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Les habitants de Rouen ne se refusèrent pas à la prorogation de ces droits, mais ils demandèrent avec juste raison que la totalité de leurs produits fût appliquée au profit de leurs hôpitaux, et qui dès lors ne pouvaient subsister sans

ce secours.

La persévérance des réclamations, particulièrement de celles de M. le cardinal de La Rochefoucauld, fit enfin fléchir le despotisme de l'abbé Terray, et, à cette époque, ou accorda sur cette usurpation, mais au titre dérisoire de don, une somme annuelle de 80,000 livres au profit de l'hôpital général de Rouen et de 20,000 livres à l'Hôtel-Dieu.

Ce prétendu don a été prorogé par différents arrêts du conseil en 1774, 1780 et 1786, en payant à chaque fois le droit du marc d'or.

Le produit de ces droits dans leur totalité, pendant les années 1783, 1784, 1785, 1786, 1787 et 1788, s'est élevé, année commune, à 298,904 livres 17 sous 1 denier. Ces droits ont été prorogés définitivement par l'édit de février 1780 pour dix années; ils expirent le 31 de ce mois, ainsi que nous l'avons déjà dit.

C'est sous ces différentes considérations que je suis chargé, Messieurs, au nom de vos trois comités réunis des finances, de l'impôt et de mendicité, de vous présenter le projet de décret suivant :

(M. Le Couteux donne lecture du projet de décret.)

M. de Folleville. Je demande que le travail général sur les besoins de la chose publique et sur ceux des villes vous soit présenté incessamment et que le projet de décret qui vous est proposé soit ajourné jusque-là.

M. Fréteau. Je viens d'être prévenu par M. le rapporteur du comité de mendicité (1) qu'il est prêt à vous proposer une somme de quinze millions pour les besoins des villes,

M. Le Couteulx. Je réponds qu'il n'y a pas un instant à perdre, puisque le secours finit avec le mois courant. Le comité de mendicité, à qui mon projet de décret a été communiqué, a trouvé que, loin de contrarier ses vues, cette mesure les assurait davantage. J'ajoute que la dette arriérée de ces deux hôpitaux est de 422,000 livres.

M. Prieur. Que demandent les citoyens de Rouen? De continuer à payer un impôt pour venir au secours de leurs malades. Nous devons applaudir à leur générosité et y consentir avec empressement.

M. Moreau (de Tours). Toutes les villes sont plus ou moins dans le même cas et vont vous adresser des demandes semblables. Je propose de faire un décret général au lieu d'un décret particulier. Ce sera une grande économie de temps. (L'amendement de M. Moreau est ajourné.) Le décret est rendu en ces termes:

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport fait au nom des comités des finances, de l'imposition et de mendicité, décrète ce qui suit:

Art. 1er.

Les droits d'entrée qui se perçoivent à Rouen

(4) Voy. le rapport de M. de Liancourt, Archives parlementaires, tome XVII, page 105, et le rapport fait dans la séance du 16 décembre 1790.

sous la dénomination de droits réservés, qui ont succédé au don gratuit, et qui ont été prorogés définitivement pour dix ans par l'édit de février 1780, continueront, à compter du 1er janvier prochain, à être payés et perçus provisoirement au profit des deux hôpitaux de cette ville, en attendant la publication des lois géné rales qui seront décrétées sur la mendicité, les hôpitaux du royaume, et sur les droits d'entrée dans les villes et l'organisation générale de l'impôt.

Art. 2.

« Les percepteurs actuels seront tenus de verser les fonds de leur recette aux mains des officiers municipaux, qui, de leur part, les verseront dans la caisse des trésoriers des deux hôpitaux de Rouen, dans la proportion des besoins respectifs de chacun d'eux, laquelle proportion sera déterminée par les membres du directoire du département.

Art. 3.

Tous les six mois, les officiers municipaux rendront, au directoire du département, le compte de leur gestion, pour raison de leur perception desdits droits, et des sommes qu'ils auront payées aux trésoriers desdits hôpitaux.

Art. 4.

« Les administrateurs desdits hôpitaux rendront également, tous les six mois, aux officiers municipaux, un compte général de leur recette et dépense, et lesdits officiers municipaux sont autorisés, sous la surveillance des corps administratifs, et en attendant la publication des lois générales sur les hôpitaux du royaume, de faire tels règlements provisoires qui seront jugés nécessaires pour la meilleure administration de leurs hôpitaux, et particulièrement pour que les individus valides qui y sont aduis y soient entre tenus dans un travail utile et productif,»

M. Gossin, au nom du comité de Constitution, fait le rapport suivant :

Messieurs, la commune de Montauban demande l'établissement de cinq juges de paix dans son canton, y compris les campagnes. Votre comité a pensé que la population de Montauban n'excédant pas 20,000 àmes, trois juges de paix suffisaient.

Aux termes de l'instruction adressée aux corps administratifs, les translations de paroisses d'un district à un autre peuvent être faites de l'aveu respectif des districts intéressés; mais sur l'avis des départements, l'Assemblée doit prononcer.

Le département de la Somme, les deux districts d'Abbeville et d'Amiens, demandent que la paroisse de Donsiers soit du district d'Amiens; les motifs de ce changement sont fondés sur le plus grand avantage des administrés.

Il s'est établi deux municipalités dans la ville de Cholet; le département de Maine-et-Loire, sur le vœu du district, demande leur réunion en une seule; elle préviendra toute mésintelligence et assurera dans une petite ville l'unité de principes si désirable et si nécessaire pour former une bonne administration.

Le département demande la réunion de beaucoup d'autres municipalités; mais le comité a pensé qu'il était indispensable de connaître le væeu de ces communes.

Le département du Nord demande l'établissement de tribunaux de commerce dans les villes

de Dunkerque, Lille et Valenciennes; cette pétition ne peut souffrir de difficultés.

Le département du Bas-Rhin forme la même pétition pour la ville de Strasbourg: elle est également juste; mais on ne peut admettre les exceptions qu'il propose pour la création de cet établissement.

Ceux de la Mayenne, de la Seine-Inférieure, de la Haute-Marne présentent la demande des mêmes établissements dans les villes de Laval, Rouen, Fécamp, Saint-Valéry et Langres.

Toutes ces villes non seulement peuvent soutenir ces établissements, mais ils leur sont nécessaires; presque toutes les possédaient, et dans celles qui n'en avaient pas, il existait des amirautés, auxquelles il est nécessaire de suppléer par des tribunaux de commerce.

Le département de la Charente-Inférieure demande l'établissement de deux tribunaux du même genre dans les îles de Ré et d'Oléron; la situation, le commerce de ces îles le rendent nécessaire c'est le vœu des députés du département et de ses administrateurs.

:

Voici le projet de décret que je suis chargé de Vous soumettre :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des administrations des départements de la Somme, de Mayenne-et-Loire, du Nord, du BasRhin, de la Mayenne, de la Seine-Inférieure, de la Haute-Marne, de la Charente-Inférieure et de la commune de Montauban, décrète ce qui suit: «Il sera nommé trois juges de paix à Montauban.

« La paroisse de Donsiers est distraite du district d'Abbeville pour demeurer unie à celui d'Amiens.

« Les municipalités de Saint-Pierre et de NotreDame de Cholet, département de Mayenne-et-Loire, district de cette ville, seront réunies pour n'en former qu'une à l'avenir, qui sera actuellement élue en conformité des décrets.

«Les communes des autres municipalités, dont le département de Mayenne-et-Loire demande la réunion, sont autorisées à s'assembler pour manifester leur vou à cet égard.

« Il sera établi des tribunaux de commerce dans les districts de Bergues. Lille, Valenciennes, Strasbourg, Laval, Rouen, Montivilliers, Cany et Langres, ainsi que dans les îles de Ré et d'Oléron, lesquels seront séant dans ces villes, à l'exception de ceux des districts de Bergues, Montivilliers et Cany, qui siégeront dans les villes de Dunkerque, Fécamp et Saint-Valéry.

« Les sièges de ceux des îles de Ré et d'Oléron seront séant à Saint-Martin pour l'île de Ré, et à Saint-Pierre pour celle d'Oléron.

«Les tribunaux de ce genre, actuellement existants dans lesdites villes, continueront leurs fonctions, nonobstant tous usages contraires, jusqu'à l'installation des nouveaux juges, qui seront élus conformément aux decrets.

« Ils seront installés et prêteront serment en la forme établie par les décrets sur l'organisation de l'ordre judiciaire. (Adopté.)

M. de Saint-Simon, député d'Angoulême, demande et obtient un congé d'un mois.

M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la discussion du rapport fait au nom des comités de Constitution et de judicature sur la suppression des offices ministériels.

M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). On vient de distribuer à la porte de la salle un court écrit qui traite d'une manière plaisante une grande question. Le voici :

« Avec votre mot d'officiers ministériels, vous « confondez tout. Il y a autant de différence entre un notaire, un procureur et un huissier, « qu'entre un chien, un chat et un rat. Faites-en « donc la distinction, soit dans leur suppression, << soit dans leur création nouvelle et ne sabrez « par votre décision en housards. » (On rit.)

M. Dinocheau, rapporteur. Avant que la discussion s'engage, j'observerai que l'on a assez confondu le sort des offices avec celui des officiers; je vais en conséquence vous présenter une série de questions relatives aux offices dont vous déciderez sans doute la suppression.

1° Admettra-t-on dans les tribunaux de district des offices ministériels vénaux et héréditaires ? 2° Les offices ministériels actuellement existants seront-ils conservés ou supprimés?

3o Les officiers ministériels actuellement existants seront-ils autorisés, en cas de suppression, à continuer par provision leurs fonctions auprès des tribunaux de district, dans lesquels ils seront répartis suivant les besoins du service?

4° En cas de suppression des offices ministériels, les anciens officiers, exerçant auprès des bailliages et sénéchaussées royales, seront-ils remplacés près des tribunaux de district par des hommes de loi?

5° La distinction des fonctions d'avocat et de procureur sera-t-elle conservée, ou ces fonctions seront-elles exercées cumulativement par les hommes de loi?

6o Les hommes de loi seront-ils chargés exclusivement de l'instruction écrite des procès ?

7 Admettra-t-on tous les citoyens à l'exercice du droit de la défense officieuse?

8° Les hommes de loi et les huissiers serontils choisis au concours pour remplir le nombre qui sera jugé nécessaire, d'après les décrets de l'Assemblée nationale, sur les avis des directoires de district réunissant les observations des dépar

tements?

M. Chabroud. Je demande qu'on aille aux voix sur la première proposition, qui probablement ne souffrira pas de difficultés.

M. Regnaud, député de Saint-Jean-d'Angély. Je commence par diviser la question qui vous est présentée. Je ne sais comment on a confondu les procureurs avec les huissiers et les notaires. Une ligne de démarcation très profonde sépare leurs fonctions et doit varier votre détermination; aussi je ne m'occuperai que des procureurs. Vous avez à examiner, relativement à eux, deux questions, l'une constitutionnelle, l'autre qui, dépendant des circonstances, ne concerne que leur intérêt personnel. Constitutionnellement tout homme a le droit de choisir son défenseur comme son médecin; mais de même que vous ne laissez pas exercer la médecine à des charlatans qui empireraient le mal au lieu de le guérir, de même vous ne devez pas laisser les fonctions de défenseurs des citoyens à des hommes qui éterniseraient ou envenimeraient les discussions, au lieu de les faire cesser.

Les procès sont les maladies des fortunes comme la fièvre est celle des personnes; il faut que le soin de guérir les maux ne soit confié qu'à des mains pures et exercées, et c'est au lé

gislateur à indiquer au peuple les hommes à qui il peut, sans risque, accorder sa confiance.

D'après cela vous fixerez, par vos décrets sur l'organisation de l'éducation nationale, le moje d'examen, la nature et la durée des études pour obtenir le droit d'exercer les fonctions d'homme de loi. En attendant, et dans ce moment, vous devez pourvoir au sort d'une classe d'hommes nombreuse, qui ont favorisé la Révolution et servi la patrie, et vous devez assurer le service auprès des nouveaux tribunaux. Pour cela je propose de faire payer à tous les procureurs le montant de la finance de leur office, suivant l'évaluation de 1771.

Je voudrais qu'il leur fût, en outre, alloué une indemnité, mais en la donnant plus considérable à ceux qui ne voudront pas continuer l'exercice de leurs fonctions, et en la réduisant à moitié pour ceux qui voudront les continuer.

Je voudrais que chaque procureur fût tenu de faire son option devant la municipalité de sa résidence, et l'extrait de sa déclaration lui servirait seul de titre pour exercer ses fonctions près d'un tribunal.

Dans mon système, les fonctions d'avocat et de procureur seraient confondues. L'avocat pourrait faire ou ne pas faire l'instruction; le procureur pourrait écrire ou plaider dans toutes les causes. Chaque individu pourrait faire écrire ou plaider dans sa cause par qui il voudrait; mais l'instruction demeurerait exclusive nent aux hommes de loi formant désormais une classe unique. Enfin nul ne serait admis à se consacrer aux fonctions d'homme de loi à l'avenir, que suivant les formes constitutionnelles. Telles sont, Messieurs, les bases du décret que j'ai l'honneur de vous proposer :

« Art. 1er. Les offices de procureur près des parlements, cours des aides, chambres des comptes, cours des monnaies, pré-idiaux, sénéchaussées, bailliages et autres tribunaux de première instance ou d'appel, sont et demeurent supprimés.

« Art. 2. Il leur sera remboursé à tous, ceux de Paris exceptés, le montant de la finance de leur office suivant un calcul dont l'évaluation de 1771 sera la base, et d'après le mode qui sera fixé ciaprès.

Art. 3. Il leur sera, en outre, alloué une indemnité dont la quotité sera déterminée dans les articles suivants.

«Art. 4. Dans le mois qui suivra l'époque de la publication du présent décret, tous les procureurs seront tenus de déclarer devant les officiers municipaux du lieu de leur résidence, en personne ou par écrit, s'ils entendent ou non continuer leurs fonctions. Cet état sera envoyé par les municipalités au ministre de la justice.

Art. 5. Ceux qui auront déclaré vouloir continuer leurs fonctions ne recevront que la moitié de l'indemnité, mais il leur sera libre d'exercer celles d'hommes de loi près de tel tribunal du royaume qu'ils voudront choisir.

Art. 6. La distinction ci-devant établie par la loi entre les avocats et les procureurs demeure abolie. Les procureurs qui choisiront de continuer eurs fonct ons, et les avocats exerçant près des anciens tribunaux au moment de leur suppression, et tous ceux que l'Assemblée a déclarés éligibles aux places de judicature, pourront, à leur choix, faire conjointement ou divisément, et sous le titre unique d'hommes de loi, les fonctions de défenseurs de parties, en instruisant la pro

cédure, écrivant ou plaidant; la taxe sera la même pour tous.

«Art. 7. Tous les citoyens auront le droit de faire écrire ou plaider pour eux le défenseur que leur confiance aura choisi; mais les hommes de loi seuls pourront faire l'instruction et les actes de la procédure.

Art. 8. Lorsque l'Assemblée s'occupera de l'éducation et des écoles nationales, elle fixera le mode constitutionnel et la durée des études, et les examens nécessaires pour être admis à exercer les fonctions d'hommes de loi; et jusque-là nul autre que ceux désignés par les précédents articles ne pourront être adinis à les remplir. »

M. Legrand. Il me paraît que votre intention est de rembourser les offices; mais je ne vois pas que vous supprimiez les procureurs, qui cependant sont absolument inutiles. Entre la loi et celui qui la prononce, il ne doit y avoir qu'une seule personne : c'est le défenseur de la partie; il n'en aura pas besoin d'un pour le fond et d'un autre pour la forme. Je demande donc qu'on pose ainsi les questions: 1° Supprimera-t-on les offices ministériels employés ci-devant à l'administration de la justice? 2° Les titulaires de ces offices seront-ils admis de droit à se livrer à la défense de leurs concitoyens ? 3o Y aura-t-il un tableau où pourront se faire inscrire les personnes qui voudront se livrer à cet emploi ? 4° Les formes de la procédure seront-elles simplifiées ?

M. Buzot. Il est étonnant qu'après avoir posé en principe que la vénalité des offices était supprimée, on s'amuse à discuter pendant trois jours la même question. M. de Mirabeau a la parole après moi; je la lui cède pour qu'il nous communique ses vues sur cette matière.

M. de Mirabeau. Je ne parlerai pas longtemps, car j'avoue que la question me paraît déjà longuement débattue; je lirai seulement un projet de décret. Je n'ai pas la prétention d'avoir trouvé quelque chose de nouveau: il me semble que les avis les plus éclairés demandent à la fois et le bienfait de la suppression des offices, la création des hommes de loi, et la conservation des titulaires des offices des juridictions royales. D'après ce simple exposé, je vais vous faire lecture de mon projet de décret :

1° Tous les offices ministérie's établis près des anciens tribunaux, sous quelque dénomination que ce soit, sont supprimés, et il ne pourra en être créé de semblables à l'avenir; n'entendant néanmoins rien juger, quant à présent, à l'égard des notaires.

« 2° Le mode de remboursement de ces offices sera incessamment déterminé, et il sera statué en même temps sur la demande d'indemnité formée par les titulaires.

3. Il sera établi, près des tribunaux de district, des officiers, sous le titre d'hommes de loi, chargés exclusivement de faire l'instruction des procès. Ces officiers pourront, en outre, défendre, soit verbalement, soit par écrit, les parties qui les en auront chargés.

4° Et néanmoins tout citoyen pourra défendre officieus ment un autre citoyen, soit verbalement, soit par écrit; mais alors il ne sera rien exigé ni taxé en justice pour le payement de cette défense officieuse.

5. Le nombre des hommes de loi à établir près des nouveaux tribunaux sera fixé par le

Corps législatif, d'après les instructions qui lui seront adressées par les directoires de district.

6. A l'avenir il sera procédé à la désignation de ces hommes de loi d'après les règles et dans les formes qui seront incessamment décrétés. «7° Mais provisoirement les procureurs qui exerçaient dans les cours de parlement, conseils supérieurs, bail iages, sénéchaussées et autres juridictions royales ordinaires seulement, auront la faculté de remplir exclusivement à tous autres lesdites fonctions d'hommes de loi auprès des nouveaux tribunaux.

* 8. En conséquence, lesdits procureurs seront tenus de déclarer, dans trois mois à dater de la publication du présent décret, s'ils veulent ou s'ils ne veulent pas user de la faculté qui leur est accordée par l'article précédent, et de désigner en même temps le tribunal auprès duquel ils sont dans l'intention de postuler.

« 9° Ceux desdits procureurs qui, dans le délai ci-dessus prescrit, auront déc'aré ne vouloir pas user de cette faculté, recevront le remboursement de leurs offices, et même l'indennité, s'il en est adjugé; le tout dans la forme qui aura été déterminée pour tous les autres offices ministériels supprimés purement et simplement par l'article 1er de ce décret.

10° Ceux desdits procureurs qui, dans le même délai, auront notifié leur acceptation et désigné le tribunal auprès duquel ils se proposent d'exercer les fonctions d'hommes de loi, n'auront dès lors aucun droit aux indemnités qui pourraient avoir été prononcées en leur faveur; et à l'égard du remboursement de leurs offices, il ne pourra avoir lieu qu'après leur décès, entre les mains de leurs héritiers.

11 Il en sera de même pour ceux qui n'auraient fait dans ledit délai aucune espèce de déclaration.

12. Les déclarations portant refus seront faites par devant le syndic du département dans lequel le titulaire sera domicilié.

13. Seront les déclarations portant acceptation faites par devant le commissaire du roi du tribunal auprès duquel le titulaire se propose d'exercer; et avant de faire ladite déclaration, il pourra exiger du commissaire la représentation de la liste de ceux qui se seront fait inscrire avant lui.

« 14° La désignation du tribunal une fois faite, il ne sera plus permis d'en choisir un autre.

« 15° Il sera dressé, dans chaque tribunal de district, un tableau de ceux desdits procureurs qui se seront fait inscrire pour y exercer les fonctions d'homines de loi.

«16° Si le nombre de ces officiers se trouve supérieur à celui qui aura été fixé pour le tribunal, ils seront contraints de s'y réuire par la voie du sort; et ceux qui auront été obligés de se retirer auront, pour ce cas seulement, la faculté de choisir un autre tribunal d'entre ceux qui ne seront pas encore au complet.

« 17° Si le nombre de ces officiers se trouve inférieur à celui qui aura été fixé pour le tribunal, ce nombre sera complété par la voie d'élection dans les nouvelles formes qui auront été établies par les décrets ultérieurs, sauf l'exception portée en l'article précédent. »

(On demande la question préalable.)

M. de Mirabeau. Je désire qu'on puisse concilier plus nettement le bienfait de la suppression des offices, la liberté de défendre officieusement, le respect pour la propriété des titulaires, la

grande considération de ne pas occasionner un bouleversement inutile, l'accélération de l'exercice des nouveaux tribunaux et la diminution des indemnités. Je le désire; mais, avant que de rejeter un décret qui a de grands et nombreux suffrages, il faut examiner.

M. Le Chapelier. Le projet de décret présenté par M. de Mirabeau se rapproche beaucoup de celui du comité, sinon qu'il a quelques désavantages de plus pour les officiers et pour le public. Dans un article il laisse la liberté de prendre un défenseur officieux, et dans le suivant il propose un privilège exclusif. Je demande qu'on pose ainsi les questions: Y aura-t-il un officier public pour les citations en jugement, dans la proportion d'un pour six mille âmes? 2o Les cominunications se feront-elles par l'intermédiaire d'un officier pu blic? 3o Y aura-t-il des avocats auprès des tribunaux pour l'instruction des procès ?

M. Dinocheau, rapporteur. J'ai aussi à vous présenter une nouvelle série de questions concertées avec M. Treilhard: 1° Supprimera-t-on les offices de greffiers et de procureurs? 2° Etablirat-on, auprès des tribunaux de district, des officiers chargés exclusivement de l'instruction des procès ? 3o Préférera-t-on les procureurs établis auprès des tribunaux et juridictions? Les procureurs établis auprès des tribunaux et cours supprimés serontils admis en concurrence?

M. Goupilleau. Je demande la priorité pour les questions posées par M. Le Chapelier.

M. Chabroud. Je pense qu'il faut d'abord mettre aux voix cette proposition: La vénalité et l'hérédité des offices ministériels ou de postulation près les tribunaux soat supprimées.

M. de Croix. Je demande si on entend parler des notaires?

Plusieurs voix s'élèvent: Non!

M. Martineau. Je viens appuyer le projet de M. de Mirabeau. Lorsqu'on vous parle de ne pas laisser une latitude indéfinie à la défense officieuse, on étouffe les cris de la Révolution; mais lorsque l'on veut mettre entre les mains de tout le monde l'instruction des procès, on ouvre la carrière la plus vaste au brigandage des sollici. teurs. Les intrigants ruineront les peuples que Vous voulez soulager et la justice leur coûtera cent fois plus cher qu'à l'ordinaire. E admettant, au contraire, des avoués auprès des tribunaux, il arrivera de deux choses l'ane, ou que les procureurs actuels demanderont leur remboursement, ou d'être en exercice. A combiner sui ant l'ordre des choses, les uns se retireront, mais il y en aura beaucoup plus qui voudront rester, vous n'aurez rien à rembourser à ceux-ci, car j'opine que leurs finances doivent rester comine caution. Je conclus à la priorité du décret proposé par M. de Mirabeau.

M. Démeunier. Nous parviendrons difficile ment à un résultat, si nous ne simplifions la question. Je crois qu'il faudrait la poser ainsi : Abandonnera-t-on indistinctement l'instruction et la procédure à tout le monde? Suffira-t-il d'avoir des huissiers, des greffiers, pour la signification?

M. d'André. J'appuie le préopinant, mais il

n'a pas, suivant moi, posé la question comme elle devrait l'être. Il ne s'agit pas de savoir si on abandonnera, mais si on ôtera aux citoyens le droit de se défendre eux-mêmes.

M. Rewbell. Tout homme peut-il se défendre par lui-même ou fandra-t-il un officier public pour la signification?

M. Defermon. L'Assemblée a fixé son attention sur la vénalité et sur l'hérédité des charges et des offices. D'après ses principes cela ne doit plus faire une question. Ce qui nous occupe maintenant n'est plus qu'une question secondaire, puisqu'il s'agit de savoir s'il y aura des officiers ministériefs. Que vous propose votre comité? De rappeler ces officiers à leur institution primitive, car on ne peut disconvenir qu'ils ne furent établis auprès des tribunaux que par la confiance. Daos des temps de désastre on créa des offices. Le besoin et l'avidité du ministère firent ajouter des suppléments de finances. Pourquoi vouloir propager un tel abus ou du moins en laisser subsister les traces. Je conclus que l'Assemblée, pour être d'accord avec elle-même, doit adopter la série des articles proposés par M. Le Chapelier. Ne craignez pas ce concours d'intrigues qu'on Vous présente obstruant les avenues de la justice. Libre dans son choix, éclairé par ses intérêt, le citoyen ne donnera sa confiance qu'à celui qui la mérite. L'homme taré et de mauvaise foi sera délaissé et personne ne s'en servira. Quant à la défense officieuse, gardez-vous de la limiter. Sans doute, le malheureux trouvait des défenseurs, mais souvent il était obligé de s'adresser à plusieurs. Le bien qui pourra résulter d'une défense officieuse illimitée, ce sera un plus grand concours de personnes prêtes à défendre le malheu

reux.

M. Lucas. Chaque citoyen doit avoir le droit d'instruire sa propre affaire. Mais s'il ne veut pas en user, il doit y avoir des avoués auprès des tribunaux, choisis par les juges et inscrits sur un tableau, sa s en déterminer le nombre, pour laisser aux parties la faculté du choix.

M. Chabroud. Vous allez faire de l'alentour de tous les tribunaux un égout, passez-moi ce terme, où se rendra l'é ume de toutes les professions. Des gens sans mœurs, flétris même, seront aux aguets sur les avenues pour vexer, je dirais même pour dévaliser les malheureux plaideurs. Dans l'origine, la postulation fut illimitée; il en résulta des désordres si effrayants, que l'on fut obl gé d'en circonscrire le nombre. L'Assemblée, d'ailleurs, n'a pas oublié qu'elle a eu en vue, dans la création de ses tribunaux, de diminuer les suppôts de la justice, parce qu'elle savait que plus il y en a, plus les procès et les affaires se multiplient. Que deviendra donc le peuple, si vous ne limitez pas cette sinistre faculté? Il sera en proie, je le répète, à des vampires. Je vous prie de ne pas l'abandonner à cette classe de sangsues. Je demande seulement que l'on prononce la suppression de la vénalité et de l'hérédité des offices.

M. Le Chapelier présente encore quelques observations.

M. le Président rappelle les diverses propositions qui ont été faites et qui consistent à décider d'abord les questions suivantes :

« 1° Si, ou non, la vénalité et l'hérédité des offices ministériels seront supprimées?

D

2. Si, ou non, le ministère des officiers publics sera nécessaire pour les citations, significations et exécutions?

« 3° Si, ou non, il y aura des avoués auprès des tribunaux, pour l'instruction des procès?

Les deux premières questions sont successivement mises aux voix et décidées à l'affirmative; en conséquence, et d'après les amendements proposés et adoptés, l'Assemblée nationale rend le décret suivant :

«1° La vénalité et l'hérédité des offices ministériels auprès des tribunaux, pour le contentieux, sont supprimées;

«2o Le ministère des officiers publics sera nécessaire pour les citations, significations et exé

cutions. »>

(La troisième question est ajourné à demain.)

M. Menon, rapporteur du comité d'aliénation, propose et l'Assemblée adopte les quinze décrets ci-dessous portant vente de domaines nationaux à diverses municipalités.

Premier décret.

. L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 25 juin 1790, par la municipalité d'Annonay, canlon d'Annonay, district du Mezin, département de l'Ariêche, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu d'Annonay, le 28 mai 1790, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'etat est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites des tits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;

« Déclare vendre à la municipalité d'Annonay les biens nationaux compris dans ledit état, aux charges, claus s et con litions portées par le décret du 14 mai dernier, et pour le prix de 42,042 livres, payable de la manière déterminée par le mê ne décret. »

Second décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 27 juin, par la municipalité de Courteuil, canton de Chantilly, district de Senlis, département de l'Oise, en execution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Courteuil, le 6 du même mois de juin, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres biens nati naux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;

་་

« Déclare vendre à la municipalité de Courteuil les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 178,220 livres, payable de la manière déterminée par le même décret. »

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