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nonce que des hommes presque tous armés exigent des habitants, non seulement des vivres, mais encore de l'argent, et comme ils ne peuvent leur opposer aucune résistance, puisqu'ils se trouvent sans armes, ils sont forcés de consentir à leur donner tout ce qu'ils demandent, s'ils ne veulent pas en être maltraités; nous recevons aujourd'hui une lettre du district de Bergues, à laquelle est jointe une requête de la commune de Dunkerque, qui nous informe encore plus particulièrement de toutes les vexations de ces fuyards. Par la délibération de cette commune, il a été résolu de prier M. Boistel d'ordonner à cent hommes de cavalerie de se rendre dans ce canton, pour arrêter le brigandage de ces malheureux; mais il s'est trouvé dans l'impossibilité de lui accorder ce secours par la raison qu'il a dû envoyer, dans le département du Pas-deCalais, le peu de cavaliers dont il pouvait se pas

ser.

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« D'après ces considérations bien puissantes, Monsieur, puisqu'il s'agit d'accorder la protection à tous les habitants de nos frontières et de veiller à ce que les malveillants ne viennent pas grossir la bande de ces brigands, nous avons délibéré que vous seriez informé, sur-le-champ, de la détresse où nous nous trouvons, pour que vous nous donniez les moyens d'opposer au moins la force par la force; en conséquence, nous vous prions de donner des ordres précis aux directeurs de l'artillerie de ce département, de nous remettre, à notre première réquisition, toutes les armes et munitions de guerre que nous jugerons convenables de leur demander pour la défense de nos foyers; vous en sentirez sûrement la nécessité, Monsieur, pour la conservation des propriétés etla sûreté des citoyens de l'Etat, lorsque vous ferez attention qu'une partie de ces frontières est couverte de forêts qui empêchent de découvrir les brigands jusqu'au moment où on ne peut les éviter.

« Nous vous prions, au surplus, Monsieur, de faire les dispositions nécessaires pour faire passer, le plus tôt possible, dans les différents cantons des frontières de ce département, des détachements, soit de cavalerie, dragons ou d'infanterie; nous ne voyons que ce parti pour mettre un frein aux brigands, surtout lorsqu'ils sauront que les citoyens seront armés.

« Nous esperons, Monsieur, que vous voudrez bien charger le courrier qui vous remettra cette lettre de la réponse que vous jugerez à propos de ne nous y faire, et nous nous persuadons que voue jugerez, comme nous, que cette affaire est si instaute que le moindre retard mettrait peutêtre tout le département dans le plus grand danger.

« Nous avons l'honneur d'être, etc... »

Lettre au président de l'Assemblée nationale.

« Monsieur le Président, nous avons l'honneur de vous adresser la copie de la lettre que nous écrivons au ministre de la guerre. Nous pensons que les objets que nous y traitons et sur lesquels nous croyons qu'il est indispensable de répondre, sans délai, sout trop majeurs pour les laisser ignorer à l'Assemblée nationale dans un moment surtout où les esprits s'agitent sur la libre circulation des grains; nous vous prions en conséquence, Monsieur, de vouloir bien la lui communiquer et nous espérons qu'elle trouvera convenable d'employer ses bons offices auprès du pouvoir

exécutif, pour que les forces que nous sollicitons nous soient accordées le plus promptement possible, parce que la sûreté de nos frontières exige les plus grandes précautions, si nous voulons en éloigner les vagabonds qui augmentent chaque jour depuis que les troupes des Pays-Bas autrichiens sont licenciées.

« Nous croyons nécessaire, Monsieur, de vous prier d'engager l'Assemblée nationale de nous autoriser à donner à la charge du Trésor public, à ceux de ces hommes qui sont Français, les secours qu'ils pourront réclamer pour retourner chez eux, et nous pensons que deux sols par lieue suffisent pour cela. Si elle adopte notre proposition, il est à croire que cette grâce les engagera à retourner dans le lieu de leur naissance et débarrassera ce département d'hommes dangereux, que le besoin détermine à vexer nos habitants. « Nous sommes, etc...

"

Signé les administrateurs du département du Nord. »

M. Merlin présente, en conséquence, au nom de plusieurs comités, un projet de décret qui est adopté dans les termes suivants :

«L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :

Art. 1er.

« Le roi sera prié de donner les ordres les plus prompts, tant aux commandants des troupes de ligne, qu'à ceux de maréchaussée dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, et dans tous les départements limitrophes et voisins des PaysBas autrichiens et du Luxembourg, pour qu'ils prennent toutes les mesures, et fassent toutes les dispositions nécessaires, même en requérant, au besoin, l'assistance des gardes nationales, à l'effet d'arrêter les désordres ultérieurs que pourraient commettre les ci-devant soldats des troupes belgiques qui se trouvent actuellement ou pourraient s'introduire par la suite dans lesdits départements.

Art. 2.

«Le roi sera également prié de donner des ordres pour que, sur la réquisition des corps administratifs desdits départements ou de leurs directoires, et d'après les états qui seront par eux fournis aux commandants ou directeurs des arsenaux, il soit délivré par ceux-ci aux municipalités, sur leurs récépissés, les armes nécessaires pour mettre leurs gardes nationales en état de concourir efficacement, et selon les formes établies par la Constitution, à la défense des propriétés et au maintien du bon ordre.

Art. 3.

Tous les ci-devant soldats des troupes belgiques ou autres étrangers étant actuellement en France, seront tenus, dans les vingt-quatre heures de la publication du présent décret, dans chacune des municipalités où ils se trouveront, de porter leurs armes aux greffes des officiers municipaux de la ville la plus voisine, qui en feront l'estimation et leur en payeront la valeur, de laquelle il leur sera tenu compte par le receveur du district dans l'arrondissement duquel cette ville sera placée, en rapportant par eux lesdites armes au secrétariat de ce district, si mieux ils n'aiment les retenir pour l'usage de leurs gardes nationales, ou les faire vendre, au profit de leurs communes, à des citoyens actifs.

Art. 4.

« Passé ce délai de vingt-quatres heures, tout soldat des troupes belgiques ou autres étrangères actuellement en France, qui sera trouvé avec des armes, sera arrêté et conduit devant la municipalité de la ville la plus voisine, qui déclarera les armes confisquées, et pourra, s'il y a lieu, le condamner à un ou plusieurs jours de prison. Art. 5.

« Les mêmes mesures seront prises et les mêmes peines seront prononcées contre ceux desdits soldats qui, parvenant à s'introduire en France postérieurement à la publication du présent décret, ne porteraient pas sur-le-champ leurs armes au greffe municipal de la ville la plus voisine du lieu de leur arrivée.

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16 juillet dernier par la municipalité de May, canton de Crouy, district de Meaux, département de Seine-et-Marne, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu, le 15 dudit mois de juillet, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;

• Déclare vendre à la commune de May les domaines nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 92,642 livres, 4 sous, payable de la manière déterminée par lé même décret.

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Deuxième décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité chargé de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 23 juin dernier, par la municipalité de PlessisPlacy, canton de Crouy, district de Meaux, département de Seine-et-Marne, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;

« Déclare vendre à la municipalité de PlessisPlacy les biens mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 344,141 liv. 4 s. 7 d., payable de la manière déterminée par le même décret. »>

Troisième décret.

L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité d'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites les 5, 15 et 27 juin dernier par la municipalité de VilleneuveSaint-Georges, canton du même nom, district de Corbeil, département de Seine-et-Oise, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Villeneuve-SaintGeorges, les 25 et 26 dudit mois de juin, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;

« Déclare vendre à la municipalité de Villeneuve-Saint-Georges, les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 360,458 liv, 10 s., payable de la manière déterminée par le même décret. »

Quatrième décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le

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10 juillet dernier, par la municipalité d'Orléans, canton d'Orléans, district d'Orléans, département du Loiret, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu d'Orléans, le 9 avril aussi dernier, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, et situés dans les municipalités ci-dessus désignées; ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;

« Déclare vendre à la municipalité d'Orléans les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 180,198 liv. 6 d., payable de la manière déterminée par le même décret. »

Cinquième décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite les 22 juin et 22 août derniers, par la municipalité de Beauregard, canton de Vertaison, district de Billom, département du Puy-de-Dôme, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Beauregard les 22 juin et 22 août 1790, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;

« Déclare vendre à la municipalité de Beauregard les biens mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 186,701 liv. 4 s., payable de la manière déterminée par le même décret.

Sixième décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 4 juillet dernier, par la municipalité de Chidrac, canton de Champeix, district d'Issoire, département du Puy-de-Dôme, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Chidrac, ledit jour 4 juillet, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier ;

« Déclare vendre à la municipalité de Chidrac les biens mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 8,778 liv., payable de la manière déterminée par le même décret. »

Septième décret.

«L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de Prudemanche, des 27 juin et 5 sep

tembre derniers, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune ledit jour 27 juin, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 14 mai derniers, acquérir, entre autres biens nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procèsverbal de ce jour, ensemble les procès-verbaux d'estimations et évaluations desdits biens, faits les 4 et 27 novembre dernier, vus et vérifiés par le directoire du district de Dreux et approuvés par celui du département d'Eure-et-Loir, les 27 et 30 dudit mois de novembre;

« Déclare vendre à la municipalité de Prudemanche, district de Dreux, département d'Eureet-Loir, les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix fixé par lesdits procès-verbaux d'estimations et évaluations, montant à la somme de 45,967 liv. 10 s., payable de la manière déterminée par le même décret. »>

Huitième décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité de Clois, du 30 août dernier, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune, les 23 mai et 29 août derniers, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 17 mars et 14 mai derniers, acquérir, entre autres biens nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble les procès-verbaux d'estimations et évaluations desdits biens, fait le 22 novembre, vus et vérifiés par le directoire du distric de Châteaudun, le 28 novembre, et par celui du département d'Eure-et-Loir, le 30 dudit mois de novembre ;

« Déclare vendre à la municipalité de Clois les biens mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix de 33,149 liv. 15 sous, payable de la manière déterminée par le même décret. »

K

Neuvième décret.

L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite les 21 mai et 17 août derniers, par la municipalité d'Amiens, district d'Amiens, département de la Somme, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune de cette ville, le 20 dudit mois de mai, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir entre autres biens nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations et estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai;

« Déclare vendre à la municipalité de la ville d'Amiens, district d'Amiens, département de la Somme, les biens mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de cinq millions, deux cent sept mille cinq liv. dix-huit sols sept den., payable de la manière déterminée par le même décret. »

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Dixième décret.

L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait,par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite les 6 et 20 juin et 19 août derniers, par la municipalité de Saint-Gobain, canton de Saint-Gobain, district de Chauny, département de l'Aisne, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Saint-Gobain, Tedit jour 6 juin dernier, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir entre autres biens nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier ;

« Déclare vendre à la municipalité de SaintGobain les biens mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 25,853 liv. 15 sous 2 deniers un tiers, payable de la manière déterminée par le même décret. »

Onzième décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite les 9 avril et 22 juillet derniers, par la municipalité d'Orléans, district d'Orléans, département du Loiret, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune, ledit jour 9 avril, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres biens nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procèsverbal, ensemble des évaluations et estimations desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai;

« Déclare vendre à la municipalité d'Orléans les biens nationaux situés au district de Janville, département d'Eure-et-Loir, mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 710,786 livres 6 sols 1 denier, payable de la manière déterminée par le même décret.

Douzième décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission de la municipalité d'Orléans, des 9 avril et 23 juillet derniers, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune, ledit 9 avril, pour, en conséquence des décrets des 19 décembre 1789, 27 mars et 14 mai derniers, acquérir, entre autres biens nationaux, ceux dont l'étal est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations et estimations desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;

« Déclare vendre à la municipalité d'Orléans, district d'Orléans, département du Loiret, les biens nationaux situés dans le département d'Eureet-Loir, mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 499,443 liv. 19 sous 3 deniers, payable de la manière déterminée par le même décret.

M. le Président lève la séance à trois heures.

PREMIÈRE ANNEXE

A LA SÉANCE De l'assemblée NATIONALE DU 12 DÉCEMBRE 1790.

RAPPORT DU COMITÉ DES MONNAIES

sur l'organisation des monnaies.

Messieurs, votre comité des monnaies croit indispensable, avant de vous proposer un ordre nouveau sur l'organisation des monnaies, de mettre sous vos yeux les divers régimes sous lesquels cette administration a passé.

Anciennement les monnaies formaient une branche assez considérable du revenu domanial du souverain; et comme les autres étaient fort restreintes, le besoin en fit abuser. Tant que régna ce déplorable système, on pouvait affermer les monnaies.

Colbert les ayant envisagées du côté politique, c'est-à-dire du commerce de l'Etat, du travail des pauvres et de l'abondance publique, il les mit en régie.

Le Trésor public mit un dépôt de fonds dans chaque monnaie, proportionné au travail dont elle était susceptible, afin de pourvoir au payement comptant des matières apportées au change mais les régisseurs étant devenus titulaires d'offices, ces fonds ont en partie servi à l'acquisition des offices; une partie à des prêts sans intérêts, que se faisaient faire les directeurs généraux; et une portion peut-être à payer l'apport des matières. Le gouvernement a reconnu l'abus de ces fonds morts, et en a réduit successivement l'a

vance.

Lorsque, après Colbert, la fiscalité revint présider au régime des monnaies, la régie éprouva à peu près les mêmes inconvénients qui avaient fait proscrire les fermiers, c'est-à-dire que les régisseurs zélés suivirent strictement l'esprit du fisc pour se rendre recommandables par l'abondance des profits, et que les moins délicats essayèrent d'en partager directement le bénéfice. Telle est la source évidente et successive de l'empirance des monnaies.

En effet, une partie du bénéfice consistait à économiser une portion des matières fines reçues au change, pour en faire entrer le moins possible dans l'espèce monnayée; et à approcher le poids des espèces monnayées le plus près qu'il était possible, sans se compromettre, du large accordé à l'imperfection de l'art par la loi.

Ce n'est pas qu'il n'existât des règles très bien combinées, très précises, des examens rigoureux, confiés aux juges des monnaies mais les régisseurs parvenaient facilement à calomnier les formes comme des entraves à l'exécution et l'accélération du travail, même au produit légitime du fisc. Un ministre des finances, presque toujours absorbé par l'urgence et l'immensité des décisions ou des opérations de son département, ne pouvait avoir assez de temps, ni même, que par hasard, assez de connaissances pour apprécier ces combats éternels entre l'exécution mécanique et les formules de son inspection.

On confia donc les détails administratifs à un seal officier connu sous le nom de directeur général, qui rendit compte au ministre du produit de la manufacture royale de la monnaie on laissa subsister, par respect, toutes les formes anciennes prescrites par les ordonnances, même

celles qui ne pouvaient plus avoir d'application. On se garda bien même d'abolir les inutilités qui existaient, comme des témoins du vice des lois gothiques, et qui servaient d'autorité pour les innovations arbitraires qu'on proposait au gouvernement. Peut-être aussi l'obstination d'une aveugle superstition qui ne diseernait pas la différence des choses, crut-elle plus consciencieux de conserver ses formules inutiles ou absurdes, que de se prêter à réformer un usage abusif dans son origine.

Quoi qu'il en soit, les juges continuèrent de décerner des condamnations contre les directeurs à raison du montant des remèdes qu'ils avaient employés au profit du roi; ce qui obligea l'administration de leur en accorder la décharge, en prouvant que le Trésor royal en avait bénéficie. Pour rendre cette justice, il fallut faire le décompte de l'emploi effectif des matières reçues au change. Du mode de cet acte de justice decoulèrent des désordres énormes et à peine croyables, si la preuve la plus authentique n'en était pas acquise.

En effet, la négligence des tarifs et des essais annuels des espèces étrangères y introduisit des erreurs grossières; des espèces furent favorisées sur le prix, et d'autres, au contraire, mal traitées. La fréquence des mouvements et des altérations sur la monnaie avait, non seulement empiré les titres à chaque mutation, mais encore produit de fausses fabrications. La honte de ce scandale fit établir, en principe, qu'il convenait d'en faire un mystére, et de recevoir les espèces de ces fabrications sur le pied de la loi pleine au change des monnaies. Ce désordre des tarifs publics nécessita la confection d'un tarif secret moins irrégulier, d'après lequel le directeur général seul réglait l'emploi du fin, fait par chaque directeur particulier, dont la fortune devint soumise à l'arbitraire de son chef.

Ce ne fut pas le seul abus qui en résulta. Il est évident que les louis d'or de France, par exemple, étant payés sur le pied de 22 karats pleins, la tentation d'enregistrer les guinées, les portugaises, enfin toutes les espèces étrangères de ce titre, sous le nom de vieux louis, devenait trop puissante, pour que plusieurs n'y succombassent pas. Les vieux louis s'évaluatent au tarif secret à 21 karats 22/32: ainsi le bénéfice d'un enregistrement frauduleux était de 10/32 valant environ 11 livres par marc.

Celui qui ne s'en contentait pas, avait encore un attrait on lui accordait un quart en sus des condamnations qui n'étaient pas couvertes par le compte du fin, d'après le tarif secret du directeur général; de manière que le directeur condamné à rendre 12/32, et déchargé de 10 sur le compte du fin, avait en outre une remise du quart des remèdes qui couvrait les deux manquants. Une grande partie des enregistrements au change pouvait donc être fausse impunément.

En vain des formes et des contrôleurs semiblaient mettre à l'abri de ces infidélités; en vain exigeait-on des certificats de mises en fonte des matières par les officiers sermentés des mon. naies : la plupart des officiers absents ne revenaient que pour dresser des registres conformes aux brouillards des directeurs. De 1726 jusqu'en 1756, la plupart des certificats ont été reconhus ihendiés et des frais d'affinage, qu'on ne faisait point, devenaient une dépense de fabrication.

Il était difficile qu'une pareille administration ne devint pas suspecte aux deux cours des monnaies et des comptes; et malgré leur rivalité de

prétentions sur un compte qui consistait également en titres et en poids, que la première regardait comme son attribution, et en deniers qui Concernaient exclusivement la seconde, leurs attaques se concertèrent contre les abus auprès du ministère. La lenteur de la décision détermina la chambre des comptes à couper le mal dans sa racine; elle refusa d'apurer les comptes du trésorier général, auquel le directeur général ne voulait pas produire les pièces originales.

1244 millions de charges s'accumulèrent; et dix-huit années de comptes arriérés devinrent un nouveau moyen de pertes pour le Trésor public, comme de facilité pour voiler les abus.

Il fallut enfin, que le gouvernement prit une connaissance plus approfondie des monnaies. Un intendant des finances fut chargé de ce département en 1755, et prit tous les moyens pour connaître l'état des désordres en détail, leur source et les expédients qu'il était praticable d'y apporter successivement. La première opération fut de restituer le trésorier général dans ses fonctions; ce qui dépouilla le directeur général de son autorité absolue: il demanda lui-même sa démission peu de temps après.

Le conseil přit lui-même connaissance des comptes du fin; et les décharges des condamnations ne furent plus accordées que sur ses arrêts.

L'économie fut pratiquée sur les travaux. Des expériences en grand et authentiques furent faites pour vérifier tous les titres étrangers; et l'on réforma, par voie d'administration, le tarif secret, en attendant que l'on pùt procéder à le supprimer et à un règlement général. On vérifia, par ce moyen, que tous les états de mise en fonte étaient des pièces mendiées, souvent certifiées par des absents. Les registres des contrôleurs se trouvèrent également eutachés de n'être la plupart que des copies des brouillards des direc

teurs.

Enfin, le seigneuriage sur les matières apportées au change des monnaies fut successivement réduit à 8 deniers pour livre en faveur du commerce, avec son applaudissement, et avec un succès marqué pour le travail des monnaies.

Le seigneuriage, double sur l'or, et dont le Trésor public profitait rarement, fut égalisé à celui sur l'argent au benefice du commerce.

Toutes ces opérations furent consolidees en 1771, par la confection d'un tarif nouveau; qui regia pour base de comptabilité, que le titre serait représentatif du prix, et le prix représentatif du titre: ordre clair et strict, qui ne promettait plus de faux enregistrement. Le quart des remèdes accordé aux directeurs fut aboli. On s'approcha avec eux du forfait, autant qu'il fut possible, à l'égard des dépenses de détail. On procéda, de concert avec la chambre des comptes, a de nouveaux règlements de comptabilité. Plusieurs monnaies furent supprimées; mais la faveur en fit conserver d'inutiles.

Enfin, l'administration des monnaies, quoique compliquée à raison du profit pris sur le titre, le poids et la valeur numéraire, devenait claire et régulière, si les surachats et l'ambition du travail n'eussent de nouveau sollicité la cupidité d'altérer les titres, ou bien si chacun des surveillants eù rempli son oflice.

Il faut convenir, cependant, que l'omission de deux règles proposées à l'administration, a peutêtre empêché de prévenir une partie des désordres qui se sont substitués aux anciens: L'une de ces règles eût été que l'essayeur fût obligé d'essayer une lame de chaque fonte faite par le di

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