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ce qui serait plus adroit. Rien ne serait plus malfaisant pour les officiers ministériels euxmêmes; rien ne serait plus indigne de la loyauté de l'Assemblée, et cependant c'est vers ce but que tendent la plupart des propositions qui vous ont été faites.

Il n'y a pas un seul des anciens bailliages dont le ressort se trouve entier dans un district; les territoires sont extrêmement réduits; les matières son infiniment plus simples; ainsi les juridictions sont moins étendues, et il y a moins de matières à procès. Ajoutons à cela que la simplification de la procédure civile est indispensable, et qu'ainsi, avec moins de procès, il y aura moins à gagner sur eux. Voilà donc l'état où se trouveront réduits les procureurs dans ces circonstances. Leur direz-vous: « Nous ne voulons point porter atteinte à votre état; nous ne voulons pas supprimer vos offices; vous supporterez seulement la réduction des produits qui y sont attachés?» Mais la réduction de ces produits mêmes amène nécessairement celle de l'état même; cette réduction, que le vœu national nécessitera, est elle-même l'anéantissement de l'Etat. Donc il est impossible de conserver des offices au milieu d'un état de choses qui ne compenserait pas la perte qu'il ferait faire à leurs propriétaires.

Donc il est de l'intérêt même des officiers ministériels de les supprimer; et si on ne les supprime pas, dans six mois ou un an, ils auront éprouvé l'anéantissement que la nouvelle constitution judiciaire assure, sans avoir reçu aucune indemnité.

Ainsi, Messieurs, il faut ou renoncer au travail commencé de la simplification de la procédure, ou il est nécessaire de supprimer les officiers et de les rembourser, parce qu'avec leurs finances ils pourront se livrer à un nouvel état ou, selon ce que vous décréterez, trouver de nouveaux moyens de pourvoir à leurs besoins. Il est évident qu'avant d'entrer dans toute discussion particulière vous devez d'abord décider si l'on conservera les offices ministériels ou si on les confirmera, puisque, selon la solution de cette question générale, on pourra s'occuper du reste du plan du comité, ou l'abandonner totalement.

M. Talon. J'ai vu avec étonnement proposer dans cette Assemblée de supprimer non seulement les oificiers de magistrature, mais encore les offices; ce qui m'a donné plus d'étonnement encore, c'est d'entendre que l'on se plaignait de ce que l'on voulait conserver des personnes chargées uniquement de la défense de leurs concitoyens c'est confondre la liberté naturel'e avec la liberté sociale. Les officiers ministériels sont la partie morale de la force publique ; celui qui ne peut se défendre lui-même trouve en eux des defenseurs dont la loi garantit pour ainsi dire la probité. Vous n'avez pas envie de livrer au hasard l'égalité des lois, qui ne peut être maintenue sans le secours des lumières de ceux qui en connaiss nt l'étendue. Je regarde donc comme décidé qu'il faut des officiers ministériels chargés de là défense des citoyens ; il est de l'intérêt public que ce défenseur ait un gage de responsabilité. Vainement observe-t-on que cela n'est pas nécessaire et que souvent cela est insuffisant.

En vain, auriez-vous décrété l'égalité des citoyens, si vous ôtez au plus grand nombre le moyen de jouir de l'égalité morale. Or, si vous ôtez aux parties les défenseurs publics, plus d'é

galité morale; le faible ne trouvera plus auprès des tribunaux des défenseurs dont la probité lui sera garantie par la justice mê ne il trouvera ou des intringants ou des ignorants. Aussi n'estil pas dans l'intention de l'Assemblée d'en priver le public. Mais puisque leur utilité est reconnue, pourquoi supprimer ceux qui existent actuellement? Je pourrais opposer le comité à lui-même et lui dire que, d'après lui, j'ai assuré que l'on pouvait contracter pour ces sortes d'offices. Ils acquièrent d'autant plus de droit de prétendre à leur conservation qu'ils ont été exclus de l'éligibilité à beaucoup de places.

Vous avez supprimé, il est vrai, la vénalité des offices de judicature; mais quelle différence n'y a-t-il pas entre ceux qui rendent la justice au nom de la nation et ceux qui la sollicitent au nom des individus? Je me résume en demandant simplement la conservation des offices ministériels.

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M. Chabroud. La première question à décider est celle de savoir si les officiers ministériels seront conservés dans leurs fonctions autant que le nouvel ordre de choses peut le permettre. Je dis que oui, parce qu'il est indispensable d'admettre l'établissement d'officiers ministériels; et s'il en faut, pourquoi ne pas conserver ceux qui existent actuellement? Vous avez décrété que l'ordre judiciaire serait reconstitué en entièr; vous avez entendu, par là, qu'il serait fait un nouvel ordre d'organisation, mais non pas qu'on détruirait tout ce qui est dans l'ordre naturel des choses. Tant que les hommes subsisteront il y aura des procès; il faudra remplir des formes; il faudra que l'on plaide et que des jugements interviennent; il faudra donc des officiers ministériels. En détruisant la hiérarchie judiciaire vous avez voulu qu'il n'existât pas de corporation qui pût menacer la liberté publique. Je pense donc qu'il faut décréter que les procureurs auprès des bailliages et sénéchaussées seront répartis dans les nouveaux tribunaux.

M. Thouret. Que propose le comité? de supprimer les offices. Pourquoi? c'est qu'il ne faut pas qu'on soit procureur parce qu'on est fils de procureur; il ne faut pas qu'on soit procureur, parce qu'on a des finances pour acheter un office de procureur. La fortune et l'hérédité garantissent mal la probité et les talents; il faut supprimer les officiers ministériels par un premier décret et arrêter ensuite que les àncieus officiers ministériels seront distribués dans les nouveaux tribunaux, en nombre nécessaire pour leur service, et qu'ils y seront placés exclusivement à tous autres.

M. Tronchet. On vous proprose de décréter actuellement la suppression des offices ministériels, et ensuite de décréter indéfin ment que vous pouvoirez a leur replacement. Je ne vois pas pourquoi supprimer actuellement et laisser dans le vague le moment et le mode du reinpla

cement; c'est prolonger l'état misérable dans lequel languissent trois mille familles. Voici mon idée il ne faut ni les supprimer, ni les conserver. Tout le monde convient qu'il y a des officiers ministériels qui demandent leur remboursement, et d'autres que leur place leur soit conservée. Je demande qu'on leur laisse l'option.

M. Boutteville-Dumetz. Je demande qu'on pose ainsi la question: Peut-il exister, dans la Constitution, des offices vénaux et héréditaires?

Plusieurs membres demandent l'ajournement de la discussion à demain.

(Cette motion est adoptée.)

M. de Menou, au nom du comité d'aliénation, propose les trois projets de décret suivants portant aliénation de domaines nationaux; ils qui sont adoptés sans discussion ainsi qu'il suit :

Premier décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le permier juillet 1790, par la municipalité d'Ormes, canton d'Ingré, district d'Orléans, département du Loiret, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu d'Ormes, le 24 mai 1790, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier; « Déclare vndre à la municipalité d'Ormes les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 21,270 livres, payable de la manière déterminée par le même décret. ›

Second décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité chargé de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 13 juin 1790, par la municipalité de la Chapelle-Saint-Mesmin, canton de la ChapelleSaint-Mesmin, district d'Orléans, département du Loiret, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de la Chapelle-Saint-Mesmin, le 13 juin dernier, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 34 dudit mois de mai dernier;

« Déclare vendre à la municipalité de la Chapelle-Saint-Mesinin les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 27,119 livres, payable de la manière déterminée par le

même décret. »

Troisième décret.

L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des do

maines nationaux, de la soumission faite le 8 juillet 1790, par la municipalité de Loury, canton de Loury, district de Merville-aux-Loyes, département du Loiret, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Loury, le 30 juin 1790, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier :

« Déclare vendre à la municipalité de Loury les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 2,024 livres, payable de la manière déterminée par le même décret. »

M. Merlin, au nom du comité d'aliénation, propose aussi deux projets de décret qui sont adoptés ainsi qu'il suit :

Premier décret.

L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 14 juillet dernier, par la municipalité de Peuplingues, canton de Peuplingues, district de Calais, département du Pas-de-Calais, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Peuplingues, le 14 juillet dernier, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, en autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;

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Déclare vendre à la municipalité de Peuplingues les biens mentionnés audit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 33,593 1. 9 s., payable de la manière déterminée par le même dé

cret. »

Deuxième décret.

«L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 26 août dernier, par la municipalité de Guines, canton de Guines, district de Calais, département du Pas-de-Calais, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit heu de Guines, le 26 août dernier, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;

« Déclare vendre à la municipalité de Guines les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 64,834 1. 3 s. 8 d., payable de la manière déterminée par le même décret. »

M. Dabuat, député de Meaux, demande, pour raison de santé, un congé de six semaines qui lui est accordé.

M. Laboreys de Chateau-Favier, député du département de la Creuse, absent par congé du 10 novembre, pour six semaines, écrit à M. le Président pour qu'il veuille bien prier l'Assemblée de lui donner une prolongation de congé de quinze jours, ce que l'Assemblée lui accorde.

M. le Président lève la séance à trois heures.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. PÉTION.

Séance du mardi 14 décembre 1790, au soir (1).

La séance est ouverte à six heures et demie.

Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes :

Adresse des administrateurs du département de la Seine-Inférieure, qui exposent leurs inquiétudes sur les entreprises, si souvent répétées, par lesquelles on s'efforce d'alarmer les bons citoyens et de ranimer le courage des méchants. Ils expriment unanimement le veu que l'Assemblée nationale déploie toute l'autorité qui lui est confiée pour anéantir à jamais l'espoir des ennemis de la patrie.

Adresse de la société des amis de la Constitution établie à Autun, qui dénoncent à l'Assemblée une déclaration du chapitre-cathédral de l'église de cette ville, vraiment incendiaire, et qui porte tous les caractères de la rébellion Contre le décret du 27 novembre dernier.

Adresse de la société patriotique et philanthropique, portant le titre d'Encyclopédie française, établie à Toulouse, qui présente ses hommages à l'Assemblée nationale, et la supplie d'approuver son institution, ses règlements et ses projets. qui tendent tous à l'encouragement de l'agriculture et du commerce, au soulagement des pauvres, au plus zélé civisme, à la perfection des arts et à l'étude des sciences.

Adresse des juges du district de Quimper, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l'Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement.

Adresse du sieur Paroisse, natif de Chalon-surSaône, qui supplie l'Assemblée de prendre sous ses auspices quelques ouvrages de son invention, qui ont pour objet de fournir à l'Etat de nouveaux moyens de defense en temps de guerre.

Délibération de la section de la Grange-Batelière portant que l'Assemblée nationale sera suppliée de décréter que le club des fédérés des gardes nationales du royaume, tenant ses séances au couvent des Petits-Pères, et toute autre association pareille, seront incessamment dissous; en second lieu, que les fédérés actuellement à Paris seront invités à s'affilier aux bataillons des sections dans lesquelles ils sont logés, pour concourir, comme ils ont fait juqu'à présent, aux gardes d'honneur.

Adresse des aumôniers de la garde nationale parisienne qui adhèrent avec une respectueuse reconnaissance aux décrets de l'Assemblée na

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

tionale, notamment à ceux concernant la nouvelle organisation du clergé. Ils supplient l'Assemblée d'ordonner que, par amendement à son décret du 12 juin dernier, les aumôniers honorés du suffrage glorieux de leurs concitoyens soient admis au nombre des vicaires, chacun dans la paroisse de son bataillon.

Adresse des administrateurs du directoire du district de Laon, qui annoncent que pour se conformer à l'article premier du titre III des décrets des 23 et 28 octobre dernier, ils ont envoyé au directeur des monnaies de Paris une caisse d'argenterie provenant de quelques communautés religieuses de leur arrondissement, du poids de 175 marcs 3 onces 4 gros.

Adresse de M. Jean-François Mourellon, curé de Neoox, contenant le procès-verbal de sa nomination à l'évêché du département de la Creuse. Ami de la Constitution et de la religion, il fait serment entre les mains de l'Assemblée de défendre l'une et l'autre, contre les attaques de leurs ennemis.

Adresse des habitants de tous les cantons du district de Castelsarrazin, département de la Haute-Garonne, qui demandent à l'Assemblée nationale de déroger, pour cette fois seulement, au décret concernant les conditions de l'éligibilité aux places de juge, pour maint nir, conformé– ment au vœu général des justiciables, juge du tribunal du district, le sieur Lomalatié qui se trouve parent au degré prohibé du juge qui a été élu avant lui. Les vertus et les talents de ce magistrat sont si précieux à ses concitoyens, qu'ils supplient l'Assemblée nationale d'avoir égard à leur pétition revêtue de plus de quatre cents signatures.

Adresse des amis de la Constitution des villes et districts de Lille, au département du Nord, qui s'opposent formellement à la nomination du sieur Pajot, à la place de commissaire du roi dans le tribunal de district, comme contraire aux principes constitutionnels, et dérogeant entièrement aux dispositions de l'article 9 du titre If du décret du 16 août dernier, qui ordonne que, pour être commissaire du roi, il faudra avoir été juge, et exercé publiquement, pendant l'espace de cinq ans, les fonctions d'avocat dans un siège, et que ledit sieur Pajot n'a ni été juge ni exercé les fonctions d'avocat, pendant le terme prescrit par ledit décret.

MM. Hébrard et Raby de Saint-Médard demandent que l'Assemblée prononce immédiatement sur la pétition des cantons du district de Castelsarrazin, département de la Haute-Garonne, tendant à ce que, pour cette fois, l'Assemblée veuille bien déroger à son décret concernant l'éligibilité aux places de juge, pour maintenir, conformément au vœu général des justiciables, juge du tribunal de district, le sieur Lomalatié, parent au degré prohibé du juge qui a été élu avant lui.

M. Regnaud (de Saint Jean-d'Angély) objecte que, quelque mérite qu'ait ce juge, l'Assemblée ne peut pas faire d'exception particulière ni déroger à aucun de ses décrets; en conséquence, il demande l'ordre du jour.

(Cette dernière proposition est adoptée.)

M. de Vismes, au nom du comité des domaines, demande que l'Assemblée décrète l'adjonction de ce comité à ceux des finances, d'imposition, d'agriculture et de commerce, pour le

travail sur l'organisation des compagnies de finances, ordonnée par le décret du 3 octobre dernier.

(Cette motion est adoptée.)

M, de Vismes présente ensuite une adresse des juges du tribunal du district de Laon, dans laquelle ces magistrats expriment leur attachement aux principes de la Constitution, leur reconnaissance respectueuse pour l'Assemblée nationale, leur amour pour le roi et leur zèle pour l'accomplissement de leurs devoirs.

M. Coroller dénonce, au nom du conseil général de la commune de Longwy, un mandement séditieux de l'archevêque de Trèves, dont, dit-il, l'objet principal est de faire soulever le peuple contre la Constitution.

(L'Assemblée renvoie l'examen de cette adresse aux comités ecclésiastique et diplomatique pour en rendre compte incessamment.-Voyez ce document annexé à la séance de ce jour, p. 480.)

L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité des finances sur les ponts et chaussées (1).

M. Legrand. En rendant justice au mérite et au patriotisme de M. Lamilière, directeur général des ponts et chaussées, je demande néanmoins 1o la suppression de cette direction comme entièrement inutile, 2o la division du royaume en quatre inspecteurs généraux au lieu de huit, et l'appel de ces inspecteurs au conseil d'administration.

M. Grangier. C'est confondre tous les principes et sacrifier l'administration des ponts et chaussées, que de réunir les fonctions qui appartiennent à l'art et celles qui dépendent de l'administration. C'est en les distinguant que MM. de Trudaine père et fils, aidés des talents de MM. de Raigemothe et Perronet, on donné à cette administration la célébrité qu'elle a acquise et qu'elle mérite; c'est par les mêmes principes que l'administrateur sage et habile, qui dirige aujourd'hui les ponts et chaussées, a obtenu des succès qui ont étonné l'Europe pour qui elle est devenue une école de toutes les nations de l'Europe on vient recevoir ses leçons.

L'expérience prouve assez qu'en changeant ce régime, la France perdrait tous ces avantages. Qu'arriverait-il de la suppression de la place de directeur général des ponts et chaussées? C'est que les fonctions en seraient remplies par un pemier commis du contrôle général qui, n'étant pas aussi en évidence qu'un commissaire du roi et n'ayant pas les mêmes motifs d'émulation, sera en quelque sorte fondé à ne pas se croire assujetti aux mêmes obligations et n'apportera jamais, dans ses soins et dans l'étude de cetie administration, le même zèle, les mêmes connaissances et la même application que celui qui en sera spécialement chargé par état et par honneur. C'est d'ailleurs le seul moyen de conserver, dans cette partie si importante à la prospérité de l'Empire, ce centre d'unité sans lequel il est impossible d'obtenir de grand succès et de parvenir à des résultats généralement utiles.

M. l'abbé Gouttes s'élève contre l'existence

(1) Voyez le rapport de M. Lebrun, du 31 octobre, et la discussion du 4 novembre 1790, Archives parle mentaires, lome XX, pages 168 et 270.

d'une direction générale des ponts et chaussées. Il représente le directeur général comme étranger aux connaissances pratiques et aux mystères de cet art dont il ne partage point les travaux. Ce chef n'est qu'un conseiller d'Etat et rien de plus. S'il met la main à l'œuvre, ce n'est que pour gâter des travaux qu'il ne connaît pas. Il conclut à ce qu'il n'y ait pas d'autre chef du corps des pouts et chaussées que le premier ingénieur de France.

M. Alexandre de Beauharnais. Il m'est impossible de concevoir une grande administration, comme celle des ponts et chaussées, qui ne soit pas soumise à un centre commun d'autorité et de surveillance, à une direction générale. Je n'intéresserai pas l'Assemblée en faveur du directeur actuel, dont les qualités personnelles et le patriotisme lui sont connus, et qui a eu la vertu de refuser le ministère auquel il était appelé. Aucune considération personnelle ne doit influer sur la détermination de l'Assemblée; mais je remarquerai, en faveur de la direction générale, que, depuis qu'elle est établie et surtout depuis qu'elle est confiée à un homme recommandable par son zèle et par ses lumières, l'administration des ponts et chaussées a été considérablement améliorée... Les propositions qu'on vous a faites pour remplacer la direction générale me paraissent préjuger une grande question: celle de savoir s'il serait convenable de mettre à la tête des différentes administrations des gens de la même profession, ou s'il ne serait pas plus utile de confier la direction des départements, de celui des ponts et chaussées, comme de celui de la guerre, de la marine, etc., à des personnes non intéressées, à des hommes de loi, à des magistrats qui auraient donné des preuves de mérite et de probité... Je demande la question préalable sur l'amendement de M. Legrand.

M. de Sérent appuie cette opinion.

M. de Folleville. Je demande que la direction des ponts et chaussées soit confiée au ministre de l'intérieur.

M. Defermon. Je crois qu'à moins de créer un ministre particulier des ponts et chaussées la place de directeur général est inutile. Les projets de travaux publics seront proposés au Corps législatif par les administrations du département; ces administrations consulteront des hommes de l'art: c'est donc à l'assemblée des ponts et chaussées, et non aux lumières individuelles d'un directeur, qu'il faudra recourir. C'est dans le Corps législatif que les projets de travaux publics seront discutés; il sera composé des députés de tous les départements du royaume. Cette réunion de lumières suffira, sans doute, pour empêcher l'admission de plans partiels qui ne seraient utiles qu'aux intérêts d'un département, au préjudice de ceux des départements voisins. Les travaux seront ordonnés par la législature, les fonds seront accordés par la législature; les plans seront préalablement examinés par des hommes de l'art proposés par les départements, qui vérifieront les faits. D'après cela, je ne vois pas à quoi servirait une direction générale des ponts et chaussées.

M. Goupil. Sous le ministère de Turgot, du grand Turgot, il n'y eut point de direction générale des ponts et chaussées. Colbert, le trois fois grand Colbert, réunit au ministère des finances le département des ponts et chaussées. Je ne vois

ici qu'une seule objection: l'administration des ponts et chaussées n'avait pas la même étendue, n'était pas aussi compliquée qu'aujourd'hui. Je réponds que vous avez sagement réduit à un très petit nombre de fonctions celles du ministère des finances; c'est au ministère de ce département à surveiller les travaux des ponts et chaussées. Un directeur général, établi à la tête de cette administration, serait un ministre des ponts et chaussées, et je ne vois pas la nécessité de multiplier les ministres; le résultat de cette multiplication d'agents en chef et de surveillants serait d'affaiblir et de rendre illusoire la responsabilité.

M. Lebrun, rapporteur. Le préopinant et ceux de son avis paraissent n'avoir pas compris l'objet du plan de votre comité. Il ne s'agit pas de créer un ministre des ponts et chaussées; mais vous ne pouvez pas empêcher le roi, chef et surveillant de cette administration, d'établir un intermédiaire entre son ministre et les ponts et chaussées.

M. Emmery. Je demande que l'Assemblée ajourne la question de la suppression de la place de directeur général des ponts et chaussées jusqu'au moment où elle s'occupera de l'organisation du ministère.

(L'ajournement est prononcé.)

M. Bureaux de Pusy. Le projet de décret qui vous est soumis au nom du comité des financs a évidemment pour objet l'économie, l'harmonie et la perfection des travaux publics. Je pense qu'il est superflu d'insister sur la nécessité de les coordonner et de les diriger de manière à ce que, procurant les avantages de l'agriculture et du commerce, ils puissent encore concourir à la defense de l'Etat.

De tous les objets d'industrie confiés à la surveillance du corps des ponts et chaussees, il n'en est presque aucun qui, dans nos provinces frontières, ne puisse réunir ces différentes propriétes; mais, pour atteindre à ce point de periection, il faut que les connaissances mercantiles et agricoles s'allient aux combinaisons militaires et s'entr'aident mutuellement. C'est faute de cet accord que l'on a vu se multiplier les exemples de tant de projets connus et exécutés d'une manière si préjudiciable aux finances de l'Etat et à la défense de ses froutières, et qu'on les verrait se multiplier encore avec d'autant plus d'abondance et de danger que les moyens d'en arrêter l'abus seraient moins déterminés, moins précis, moius clairement indiques par l'Assemblée nationale.

Au nombre des travaux publics les plus importants on peut compter ceux des ports de mer.

Tous les ports sont plus ou moius susceptibles d'être considérés comme postes militaires, et à ce titre le corps du génie pourrait réclamer la surveillance et la direction des travaux qui les concernent. Cependant il faut convenir qu'il en est beaucoup, tels que ceux de Rouen, d'Honfleur, de Nautes, de Bordeaux, où les dispositions militaires ne paraissent qu'en seconde ligne et ne sont que des accessoires subordonnés aux vues commerciales; d'autres, au contraire, tels que ceux de Toulon, de Cherbourg, de Dunkerque, comportent au plus haut degré les préparatifs de la defense et sont en quelque sorte des cles du royaume d'autres participeut également de ces différentes propriétés.

Or, comme l'artiste militaire auquel sont confiés

les travaux de la défense n'a pas d'autres procédés d'exécution, d'autres principes de construction, que l'artiste civil, il peut remplir les fonctions de ce dernier, et la proposition réciproque n'existe pas; car la disposition générale de forteresses, la combinaison, la relation, l'ensemble de leurs parties forment un art particulier entièrement distinct des conceptions de l'architecture civile. Il suit de ces vérités incontestables que, dans les travaux dont il s'agit, l'artiste militaire peut toujours suppléer l'artiste civil, sans qu'il y ait réciprocité. Si ce raisonnement ne mène pas à conclure que tous les ports devraient, ou du moins pourraient être confiés avec avantage au corps du génie, au moins en résulte-t-il qu'il serait utile et convenable de les distinguer en deux classes l'une de ports militaires et l'autre de ports civils, et d'en confier les travaux au corps du génie ou à celui des ponts et chaussées, selon leur objet et selon que leur destination se rapporterait plus particulièrement à la guerre ou au

commerce.

Passant de l'examen des travaux des ports à la généralité des travaux publics qui s'exécutent daus les départements des frontières, j'observe que tous, sans exception, ont un relation inévitable avec les moyens défensifs militaires; l'établissement d'un canal, la construction ou l'emplacement d'un pont, le desséchement d'un marais ou d'un étang, le percement d'une forêt, la direction d'une route, tous ces moyens, disje, seront liés d'une manière plus ou moins imimédiate au système défensif adopté pour la partie des frontières où ils s'exécutent; tous peuvent avoir une influence directe sur la valeur des forteresses qu'ils avoisinent; il est donc raisonnable et nécessaire qu'ils ne puissent s'exécuter sans la participation et sans le concours de ceux auxquels 1 défense de l'Etat est plus immédiatement confiée. Je demanderai donc qu'il soit donné connaissance aux inspecteurs généraux et aux directeurs des fortifications des projets de travaux publics qui devront s'exécuter dans les départements où ils seront employés, afin qu'ils puissent en rendre compte au ministre de la guerre, lui faire connaître ce eu quoi ils peuvent servir ou préjudicier à la défense de l'Etat, proposer les modifications capables de la concilier avec les besoins de l'agriculture et du commerce, et enfin qu'ils soient autorisés à vérifier si l'exécution est conforme aux projets convenus.

Je demanderai de plus, et toujours par les mêmes motifs de convenance et d'utilite publique, que ceux de ces travaux qui ont la plus grande influence sur les moyens militaires, tels que les canaux et les redressements ou curements des rivières, soient toujours confiés au corps du génie. Les rapports de ces sortes d'ouvrages avec le système des forteresses sont de tous les jours, de tous les moments; et une chose qui paraîtra peut-être extraordinaire, mais qui n'en est pas moins véritable, c'est que dans les pays plats, tels que le département du Nord et une partie de celui du Pas-de-Calais, le système hydraulique est combiné avec tant de précision qu'on ne pourrait faire varier de six pouces, en plus ou en moins, les radiers des écluses ou des sas de tel canal, sans que ce léger changement n'influâl, d'une manière essentielle, ou sur la culture des terres, ou sur la navigation des canaux, ou sur la déleuse des places de guerre, qui rassemblent, ou dégorgent, ou partagent les eaux du pays. Enfin, j'ajouterai qu'il n'est aucun de ces ouvrages qui ne puisse remplir le but de la

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