l'on exercera les droits de citoyen actif. A l'égard de ceux qui ont plusieurs habitations, la totalité des loyers sera prise en considération dans la municipalité où la taxe personnelle sera faite.

M. Camus propose la question préalable qui est prononcée sur l'amendement.

(L'article 5 passe dans les termes proposés par le comité et avec une addition consentie par le rapporteur.)

M. Dauchy, rapporteur, donne lecture de l'article 6.

Divers membres présentent des amendements.

M. de Folleville. Comment l'imposition foncière de 1790 sera-t-elle évaluée ? Comprendrat-on la taille réelle, la taille accessoire, le vingtième ?

M. Dedeley. Il est impossible que vous preniez une base qui n'ait point d'inconvénients. En fait de déduction, une évaluation trop forte n'est point à craindre pour les contribuables. La base la plus généralement connue, et par conséquent la plus facile pour ces déductions annuelles, est l'imposition de l'année précédente.

M. Dauchy. Faites bien attention que ce n'est point la contribution foncière de 1790 qui sera déduite sur la contribution personnelle des propriétaires fonciers; mais c'est leur revenu foncier qui sera pris en compensation, et déduit du montant de leur revenu présumé d'après leur loyer. Or, il est facile de connaître par approximation les revenus fonciers de 1790.

M. de Folleville. Je demande que les rôles de la contribution mobilière soient retardés jusqu'à la formation des rôles de la contribution foncière.

M. Ramel-Nogaret. La dernière observation de M. Dauchy est infiniment juste; car chaque municipalité pourra savoir quel était en 1790 le rapport de la contribution foncière avec les revenus fonciers.

M. Martineau. Je demande que chaque propriétaire foncier fasse, lors de la formation des rôles de contribution mobilière de 1791, la déclaration de son revenu foncier; et, pour qu'il n'y ait point de fraude, je vous propose de décréter qu'il sera imposé au moins sur le pied du revenu qu'il aura ainsi déclaré. De cette manière, le contribuable se trouvera dans l'alternative, ou d'être trop imposé sur le rôle de l'imposition

foncière, s'il fait une déclaration trop forte, ou de ne point jouir, sur le rôle de la contribution mobilière, de la déduction à laquelle il doit s'attendre, s'il lui arrive de faire une déclaration trop faible.

M. Dauchy. Il serait du plus grand danger de retarder la confection des rôles de contribution mobilière. Les revenus fonciers seront déduits du montant présumé par les loyers; il suffit donc de connaître ces revenus fonciers d'après les rapports qui existaient l'année dernière entre les contributions foncières connues et les revenus. Il suffit qu'un contribuable dise: Je payais tant de taille, tant de vingtième; donc mon revenu est de tant.

M. Legrand. Je demande qu'au lieu d'évaluer les revenus fonciers d'après les impositions foncières de 1790, on les évalue d'après les bases de la contribution foncière de 1791. Dans les pays de taille mixte, l'évaluation proposée par le comité est impossible. Cette subvention continuelle des cotes, cette anxiété, cette inquiétude qu'une évaluation incertaine et fautive met dans l'esprit des contribuables, sont très dangereuses. Il faut rejeter toute base fautive, pour n'employer que des évaluations fixes et invariables. Je ne vois point de grands inconvénients dans le retard d'un trimestre de la contribution mobilière.

M. Lanjuinais. La première évaluation des revenus fonciers sera elle-même fautive et incertaine.

M. Dauchy. Pour exécuter l'amendement du préopinant, il faudrait que les municipalités ne fissent, au commencement de 1791, que le rôle de la contributiou des domestiques, des chevaux, etc., et qu'elles fissent trois mois après un second rôle pour la contribution du loyer; cette marche occasionnerait des frais aux municipalités, sans aucun profit pour le Trésor public. S'il se glisse quelques erreurs dans les rôles de la contribution mobilière de l'année prochaine, elles seront faciles à réparer; mais si l'assiette en est retardée, tout le système de la contribution manquera.

M. d'André. Vous avez décrété que tout le monde payerait une cote d'habitation; que les propriétaires pourront compenser leur contribution mobilière par la déduction de leurs revenus fonciers sur le montant de leur revenu, présumé d'après les loyers, en sorte que celui qui n'aura d'autre richesse que des revenus fonciers ne sera point imposé au rôle de la contribution mobilière. Comment est-il possible de parvenir à cette compensation? Tel est l'objet de la difficulté. On a dit qu'il était injuste de prendre pour l'évaluation des revenus fonciers la contribution foncière de 1790. Je réponds qu'il est impossible d'adopter un système qui n'ait point d'inconvénients. L'amendement de M. Legrand me paraît avoir des inconvénients bien autrement graves que le mode d'évaluation proposé par le comité. Si la contribution foncière était longtemps à s'établir vous ne retireriez rien de la contribution mobilière de 1791. Vous devez avoir dans vos rôles de contribution mobilière cinq colonnes, savoir le vingtième du revenu, présumé d'après le loyer; la contribution de citoyen actif; la taxe des domestiques, des chevaux, etc.; la contribution foncière; la cote d'habitation: cette dernière servira de supplément à la contribution mobilière,

et ne pourra être augmentée par un reversement qu'après que le produit de la contribution mobilière sera connu. Votre imposition sera donc de nulle valeur si vous retardez la confection des rôles jusqu'à ce que ceux de la contribution foncière soient terminés.... J'ai entendu des députés d'Auvergne vous dire qu'ils payaient autrefois une imposition trop forte, et qu'on ne peut plus se servír de ces anciennes évaluations. Le comité vous propose de prendre ces évaluations pour base des déductions qui seront faites en faveur des contribuables; il soulage donc ceux qui étaient autrefois le plus surchargés.... Vous ne devez jamais perdre de vue l'ensemble des bases de votre comité; il vous propose une cinquième colonne dans les rôles, qui doit servir de supplément à toutes les autres contributions; il faut donc commencer par établir toutes les contributions. Je vous répète que, si les rôles de l'imposition mobilière sont retardés, que si cette imposition n'est pas payée en 1791, le produit en est perdu pour vous. (On applaudit.)

(Les amendements de MM. de Folleville, Legrand et Martineau sont rejetés par la question préalable; l'article 6 est adopté sous une nouvelle rédaction proposée par M. Dauchy.)

M. Dionis propose de soumettre à l'imposition les particuliers qui habitent les hôtels garnis, les propriétaires de ces hôtels et les locataires principaux qui sous-louent une partie de leur location.

(Cette motion est renvoyée au comité.)

M. Dauchy présente une nouvelle rédaction de l'article 7.

Cet article est adopté sans discussion, ainsi que l'article 8.

Suit la teneur des articles décrétés :

Art. 3.

La partie de la contribution qui formera la cote d'habitation sera du 300° du revenu présumé, suivant les dispositions précédentes.

Art. 4.

« Les manouvriers et artisans seront cotisés à deux classes au-dessous de celle où leur loyer les aurait placés; et lorsqu'ils seront dans la dernière classe, leur cote sera réduite à moitié de celle que leur loyer établirait.

Il en sera de même des marchands qui auront des boutiques ouvertes, et vendant habituellement en détail, et des commis et employés à appointements fixes dans différents bureaux, ou chez des banquiers, négociants, etc., pourvu que leur loyer n'excède pas, savoir pour Paris, 1,200 livres, 800 livres dans les villes de soixante mille âmes, 500 livres dans les villes de trente à soixante mille âmes, 400 livres dans celles de vingt à trente mille âmes, 200 livres dans celles de dix à vingt mille âmes.

Au moyen de ces réductions, les uns et les autres ne pourront réclamer celles accordées par les décrets pour les pères de famille.

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quera celle dans laquelle il doit être taxé, et justifiera dans les six mois l'avoir été. Si, au surplus, il a des domestiques et des chevaux dans différentes habitations, chaque municipalité taxera dans son rôle ceux qui séjourneront habituellement dans son territoire.

Art. 6.

«En 1791, la déduction à raison du revenu foncier, qui doit être accordée sur la cote de facultés mobiliaires, sera évaluée d'après la contribution foncière qui aura été payée en 1790; et quant aux parties du royaume qui n'étaient pas taxées aux contributions foncières, on recevra la déclaration des propriétaires, pourvu qu'ils l'aient communiquée à la municipalité de la situation des biens, et fait certifier par elle.

Art. 7.

«Tout citoyen qui, d'après les dispositions des précédents articles, sera dans le cas de demander une déduction sur la cote des facultés mobiliaires à raison de son revenu foncier, ou de se faire taxer dans une classe inférieure à celle où son loyer le placerait, sera tenu d'en justifier avant le 1er mars prochain pour 1791, et avant le 1er dé. cembre de chaque année pour les années sui

vantes.

Art. 8.

«Le percepteur sera tenu de compter dans les délais prescrits, soit en argent, soit en ordonnances de décharge et modération, soit enfin ea justifiant de l'insolvabilité des contribuables, dans la forme qui sera prescrite. »

Plusieurs membres demandent qu'on fixe le sort des officiers ministériels et que l'on tire les officiers pourvus de ces offices de l'incertitude dans laquelle ils se trouvent.

(L'Assemblée met à l'ordre du jour de demain le rapport sur ces offices.)

M. Froment, député de Langres, qui s'était absenté par congé, se présente et reprend sa place dans l'Assemblée.

M. le Président donne lecture de deux lettres du maire de Paris, qui informe l'Assemblée de la vente de biens nationaux, consistant en onze maisons, savoir :

Du 7:

Trois maisons situées rue Saint-Martin : La première, louée 1,850 liv., estimée 29,250 liv., adjugée 49,100 livres;

La seconde, louée 1,500 liv., estimée 36,250 liv., adjugée 61,000 livres;

Et la troisième, louée 1,800 livres, estimée 29,250 livres, adjugée 48,100 livres.

Du 9:

Cinq maisons situées :

La première, enclos du Prieuré Saint-Martin, louée 1,200 livres, estimée 11,480 livres, adjugée 19,000 livres;

La seconde, rue de la Bourbe, louée 1,400 livres, estimée 25,647 livres, adjugée 31,200 livres; La troisième, rue des Canettes, louée 1,600 livres, estimée 21,000 livres, adjugée 21,000 livres ; La quatrième, rue Maubuée, louée 600 livres, estimée 11,000 livres, adjugée 18,200 livres ; Et la cinquième, rue Serpente, louée 600 livres, estimée 8,750 livres, adjugée 18,200 livres.

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Et du 10:

Trois maisons situées :

La première, rue Dauphine, louée 1,300 livres, estimée 19,250 livres, adjugée 33,400 livres;

La seconde, quai de Conty, louée 6,531 livres, estimée 75,730 livres, adjugée 138,400 livres;

Et la troisième, rue Dauphine, louée 2,000 livres, estimée 27,000 livres, adjugée 51,000 livres.

M. le Président. L'ordre du jour est un rapport des comités des finances et de contribution sur l'organisation du Trésor public (1).

M. Lebrun, rapporteur du comité des finances, monte à la tribune et donne lecture du rapport. (La fatigue empêchant M. Lebrun de terminer la lecture commencée, il est remplacé par M. Le Couteulx, autre membre du comité des finances.)

RAPPORT ET PROJET DE DÉCRET

sur l'organisation du Trésor public.

Messieurs, vous avez ordonné à vos comités de Constitution et de finances de vous présenter un plan d'organisation du Trésor public.

Nous vous apportons leurs méditations communes sur un des objets les plus importants qui puissent appeler vos regards et notre sollicitude.

Sous un gouvernement simple, l'organisation du Trésor public ne serait soumise qu'aux combinaisons de l'ordre et aux calculs de l'économie.

Sous un gouvernement mixte, tel que l'ont formé vos décrets, cette organisation exige des considérations plus élevées, et doit être réglée encore par d'autres principes.

Sous l'un et sous l'autre, le mécanisme intérieur, le jeu des mouvements doivent être les mêmes, parce qu'il n'est qu'une seule méthode pour assurer l'activité dans la recette, la fidélité dans le dépôt, l'exactitude et la précision dans les versements, la simplicité, la clarté, la célérité dans les comptes.

Mais sous le premier gouvernement un seul pouvoir commande à tout, surveille tout, imprime à tout et le mouvement et la forme.

Sous le second, laction première, la surveillance première sont divisées; l'administration soumise à l'influence d'un double principe doit obéir à une double force et se mouvoir dans une direction composée.

Nous avons considéré d'abord l'organisation du Trésor public isolée de toute question constitutionnelle, comme nous eussions fait le Trésor d'un particulier dont la fortune approcherait de la fortune publique, qui aurait des revenus de nature différente à percevoir, des depenses de differente nature à faire, des interêts de dettes à payer, des capitaux à éteindre, un crédit précieux à ranimer ou à soutenir.

Un tel homme, Messieurs, s'il voulait avoir une administration éclairée et en écarter la confusion et les erreurs, un tel homme établirait un trésorier unique, une caisse unique où viendraient se réunir tous ses revenus.

A cette caisse unique il donnerait un ordonnateur unique qui presserait les recouvrements, qui combinerait la recette et la dépense, qui établirait la balance entre l'une et l'autre.

(1) Ce document n'a pas été inséré au Moniteur.

Il diviserait ses dépenses suivant leur nature, assignerait à chacune d'elles une somme déterminée, donnerait à chacune son payeur particulier, mais un payeur subordonné à l'ordonnateur unique et toujours présent à sa surveillance.

La caisse unique aurait ses journaux, où seraient enregistrées, par ordre de date, et la recette et la dépense.

Elle aurait ses livres à parties doubles, où chaque nature de recette, chaque nature de dépense aurait son compte ouvert par débit et par crédit.

Pour écarter et la possibilité et le soupçon des erreurs et des infidélités, chaque pièce de recette, chaque pièce de dépense serait visée et contrôlée par d'autres agens, par d'autres bureaux étrangers aux mouvements de la caisse.

Tous les jours l'état de la caisse, l'état de la recette et de la dépense seraient remis à l'ordonnateur; toutes les semaines, tous les mois, les journaux, les livres en parties doubles, seraient vérifiés et comparés avec les registres du contrôle.

Chaque payeur aurait et ses journaux et ses registres à parties doubles, et son contrôle, et sa comptabilité.

Chaque payeur remettrait chaque jour ses états de recette et de dépense, chaque semaine, chaque mois il serait soumis aux mêmes vérifications.

Enfin, année par année, on vérifierait et on balancerait le compte de chaque nature de revenu et de chaque nature de dépense; on comparerait la totalité de la dépense avec la totalité de la recette, pour constater ou pour rétablir l'équilibre entre l'une et l'autre.

De presque toutes ces opérations, Messieurs, vous en sentez et l'avantage et la nécessité; presque toutes sont d'un usage trivial, et ne sont que des moyens communs appliqués à un grand établissement.

J'ai dit que l'ordonnateur serait unique, unique le trésorier et la caisse, mais que les dépenses seraient divisées, qu'on assignerait à chacune d'elles et la somme particulière, et son payeur particulier.

t-il pas le payeur unique? Pourquoi séparer les Pourquoi, dira-t-on, le receveur unique ne seradépenses quand on réunit les revenus?

Le receveur unique ne sera point le payeur unique, parce qu'un seul homme ne peut pas suffire à tous les détails.

Il faut diviser et classer les dépenses, parce que qui confond des dépenses de natures différentes, ne peut jamais y porter une sévère économie.

On ne pourrait qu'avec effort séparer ce qui est nécessaire de ce qui est inutile; et dans une vaste administration, tout ce qui peut ne se faire qu'avec effort, ne se fait presque jamais; un commencement de désordre appelle d'autres désordres, et les abus s'entassent sur les abus; l'œil se trouble et s'égare quand il y a tant d'objets différents à saisir et tant d'objets différents à juger.

Ne comptons jamais en administration que sur la force commune des hommes, sur la mesure commune de l'esprit, sur la mesure commune de l'application, sur la mesure commune de la probité.

Ce fut toujours en divisant les recettes, en affectant directement les revenus divers à diverses natures de dépenses, qu'on introduisit dans la finance le gaspillage et les déprédations.

Ainsi avant Sully, toutes les recettes particu

lières étaient dispersées, et sans l'intervention du Trésor public, elles allaient s'appliquer aux différentes natures de dépenses.

De là point d'unité, par conséquent point d'ordre dans l'administration; de là la stagnation des fonds dans les caisses de ces trésoriers et de ces payeurs disséminés sur tout le territoire de la France; de là enfin l'insouciance et l'abandon du gouvernement, et le brigandage des subal

ternes.

Le plus grand service peut-être que Sully rendit à son roi et à la patrie, ce fut celui de se rappeler ces sources éparses dans le réservoir commun, pour les répandre ensuite par des canaux fidèles dans toutes les parties où le besoin et l'intérêt public en ordonnaient la distribution.

Colbert, et quelques autres ministres après lui, ont marché sur ses traces, et l'abandon de leurs principes a toujours été le signal du désordre et des abus.

On a réclamé une exception en faveur de la dette publique; on a dit que dans la position actuelle de l'Europe, dans la position particulière de la France, c'était le crédit qui était l'âme véritable d'une nation; qu'il ne pouvait exister de crédit si la dette publique n'était inviolable et dans ses capitaux, et dans ses intérêts; qu'il fallait donc assigner à la dette publique un gage que rien ne pût lui ravir, qu'il lui fallait par conséquent un revenu propre, une caisse particulière, des administrateurs et une administration indépendante de toutes les autres administrations.

Ceux qui ont hasardé cette idée se reportent encore à ce temps où la France n'avait qu'un maître, et point de lois que les volontés du maître; où le maître n'avait que des ministres asservis aux caprices et aux prodigalités de la cour.

Sans doute alors s'il eût été possible de donner à la dette publique un gage que le pouvoir des ministres n'eût pas pu atteindre, de lui créer une caisse dont ils n'eussent pu approcher, sans doute alors le crédit de la France eût été inaltérable.

Mais un gage inviolable, une caisse inaccessible au pouvoir souverain, sont des chimères dans une monarchie absolue; et sous une Constitution libre, tout gage décrété par la nation est inviolable, toute caisse qui appartient à la nation est à l'abri de toutes les atteintes et de tous les abus.

Si vous demandez encore pour la dette publique un gage particulier, une caisse séparée, vous ne croyez pas encore à la liberté.

Il n'est pas possible que le Trésor public soit esclave, et la caisse de la dette indépendante; il faut que tous deux soient sacrés et inviolables, ou aucun des deux ne peut l'être.

On ne le croit pas : eh bien, il faut qu'on s'accoutume à le croire, il faut que l'opinion que Vous avez, que vous devez avoir de votre liberté, maîtrise l'opinion publique, et qu'on ne puisse pas vous reprocher d'avoir vous-mêmes par vos doutes et vos incertitudes, ébranlé votre propre ouvrage.

Cependant, Messieurs, vous avez une caisse de l'extraordinaire; cette caisse formée dans un temps où vous croyiez devoir donner ce support à la confiance publique qui doutait encore de Vos succès; cette caisse qui n'a été créée que pour des opérations passagères, votre comité ne vous proposera point de la supprimer.

Il faut attendre que ces opérations soient par

venues à leur terme, et que l'opinion repose sur l'appui de la tranquillité publique.

Nous avons dit qu'un sage administrateur diviserait ses dépenses, assignerait à chacune son fonds, son payeur à chacune, mais un payeur subordonné, un payeur qui ne recevrait qu'en raison des besoins et de la dépense effective.

Dans quelqu'administration que ce soit, Messieurs, il faut une organisation simple, il faut que l'administration descende par degrés, et qu'à chaque degré soit placé un ordonnateur subordonné à l'ordonnateur premier, un surveillant qui puisse, d'un seul coup d'œil, embrasser toute la partie qui lui est confiée.

Si à une seule caisse vous donniez et tous les détails de la recette et le détail confus de toutes les dépenses partielles, vous n'auriez plus d'ensemble, vous n'auriez plus d'ordre, vous n'auriez plus de comptabilité.

Ce n'est pas un seul homme qui pourra faire mouvoir tant de ressorts à la fois, qui pourra, dans le même jour, classer et faire classer les recettes et les dépenses, réunir ce qui est homogène, séparer ce qui est dissemblable. Il faudra donc, dans la même partie, et plusieurs ordonnateurs et plusieurs surveillants; dès lors l'harmonie vous manque, et la clarté et la précision, et cette responsabilité même qui n'a plus de force quand elle est divisée.

Dans un grand gouvernement vous avez un intérêt de plus; toutes les parties de votre dépense sont ordonnées par des agents du pouvoir exécutif; il faut pour que la responsabilité pèse sur eux avec sa main de fer, il faut qu'ils aient un pouvoir libre dans la sphère de leur activité.

Il faut donc qu'un payeur particulier réponde à leurs ordres, que les détails de leur département ne soient point mêlés avec d'autres détails.

Il faut, par conséquent, que la guerre ait son payeur, la marine son payeur, quelques dépenses diverses, qui ne répondent à aucun département particulier leur payeur commun; enfin, il faut un payeur ou des payeurs aux intérêts de la dette.

Il faut un payeur ou des payeurs aux intérêts de la dette, parce que la dette veut son régime à part, ses formes, sa comptabilité, sa garantie.

Parce qu'il est important d'en suivre les mouvements et les variations, la composition, la décomposition des éléments dont elle est formée, ses décroissements et ses extinctions successives.

Ici, Messieurs, c'est en mon nom que je vais vous parler. Le vœu de la majorité du comité des finances aura un autre organe, un organe plus éloquent. Je défendrais mal une opinion que je réprouve. C'est donc la mienne que je vais développer avec toute la force de la conscience et de la vérité.

Si la dette publique est bornée, un payeur seul suffit; si elle est immense, et dans sa somme et dans ses détails, il faut multiplier les payeurs pour multiplier la garantie, pour assurer et la régularité du service et l'ordre de la comptabilité.

On a dit quelquefois dans cette tribune, il faut le rappeler ici pour qu'on ne soit plus tenté de le redire, on a dit que les intérêts de la dette publique pouvaient être payés au Trésor public. Qu'ils y seraient mieux payés, moins chèrement payés que par les payeurs des rentes.

Personne, que l'on sache, n'a dit que les rentes ne pussent pas être absolument payées au Trésor public.

On a dit, on le répète, que les rentes y seraient

mal payées, si on laisse à la dette constituée sa forme actuelle.

Qu'elles y seraient plus chèrement payées sous cette forme.

Qu'elles y seraient moins sûrement payées. Qu'elles n'y seraient pas plus promptement payées.

Et en effet, le payement actuel des intérêts de notre dette constituée exige des vérifications de titres, des vérifications d'actes de baptêmes, d'actes de mariages, d'extraits mortuaires, de saisies et oppositions, de certificats de vie.

Ce n'est point à la vigilance d'un commis que de pareilles opérations peuvent être confiées; il y faut et le coup d'œil et la garantie, et la solvabilité d'un payeur qui réponde de ses erreurs et de ses distractions.

Vous ne livrerez pas le Trésor public à l'affluence, à la rumeur des rentiers.

Il vous faudra donc un établissement à part et toutes les dépenses qu'entraîne un pareil établis sement; vous aurez donc, sous le nom du Trésor public, de véritables payeurs des rentes aussi loin que les payeurs actuels de votre surveillance, et qui, parce qu'ils n'auront qu'une vaine garantie, une solvabilité nulle, devront être soumis à une surveillance plus rigoureuse.

Ils ne payeront pas plus promptement, car, pour payer plus promptement, il faudrait que vous leur fournissiez plus de fonds, et vous ne sauriez leur en fournir qu'en proportion de votre recette. Votre recette ne se fait que mois par mois; il faut donc que votre dépense suive le même cours, ou que vous la rapprochiez par des anticipations ou des emprunts.

On simplifiera, dit-on, toutes ces vieilles formes embarrassantes pour le créancier, embarrassantes pour le payeur, et qui jettent d'inutiles épines dans la comptabilité.

On fera enfin du payement des rentes une affaire aussi courante que les payements d'un banquier.

Oui, vous pouvez changer l'état de votre dette, anéantir tous les titres actuels, et ouvrir à vos créanciers un simple compte sur les livres du Trésor public, ou plutôt d'une banque subordonnée au Trésor public.

Alors vous ferez vos payements avec aussi peu de frais qu'aujourd'hui; vous les ferez avec moins de frais peut-être qu'aujourd'hui; vous pourrez les faire bien plus promptement qu'aujourd'hui.

Mais d'abord n'est-ce rien que de dénaturer tous les titres de vos créanciers?

Dans la forme actuelle, les titres qui constatent leurs droits sont déposés chez un notaire; une expédition en est dans leurs mains, un double registre, déposé dans les bureaux de l'administration, en atteste l'existence et la date. On les retrouve dans les sommiers, dans les journaux des payeurs, dans leurs comptes, dans les archives où reposent leurs comptes.

Si vous réduisez tous ces témoignages au témoignage d'un livre de banque, il semblera que vous faites évanouir toutes ces propriétés, en leur ôtant tous les appuis qui les rendaient fixes et immuables.

L'inquiétude s'emparera de toutes les familles. Point de femme qui ne craigne pour sa dot, point de fils qui ne tremble pour l'héritage qui lui est promis, point de créancier qui ne soit alarmé sur son hypothèque.

Si vous payez dans un simple bureau du Trésor public, vous n'avez de garantie que l'ordre et la surveillance; si comme l'Angleterre vous payez

à l'aide d'une banque particulière, d'une banque riche d'un capital immense, alors et vos créanciers et vous-mêmes vous êtes tranquilles. Mais cette banque fera toujours ce que font vos payeurs de rentes, elle en aura les fonctions et la solvabilité mais cette banque vous fera payer aussi son ministère.

Les payeurs des rentes ne vous coûteront que 600,000 livres pour payer plus de 200 millions; il n'est point de banque qui puisse payer à meilleur marché; il n'en est point qui veuille payer à ce prix les arrérages d'une dette constituée comme la vôtre.

J'ajoute qu'en transformant votre dette, vous perdrez un revenu de plus de 400,000 livres.

En effet, les droits divers que vous percevez sur les contrats, sur les reconstitutions, sur les saisies, sur les oppositions, sur les quittances, s'élèvent au moins jusque-là, et diminuent d'autant les 600,000 livres que vous coûte le payement des rentes.

Dans cette forme nouvelle, comme dans l'ancienne, vous ne pourrez accélérer les payements qu'en anticipant sur vos revenus; et cette anticipation, onéreuse pour le Trésor public, serait sans intérêt pour vos créanciers.

Quand les payements ont un cours réglé, vos créanciers reçoivent une année dans une année. La célérité plus ou moins grande les laissera toujours-là; observez encore que toute transformation de dette exige une liquidation; que toute liquidation d'une dette telle que la vôtre demanderait une multitude d'agents ; que, quel que soit le choix de ces agents, ils tiendront dans leurs mains de grands moyens d'exagérer votre dette; que leurs opérations seront longues et interminables; qu'elles fatigueront la patience de vos créanciers.

On me dit que nos formes de payements sont ennemies du crédit public, qu'elles repoussent l'étranger et rejettent à nos rivaux des capitaux que la confiance nous aurait livrés.

Je n'examine point ce qu'il peut y avoir d'exagéré dans ce raisonnement.

Il ne s'agit point aujourd'hui d'emprunts. Si jamais vous êtes forcés d'emprunter, vous consulterez alors la convenance des capitalistes, vous donnerez aux emprunts les formes que commanderont les circonstances et vos besoins : mais votre dette est formée. Il ne dépend plus de vos créanciers d'en altérer les conditions; et quelles que soient vos formes, ils en ont subi toute la rigueur.

Votre crédit ne dépend donc plus des combinaisons passées, il dépend de la sagesse de votre administration. Il dépend de la solidité des gages que vous aurez à offrir; et quand ces gages seront plus assurés que ceux que les autres nations pourraient présenter, vous aurez, en dépit de toutes les formes, le crédit le plus réel et le plus étendu.

Qu'on cesse donc enfin de tourmenter l'opinion publique, et d'appeler d'inutiles, de dangereux changements.

Vous avez fait tout ce que vous deviez faire pour vos créanciers, en réunissant dans un seul lieu tous les bureaux des payeurs;

En donnant à tous ceux qui, ci-devant, étaient payés en province, le droit et la faculté d'être payés dans leurs départements et dans leurs districts, les écoles, les collèges, les pauvres.

Vous avez fait pour l'intérêt de la nation, pour l'économie, pour l'ordre public, tout ce que vous deviez faire, en concentrant la comptabilité de

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