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leur conduite fût uniforme, il leur envoie un modèle de protestation que plusieurs ont signée, et qui exclut non seulement le droit absolu, mais même le concours du souverain dans la division des diocèses. Voici cette piéce :

« Nous soussignés, recteurs, curés et prêtres des paroisses de... évêché de Tréguier, considérant que c'est à l'autorité ecclésiastique seule qu'il appartient de fixer les bornes du territoire de chaque pasteur, de lui donner la succession apostolique, la mission légitime et l'autorité spirituelle; déclarons que nous regarderons comme intrus tout ecclésiastique promu à l'épiscopat ou au gouvernement d'une paroisse, suivant la forme présentée par le décret du 12 juillet dernier, et que nous ne communiquerons point avec eux in divinis jusqu'à ce que cette forme ait été adoptée et approuvée par l'autorité ecclésiastique. »

Les autres évêques réfractaires ne s'expliquent pas à la vérité en termes aussi absolus: plus réservés ou plus adroits, ceux de Soissons, de Dijon, de Verdun et de Nantes, se bornent à protester contre l'incompétence du souverain, en déclarant qu'ils attendeut, pour se décider, la réponse du pontife romain à la lettre que le roi, dit-on, lui a écrite.

Vous allez voir, au surplus, Messieurs, que les rebelles, uniformes quant à la résistance, en varient les effets au gré de leurs diverses passions, de leurs craintes, ou de leurs espérances.

Ainsi M. l'évêque métropolitain de Lyon, averti par le directoire du département de Rhône-etLoire de se rendre dans son diocèse, où il n'a pas encore paru, au mépris de votre décret, des canons et de la discipline générale de l'Eglise, s'est tiré d'embarras en ne répondant pas.

Ainsi M. l'évêque de Beauvais, membre de cette Assemblée, pressé par le directoire du département de l'Oise de donner ses ordres pour la prompte exécution, dans son diocèse, du décret sur la constitution civile du clergé, la formation de sa cathédrale en paroisse, la suppression et réunion des cures, la nomination de ses vicaires, a répondu que ne prévoyant pas le terme de votre session, il ne pouvait en assigner un à son retour. Mais le 14 octobre, la cure de Puisieux a vaqué dans le district de Senlis; le 22 M. l'évêque de Beauvais y a nommé le sieur Quignon, qui en a pris possession le 27, suivant les anciennes formes.

Ainsi M. l'évêque de Lisieux proteste que jusqu'à la réponse du pontife de Rome au roi, il n'obéira pas au décret le lien, dit-il qui l'attache à ses diocésains, ne peut être rompu que par un jugement canonique ou par sa démission libre et librement acceptée par le pape; que votre décret du 12 juillet est inconciliable avec les bases de la hiérarchie divine de l'Eglise.

Ainsi M. l'évêque de Soissons assure que, hors le cas d'une absolue nécessité, il ne peut donner les mains à l'extension des limites de son diocèse, sans commettre le crime d'intrusion; que, quant au serment civique, il le réduira aux matières politiques seulement, et qu'il est d'autant plus fondé à faire cette réserve, qu'elle a été faite dans le sein de cette Assemblée, sans exciter de réclamations.

Ainsi M. l'évêque de Dijon annonce qu'il est dans l'intention d'exercer provisoirement la juridiction épiscopale sur les seuls et mêmes lieux qui y ont été soumis jusqu'ici, sauf à s'expliquer de nouveau, lorsqu'il seia instruit de la réponse

du pape, qui a été consulté sur le projet de la nouvelle organisation du clergé.

Ainsi M. l'évêque de Nantes, par une lettre datée de Paris le 16 octobre et adressée au directoire du département de la Loire-Inférieure, après avoir annoncé qu'il a lu la signification du décret, qui lui a été faite le 5 à son palais, proteste contre la suppression du chapitre et de l'office canonial, l'érection de sa cathédrale en paroisse, et la réunion de plusieurs autres cures à celle-là; toutes ces opérations, dit-il, ne pouvant se faire que par la puissance ecclésiastique, et suivant les formes canoniques.

Vous avez pu remarquer, Messieurs, dans les protestations dont je viens de vous rendre compte, qu'il n'y est parlé en aucune manière de l'aliénation des domaines nationaux ; et comme il n'est pas possible, après ce que nous avons vu et entendu, de soupçonner les évêques d'indifférence sur cet objet, il faut leur savoir gré de cette réserve.

Vous ne la trouverez pas, Messieurs, dans les protestations de la plupart des chapitres.

Celui de Lyon, par exemple, après avoir exposé que par les principes constitutifs de tout siège épiscopal dans l'église catholique, il ne s'en érige point sans chapitre cathédral, qui est essentiellement le sénat de l'évêque, suivant la tradition apostolique et les conciles; que le chapitre ne peut pas être détruit plus que le siège épiscopal, et ni l'un ni l'autre que par la puissance ecclésiastique, et en vertu des formes canoniques; qu'investi par le concile de Trente de la juridiction spirituelle pour le gouvernement du diocèse pendant la vacance du siège, il ne peut être dépouillé de cette prérogative que par une loi nouvelle de l'Eglise, qui abrogerait son ancienne discipline; que le roi ayant recouru au pape pour lui soumettre le plan de la nouvelle Constitution du clergé, déclaré que, par respect pour le pontife et par déférence aux mesures prises par le roi, il attendra la décision du saint-siège dans une matière qui tient aussi essentiellement à la religion, et à l'autorité spirituelle de l'Eglise.

Le chapitre établit ensuite une discussion diplomatique sur la nature et l'étendue de ses possessions temporelles.

Il représente qu'il a été investi de la souveraineté de Lyon en 984, par Burchard II, fils de l'empereur Conrad; qu'en 1167 et 1173, l'archevêque et le chapitre acquirent la portion de souveraineté qui restait entre les mains des comtes de Forez, et que de là les chanoines prirent le titre de comtes de Lyon; qu'ils furent confirmés dans la souveraineté par diplômes de l'empereur Frédéric, de 1157 et 1184;qu'en 1307, la souveraineté fut cédée à Philippe le Bel par deux traités connus sous le nom de grande et petite Philippiques, à charge que l'archevêque et le chapitre seraient conservés dans leur possession, droits et réserves; que ces traités forment une convention réciproqué, obligatoire pour la nation; qu'en conséquence, fondés sur toutes les lois divines et humaines, ils protestent contre le décret du 12 juillet et s'opposent à toute vente, échange ou aliénatiou qui pourraient être faits des droits, biens et revenus de l'Eglise, et arrête que jusqu'à ce qu'il en soit empêché par la force physique, il continuera ses fonctions canoniales.

La protestation est suivie de la formule de serment par lequel, entre autres choses, les chanoines s'engageaient à ne recevoir parmi eux que des membres qui eussent fait preuve de noblesse, Ces chimériques prétentions de propriété ont

été si savamment discutées et si victorieusement combattues, qu'on est étonné de les voir encore se représenter. Le ci-devant chapitre de Lyon n'a pas, à cet égard, de meilleurs titres que beaucoup d'autres chapitres et églises du royaume, et ils n'ont pu prévaloir contre l'empire de cette raison éternelle, qui réclame la suppression des fonctions inutiles et l'application de leurs salaires à des objets d'utilité générale.

Le chapitre de la collégiale de Saint-Brieuc, non moins rebelle que les autres, mais de meilleure foi, ne s'est point attaché à cette absurde discussion de compétence de l'Assemblée nationale; et dans deux protestations successives, il s'est borné à la revendication de ses biens, parce que, dit-il, chaque chanoine avait juré de défendre de tout son pouvoir les droits de son Eglise. Celui de la cathédrale, après avoir aussi protesté pour la conservation de ses biens, s'élève contre le choix des ministres de la religion par le peuple; choix, dit-il, trop exposé aux factions de la cabale, au jeu de l'intrigue, aux méprises de l'ignorance, à des vues personnelles, à l'aveugle hasard, et qui renverse ou ébranle dans toutes ses parties la constitution divine de l'Eglise. La primauté du siège de Rome est méconnue, continue-t-il; tous les liens de juridiction qui forment l'unité de l'épiscopat sont rompus; les évêques ne pourront plus rien décider en matière essentielle, que sur l'avis de leur conseil, ce qui les met dans la dépendance de ceux-ci; l'évêque L'aura plus que son avis particulier dans la nouvelle circonscription des paroisses par l'effet seul de la puissance civile, les anciennes limites des sièges sont déplacées; et les droits des chapitres, pendant la vacance des sièges, sont, en vertu d'un simple décret politique, transportés à des prêtres d'institution nouvelle en conséquence, le chapitre proteste contre le décret du 12 juillet, comme rendu par une puissance incompétente, et contre le vœu d'une partie de l'Assemblée nationale, et surtout des évêques.

Le chapitre de Vannes avait aussi protesté à l'imitation des autres chapitres; il avait arrêté la continuation de ses fonctions canoniales, et les avait en effet continuées. Mais l'assemblée du département, par une adresse du 4 de ce mois, vous a annoncé, Messieurs, que le chapitre avait cessé ses fonctions le 3, et que l'évêque, disposé à concourir au changement qu'exige le nouvel ordre établi, s'occupait du choix de ses vicaires, et avait pourvu provisoirement au service de sa paroisse cathédrale. Le département, en conséquence, réclame votre indulgence en faveur du chapitre; et comme il nous a paru la mériter par la promptitude de son repentir, nous ne le comprendrons pas dans la sévérité du décret que nous aurons l'honneur de vous présenter. L'erreur d'un moment peut être excusée; le crime seul mérite d'être puni; et c'est sous ce dernier rapport que s'annonce la conduite du chapitre de Quimper, dont je vais vous parler.

M. l'évêque de Quimper est mort le 30 septembre. Pendant la maladie qui a terminé ses jours, il avait, dit-on, la tête si peu libre, qu'il n'a pas pu recevoir les derniers sacrements; il a été enterré le 5. Ce jour là même, après ses obsèques, deux ou trois chanoines en sentinelle à la porte de la sacristie, appelèrent les recteurs qui s'étaient rendus à la cérémonie, et leur présentèrent à signer une déclaration des prétendus sentiments du feu évêque. La pièce n'était pas signée de lui ni écrite de sa main; mais elle était signée par ceux qui mendiaient d'autres signa

tures, et écrite de la main du sieur Cogny. Soixante-deux, tant recteurs que vicaires, la signèrent, les uns après l'avoir lue, les autres sur la foi de ceux qui les avaient précédés. Cette pièce informe fut remise au directoire du département, comme l'expression des sentiments du feu évêque. Elle renferme une protestation contre les prétendues atteintes portées à l'ordre hiérarchique établi par Jésus-Christ, à la discipline générale de l'Eglise, et contre l'envahissement des biens du clergé : contre une Constitution qui, dans ses conséquences, semblerait interrompre la communion entre les évêques et le pape, qui anéantit la juridiction que les évêques ont de droit divin sur les pasteurs du second ordre, qui défend l'émission des vœux solennels de la religion, qui suspend la perpétuité des louanges dans les basiliques, qui sape les fondements de la monarchie en dépouillant le monarque de ses droits les plus légitimes; elle est terminée par la demande d'un concile national.

Le chapitre de Quimper ne s'est pas contenté, Messieurs, d'être l'éditeur des œuvrés posthumes de M. l'évêque; il a voulu protester solennellement en son nom. Vous allez le voir, dans ce second acte, parler le langage des esclaves, méconnaître et mépriser ouvertement les droits de la nation, appeler le despotisme en garantie de ses prétendues propriétés; vous y trouverez la bassesse et la cupidité invoquant la tyrannie, le secret enfin de cette coupable association des prêtres avec les cours, qui depuis tant de siècles a fait le malheur des peuples et la honte de la religion.

Lorsque les administrateurs du directoire du département se présentèrent pour mettre le scellé sur la salle capitulaire, voici ce que, en consé· quence d'une délibération du chapitre, leur répondit l'un des rebelles :

« Voilà donc ce que nous devions attendre d'une Assemblée que le roi n'avait convoquée que pour l'aider de ses conseils sur les objets qu'il jugerait à propos de lui mettre sous les yeux, et lui présenter les doléances de ses peuples! Mais la sanction dont le décret est revêtu, nous arrête. Au nom de votre maître et le nôtre, nous ne savons qu'obéir, nous révérons en lui le dépositaire unique du pouvoir suprême qui n'appartient qu'à Dieu seul, et qui dans toute monarchie réside essentiellement tout entier entre les mains du monarque.

« Nous cédons à la force, à ce pouvoir qui brise tout et ne respecte rien; nous protestons hautement contre l'impossibilité absolue où vous nous mettez de satisfaire à nos obligations les plus indispensables; nous déclarons que nous n'y renonçons pas; que nous ne faisons que les suspendre jusqu'à ce que des temps plus heureux nous en permettent le libre exercice; nous protestons contre l'envahissement des biens du clergé, et en particulier des biens de l'église de Quimper, que nous devions conserver et transmettre à nos successeurs tels que nous les avions reçus; biens dont l'administration nous était confiée par toutes les lois de l'Eglise et de l'Etat, et dont les saints canons nous défendent, sous des peines grèves, de permettre ou de tolérer l'usurpation par un coupable silence; biens enfin, dont il n'est aucune puissance temporelle qui puisse s'emparer sans encourir les anathèmes fréquemment prononcés contre les usurpateurs dans un grand nombre de conciles.

"Mais nous ne pouvons pas renoncer à la ju

ridiction spirituelle que nous devons exercer sur le diocèse, pendant la vacance du siège.

« Nous vous déclarons que nous ne pouvons pas consentir à la suppression des vicaires généraux que nous avons nommés pour exercer en notre nom, pendant la vacance du siège, la juridiction épiscopale dans le diocèse; nous déclarons continuer à ces messieurs tous les pouvoirs que nous leur avons confiés, et nous leur enjoignons de les exercer jusqu'à ce que le siège de Quimper soit pourvu d'un pasteur légitime; nous déclarons intrus, sans titre et sans pouvoir, les ecclésiastiques que vous voudriez substituer à la place de nos vicaires généraux et des autres officiers par nous nommés pour le gouvernement du diocèse; nous déclarons nuls et de nul effet tous les actes de juridiction épiscopale qu'ils prétendraient exercer en vertu des décrets de Assemblée nationale absolument incompétente en matière spirituelle. »

Le chapitre de Laon paraît aussi avoir protesté contre le décret du 12 juillet; mais comme il ne m'a été remis que des fragments de pièces relatives à cet objet, il m'est impossible de vous en rendre un compte détaillé.

Cent trois, tant curés que vicaires du département de la Loire-Inférieure (1), ont également protesté contre ce décret et contre la prétendue incompétence de l'Assemblée nationale; ils demandent que la religion catholique soit déclarée la seule religion de l'Etat; ils sollicitent une adhésion de cœur et d'esprit à la coupable protestation faite par une partie de cette Assemblée, le 19 avril, sur le décret du 13, déclaration qui fut le signal de la révolte des ecclésiastiques.

A ces protestations générales et combinées se joignent des faits qui paraissent isolés, mais qui, dans leur résultat, servent les projets de la ligue.

Ainsi un sieur Dupré, ci-devant chanoine de la cathédrale de Tours, se fait éditeur de libelles. Ainsi le curé de Cambon proteste publiquement en chaire contre les décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi.

Ainsi le sieur La Vallée, prêtre habitué d'une paroisse de Rouen, prêche contre l'émission des assignats, et l'aliénation des ci-devant biens ecclésiastiques.

Ainsi le curé de Condé imite ces criminelles extravagances.

Ainsi le curé de Noort-Pesne damne impitoyablement ceux qui acquerront des domaines nationaux, et ceux mêmes qui se prêteront aux opérations préliminaires de cette vente; il déclare que ni lui, ni les évêques, ni le pape, même au moment de la mort, ne peuvent donner l'absolution d'un pareil crime.

Ainsi un sieur Cahouet, curé de Chartret, dispose et excite au refus des impôts, une partie des citoyens du Gâtinais.

Ainsi un sieur Le Vasseur, curé près de Péronne, engage le peuple à s'armer contre la perception des impôts, à massacrer les commis, et promet de marcher à sa tête.

C'est des tribunes sacrées, qui ne devraient retentir que de paroles de paix, d'amour de l'ordre, de la charité, du respect des lois; c'est de ces tribunes que partent les anathèmes, les cris de guerre et de révolte; et ce ne serait pas là le renversement de l'ordre social! et ce ne serait pas là une confédération contre la religion que ces sacrilèges excès déshonorent!

(1) Voy. cette protestation, Archives parlementaires, 1. XVII, p. 179.

Cependant, Messieurs, je me croirais coupable, si, après vous avoir entretenus de tant de désordres, je ne vous disais pas que dans cette subversion de principes religieux et d'idées sociales, il s'est trouvé des hommes qui ont su résister aux sollicitations, à l'intrigue, à la haine de leurs confrères et des prélats; des prêtres enfin vraiment dignes du caractère dont ils sont revêtus.

Le sieur Douhet, chanoine de la cathédrale de Vannes, n'a voulu prendre aucune part à la rebellion du chapitre, et a désavoué sa protestation.

Le sieur Mahieu, chanoine à Laon, a engagé ses confrères à l'obéissance.

Le sieur Nusse, curé et maire de Chavignon, dans le diocèse de Soissons, prêtre respectable, et zélé citoyen, dans un mémoire rempli de patriotisme et d'érudition, servant de réponse à la protestation de son évêque, lui a démontré que vous aviez pu et dû réformer le clergé.

Le curé de Saint-Cyr de Laon a protesté de son attachement inviolable à la Constitution.

Sur trente-deux membres, dont était composé le chapitre de Saint-Jean de Lyon, huit seulement avaient signé la protestation publiée sous le nom du chapitre; le sieur Gourey, l'un d'eux, a retiré sa signature et désavoué la protesta

tion.

Je dois aussi rendre un témoignage éclatant au zèle actif, au patriotisme éclairé et à la sage fermeté des corps administratifs des départements de Maine-et-Loire, Rhône-et-Loire, LoireInférieure, Côtes-du-Nord, du Morbihan, du Finistère, de l'Aisne et de l'Oise, des districts de Quimperlé, Vienne, Pont-Croix, Pontivy, Nantes, Savenay, Broons, la Tour-du-Pin et Guingamp; des municipalités de Soissons, Saint-Brieuc, Rouen, Lyon et Quimper. Informations, ordonnances, adresses, proclamations, ils n'ont rien omis de tout ce qui pouvait procurer l'exécution de la loi; cependant ils accusent la lenteur de votre justice; ils appellent à grands cris la vengeance des lois sur la tête des coupables; ils vous disent qu'il faut des exemples, et que si vous voulez maintenir la Constitution, vous devez, par une loi sévère, forcer les factieux à rentrer dans l'ordre, et les rebelles à l'obéissance.

Vos comités auraient peut-être pu se dispenser, Messieurs, d'entrer dans l'examen et dans la discussion des reproches que font les mécontents à la loi constitutionnelle du 12 juillet. Quand la volonté publique s'est exprimée, les individus doivent obéir: mais il faut encore leur ôter ce prétexte; il ne faut pas qu'ils puissent dire plus longtemps que vous avez attaqué la religion, détruit la hiérarchie de l'Eglise, rompu l'unité de l'épiscopat, interrompu la communion avec le pontife de Rome; que l'autorité ecclésiastique seule, ou avec le concours de la puissance civile, a pu changer les limites des diocèses, ordonner une nouvelle circonscription de cures, leur suppression et leur union; la suppression des chapitres, et leurs droits de juridiction pendant là vacance des sièges; il ne faut pas qu'ils puissent parler davantage de la nécessité d'un concile; censurer le refus de déclarer la religion catholique la seule religion de l'Etat, et se récrier contre le prétendu vice des choix populaires.

Je commence par une considération générale cette importante, mais facile discussion: je demande s'il n'est pas absurde d'imaginer que, lorsque le Corps législatif, dans sa sagesse, aura jugé convenable de faire une réforme, non dans

le dogme, non dans l'enseignement, non dans le culte, mais dans des objets d'ordre et de police extérieure; lorsque cette réforme aura été approuvée par le roi, elle ne puisse cependant s'opérer sans l'intervention d'une puissance étrangère; si ce ne serait pas là admettre deux Etats, deux souverainetés, une perpétuelle opposition de vues et d'intérêts, le veto ultramontain et la presque nullité du pouvoir national, pour faire ce qui est bon, juste et utile? Consultons l'expérience des siècles passés, et voyons ce qu'a produit ce concours de puissances tant vanté. Les évêques de Rome, pendant leur séjour à Avignon, peuplèrent d'évêchés la Provence, le Dauphiné et le Languedoc. Etait-ce pour l'intérêt du peuple, pour la gloire de la religion? Non; c'était pour se faire des créatures. Les conciles généraux et particuliers commandaient aux prélats une exacte résidence; ils proscrivaient la pluralité des bénéfices. Comment ces lois étaientelles observées ? Avant votre décret, il n'y avait peut-être pas en France un seul évêque qui n'eût une ou plusieurs abbayes. C'est du fond de la Savoie que, depuis un an, M. l'évêque métropolitain de Paris veille sur son diocèse. C'est de Paris que l'évêque de Nantes communique avec le sien; celui de Lyon n'a pas encore vù sa cathédrale.

M. l'évêque de Soissons, dans sa protestation, s'élève avec force contre les suppressions. Eh bien! Messieurs, il écrit cela de Villeneuve, maison de célestins, qu'il a fait supprimer et dont il jouit.

Il y a fort peu d'années qu'on supprima plusieurs titres de bénéfices, pour augmenter les prébendes des ci-devant chanoines nobles de Bouxières.

Il y a fort peu d'années encore qu'on supprima une des paroisses de Metz, et qu'on en destina l'église à être rasée, pour élever sur ses ruines un palais fastueux au prélat: le tout pour la plus grande gloire de la religion, l'édification et l'intérêt du peuple; et cependant, tout cela se faisait par des formes canoniques; des prêtres faibles ou des prélats corrompus consacraient ces iniquités sous le prétexte de l'utilité publique. Et qui peut ignorer que ces formes canoniques étaient, entre les mains des despotes et de leurs lâches courtisans, une arme empoisonnée avec laquelle ils multipliaient ou perpétuaient les abus ?

Le terme de tant de scandales est heureusement arrivé ce que les conciles, les pontifes de Rome, le clergé, les rois n'avaient pu faire, vous l'avez fait, Messieurs; la nation s'est levée dans sa puissance; elle a dit: Je veux que cette réforme se fasse, et elle s'est faite. Vous mépriserez d'odieuses clameurs; et la loi punira ceux que la raison n'aura pu soumettre.

Quel étrange et effrayant contraste on est forcé de remarquer entre le divin fondateur de la religion catholique, et ceux qui ont reçu de lui la mission de l'enseigner! C'est du sein de la pauvreté, c'est du fond d'une étable qu'il leur a dit: allez, enseignez les hommes: et c'est du fond de leurs palais que ses successeurs veulent gouverner les nations! Il s'est environné d'apôtres et de disciples; il leur a donné un chef : voilà la hiérarchie de l'Eglise. Nous avons des évêques et des curės; nous reconnaissons l'évêque de Rome pour le centre de l'unité, pour le chef de l'Eglise; nous voulons que nos évêques, après leur sacre, lui écrivent en signe d'union: la hiérarchie est donc conservée; l'unité, la commu

nion, la succession apostoliques sont reconnues et consacrées.

Mais, disent-ils, une loi politique n'a pas pu déplacer les limites des diocèses. Eh bien! je le suppose pour un instant; mais M. l'évêque de Soissons avoue que, dans le cas d'une absolue nécessité, il peut exercer la juridiction sur un territoire étranger. N'est-il donc pas d'une absolue nécessité de maintenir la paix publique et de donner au peuple l'exemple de l'obéissance aux lois? On ne peut, dit M. l'évêque de Lisieux, faire des actes de juridiction dans mon diocèse, qu'après ma démission volontaire. Commenti votre démission peut rendre la paix à la France, et vous êtes encore évêque? Après tant de sacrifices offerts à l'anbition, vous ne savez donc pas en faire à la patrie? Que n'imitez-vous M. l'évêque de Saint-Malo? Il avait les mêmes idées que vous sur la suprématie de la puissance ecclésiastique; il n'a pas désobéi; il s'est échappé aux regrets de ses diocésains; il a rempli le plus saint de ses devoirs.

Les diocèses, dit-on encore, doivent être gouvernés pendant la vacance des sièges, et le concile de Trente a confié ce droit aux chapitres des cathédrales. Il a bien fallu que le concile employât les instruments qui existaient alors; mais ils seront remplacés par des vicaires; et quoi qu'en disent les ci-devant chapitres, ces prêtres, d'institution nouvelle, seront prêtres comme eux; ils seront nommés par les évêques; et s'ils sont bien choisis, comme on doit le croire, sans doute on n'aura pas lieu de regretter les chapitres.

On vous reproche encore de n'avoir pas déclaré solennellement, dans votre décret du 13 avril, que la religion catholique était la seule religion de l'Etat. Il est vrai, vous n'avez pas voulu donner des armes au fanatisme; vous avez voulu conserver à tous les citoyens le droit qu'ils tiennent de la mature la liberté des opinions religieuses. Mais vous avez fait bien plus pour la religion de vos pères vous avez déclaré que, pour elle seule, vous seriez une dépense publique; vous avez toudroyé les abus qui avaient causé la scission de nos malheureux concitoyens; vous avez ainsi préparé leur réunion et le règne d'une confraternité politique et religieuse, qui doit montrer un jour à la terre les heureux effets d'une sage tolérance.

On vous reproche enfin, Messieurs, le vice des choix populaires. Eh bien! un seul évêque jusqu'ici à été élu par le peuple; et si la France entière avoir dù élire le successeur de M. l'évêque de Quimper, elle n'aurait pas pu en nommer un qui fut préférable à M. l'abbé Expilly.

Vous parlez des choix populaires! Mais vous ne parlez pas de ceux qui se faisaient ci-devant par des ministres, des commis, des valets, des femmes..... Pardonnez! j'en ai déjà trop dit.

Ministres de la religion! cessez de vous envelopper de prétextes; avouez votre faiblesse : vous regrettez votre antique opulence; vous regrettez ces prérogatives, ces marques de distinction et de prétendue prééminence, tous ces hochets de la vanité qui dégradaient la maison du Seigneur. Songez que la Révolution a fait de nous des hommes; que nous ne prostituerons plus notre admiration; que nous n'encenserons plus les idoles de l'orgueil; qu'il faut enfin que tous les citoyens de l'Empire courbent la tête devant la majesté des lois. A force de vertus, forcez-nous au respect vous n'avez plus que ce moyen de l'obtenir. Oubliez vos antiques erreurs, renoncez

à vos préjugés, ne pensez plus à ces biens qui vous avaient perdus; ils vont être vendus; car, malgré tous vos efforts, la nation sait la confiance qu'elle se doit à elle-même; que la garantie d'un grand peuple est plus sûre que vos prédictions: elle n'oubliera pas que le premier acte de puissance que ses représentants ont fait en son nom, a été d'assurer la solidité de ses engagements.

Il en est temps encore; désarmez par une prompte soumission le peuple irrité de votre résistance. Le décret que je vais présenter est moins pour vous une loi sévère, qu'une mesure d'indulgence.

PROJET DE DÉCRET.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités ecclésiastique, des rapports, d'aliénation et des recherches réunis, décrète ce qui suit:

« Art. 1o. Les évêques, les ci-devant archevêques et les curés dont les sièges et cures ont été conservés, et qui en sont absents, pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce puisse être, à l'exception toutefois de ceux qui sont membres de l'Assemblée nationale, se rendront dans leurs diocèses et cures respectifs dans le délai de quinze jours pour ceux qui sont en France, et de six semaines pour ceux qui sont chez l'étranger; le tout à dater de la publication du présent décret.

«Art. 2. Dans la huitaine à dater de cette publication, tous les évêques et curés actuellement présents dans leurs diocèses et cures jureront solennellement, s'ils ne l'ont pas encore fait, de veiller avec soin sur les fidèles des diocèses et cures qui leur sont confiés, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi; et ceux des absents qui n'auraient pas fait le serment cidessus le prêteront de la même manière et en la même forme dans la quinzaine qui suivra leur arrivée dans leur diocèse ou cure.

« Art. 3. Les évêques, les ci-devant archevêques et les curés prêteront le serment ci-devant prescrit un jour de dimanche, à la fin de la messe, savoir les évêques, dans l'église épiscopale, et les curés, dans l'église paroissiale, en présence des municipalités, des conseils généraux, des communes et de tous les fidèles. A cet effet, lesdits évêques, ci-devant archevêques et les curés seront tenus de déclarer par écrit, et au moins vingt-quatre heures d'avance. au greffe de la municipalité, le jour auquel ils feront leur serment.

« Art. 4. Il sera dressé procès-verbal de la prestation dudit serment par le maire, lequel procès-verbal sera écrit par le greffier, et signé de l'évêque ou du curé, du maire, des autres officiers municipaux, des notables qui seront présents, et du greffier.

« Art. 5. Les évêques et curés, membres de l'Assemblée nationale, et tous ceux qui, pour cause de maladie ou autre légitime empêchement, ne pourront se rendre sur les lieux pour la prestation dudit serment, pourront satisfaire au décret en le faisant prêter par un procureur spécialement fondé à cet effet, et à charge de le réitérer en personne dès que les empêchements auront cessé.

« Art. 6. A défaut de prêter le serment cidessus prescrit dans le délai déterminé, lesdits

évêques, ci-devant archevêques et les curés seront réputés avoir renoncé à leurs offices, et il sera pourvu à leur remplacement, comme en cas de vacance, suivant les formes prescrites par le titre II du décret du 12 juillet dernier sur la constitution civile du clergé; à l'effet de quoi le maire sera tenu dans la huitaine après l'expiration desdits délais, de dénoncer le défaut de prestation de serment, savoir de la part de l'évêque, au procureur général syndic du département, et de celle du curé, au procureur syndic du district; l'Assemblée rendant en ce cas garants et responsables de leur négligence tant le maire que le procureur général syndic et le procureur syndic.

« Art. 7. Dans le cas où les évêques, ci-devant archevêques et les curés manqueraient à leur serment, soit en refusant d'obéir aux décrets de l'Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi, soit en formant ou excitant des oppositions à l'exécution desdits décrets de l'Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi, ils seront non seulement privés de leurs traitements ou pensions, mais encore déclarés déchus des droits de citoyens français, incapables d'aucune fonction publique. En conséquence, il sera pourvu à leur remplacement suivant les formes prescrites par le titre XI du décret du 12 juillet concernant la constitution civile du clergé, sauf plus grandes peines, suivant l'exigence et la gravité des cas, s'il y échet, à l'effet de quoi leur procès leur sera fait, et la forfaiture jugée par le tribunal de district de leur résidence, à la forme de droit, à la requête de l'accusateur public, sur la dénonciation soit du procureur général syndic, soit du procureur syndic, ou du procureur de la commune, lesquels seront respectivement responsables de leur négligence à dénoncer les faits qui viendront à leur connais

sance.

« Art. 8. Les ci-devant titulaires d'offices, titres ou bénéfices supprimés, qui exerceraient quelques-unes des fonctions qui y étaient attachées seront poursuivis comme perturbateurs du repos public, et punis par la privation de leurs traitements, et autres peines s'il y échet.

« Art. 9. Seront de même poursuivis et punis comme perturbateurs du repos public toutes personnes ecclésiastiques ou laïques qui se coaliseront pour former ou exciter des oppositions aux décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi.

Art. 10. L'Assemblée nationale, approuve la conduite des corps administratifs des départements de Maine-et-Loire, Rhône-et-Loire, LoireInférieure, Côtes-du-Nord, du Morbihan, du Finistère, de l'Aisne et de l'Oise, de la Gironde Pontivy, Pont-Croix, Nantes, Savenay, Broons, et de l'Hérault, des districts de Quimper, Vienne, la Tour-du-Pin, Guingamp, des municipalités de Châteauvieux, Soissons, Saint-Brieuc, Rouen, Lyon et Quimper, et le zèle patriotique qu'ils ont montré pour l'exécution de la loi. Elle leur recommande, ainsi qu'à tous les autres corps administratifs et municipalités du royaume, de veiller exactement à l'exécution du présent décret.

« Art. 11. Elle charge son président de se retirer dans le jour vers le roi, pour le prier de lui accorder sa sanction et de donner les ordres convenables pour sa plus prompte exécution. »

(L'impression est demandée et décrétée à une grande majorité.)

M. de Cazalès. Je pense qu'il faut ajourner

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