Page images
PDF
EPUB

qu'elles jugeront à propos. Les payements opérés hors du lieu du domicile des parties, ou du lieu de la situation de l'héritage, et qui auront été faits d'après un certificat qu'il n'existait point d'opposition, délivré par le greffier qui en aura le droit, seront valables nonobstant les oppositions survenues depuis, pourvu que la quit'ance ait été enregistrée dans le mois de la date du certificat ci-dessus énoncé,

TITRE VII.

Du droit d'enregistrement sur les quittances de rachat.

Article unique.

Toutes quittances de rachat des rentes ci-devant créées irrachetables, ou qui sont devenues telles par la prescription de la faculté de rachat, seront assujetties à l'enregistrement, et il ne sera payé que 15 sous pour le droit d'enregistrement. Les frais en seront à la charge de celui qui fera le rachat.

M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la suppression des officiers ministériels,

M. Andrieu. Vous avez ajourné hier votre décision sur l'admission de différentes classes d'hommes de loi aux fonctions d'avoué. Les officiers ministériels de campagne ne pourraient l'être sans de certaines conditions qui les assimilassent aux officiers des sièges royaux. Je vous propose le projet de décret suivant :

Les juges, avocats et procureurs fiscaux des ci-devant justices seigneuriales, ressortissant nuement aux cours supérieures, les avocats gradués avant le 4 août 1789, et les procureurs en titre d'office, ou en vertu de provisions, ayant exercé près desdites justices, seront admis à remplir les fonctions d'avoué près des nouveaux tribunaux. »

(Cet article est adopté.)

Plusieurs membres proposent d'exiger des procureurs postulants près les ci-devant justices seigneuriales la condition d'avoir été gradués avant l'époque du 4 août 1789.

M. Moreau fait remarquer que la condition d'avoir exercé près d'une justice seigneuriale nuement ressortissant aux cours supérieures supplée à celle qu'on voudrait exiger.

(L'amendement est rejeté.)

M. Dinocheau, rapporteur. Le décret que Vous avez rendu hier sur l'admission de différentes classes d'anciens hommes de loi aux fonc tions d'avoué exige des articles additionnels qui en facilitent l'exécution. Il est intéressant qu'il se fixe auprès de chaque tribunal un certain nombre d'avoués pour le service du tribunal; car vous n'avez pas entendu accorder aux avoués la faculté d'exercer cumulativement auprès de plusieurs tribunaux; il est donc intéressant qu'ils fassent leur déclaration au greffe du tribunal auprès duquel ils voudront se fixer. Ce n'est pas un article limitatif que je vous propose, mais un article reglementaire; car les hommes de loi pourront, comme vous en avez eu l'intention, faire un choix parmi tous les tribunaux situés dans les anciens ressorts de leur exercice; seulement nous vous proposons qu'ils soient tenus

de se fixer exclusivement près de l'un de ces tribunaux. Si vous ne portez cette loi, vous aurez des avoués chevaucheurs, des charlatans qui courront de tribuna! en tribunal. Ils vondront exercer auprès de tous les tribunaux situés à leur portée, et tous vos hommes de loi, tous vos avoués, vos dépositaires de pièces seront ambulants...

Les mêmes raisons ne subsistent pas pour les défenseurs officieux : ils sont les hommes de confiance des parties; les avoués, au contraire, sont les hommes de la loi. Tout le monde peut être défenseur officieux; l'intérêt public exige qe les avoués soient reçus auprès du tribunal et surveillés par les juges. Si ces derniers mènent une vie ambulante, il n'y a plus de surveillance, plus de responsabilité : les juges près desquels ils exerceront momentanément ne pourront les connaître... Cependant à ce principe basé sur l'intérêt public je vous proposerai personnellement une exception en faveur de la ville de Paris, où les avoués peuvent sans inconvénient, et doivent même, pour l'utilité des parties, exercer indistinctement auprès des six tribunaux de cette ville... Je vous propose donc de décréter « que les ci-devant juges et autres fonctionnaires dénommés dans le décret d'hier seront tenus de faire leur déclaration auprès du tribunal près lequel ils entendront se fixer, et qu'ils ne pourront exercer que près dudit tribunal ».

M. Legrand. Chaque homme de loi préférera se fixer dans le lieu habituel de son domicile, dans la ville où il a sa famille, ses amis. Les anciens avocats pouvaient exercer dans toute l'étendue des ressorts des départements; il n'en résultait aucun des inconvénients dont M. le rapporteur vient de parler. Votre intention n'est pas, sans doute, d'empêcher les citoyens de choisir des défenseurs parmi les avoués d'un tribunal voisin, ni de soumettre ces avoués à un esclavage local...

M. Régnier. La question est décidée par votre décret d'hier, par lequer les avoués sont tenus de déclarer le tribunal près duquel ils voudront se fixer.

M. Tronchet. Les avoués sont des dépositaires de pièces; ils sont responsables. Voulez-vous que je confle mes pièces à un voyageur? Voulez-vous que mon procès soit retardé par les courses de mon avoué?

M. Barnave présente une rédaction qui est adoptée ainsi qu'il suit :

«1° Aucun avoué ne pourra exercer en même temps ses fonctions près de plusieurs tribunaux, à moins que ces tribunaux ne soient établis dans la même ville; 2° que tous les ci-devant juges, avocats et procureus, qui voudront exercer les fonctions d'avoué, seront tenus de faire leur déclaration dans le lieu de la situation du tribunal près duquel ils voudront se fixer. »

M. Lanjuinais. Je demande que les avoués soient tenus de fournir, en immeubles, une caution de 6,000 livres; ils sont responsables à la loi; ils sont responsables envers les parties; ila doivent donc fournir un gage de cette responsa. bilité.

M. Regnaud, député de Saint-Jean-d'Angély. La proposition du préopinant ne me paraît ni de

nature à être adoptée sur-le-champ, ni de nature à être rejetée ; j'en demande le renvoi au comité. Il est certain que la lo, qui force les parties de confier leurs pièces aux avoués, doit leur donner une garantie de la confiance qu'elle exige.

M, Rewbell. J'appuie la motion; mais je demande que le cautionnement soit de 100,000 écus, de 1 million, selon la valeur du procès,

(L'Assemblée renvoie la question à l'examen des comités de Constitution et de judicature.)

M. Dinocheau, rapporteur, présente l'article suivant qui est adopté après quelques observations.

Tous les officiers ministériels supprimés sont autorisés à poursuivre leurs recouvrements, en quelques lieux que les parties soie t domiciliées, par-devant le tribunal de district dans le ressort duquel était établi le chef-lieu de l'ancien tri bunal où ces officiers ministériels exerçaient leurs fonctions, »

M. Dinocheau, rapporteur, présente à la discussion les articles 61, 62 et 63 du projet de décret.

M. Goupilleau propose de faire remplacer les receveurs des cousignations par les greffiers des nouveaux tribunaux.

M. Le Bois-Desguays demande qu'il soit établi un tarif pour fixer à l'avenir les frais de consignations.

M. Regnaud propose une rédaction aingi

conçue:

« Les rec veurs des consignations près des cours supérieures et des anc ens tribunaux sout supprimés, et les greffiers des tribunaux de district en feront les fonctions.

« Les comités réunis de judicature et des finan. ces présenteront, dans le plus court délai, un mode de comptabilité pour faire rendre les comptes aux receveurs des consignations supprimés, et faire verser les deniers, dont ils sont dépositaires, entre les mains des greftiers des tribunaux de district, et un nouveau tarif pour fixer les rais de consignation. »

M. Fréteau fait une motion pour que les articles et les amendements soient renvoyés aux comités de Constitution et de judicature qui donneront un nouvel avis et présenteront un projet de décret pour simplifier les formalités des saisies réelles, l'ordre et la distribution du prix des ventes.

(Cette motion est adoptée.)

M. Dinocheau fait adopter l'article 65 du projet ainsi qu'il suit :

« Les huissiers-priseurs de Paris et les huissiers en la prévôté de l'hôtel continueront provisoirement leurs fonctions jusqu'à ce que l'Assem blée nationale ait statué à leur égard; néanmoins, les huissiers-priseurs ne pourront exercer leurs fonctions que dans l'étendue du département de Paris, tous droits de suite demeurant dès à présent supprimés. »

M. Fréteau propose un article additionnel à l'article 65. En voici le texte:

« Les comités réunis présenteront incessamment un article tendant à vérifier l'état de la

caisse des huissiers-riseurs, à assurer la conservation des deniers rovenant des ventes mobilières par eux déjà faites on entamées hors du territoire des tribunaux de district nouvellement formés, et à assurer l'effet des oppositions subsistantes en leurs mains et la manière de régler les instances et poursuites relatives au payement, à la délivrance et distribution desdits deniers. » (Cet article est renvoyé au comité.)

M. Tronchet propose une disposition pour la ville de Paris qui est adoptée comme suit:

« Pourront, les huissiers qui seront attachés aux tribunaux de district établis dans la ville de Paris, exercer leurs fonctions dans toute l'étendue du département de Paris. »

M. Dinocheau, rapporteur, propose un article additionnel pour fixer les fonctions des huissiers dans le reste du royaume.

M. Andrieu propose de décréter que les huissiers qui ont exercé près des ci-devant justices seigneuriales ressortissant aux cours supérieures soient admis à exercer les fonctions d'huissiers dans les tribunaux de la nouvelle constitution.

(Cette disposition est adoptée.)

L'article est ensuite décrété en ces termes:

Tous les autres huissiers et sergents royaux, mê ne ceux des ci-devant justices seigneuriales, ressortissant immédiatement aux parlements et cours supérieures supprimés, pourront, en vertu de leur ancienne immatricule, et sans avoir égard aux privilèges et attributions de leurs offices, qui demeurent abolis, continuer d'exercer concurremment entre eux leurs fonctions dans le ressort des tribunaux de district qui auront remplacé celui dans lequel ils étaient immatriculés, et même dans l'étendue de tous les tribunaux de district, dont les chefs-lieux seront établis dans le territoire qui composait l'ancien ressort des tribunaux supprimés.

[ocr errors]

M. Dinocheau, rapporteur, présente ensuite deux questions qui lui paraissent nécessaires pour fixer l'ordre du travail :

1o Le nombre des avoués sera-t-il déterminé pour l'avenir, et seulement à l'égard de ceux qui se présenteront dans la suite pour en exercer Is fonctions, autres néanmoins que ceux qui ont le droit actuel de se faire inscrire dans les greffes des tribunaux, ou sera-t-il indéterminé ?

2o Les avoués qui seront reçus pour l'avenir seront-ils soumis, avant leur réception, à quelques formes et exameus préalables?

M. Boutteville Dumetz. C'est à l'expérience à apprendre aux législatures à venir, les mesures qui seront nécessaires pour le no bre des avoués qui n'est que réglementaire. J'en demande l'ajournement à ces législatures.

[ocr errors]

M. Buzot propose un ajournement indéfini, qui est prononcé.

M. Le Bois-Desguays propose de déterminer le temps d'étude nécessaire aux clercs qui ont travaillé chez les procureurs au Châtelet, pour être admis aux fonctions d avoué.

(L'Assemblee renvoie cette motion aux comi

tés.)

M. le Président. L'ordre du jour est la 16

conde partie du rapport des comités de Constitution et de judicature, parlie relative à la liquidation des offices ministériels.

M. Tellier, député de Melun, rapporteur (1). Messieurs, les tribunaux ne sont pas seulement composés de juges revêtus du pouvoir des lois et chargés de prononcer en leur nom: il entre encore dans leur organisation des officiers dont le ministère consiste à préparer les jugements par l'instruction et la défense des affaires qui intéressent les citoyens.

L'Assemblée nationale a constitué les uns avec une sagesse qui lui donne des droits à la reconnaissance publique; mais la régénération qu'elle a commencée serait imparfaite, si elle n'étendait pas jusques sur les autres ces réformes salutai

res.

C'est dans la vue de compléter cette dernière partie de l'ordre judiciaire, que les comités de judicature et de Constitution réunis viennent de Soumettre à l'Assemblée un plan d'institution dout les principes se concilient avec ceux qu'elle a déjà consacrés. Comme ce plan présuppose la nécessité de supprimer les offices ministériels, on n'a pas de peine à concevoir ce qu'il a d'a larmant pour une multitude de citoyens, qui, menacés de perdre leur état, sont encore tourmentés par une cruelle incertitude sur le remboursement et l'indemnité qu'on leur destine.

Le rapport sur la liquidation de ces offices, que les deux comités réunis joignent à celui qui en prépare la suppression, tend à rassurer les titulaires, en leur manifestant des dispositions de justice et d'humanité, qui seront sans doute partagées par l'Assemblée nationale. Quelque détermination qu'elle prenne sur le plan qui lui est soumis, la partie du travail relative à la liquidation servira toujours au moins pour les officiers des parlements, cours supérieures, d'exception et autres, dont la suppression est inévitablement entraînée par celle des tribunaux près desquels ils exerçaient.

S'il est vrai que le bonheur général exige des officiers ministériels le sacrifice de leur état, la raison et la justice veulent aussi que les avantages d'un meilleur ordre de choses ne prennent pas leur source dans une foule de malheurs particuliers. Il faut qu'en dépossédant ces officiers d'une profession utile, qui représentait, pour les uns, leur patrimoine et l'héritage de leurs enfants; pour les autres, la dot de leur femme, et pour la plupart d'entre eux, formaient le gage de leurs créanciers, la nation leur restitue au moins le prix le plus rapproché de l'acquisition qu'ils en ont faite sous les auspices de la loi et de la foi publique.

Tous se réunissent pour exposer à l'Assemblée que leur suppression va détruire le seul espoir qu'ils avaient, celui d'exister par le produit de leur travail; que, privés de cette ressource, ils ne peuvent échapper à une ruine certaine, si le remboursement et l'indemnité qu'ils sollicitent, ne rétablit dans leurs mains leur modique fortune, et ne couvre la totalité de leurs engagements. Ceux qu'ils ont contractés sont, pour un grand nombre, supérieurs à la somme totale de leur propriété; ils comptaient sur leur industrie pour les acquitter; dès que la raison d'utilité publique leur ôte les moyens de l'exercer, ils tombent dans l'impossibilité absolue d'y faire

(1) Le rapport de M. Tellier est incomplet au Moniteur.

honneur. Dans une telle extrémité, il se reposent avec confiance sur la sensibilité des représentants de la nation, persuadés qu'ils ne verront pas, sans y remédier, le désastre d'une multitude de pères de famille, désastre d'autant plus affreux qu'il réagirait sur une immensité d'individus, dont le sort est inséparablement lié à celui qu'ils vont éprouver eux-mêmes.

[ocr errors]

Le succès de leur réclamation, ajoutent-ils, leur est formellement garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits, qui porte que les propriétés étant un droit inviolable et sacré, nul n'en peut être privé, si ce n'est lorsque la néces«sité publique, légalement constatée, l'exige « évidemment, et sous la condition d'une juste « et préalable indemnité ».

Leurs offices et les accessoires, dont il ont payé ou doivent encore le prix, sont de véritables propriétés, on ne peut donc les en dépouiller, sans proportionner leur indemnité à la perte qui doit en être la suite. A quelque somme que la détresse actuelle de l'Etat permette de la faire monter, cette perte ne sera jamais entièrement réparée ; car, on ne peut se le dissimuler, le remboursement le plus favorable ne peut assez les dédommager de la privation d'un état que la nouvelle organisation ne rendra pas à tous, et qui cependant formait, pour chacun d'eux, et son unique soutien, et celui de sa famille.

Touchés de ces considérations, les deux comités réunis ont pensé que ces officiers, une fois supprimés,acquerraient, non seulement en raison du titre de leur office, mais encore des acessoires qui en augmentaient le prix, une créance sur l'Etat, aussi respectable que toutes celles que l'Assemblée nationale a mises sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté française.

Quelle que soit la base qui doive déterminer leur remboursement, ils est indubitable qu'elle ne sera pointillusoire; l'Assemblée rejettera loin d'elle les termes des diverses lois bursales, rendues sur les offices, qui attribuaient à la nation un profit illigitime. Toutes les fois que le texte de ces lois lui paraîtra s'écarter évidemment des règles de la raison et de la justice, elle se gardera bien d'en faire une application, qui, en même temps qu'elle contrarierait ses principes, réduirait au désespoir tant de citoyens dont l'existence doit être précieuse à ses yeux. Si quelques circonstance l'ont forcée de se montrer sévère, elle n'a jamais cessé pour cela d'être juste. Or, pourrait-on donner le nom de justice à tout mode de remboursement, qui, sous prétexte d'une loi rigoureuse, laisserait la plus grande partie des titulaires d'offices à découvert d'une portion importante de leur prix ? un tel mode porterait tous les caractères d'une lésion, et il ne lui en manquerait véritablement que le nom.

Ce n'est point ainsi que l'Assemblée nationale a traité la classe des anciens magistrats qui auraient mérité moins d'intérêt que les officiers ministériels, si la propriété n'était pas, aux termes de ses décrets, une chose également sacrée, sur quelque individu qu'elle repose. Les bases qu'elle vient de fixer pour la liquidation de leurs offices n'ont pas été raisonnées d'après les sacrifices que la fortune d'un grand nombre d'entre eux aurait rendu possibles; elles ont été préférées surtout parce qu'elles s'accordaient le mieux avec la valeur présumée de ces offices.

Si tel a été le motif principal qui a influé sur la décision de l'Assemblée, lorsqu'elle a prononcé sur le remboursement des offices de magistrature, à plus forte raison, doit-on compter qu'il lui

servira de règle lorsqu'il s'agira de statuer sur le sort des officiers ministériels.

Les offices de magistrature n'offraient à la plupart de ceux qui les possédaient, qu'un point additionnel à leur fortune; leur jouissance, du côté de l'intérêt, était presque stérile; la considération en faisait tout le prix.

Ceux des officiers ministériels, au contraire, étaient une speculation de lucre et de commerce, ils formaient une partie intégrante de leur propriété et même de celle des autres.

Le tableau de ces deux positions comparées prête à celle des officiers ministériels un degré d'intérêt particulier; et si l'Assemblée nationale a mis une exactitude si scrupuleuse dans la restitution de ce qui n'était, pour ainsi dire, que superflu pour les magistrats, il n'est pas naturel de penser qu'elle se montre moins généreuse envers les officiers ministériels qui l'implorent, quand il ne s'agit pas moins, pour eux, que du nécessaire.

En partant de l'esprit de ces observations préliminaires, examinons quelles sont les bases de remboursement et d'indemnité, qui peuvent convenir aux officiers ministériels, avec les distinctions qui sont propres à chaque espèce, et tåchons de concilier les intérêts de tous, avec les Justes réserves qu'exige de l'Assemblée nationale la situation difficile des finances de l'Etat.

On ne peut pas se figurer qu'il vienne à l'idée de personne, pour peu éclairé qu'on le suppose, que la finance originaire des offices ministériels, en y joignant même tous les suppléments exigés depuis, doive représenter leur véritable prix; car, outre l'incertitude qui naît de l'ancienneté de cette finance, sur la quotité primitivement fournie pour la plupart de ces offices, incertitude qu'il serait impossible de lever, on n'ignore pas qu'un grand nombre de lois postérieures a substitué, au prix de leur création et supplément, d'autres valeurs que les titulaires sont fondés à réclamer.

Sans entrer, à cet égard, dans une digression nouvelle, il suffit de renvoyer aux réflexions contenues dans le premier rapport du comité de judicature; elles prouvent péremp oirement que cette base est tout à fait inadmissible.

L'avis des comités, sur ce point, acquiert aujourd'hui d'autant plus de poids, qu'il a été goûté par l'Assemblée nationale elle-même, qui, en adoptant, pour les offices de magistrature, l'évaluation de 1771, a, par le fait de cette adoption, renoncé à toute espèce de retour vers la finance. Mais si l'évaluation doit servir de base au remboursement des officiers ministériels, ainsi que le décret déjà rendu par l'Assemblée nationa'e semble le préjuger, il est évident qu'elle peut tout au plus représenter le prix du titre nu des offices. Ce serait une erreur d'y voir une indemnité suffisante pour compenser en même temps les accessoires qu'ils comportent, et dont la valeur surpasse en général de beaucoup celle du titre, ainsi que nous aurons occasion de le prouver dans la suite de ce rapport.

Arrêtons-nous seulement à établir, dans cet instant, que l'évaluation d'une partie des officiers ministériels ue formerait pas même l'équivalent du prix réel de leurs titres, et préparerait le remboursement inégal d'un grand nombre de titres égaux.

Dans l'évaluation de 1771, les intérêts des officiers ministériels étaient bien différents de ceux qui ont dirigé les magistrats. Sous plusieurs

rapports, ils étaient opposés, et, par conséquent, les résultats ne pouvaient en être les mêmes.

Il suffit d'une légère attention pour apercevoir que tout portait le magistrat à régler l'estimation de son titre, sur le prix certain qu'il avait, au lieu que tout sollicitait l'officier ministériel, et plus spécialement encore le procureur de la réduire au-dessous de la valeur effective.

En effet, l'édit de 1771 défendait expressément la vente des offices au delà du prix de leur estimation; et quelque volonté qu'aurait eue le magistrat d'éluder cette loi, les moyens de le faire lui manquaient. Son office consistait uniquement dans un titre dénué de toute espèce d'accessoires; rien ne pouvait lui servir de motif ni de prétexte pour en excéder le prix ou le dissimuler sous quelque autre dénomination. Il était donc de son intérêt de le faire entrer tout entier dans son évalution pour acquérir le droit de l'exiger de son

Successeur.

La même défense existait, à la vérité, contre l'officier ministériel; mais elle devenait sans effet pour lui, tant il avait la facilité de s'y soustraire.

Au titre de son office étaient attachés: un fonds d'étude, connu sous le nom de pratique ou clientèle; des recouvrements montant à des sommes considérables, et qui, se trouvant confondus avec le titre, en faisaient méconnaître le véritable prix. A l'aide de ces accessoires, sur lesquels semblait tomber la somme excédant l'évaluation du titre, il pouvait, sans être compromis. en tirer un parti plus avantageux que celui permis par la loi; et dès lors, aucun intérêt pour lui de faire, avec exactitude, une évaluation à laquelle il ne se conformait qu'en apparence.

Sous un autre point de vue, le titre du magistrat lui assurait, en général, indépendamment de son travail, des gages fixes, des privilèges, des exemptions qui suffisaient, à peu près, au payement du centième denier. Ainsi la crainte de cette contribution, qu'il regardait d'avance comme acquittée, n'était pas de nature à balancer l'intérêt évident de porter son office à une juste valeur, surtout quand il lui procurait l'affranchissement de beaucoup d'autres impôts.

Le titre de l'officier ministériel, au contraire, ne lui rapportait ni gages, ni privilèges, ni exemptions sans la ressource de son travail, il eût été moins que rien dans ses mains; car outre que son produit était nul, il fallait encore prélever sur celui de son industrie de quoi suffire au payement du centième denier, sans espoir d'être dispensé pour cela de satisfaire à toute autre espèce de contribution publique. Certain d'une part d'être imposé en raison de son évaluation; de l'autre, sans intérêt de la déclarer avec sincérité, il était naturel qu'il la descendît au plus bas prix, à moins qu'on ne croie que la chance d'une suppression possible, mais qui n'était rien moins que probable, dût agir sur lui aussi fortement que le danger présent d'une charge inévitable.

Mais ce n'est pas seulement à l'époque de l'évaluation de 1771, qu'il faut se reporter pour marquer les différences qui se trouvent entre le prix de l'office du magistrat et celui de l'officier ministériel; le temps qui s'est écoulé depuis a contribué à les rendre encore plus frappantes. D'un côté, l'office du magistrat n'était guère susceptible d'accroissements qui pussent en faire varier le prix; son produit casuel n'a point augmenté sensiblement; à peine, au moment même de la suppression, équivalait-il à l'intérêt annuel du capital de son évaluation, en y joignant ses

gages et privilèges; aussi arrivait-il bien rarement, qu'à titre de pot-de-vin, il en tirât une valeur plus considérable que celle déterminée en exécution de l'édit. Tous les contrats de vente se référaient à ce prix, ou, ce qui revenait au même, on se contentait d'une simple procuration ad resignandum, qui ne permettait pas d'en supposer d'autre. L'evaluation était donc, pour la plupart, la juste représentation de leur acquisition, et pour le petit nombre qui s'en était écarté, elle en était encore le prix le plus rapproché.

Si l'Etat, par suite des engagements qu'il avait pris avec les titulaires, se trouvait obligé de rembourser, d'après cette base, ceux-mêmes qui avaient traité pour un prix qui lui était inferieur, la même lui devait s'appliquer à ceux qui avaient commis l'imprudence d'acquérir au delà; en un mot,l'evaluation devait être considérée comme un terme moyen convenable à tous, et qui les rendait le plus généralement indemnes.

D'un autre côté, la valeur des offices ministériels a dû s'accroître au point de changer totalement. Le progrès du coinmerce et des arts, la complication des intérêts, la multiplication des affaires qui en étaient la suite, en ont porté, surtout depuis 1771, les emoluments à un intérêt fort au-dessus de celui proportionné au capital. Ce produit ne pouvait s'augmenter sans ajouter un prix au titre de l'office; aussi est-il notoire que, sous la dénomination de ce qui en dépendait, il s'était élevé fort au-dessus de l'évaluation. La règle prescrite par l'édit n'était observée dans les contrats que pour la forme tout s'en écartait au fond. Ainsi l'estimation faite à l'époque de l'édi, loin de représenter la véritable valeur de ce genre d'office ou celle qui en approcherait davantage, en serait effectivement le polut le plus éloigné. Ce qui était un terme moyen propre à former une base de remboursement pour les magistrats, serait évidemment un extrême inadmissible, pour asseoir celui des officiers ministériels, et incapable d'indemniser aucun d'eux.

Il est impossible de ne pas tirer de cette disparité la conséquence, que la même loi qui a paru juste et sage à l'Assemblée pour les offices de magistrature, ne pourrail, sans une injustice énorme, s'appliquer aux offices ministériels. Sous les dehors d'un même principe, ce serait tomber dans une contradiction manifeste, puisque les effets de la même loi seraient diametralement opposés.

Ce n'est pas seulement sous le rapport des offices de magistrature, compares avec les offices ministériels, que l'evaluation deraugerait tout équibre de remboursement; elle produirait encore des inégalites choquantes, même entre les officiers ministeriels de pareil emploi. En effet, que l'on examine la diversité avec laquelle ils ont estimé leurs titres dans des tribunaux égaux en importance, en etendue et en population; on y remarque une disproportion qui contraste avec leur valeur effective. Si douc on se régiait sur de telles estimations, ce serait bless r évidemment les intérêts des officiers qui, pour exercer près des tribunaux de même rang, devaient posseder des titres de valeur semblable.

Un vice aussi marqué ajoute encore à ce que l'évaluation présente de défectueux par sa modicité.

Il ne faudrait pourtant pas inférer de là que l'édit de 1771 doive etre tout à fait écarté, comme ne pouvant pas servir de guide dans la liquidation des offices ministériels; toute autre base

qu'on voudrait y substituer aurait les inconvénients, ou de l'arbitraire, si elle n'était assise que sur des raisonnements in certains, ou de l'exagération, si l'on ne consultait que le prix des acquisitions.

Il est deux moyens qui peuvent rendre l'évaluation utile. Le premier, de corriger sa modicité d'après des notions qu'on ne pourra révoquer en doute. Le second, d'y suppléer par des combinaisons qui, sans offrir des données aussi sûres, paraissent néanmoins devoir atteindre au même but.

Tous deux ne s'appliquent pas indifféremment à toutes les espèces d'offices ministériels. L'un, qui a pour objet de rectifier l'évaluation, est propre seulement à la classe des procureurs, quels que soient les tribunaux où ils exercent, et doit se considérer, abstraction faite de l'indemnité à laquelle les accessoires de leurs titres donneront lieu. Nous traiterons ce qui est relatif à cette dernière partie, séparément et immédiatement après le mode de rectification. L'autre, qui remédie à sa modicité par un supplement, s'applique à plusieurs autres classes d'officiers; il embrasse à la fois, et la valeur du titre et l'indemnité qu'ils sont fondés à réclamer pour tout ce qui en dépend.

Nous avons établi, dans le commencement de ce rapport, que l'intérêt de l'officier ministériel l'avait forcé de descendre son évaluation fort audessous de la valeur effective de son titre; et cette démonstration est frappante à l'égard du procureur, plus encore que de toute autre espèce d'officiers.

Cela posé, il en résulte évidemment que les évaluations les plus fortes sont encore excessivement faibles; et qu'en élevant à une hauteur semblable celle des tribunaux de semblable importance, cette rectification, puisée dans l'évaluation même, ne laisse à craindre aucune exagération.

Ce serait un acte d'équité, plutôt que de faveur, pour ceux de ces ofticiers qui, n'ayant pas assez calculé la possibilité de leur suppression, avaient donné à leurs titres une valeur presque nulle.

Pour l'exécuter, il ne s'agirait que de diviser les tribunaux en plusieurs classes, observant de ranger dans la même tous ceux qui se trouveraient à peu près égaux en étendue, en population et en nombre d'officiers, puisque le droit de travailler, qui constitue le titre, a necessairement, en raison de toutes ces considérations, une égalité de valeur que l'estimation inegale, faite en 1771, n'a pu ni détruire ni faire varier.

Ajoutons à cela que cette opération n'est point du tout embarrassaute. Elle se trouve déjà déterminée par la division observée de tout temps, à la chancellerie, aux parti s casuelles, et dans les autres bureaux de l'administration, où les tribunaux étaient distingués en diverses classes, pour asseoir la perception des droits suivant la force de chacun d'eux.

En se conformant à cette distribution, qu'il serait possible encore de perfectionner, il ne resterait autre chose à faire que de déclarer commune à tous les tribunaux d'une même classe, l'évaluation la plus forte de chacune d'elles.

Cette disposition a paru, aux deux comités réunis, la plus convenable pour fixer la valeur des utres à liquider. D'une part, elle évite le danger de s'abandonner sans réserve au gré des valeurs commerciales, souvent excessives, qu'on leur a donnees; de l'autre, celui de s'attacher trop servilement à l'exiguïté des évaluations; enfin,

« PreviousContinue »