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qu'après la reddition de ses comptes; car cette opération pouvant seule le constituer débiteur, elle devait être préliminaire à toutes les remises de fonds qu'on pourrait lui demander. Il pouvait donc garder ces fonds jusqu'à la clôture de ses comptes. Cependant il nous à ouvert sa caisse, nous a mis à même de la balancer par aperçu, et nous a dit avec une franchise digne d'éloges, qu'indépendamment d'une somme de 131.519 1. 2 s. 10 d. qui sont déjà versés au Trésor public, ce que nous avons vérifié, il avait encore dans ses mains une somme de 460.000 livres, qu'il croyait entièrement libre et qu'il était prêt à remettre partout où l'Assemblée nationale le prescrirait.

Votre comité des finances a pensé que cette somme devrait être versée au Trésor public et que le caissier en délivrerait un récépissé acompte, qui sera alloué pour comptant dans les comptes du receveur général du clergé.

Nous ne devons pas terminer ce rapport sans donner des éloges à l'exactitude apparente de cette administration et sans rappeler à l'intérêt de l'Assemblée le sort de ceux qui y ont consacré une grande partie de leur vie. L'Assemblée a paru vouloir reconnaître leur travail : nous osons solliciter son humanité et même sa justice.

Projet de décret.

L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des finances, décrète :

«Art. 1er. Le sieur de Quinson, ci-devant receveur général du clergé, comptera de la recette et de la dépense de la caisse générale dudit clergé, à partir du dernier compte rendu et apuré pour chaque nature de recette et de dépense.

«Art. 2. Le compte consistera en un état au vrai, appuyé de pièces justificatives et des sommiers, journaux et registres dans lesquels sont portées lesdites recettes et dépenses.

Art. 3. Il sera alloué audit sieur de Quinson, pour frais de ladite comptabilité, loyer de maison, appointements de commis, etc., la somme de cent trente mille livres.

« Art. 4. Après le compte rendu, tous les livres, journaux, sommiers, registres et pièces justificatives seront déposés au Trésor public.

« Art. 5. Le sieur de Quinson versera incessamment à la caisse de l'extraordinaire la somme de 460,000 livres existant actuellement dans sa caisse, d'après le premier aperçu qui a été dressé par les commissaires de l'Assemblée nationale et dont il lui sera délivré une quittance acompte.

« Art. 6. Il lui sera en outre donné quittance de la somme de 131,519 liv. 2 s. 10 d., dont il a fourni la valeur au Trésor public, en une quittance de finance actuellement exigible, de pareille somme faisant partie du prix de l'office du feu sieur Mouchard, receveur général de Champagne.

■ Art. 7. Le Trésor public remettra cette quittance de finance à la caisse de l'extraordinaire qui lui en remboursera le montant. »

M. Camus. Je demande à M. le rapporteur quelles ont été ses bases pour allouer 130,000 livres en frais de bureaux ?

M. d'Allarde, rapporteur. Dans ces frais de bureaux sont compris le loyer de la maison et le traitement des commis. Ces deux articles seuls absorbent, pour ainsi dire, les 130,000 livres.

Plusieurs membres demandent l'impression du rapport et du projet de décret:

M. Camus. J'entends plusieurs membres demander l'impression du rapport et des motifs. Je m'y joins, pourvu qu'il soit décrété que les 460,000 livres seront versées immédiatement dans le Trésor public.

M. d'André. M. de Quinson avait 130,000 livres de traitement pour payer ses commis et les frais de bureaux je crois, comme plusieurs membres de cette Assemblée, que cette somme est trop considérable; mais il n'est pas de la dignité de la nation de prendre des deux mains sans compensation. Je demande donc que le tout soit ajourné et que le comité des finances ne vienne pas ainsi nous faire des rapports imprudents, sans les avoir imprimés d'avance, comme il en a reçu plusieurs fois les ordres de la part de l'Assemblée.

M. Camus. Je suis assez persuadé de l'honnêteté de M. de Quinson pour assurer qu'il versera de lui-même dans le Trésor public, et sans attendre la reddition de son compte, des fonds dont il sait qu'il ne peut pas se servir. Ainsi je n'insiste pas et j'appuie l'ajournement du tout.

L'Assemblée nationale ajourne les quatre premiers articles du projet de décret et adopte les trois derniers en ces termes :

« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit : Art. 1er.

Le sieur de Quinson, ci-devant receveur gé néral du clergé, remettra incessamment à la caisse de l'extraordinaire la somme de 460,000 livres existant actuellement dans sa caisse, d'après le premier aperçu qui a été dressé par les commissaires de l'Assemblée nationale, et dont il lui sera délivré une quittance acompte.

Art. 2.

«Il lui sera donné quittance de la somme de 131,519 livres 2 sols 10 deniers, dont il à fourni la valeur au Trésor public, en une quittance actuellement exigible de pareille somme, faisant partie du prix de l'office du feu sieur Mouchard, receveur général de Champagne.

Art. 3.

Le Trésor public remettra cette quittance de finance à la caisse de l'extraordinaire, qui lui en remboursera le montant. >>

M. Gillet-La Jacqueminière, un des commissaires chargés du travail sur les postes et messageries. L'Assemblée a décrété, le 22 août dernier, qu'il serait passé un bail des messageries, pour commencer au premier janvier prochain et que le ministre rendrait compte des propositions qui lui auraient été faites. Il nous a semblé qu'il était inutile et dangereux que l'Assemblée s'en occupât; inutile, puisque c'est au ministre à passer le bail; dangereux, puisque la responsabilité serait anéantie. C'est à l'Assemblée à ordonner, au ministre à exécuter. Cependant je sais que quelques membres doivent insister pour connaître les propositions : je prie l'Assemblée de me dire si elle veut en avoir communication, ou bien charger le ministre de faire ce qui lui paraîtra lë plus avantageux pour l'Etat.

. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Vous

avez décrété, le 22 août dernier, que le ministre vous rendrait compte des offres qu'il recevrait. Pourquoi a-t-il attendu jusqu'au 17 décembre? Est-ce pour se soustraire à votre surveillance? Je demande à savoir pourquoi on néglige les offres du sieur Choiseau, tendantes à réduire le prix des places à dix sous par lieue, au lieu de seize sous que l'on paye aujourd'hui.

M. Gillet-La Jacqueminière. Le changement arrivé dans le ministère, la mort de M. d'Oigny, que le ministre avait chargé de recevoir les propositions et dont les papiers ont été sous les scellés jusqu'au mois de novembre dernier, ont amené ce retard. Vos comités ont cru inutile ou dangereux de vous lire toutes les soumissions; ils pourront vous en rendre un compte sommaire.

M. Le Chapelier. Les propositions du sieur Choiseau et autres sont imprimées : nous les connaissons. Un rapport succinct de la part des commissaires suffira donc pour nous mettre au fait. Je demande l'ajournement, mais à un jour très prochain, pour pouvoir dire : il y aura au premier janvier, etc., etc.

(L'Assemblée ajourne cette question à la séance de dimanche prochain.)

L'ordre du jour est la suite de la discussion sur les officiers ministériels.

M. Dinocheau, rapporteur des comités de Constitution et de judicature. Vous avez décrété qu'il n'y aurait point dans les tribunaux d'offices vénaux et héréditaires; qu'il y serait établi des officiers ministériels ou avoués, chargés exclusivement de la conduite de la procédure et du dépôt des pièces des parties. Vous avez en outre consacré les principes de la défense officieuse pour donner à la confiance des citoyens une plus grande latitude. Ces bases sont les mêmes que celles sur lesquelles vos comités avaient appuyé le projet de décret qu'ils vous ont proposé; mais elles exigent des développements nécessaires à l'organisation de cette partie de l'ordre judiciaire. C'est pour connaître là volonté de l'Assemblée que je viens vous présenter, au nom de vos comités, une série de questions dont la décision doit précéder la rédaction des articles définitifs. En effet, vous avez bien admis des avoués dans les tribunaux de districts, mais vous n'en avez pas fixé le nombre, ni décrété s'il serait réduit aux besoins du service de chaque tribunal ou s'il serait illimité. C'est à vous, en consultant les grandes vues de l'utilité publique, à décider s'il ne faut pas, tant pour l'avantage des justiciables que pour celui des avoués eux-mêmes, restreindre ce nombre. D'un autre côté, vous balancerez dans votre sagesse les biens qui peuvent résulter pour les peuples d'une liberté indéfinie, en soumettant néanmoins les citoyens qui se présenteront pour exercer les fonctions d'avoués à des formes indispensables.

Ces formes seront nécessaires dans tous les cas pour épurer les tribunaux de ces hordes de solliciteurs qui viendraient souiller le berceau de votre ordre judiciaire. Vos comités pensent que vous ordonnerez des examens tant sur la probité que sur la capacité des candidats. Mais qui sera chargé de cet examen? en quelle forme sera-t-il fail? Vous sentez que c'est à vous à choisir, parmi ces questions et parmi les questions subsidiaires celles qui vous paraîtront les plus convenables?

Mais je ne vous parle que des vues relatives au décret définitif. Revenons au projet qui concerne la formation prochaine des nouveaux officiers ministériels. Pour la première admission des avoués vous adopterez des règles moins sévères; tous les anciens officiers ministériels étant en possession de leur état ont une présomption légale de capacité qui les dispense de tout exa

men.

Il est possible que vous décrétiez que les avoués seront pris de préférence parmi les officiers supprimés; la justice et l'humanité semblent le commander; mais jetez un coup d'œil sur cette foule d'anciens officiers ministériels attachés aux cours supérieures, aux tribunaux ordinaires et d'exception, sur ces procureurs des justices seigneuriales ressortissant immédiatement aux cours, sur ceux mêmes qui, sans avoir un ressort immédiat, exerçaient auprès des tribunaux importants, dans quelques endroits dépourvus de justices royales; sur les avocats, sur les juges supprimés; enfin sur les substituts des procureurs généraux qui, dans quelques bailliages royaux, jouiraient à ce seul titre du droit de postulation. Accorderez-vous la concurrence pour la première formation à tous les anciens officiers ministériels dont les tribunaux de districts concentrent aujourd'hui toutes les juridictions? Limiterez-vous le nombre des avoués aux avocats et procureurs exerçant auprès des anciens sièges royaux qui ont été remplacés par les tribunaux de disiricts, etc....? Pour résoudre toutes ces difficultés, vos comités vous proposent de prononcer sur les cinq questions suivantes, qui sans doute se développeront avec plus d'étendue par le choc de la discussion :

1o Les officiers ministériels ou avoués, qui seront établis auprès des tribunaux, y seront-ils admis en nombre indéterminé, ou seulement en nombre proportionné aux besoins du service à chaque tribunal ?

20 Ces officiers seront-ils admis sans aucun examen de leur probité et de leur capacité ? 3o Par qui sera fait l'examen? 4° Ea quelle forme?

5o Pour le premier établissement des avoués, admettra-t-on de droit tous les ci-devant juges, avocats et procureurs des cours supérieures et autres tribunaux royaux tant ordinaires que d'exception, même ceux des justices seigneuriales, qui ressortissaient immédiatement aux cours, ou qui étaient établis dans les lieux où sont maintenant placés les tribunaux de districts?

M. Le Chapeller. La discussion établie sur chacune de ces questions emporterait beaucoup de temps et fort inutilement, puisque la plupart des bases dont le rapporteur demande l'établissement se trouvent toutes renfermées dans le projet de décret des deux comités. Je demande que, sans s'arrêter à la proposition du rapporteur le projet de décret soii immédiatement mis en délibération.

M. Goupilleau. Le comité de Constitution doit incessamment présenter à l'Assemblée son plan général d'éducation, dans lequel on trouvera sans doute des dispositions relatives à ceux qui se destineront à remplir ces fonctions; toute détermination à cet égard serait donc prématurée. Je propose de discuter avant tout la dernière question proposée par le rapporteur, dont la solution est la plus instante pour le service des tribunaux.

(L'Assemblée décide que la cinquième question sera mise la première en discussion.)

M. Guillaume. C'est dans une question de cette nature que vous allez voir l'intérêt personnel vous proposer une concurrence plus ou moins grande, des exceptions plus où moins resserrées. Les anciens juges, les avocats et tous les praticiens (dont vous avez fait une classe commune en les comprenant indistinctement sous la dénomination d'hommes de loi) vous diront que vous avez détruit leur état, que vous devez les occuper; ils ajouteront qu'ils ont des droits à la confiance publique, et vous verrez qu'ils croiront faire grâce aux officiers ministériels en se bornant à vous demander une concurrence avec eux, concurrence qu'ils leur avaient refusée anciennement. Mais il me semble entendre les procureurs crier à l'injustice, reprocher aux avocats de les avoir autrefois exclus des places des juges, se plaindre d'un système qui admettait les avocats à partager entre eux les dépouilles des procureurs. Ils auront encore d'autres motifs : « Les juges, diront-ils, reçoivent par le remboursement de leurs finances un avantage plus grand que celui qu'ils retiraient de leurs émoluments; les avocats n'ont jamais été que des défenseurs oflicieux, tels qu'ils le seront à l'avenir. Les procureurs, au contraire, ne recevront qu'une indemuité modique et verront disparaître une partie de leurs fonctions.» (Les comités de Constitution et de judicature vous ont annoncé hier qu'ils. allaient vous présenter un projet de décret pour la simplification des formes de la procédure)... Après avoir combattu en commun les avocats et les juges, vous verrez les procureurs se diviser entre eux d'abord en deux classes principales les officiers ministériels des juridictions ordinaires, et ceux des tribunaux d'exception.

Les premiers diront que les matières d'exception sont anéanties, ou en partie confiées aux corps administratifs; que d'ailleurs les officiers ministériels auprès des tribunaux d'exception ont d'autres ressources; qu'ils se sont continuellement livrés à d'autres fonctions que celles que vous déléguez aux avoués, etc..... Mais ne croyez pas que, les procureurs des tribunaux d'exception mis à l'écart, les autres se trouvent d'accord; ils élèveront encore entre eux des préférences. Les juridictions de première instance sont remplacées par les tribunaux de districts; les procureurs de ces juridictions diront qu'ils ont plus de droit que ceux des cours supérieures supprimées sans remplacement; qu'ils sont d'ailleurs accoutumés à l'instruction des affaires de première instance, qu'ils ont toujours été chargés de cette instruction. Ils réclameront encore la préférence comme domiciliés auprès des tribunaux, et repousseront ceux qui viendront des villes où il y avait des tribunaux de districts. Les plus anciens voudront obtenir la préférence sur les nouveaux, les plus âgés sur les plus jeunes... Il est donc indispensable d'établir des règles d'admission.

Il y aura d'autres difficultés: les justiciables voudront conserver ceux dans lesquels leur confiance est placée.

Les procureurs ci-devant attachés aux tribunaux de première instance sont ceux que je vous propose d'employer, non pas exclusivement, mais de préférence aux autres, dans le tribunal du lieu de leur domicile; ensuite les procureurs des ci-devant tribunaux supérieurs et d'appel dans le territoire qui ressortissait à ces tribunaux;

dans le cas d'égalité d'ancienneté, je donne la préférence au plus âgé.

Mon principe est le même que celui que vous avez décrété dans la constitution ecclésiastique, où vous avez donné pour curé aux paroisses réunies celui de la paroisse à laquelle se fait la réunion, et vous avez accordé la préférence, pour le vicariat, aux pasteurs des paroisses supprimées. L'intérêt public se joint aux autres considérations; il exige d'abord que le justiciable n'éprouve aucun retard, aucun préjudice, que les procureurs terminent l'instruction des procès qu'ils ont entrepris.

L'intérêt public exige encore que les nouveaux officiers ministériels aient la confiance des justiciables et les connaissances locales; or, les procureurs ci-devant exerçant près les tribunaux de première instance ont actuellement dans leur domicile et la confiance des clients et la connaissance des pratiques locales; entourés des justiciables qui connaissent leurs mœurs, ils ne pourront plus être dangereux. Je connais les inconvénients d'un trop grand nombre de fonctionnaires publics; mais, pour ne pas violenter la confiance, je vous proposerais: 1o de laisser aux procureurs établis dans une ville la liberté de continuer tous l'exercice de leur profession, sauf leur réduction, après décès, s'ils sont en trop grand nombre; de décider que, dans les districts où il y a plusieurs tribunaux, les officiers ministériels pourront exercer dans toute l'étendue du district.

M. Guillaume propose un projet de décret conforme aux principes qu'il vient d'énoncer.

M. Legrand. Examinons les droits des citoyens et l'intérêt public. Vous avez détruit les procureurs, vous les avez rappelés; en régénérant ainsi cette classe d'hommes, votre intention n'a-telle donc été que de leur rendre le privilège exclusif? Vous avez voulu que les fonctions délicates de l'instruction des procès, de la conservation des formes, du dépôt des pièces, ne fussent confiées qu'à des hommes instruits, qui, avoués auprès des tribunaux, pussent garantir aux justiciables la probité et la capacité nécessaires. La complication actuelle des formes de la procédure a rendu cette restriction indispensable; mais toute restriction nouvelle est inadmissible. Lorsque, sentant les inconvénients d'une ancienne distinction entre les avocats et les procureurs et des doubles emplois qui en résultaient, Vous avez permis à ces derniers de plaider le fond des affaires, vous ne pouvez plus sans injustice exclure des fonctions d'avoué ceux qui, après de pénibles études, ont exercé les fonctions délicates de juge ou d'avocat. Vous avez dépouillé les anciens juges de leurs privilèges, de leurs gages, de leurs épices; les procureurs conserveraient-ils seuls tous les leurs ! Voulez-vous laisser dans l'inaction tous les jurisconsultes qui s'occupaient auprès des anciens tribunaux des fonctions honorables de défendre leurs concitoyens? Je propose que tous les ci-devant juges avocats ou procureurs, autres que ceux des tribunaux d'exception, soient admis de droit à remplir les fonctions d'avoué.

M. Prieur. Par quels principes étranges verrait-on les procureurs de première instance s'armer contre les procureurs d'appel; les domiciliés dans le lieu des tribunaux contre ceux qui ne le sont pas; les juges, les avocats contre tous ?

Rétablira-t-on en faveur de quelques hommes tous les privilèges que vous avez détruits en faveur de la société ? Quel est le motifqui doit vous conduire ? l'intérêt public. Quand l'Assemblée n'a pas voulu admettre aux fonctions d'avoué tous les citoyens, elle s'est déterminée par cette unique considération du bien général que la loi devait assurer aux plaideurs des défenseurs probes et honnêtes; la liberté du choix des avoués, périlleuse pour la partie qui choisissait, eût été nuisible à la partie adverse, et par conséquent ne pouvait être exercée par aucune. Probité, capacité, voilà les seules conditions que la loi a exigées pour l'exercice des fonctions d'avoué; au delà tout serait privilège exclusif, et tout privilège détruit l'émulation.

Or, les anciens juges, les avocats ne sont-ils pas assez instruits pour exercer les fonctions de procureur? La seconde question est celle-ci: Le nombre des avoués sera-t-il déterminé ? C'est comme si vous disiez Je ne veux pas que la confiance porte sur tous les hommes probes et instruits. Le droit de tout citoyen est de donner sa confiance à tout homme digne de la garantie de la loi,et la loi ne peut refuser cette garantie, ce certificat de probité et d'instruction, à aucun homme qui remplit les conditions déterminées par la loi. Le malheureux plaideur traîné devant un tribunal, voyant à la porte un homme de confiance, dirait avec raison à la loi: As-tu le droit de me priver des secours de cet honnête citoyen ?... On m'objectera que cette concurrence va augmenter les frais des procès, parce que les procureurs auront moins d'occupations. La concurrence, au contraire, fait naître l'émulation. Il faudra être honnête homme si l'on veut obtenir des clients; si un procureur exigeait trop de frais, un salaire exorbitant et injuste, il perdrait la confiance et bientôt l'opinion publique l'aurait proscrit du temple de la justice qu'il aurait souillé. L'objet de la Constitution est d'améliorer les hommes, et vous les améliorerez en les mettant vis-à-vis les uns des autres, en mettant leurs qualités morales corps à corps. Autrefois le despotisme resserrait les pensées; on n'osait exprimer ses sentiments, pas même dans le sein de ses foyers; on se défiait de ses propres domestiques; aujourd'hui l'âme des citoyens est singulièrement agrandie. Les vertus reprendront leur empire. Chaque jour, dans les élections publiques, on se demandera Un tel homme est-il honnête, a-t-il du merite, du patriotisme ? La réputation sera la vie morale du citoyen et le seul moyen de parvenir aux places et d'obtenir du succès dans les professions de confiance... Je propose le projet de décret suivant :

:

«Les ci-devant juges royaux; les avocats et procureurs du roi, leurs substituts, les juges et procureurs fiscaux des justices seigneuriales ressortissant aux parlements; les avocats au conseil, les procureurs des parlements, cours des aides, conseils supérieurs, grand-conseil, bailliages, présidiaux, sénéchaussées et autres sièges royaux; les procureurs des juridictions seigneuriales situées dans les lieux où sont aujourd'hui établis lės tribunaux de districts, et ressortissant aux parlements et aux cours supérieures; les avocats inscrits sur le tableau, dans les lieux où il était en usage, seront admis de droit à remplir les fonctions d'avoué, én se faisant préalablement inscrire auprès du tribunal du lieu où ils voudront se fixer. ›

M. Chabroud. Avant d'établir des raisonne

ments sur l'inadmissibilité des privilèges, il faut les définir. J'entends par privilège une exception d'obéissance à la loi. Lorsque la loi attribue à des citoyens quelques fonctions, ces individus n'ont point de privilège, mais une commission déléguée par la loí... Dans le moment présent, il faut pourvoir aux besoins du service des tribunaux, et ne rien préjuger. Si vous donnez une trop grande latitude à l'admission des avoués, vous préjugerez plusieurs questions délicates. Vous avez voulu que le droit de représenter les parties fût délégué par la loi il faut consulter les besoins du moment; car s'il est vrai que les fonctions d'avoué ne peuvent occuper un grand nombre de citoyens, il faut nécessairement restreindre le nombre de ceux à qui on les confie. Les ci-devant procureurs étaient plus que nécessaires; leur nombre est à celui des nouveaux tribunaux à peu près comme 100 est à 1. Je n'ai pas besoin de dire que cette proportion sera à l'avenir trop considérable. Il est donc improposable d'ajouter encore à ce nombre énorme d'officiers ministériels celui des avocats. J'observerai d'ailleurs que les avocats sont peu propres à maintenir les formes. J'ai vu des hommes infiniment estimables et ayant la confiance des parties n'être pas en état de dresser des conclusions... Comme il est impossible de déterminer précisément le nombre d'avoués nécessaire pour les nouveaux tribunaux, je crois qu'il faut admettre tous ceux qui en exerçaient autrefois les fonctions, mais qu'il ne faut point en admettre d'autres.

M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). La différence qui existe entre les propositions qu'on voulait vous faire adopter hier et celles qu'on vous présente aujourd'hui est peut-être l'objet d'une observation remarquable. Hier la latitude du droit de défendre les parties devait être absolue; tous les hommes pouvaient, sans preuves de probité et de talents, entreprendre cette défense. Aujourd'hui on voudrait restreindre ce droit à une classe infiniment étroite, à celle des anciens procureurs. Rappelez-vous les bases qui vous ont déterminés hier à établir des avoués près les tribunaux. Vous n'avez eu d'autre motif que celui de ne pas laisser égarer la confiance, de ne pas exposer l'homme ignorant et crédule à faire un mauvais choix. Il n'est pas possible enfin de trouver dans ce décret d'autre but que celui de l'intérêt même des citoyens. Voyons si l'intérêt du peuple exige que vous circonscriviez entre les mains des procureurs les fonctions d'avoué. Si je puis établir que cet intérêt est contraire à cette circonscription, j'aurai détruit les raisonnements des préopinants, et prouvé les avantages du projet de décret de M. Prieur. Le premier intérêt des citoyens est d'avoir une grande latitude dans le choix de ceux en qui ils doivent placer leur confiance, d'avoir le droit de choisir parmi tous les hommes éclairés et instruits; or, les anciens juges, les hommes qui exerçaient les fonctions délicates du ministère public, enfin tous les hommes que vous avez déclarés capables de juger les citoyens, ne sont-ils pas aussi capables d'exercer les fonctions d'avoué? Peut-on vous faire faire une inconséquence aussi singulière! Quoi! vous reconualtrez à un homme les qualités nécessaires pour tenir la balance entre deux citoyens et pour prononcer sur leur sort, et vous ne lui en croirez pas assez pour défendre les intérêts d'un seul citoyen ! J'ajouterai à la classe des jurisconsultes éclairés, dont je viens de parler, celle des avocats inscrits sur les tableaux, où, s'il se glissait quelques abus de fa

veur ou de protection, la confiance publique ne laissait, en général, placer que les hommes qui en étaient dignes. Voulez-vous empêcher un plaideur de donner sa procuration à un homme qui depuis cinquante ans jouit de sa confiance? Voulez-vous le forcer d'aller chez un procureur qui ne connaît que les formes, tandis qu'il peut trouver chez un jurisconsulte la connaissance de la loi, des conseils salutaires et tous les secours dont il aura besoin? Je demande la priorité sur le projet de décret de M. Prieur. (Une très grande partie de l'Assemblée applaudit.)

M. Martineau. Je réclame la priorité pour la motion de M. Chabroud.

(L'Assemblée donne la priorité à la motion de M. Prieur.)

M. Prugnon. Le projet de décret confond mal à propos les avocats au conseil avec les autres officiers ministériels, et le tribunal de cassation avec les tribunaux de districts. Les procureurs sont les défenseurs des parties; les avocats au conseil sont, de plus, ceux de la loi ceux-ci ont, de plus, les qualités d'avocats et de procureurs que vous voulez réunir, et les formes qu'ils observent sont infiniment simples. Enfin, le ressort de ce tribunal reste le même, et sa compétence n'est pas augmentée. Il n'y a donc aucune raison pour confondre les avocats aux conseils avec tous ceux qui peuvent prétendre à la qualité d'avoués près des autres tribunaux.

Plusieurs membres demandent l'ajournement de cette question.

M. Legrand s'oppose à l'ajournement. (L'ajournement est prononcé.)

M. Boussion propose, par amendement, que l'on comprenne au rang des avoués tous les juges, procureurs fiscaux et procureurs postulants de justices seigneuriales qui relevaient du cidevant parlement de Bordeaux.

(Plusieurs autres amendements sont présentés.)

M. Buzot s'étonne que l'Assemblée écoute autant d'observations qui ne sont que l'effet de l'intérêt personnel ou celui de quelque village, et demande la question préalable sur ces divers amendements.

(La question préalable est adoptée.)

Il s'élève des difficultés relativement à l'expression de juridictions seigneuriales ressortissant des anciennes cours supérieures. »

Plusieurs députés d'Alsace observent que ce serait exclure la majeure partie des jurisconsultes de leurs provinces.

M. Legrand propose de substituer à l'expression contestée l'amendement suivant :

«Seront admis les juges et procureurs fiscaux des justices seigneuriales qui étaient gradués à l'époque de la réforme.»

M. Goupilleau appuie cet amendement. L'Assemblée décide qu'il sera ajouté au décret, pour condition d'admission, celle d'avoir été gradué avant le 4 août 1789.

M. Prieur demande qu'on ajourne la décision relativement à toutes les classes d'anciens hommes de loi sur l'admission desquels il s'est élevé des difficultés.

Cette motion est adoptée. Le projet de décret est ensuite adopté dans les termes suivants :

« Art. 1er,

«Les ci-devant juges des cours supérieures et sièges royaux, les avocats et procureurs du roi, leurs substituts, les juges et procureurs fiscaux des ci-devant justices seigneuriales, gradués avant le 4 août 1789, les ci-devant procureurs des parlements, cours des aides, conseils supérieurs, présidiaux, bailliages, sénéchaussées, prévôtés et autres sièges royaux supprimés; les ci-devant avocats inscrits sur les tableaux dans les lieux où ils étaient en usage, ou exerçant publiquement près les sièges ci-dessus désignés, seront admis de droit à remplir, près les tribunaux de districts où ils jugeront à propos de se fixer, les fonctions d'avoués, en se faisant préalablement inscrire au greffe desdits tribunaux.

« Art. 2.

« L'Assemblée nationale se réserve de déterminer les règles d'après lesquelles les citoyens pourront être, par la suite, admis aux fonctions d'avoués. »

Le comité d'aliénation propose, et l'Assemblée nationale adopte les seize décrets suivants portant vente de biens nationaux à diverses municipalités.

Premier décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite les 21 mai et 17 août derniers par la municipalité de la ville d'Amiens, canton d'Amiens, district d'Amiens, département de la Somme, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu d'Amiens, le 20 dudit mois de mai, pour, en conséquence du déeret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 mai dernier ;

" Déclare vendre à la municipalité d'Amiens les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées au décret du 14 mai, et pour le prix d'un million, 39,455 livres 17 sous, payable de la manière déterminée par le même décret. »

Second décret.

"L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 31 septembre dernier, par la municipalité de Janville, canton de Janville, district de Janville, département d'Eure-et-Loir, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Janville, le 20 juin, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier ;

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