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Art. 9. L'évaluation rectifiée par les précédents articles sera toujours comptée, au moins pour un tiers du prix total des contrats; en conséquence, il sera fait sur chacun d'eux le prélèvement de cette portion, lors même que l'évaluation ne monterait pas à une somme équivalente.

Art. 10. Lorsque l'évaluation rectifiée, ou le prix du titre spécifié dans les contrats, excéderont le tiers de la somme totale de l'acquisition, le prélèvement, au delà de ce tiers, augmentera en raison de l'excédant que présentera l'un ou l'autre.

Art. 11. Le surplus sera payé, par forme d'indemnité, aux titulaires ou propriétaires d'offices dont les contrats n'indiqueront l'acquisition d'aucun rôle, débet ou recouvrement.

Art. 12. A l'égard des contrats qui énonceraient l'acquisition de roles, débets ou recouvrements, il sera fait un second prélèvement des sommes pour lesquelles ils s'y trouveront portés, et le surplus formera l'indemnité.

Art. 13. Toutes les fois que les sommes auxquelles se montent les roles, débets et recouvrements seront confondues avec le prix du titre et de la clientèle, sans aucune spécification particulière, ils seront réputés former chacun la moitié du prix restant des contrats, déduction faite de ce qui doit appartenir à l'évaluation: eu conséquence, une moitié seulement sera payée à titre d'indemnité.

Art. 14. Dans le cas où les rôles, débets ou recouvrements spécifiés dans les contrats équivaudraient au prix y porté, déduction faite de celui stipulé pour le titre ou résultant de l'évaluation rectifiée, il ne sera accorde aucune indemnité.

Art. 15. Les offices de greffiers ou huissiersaudienciers, soumis à l'évaluation, seront remboursés conformément aux décrets des 2 et 6 septembre dernier, et les mêmes décrets seront communs aux commissaires de police, huissiers, gardes et archers, en ce qui regarde le remboursement sur le pied de l'évaluation faite en exécution de l'édit de 1771.

Art. 16. Il leur sera payé, en outre, à titre d'indemnité, le sixième du prix porté dans leurs contrats d'acquisition et autres actes authentiques, lorsqu'ils pourront en justifier.

Art. 17. Néanmoins le remboursement du titre de leurs offices, et l'indemnité jointe, ne pourront, dans aucun cas, excéder le prix total de leurs contrats.

Art. 18. Il sera fait déduction, sur cette indemnité du montant des recouvrements que ces officiers pourraient avoir acquis, toutes les fois que cette somme se trouvera spécifiée dans leurs contrats.

Art. 19. Dans le cas où ces recouvrements seraient énoncés dans les contrats, sans aucune spécification de la somme à laquelle ils montent, ils seront réputés équivaloir à la moitié de l'indemnité déterminée en leur faveur en conséquence, il ne leur sera payé que la moitié de ladite indemnité.

Art. 20. Les offices de différente nature dont il vient d'être parlé, qui n'étaient pas soumis à l'évaluation de 1771, autres néanmoins que ceux des greffiers et huissiers-audienciers, sur lesquels il a été statué par les décrets des 2 et 6 septembre dernier, seront remboursés sur le pied des contrats d'acquisition, et, à leur défaut, sur le pied de la finance.

Art. 21. Il sera également fait déduction du montant des recouvrements que ces officiers pourront avoir acquis, toutes les fois que la

somme s'en trouvera spécifiée dans leurs contrats.

Art. 22. Si ces recouvrements sont énoncés dans les contrats, sans aucune spécification de la somme à laquelle ils montent, ils seront réputés équivaloir; savoir pour les procureurs, au tiers de leurs contrats; et pour les autres officiers, au douzième. En conséquence, il sera fait déduction d'autant sur leur indemnité.

Art. 23. L'article 7 du titre premier du décret des 2 et 6 septembre dernier sera exécuté à l'égard des officiers dénommés dans les articles précédents, qui se trouveront les premiers pourvus d'un office, ou qui en auraient levé nuement aux parties casuelles, depuis 1771.

Art. 24. A l'égard des jurés-priseurs, outre le remboursement ordonné par les décrets des 9 juillet et 6 septembre derniers, sur le pied de la finance effectivement versée dans le Trésor public, ceux qui auront succédé médiatement ou immédiatement aux premiers pourvus de ces offices, recevront, à titre d'indemnité, un sixième du prix de leurs contrats, dans les mêmes termes que les greffiers, huissiers, etc.

Art. 25. Les dettes contractées par les communautés, pour le rachat d'offices réunis ou supprimés, seront supportées par la nation.

Art. 26. Les créances acquises par les titulaires, pour raison de réunion d'offices, à compter de l'époque de l'édit de 1771, seront également payées par la nation.

Art. 27. A l'égard des autres dettes contractées par les communautés, elles seront sujettes à vérification, et la nation n'en sera chargée, qu'autant qu'il sera justifié qu'elles ont été nécessitées par des causes d'utilité et d'ordre pvblic.

Art. 28. Les frais de réception seront remboursés aux titulaires, conformément à l'article 10 du titre premier du décret des 2 et 6 septembre dernier, et à la charge des retenues qui s'y trou vent énoncées.

Art. 29. Seront exceptés de la disposition relative au centième dedier, contenue en l'article précédent, les procureurs qui acquitteront ce droit conformément à l'article 6 du présent dé

cret.

Art. 30. Dans le mois, à compter de la publication du présent décret, tous les créanciers des communautés seront tenus d'envoyer au comité de judicature, expédition en forme de leurs titres, certifiée par les syndics ou autres officiers qui se trouvaient en exercice au moment de leur suppression.

Art. 31. Dans le même délai, lesdites communautés enverront au comité un tableau de leurs dettes actives et passives, certifié et signé par tous les membres présents, et une expédition en forme de tous leurs titres de créance. Lesdites expéditions, délibérations de communautés, et autres actes y relatifs, seront, pour cette fois, admis sur la signature et collation des syndics ou autres ofticiers des communautés.

Art. 32. Dans les communautés supprimées par le présent décret, il ne pourra être procédé à la liquidation d'aucun office en particulier, qu'après que la communaute aura fourni l'état nominatif de tous ses membres, avec distinction des titulaires et des propriétaires non reçus; ensemble l'état détaillé de ses dettes actives et passives; le tout dûment certifié par des commissaires nom.. més ad hoc par la communauté assemblee.

Art. 33. Dans le cas où une communauté refuserait de se faire liquider ou de fournir les étais

ci-dessus énoncés, les syndics ou autres officiers qui étaient en exercice au moment de la suppression, pourront, après le délai d'un mois, à compter de la publication du présent décret, être sommés de satisfaire aux disposions de l'article précédent; et sur la représentation de la sommation, les titulaires qui se présenteront à la liquidation seront liquidés sans déduction de dettes, sauf le recours contre eux de la part de la communauté, pour leur faire supporter leur portion des dettes communes.

Art. 34. Les difficultés relatives aux objets contestés ne pourront arrêter la liquidation des objets non contestés.

Art. 35. Il sera incessamment pourvu, par un décret particulier, aux remboursement et indemnité des offices ministériels de la ville de Paris, d'après les mêmes bases que celles cidessus décrétées, en ayant toutefois égard à la position particulière dans laquelle ils se trouvent.

Plusieurs membres réclament l'impression du rapport de M. Tellier et l'ajournement de la discussion.

M. Guillaume. Je m'oppose à l'ajournement. Quand on dépouille les citoyens, le plus important est de s'occuper de leur sort et de les rembourser.

M. de Croix. Le plus important est de trouver le moyen d'y parvenir efficacement.

Qu'on s'occupe d'abord de l'impôt et qu'on ait une séance extraordinaire lundi soir pour les offices ministériels.

(Cette motion est adoptée.)

Le comité d'aliénation des biens nationaux propose et l'Assemblée adopte le décret suivant :

L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 25 août 1790, par la municipalité de Saint-Léonard, canton de Chantilly, district de Senlis, département de l'Oise, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Saint-Léonard, ledit jour 25 août, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;

« Déclare vendre à la municipalité de SaintLéonard les biens mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 42,476 livres 10 sols, payable de la manière déterminée par le même décret. »

M. le Président. L'Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour procéder à la nomination d'uo nouveau président et de trois secrétaires. La séance est levée.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. D'ANDRÉ, EX-PRÉSIDENT.

Séance du samedi 18 décembre 1790, au soir (1).

La séance est ouverte à six heures et demie du soir.

M. d'André, ex-président, occupe le fauteuil en l'absence de M. Pétion.

Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes :

Adresse des juges du tribunal du district d'Alais et de celui du district de Dourdan, qui regardent comme le premier de leurs devoirs de présenter à l'Assemblée nationale l'hommage de leur admiration, de leur reconnaissance et de leur dévouement.

Adresse des maîtres perruquiers de la ville d'Auxerre, qui sollicitent de la justice de l'Assemblée la conservation du régime de leurs maîtrises.

Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des officiers municipaux du bourg de la Guillotière. Ils manifestent le vœu de se réunir au département de l'Isère, qui se joint à leur demande.

Adresse de M. Charles-Etienne Coquebert, agent général de la marine et du commerce de France en Irlande, qui s'empresse de prêter le serment civique entre les mains de l'Assemblée nationale, conformément au décret du 17 novembre dernier, et jure principalement de défendre de tout son pouvoir les Français qui se trouveront dans ce royaume.

Les sieurs Malet et de Belesaigne, originaires Français, négociants à Cork, prêtent le même

serment.

Adresse de l'assemblée primaire du canton de Plouay, district d'Hennebond, département du Morbihan, qui exprime avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont elle est pénétrée pour l'Assemblée nationale. Elle annonce que l'élection de son juge de paix et de seize assesseurs a été faite avec les plus grands transports de joie; elle demande avec instance la suppression du domaine congéable, et que le tribunal du district soit fixé à Hennebond de préférence à Lorient.

Adresse des officiers municipaux de la ville du Pont-du-Château, département du Puy-deDôme, qui font une peinture touchante des maux extrêmes qu'un débordement survenu à la rivière de l'Allier a causé à tous les habitants; ils supplient l'Assemblée de leur accorder des secours. Pétition de la société des victimes du pouvoir arbitraire, au nombre de vingt-cinq, qui implore la justice de l'Assemblée nationale; les uns font l'énumération des maux qu'ils ont soufferts dans les cachots où ils ont été jetés pour la plupart par lettres de cachet; les autres se plaignent d'avoir été déplacés par ordre des ministres, qui avaient des créatures à produire; tous enfin se réunissent pour demander l'anéantissement total des abus de l'ancien régime.

« Notre cause, disent-ils, est celle de la nation entière. Sans doute, le désir du roi est de réprimer les vexations que nous avons essuyées; mais ses

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

ministres mêmes refusent de lui faire parvenir nos justes réclamations. Tant qu'il existera en France, ajoutent-ils, des victimes de l'ancien despotisme ministériel, la liberté n'aura point établi son empire; les Français ne pourront se dire libres, que quand les plaies faites par les ennemis de la liberté seront cicatrisées. »

(Cette adresse est renvoyée au comité des lettres de cachet.)

Adresse de la municipalité de Saint-Brieuc, chef-lieu du département des Côtes-du-Nord, qui demande un tribunal de commerce pour cette ville.

Adresse des officiers municipaux de Marseille, qui, pour donner une nouvelle preuve de leur sollicitude pour la chose publique, exposent que sous l'ancien régime les maire, échevins et assesseurs, en qualité de chefs de routes, et les administrateurs de la ville, avaient l'entrée libre au Lazaret, qui, dans aucun cas, n'est permise à aucun citoyen; que cet ordre de choses aurait aujourd'hui les plus grands inconvénients, si tous les officiers municipaux, au nombre de vingt-un, conservaient la même faculté. Ils demandent que le maire, les membres du bureau municipal et le procureur de la commune seuls aient le droit d'entrer au Lazaret avec les inspecteurs de la santé; et, après en avoir prévenu le semainier, ils présentent un projet d'organisation du bureau de la santé, et terminent pas assurer l'Assemblée de leur confiance sans bornes dans les auteurs de notre sublime Constitution, qui leur fera toujours recevoir avec respect les institutions et les lois qui émaneront de leurs profondes lumières et de leur sagesse bien éprou

vée.

Adresse de la ville et commune de Marseille, qui informent l'Assemblée des nouvelles désastreuses qu'ils ont reçues de la Martinique, où le despotisme vient d'armer les esclaves. Ils exposent que cette colonie jouirait dans ce moment des bienfaits de l'Assemblée, si les intrigues et les attentats des ennemis du bien public n'avaient su en détourner les effets. Ils supplient l'Assemblée de prendre des mesures pour le rappel du sieur de Damas, et pour que l'on fasse passer dans cette colonie des vaisseaux et des forces suffisantes.

A cette adresse est jointe une copie certifiée des événements malheureux qui se sont passés à la Martinique.

Adresse des maîtres de postes; ils présentent à l'Assemblée nationale un plan d'administration des postes, qui assure plus d'aisance, de sûreté et d'activité dans les postes, une garantie, une hypothèque et une économie inconnues jusqu'ici. Ils offrent des secours puissants en cas de guerre, dépeignent la finance sous les couleurs les plus noires et les plus vexatoires, et supplient l'Assemblée d'agréer leurs tableaux, et de permettre qu'ils soient déposés dans sa salle, et présentent le complément de leur plan d'administration.

Celle de Marseille, relative au projet d'organisation du bureau de la santé de cette ville, est renvoyée aux comités de Constitution, d'agriculture et de commerce réunis.

M. de Mirabeau, l'atné. La députation du département des Bouches-du Rhône a reçu des no!velles affligeantes qui exigent une détermination provisoire de l'Assemblée; elles sont contenues dans une lettre officielle, adressée par le président de l'administration du département au pré

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« Monsieur le Président,

« Les ennemis de la Révolution n'ont jamais cessé d'intriguer dans cette ville pour la rendre difficile ou sinistre depuis le décret qui a supprimé les parlements, le parti a pris plus d'audace et de force; les menées sourdes se sont multipliées, l'administration les surveillant sans cesse, les a toujours rendues vaines; mais depuis huit jours les mécontents, cherchant à avoir un point de ralliement, avaient formé le projet de se rassembler en club: le titre seul qu'ils se proposaient de donner à leur société, les Amis du roi et du clergé, annonçait assez que le rassemblement devait être dangereux. L'administration éprouvait les plus vives alarmes de la création de cette société, mais elle ne savait comment l'empêcher. Il existe da s cette ville deux autres sociétés de clubs: l'une sous le nom d'Amis de la Constitution, l'autre sous celui d'Anti-politique, dont les principes sont extrêmement contraires à ceux des individus qui devaient composer la nouvelle société. Il était aisé de prévoir que les trois points de réunion menaçaient d'un choc violent entre les citoyens de cette ville: les moteurs de ce nouveau club se tourmentaient pour augmenter le nombre de leurs souscripteurs et n'épargnaient aucun moyen de séduction pour y parvenir.

Déjà ils annonçaient qu'ils mettraient la cocarde blanche avant-hier dimanche; ce jour-là les clubs des amis de la Constitution et des anti-politiques se réunirent, jurèrent de nouveau de maintenir la foi de leur serment civique; des députations de ces deux clubs réunis, passant devant un café où se trouvaient nombre d'officiers du régiment de Lyonnais et de personnes désignées pour être recrues du club des amis du roi et du clergé, il y eut beaucoup de huées; alors divers individus sortant d'un café attaquèrent les citoyens qui passaient en leur tirant des coups de pistolet, et en fondant sur eux l'épée à la main. Il y eut nombre de blessures; jusqu'à présent aucune ne paraît être dangereuse.

« L'administration du département, le directoire du district et la municipalité s'assemblerent aussitôt à l'hôtel-de-ville, lieu commun de leurs séances; les députés des deux premiers corps administratifs se rendirent vers la municipalité pour déterminer plus rapidement ce qu'il convenait de faire dans les circonstances critiques où la ville se trouvait; d'autres députés des corps administratifs parcoururent la ville pour voir ce qui s'y passait, contribuer de tous leurs efforts au rétablissement de l'ordre, informer l'administration du département qui avait arrêté qu'elle ne se séparerait pas que l'ordre ne fût rétabli.

Quatre officiers du régiment de Lyonnais furent arrêtés et conduits à la maison commune. «L'administration fut instruite que d'autres officiers, jeunes étourdis, s'étaient rendus au quartier et avaient fait prendre les armes au régi

(1) Cette lettre est incomplète au Moniteur.

[Assemblée nationale.]

ARCHIVES PARLEMENTAIRES.

ment, qu'ils lui proposaient de marcher vers l'hô-
tel de la commune, pour enlever à force ouverte
ceux de leurs camarades qui s'y trouvaient; le
accompagné
major de ce régiment s'était rendu,
du quartier-maître, très connu pour son patrio-
tisme et sa bonne conduite, auprès de la muni-
cipalité.

Les citoyens volèrent aux armes et vinrent en grand nombre à l'hôtel de la commune demander justice des attentats commis contre eux; on leur présenta les officiers qui avaient été arrêtés; ils n'en inculpèrent qu'un qui avait été conduit par la garde nationale au département, sans chapeau et sans épée.

"De concert, les administrateurs résolurent d'éloigner aussitôt le régiment de Lyonnais; il fut requis de partir incontinent; cinq compagnies se sont rendues à Lambesc, trois à Roquevaire, deux à Éturiol. Il a fallu les diviser pour rendre le régiment moins fort au cas que la séduction parvint à lui faire oublier ses devoirs et pour qu'il fût moins à charge aux villes dans lesquelles seules on pouvait le cantonner.

«Je dois un témoignage honorable à la conduite des grenadiers de ce régiment; ils refusèrent de marcher sans en être requis par les administrateurs, et c'est sans doute à leur attachement aux lois, à leur fermeté, que la ville doit son salut; si les grenadiers eussent été moins dignes de porter le nom de grenadiers français, la ville aurait été livrée à un affreux carnage. L'exemple de ces braves grenadiers retint les soldats sur lesquels l'ivresse sanguinaire de quelques ofliciers avait déjà eu quelque influence, et ils avaient fait une évolution pour marcher, mais leur cœur ne partageant pas leur faute elle était due à leur attachement à la discipline militaire et à l'erreur d'un moment, qu'ils abdiquèrent aussitôt qu'ils furent instruits par l'exemple des grenadiers.

"Dans ces circonstances dangereuses, l'administration requit 400 hommes du régiment suisse d'Ernest, en garnison à Marseille, et 400 hommes de la garde nationale de ladite ville, pour se rendre aussitôt à Aix. Des secours sont arrivés hier matin et le régiment de Lyonnais avait fait route pour les destinations dès les six heures du matin, en bon ordre.

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L'administration compterait sur la tranquillité de cette ville, si le sieur Pascalis, ci-devant avocat, qui avait insulté la nation par un discours incendiaire, prononcé par lui le 27 septembre dernier à la barre du ci-devant parlement et que j'ai ci-devant dénoncé à l'Assemblée nationale qui, par son décret du 5 octobre, a renvoyé la connaissance de cette affaire au comité des recherches, n'avait été arrêté et conduit aux prisons. Le peuple le considérant comme la cheville ouvrière de la trame qu'on croit avoir été ourdie contre les citoyens patriotes, demande sa tête à grands cris. La garde des prisons est confiée à des détachements des gardes nationales d'Aix et de Marseille et du régiment d'Ernest. Mais l'administration craint vivement que les forces qu'elle a à sa disposition ne soient insuffisantes si la voie de la persuasion et de la confiance qu'elle emploie ne réussit pas.

a

Voilà, Monsieur le Président, quelle était notre situation à huit heures du matin; depuis lors elle est devenue beaucoup plus affreuse : les cris, qui demandaient la tête du sieur Pascalis, étant devenus plus forts et plus innombrables, plusieurs officiers municipaux en écharpe et la plupart des administrateurs se sont rendus aux prisons pour rétablir le calme; ils ont été sans

puissance et sont même devenus suspects au peu-
ple; les sieurs Pascalis, La Roquette et Guiraman
ont été pendus à des arbres, sans que la présence
des administrateurs, sans doute méconnus dans
ce tumulte, et des officiers municipaux en écharpe,
ait pu prévenir ces excès.

« Cette affreuse catastrophe déchire mon âme,
malgré les desseins infernaux dont la voix pu-
blique accuse ces individus et plusieurs autres
dont l'existence nous menace peut-être de nou-
velles scènes de sang.

Jamais, Monsieur le Président, il ne fut de situation plus terrible que celle de tous les administrateurs réunis depuis trois jours pour entretenir la tranquillité publique, et auxquels tous les moyens échappent à la fois.

« La garde nationale de Marseille a été requise d'y retourner, afin de diminuer le nombre des gens armés qui étaient en cette ville, sans être à la disposition de ceux qui sont chargés de la tranquillité publique.

«Le tribunal de district de cette ville informe extraordinairement contre divers individus qui, dit-on, ont été chargés par plusieurs témoins et même par les dernières paroles du sieur Guiraman; il est attesté que celui-ci a tiré dimanche les premiers coups de pistolet sur les citoyens.

Les corps administratifs ne tarderont pas à faire parvenir à l'Assemblée nationale leurs procès-verbaux; chaque minute donnant lieu à de nouveaux incidents et à de grandes variations dans notre situation, ces procès-verbaux ne peuvent encore être clos, mais j'ai cru qu'il était de mon devoir de vous adresser, Monsieur le Président, ces premières notions sur l'affreuse situation dans laquelle se trouve cette ville.

Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.

Signé MARTIN, fils d'André, président du département des Bouches-du-Rhône, »

M. de Mirabeau poursuit: Il y a une extrême urgence à aller au plus pressé. C'est dans ce but que je vous présente le projet de décret suivant ;

« Oui la lecture d'une lettre du président du département des Bouches-du-Rhône, en date du 14 de ce mois, l'Assemblée nationale renvoyant à ses comités des recherches et des rapports réunis, la connaissance des événements qui se sont passés à Aix, pour lui en être rendu compte le plus tôt possible, ordonne que les députés des Bouches-du-Rhône, du Var et des Basses-Alpes, se retireront sur-le-champ pour former un projet de décret provisoire sur les mesures les plus à rétablir l'ordre dans la ville d'Aix. » propres (Ce projet de décret est adopté.)

M. le Président. Le comité des recherches a la parole pour rendre compte des événements arrivés à Lyon.

M. Charles Voidel fait le rapport suivant sur la conspiration de Lyon (1).

Messieurs, dans le choc terrible des passions qu'elle développe ou qu'elle fait naître, dans les maux passagers mais inévitables qu'elle entraîne à sa suite, dans le courage qui sacrifie tout à la patrie et dans l'égoïsme qui ne calcule que ses pertes, une grande révolution dévoile en quelque sorte les secrets du cœur humain; elle éveille les âmes engourdies, elle crée des homines; mais en déplaçant subitement tous les rapports, en

1) Ce rapport ést incomplet au Moniteur.

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changeant toutes les idées, en rompant toutes les habitudes, elle laisse sous l'empire des préjugés ceux qui ne vivaient que d'abus, et qui, sous les dehors trompeurs d'une considération usurpée, cachaient une véritable nullité : ceuxlà courent après une existence qui les fuit; et ne pouvant la composer des vertus qui leur manquent, c'est en faisant le malheur des hommes qu'ils veulent fixer leurs regards. Il est affligeant pour nous d'avoir à vous entretenir sans cesse de troubles, de désordres et de complots: il est pénible pour vous d'en entendre le récit; mais, nous ne devons pas vous le dissimuler, les ennemis de la patrie s'agitent avec plus de fureur que jamais, et vous allez en voir la preuve dans le rapport que je suis chargé de vous faire.

La ville de Lyon fut, il y a quelques mois, le théâtre d'une violente sédition; elle eut pour prétexte la diminution des octrois. Votre fermeté, secondée des efforts des bons citoyens, parvint à l'apaiser; mais ce premier mouvement éveilla l'espoir des mécontents ils crurent, en entretenant l'agitation des esprits, pouvoir rallumer un feu mal éteint, et ce fut sur les dispositions de celte ville qu'ils for mèrent un nouveau plan et qu'ils en fondèrent le succès.

Depuis quelque temps, des avis multipliés partis de Turin,de Nice, d'Antibes,de Valence, d'Aix, de Toulon, dirigeaient vers ce point important du royaume la solicitude du comité; de tous côtés on lui annonçait, de la part des réfugiés français, des intentions malfaisantes et des préparatifs menaçants les fréquents voyages de M. d'Autichamp en Suisse; les allées et venues perpétuelles d'agents subalternes, l'arrivée soudaine d'un ministre prevaricateur à la cour de Turin; l'accueil qu'il y avait recu de MM. d'Artois, de Condé et de Bourbon, ces trois citoyens, désignés comme les principaux auteurs des projets qui menacaient la France: tout nous faisait un devoir rigoureux de la plus exacte surveillance; enfin tout est découvert (On applaudit).

Pendant la nuit du 8 au 9 de ce mois, le sieur Privat, officier de la garde nationale de Lyon, déclara, en présence de MM. Maison-Neuve, Andrillat, Pressavin et Carret, officiers municipaux, que, par lui-même et par le secours d'autres citoyens patriotes, il avait découvert une société de conjurés dont les projets tendaient à renverser la Constitution; mais que pour marcher plus sûrement et pour ne rien hasarder dans la conduite d'une affaire aussi importante, il s'était environné des lumières et des conseils de quelques citoyens zélés, sages et instruits, auxquels il avait presenté les sieurs Monet, Berthet, Chazot, et David Jacob, comme les confidents déguisés des conjurés.

Ces officiers municipaux passèrent cette nuit et celle du 9 au 10 à recevoir les déclarations de ces quatre particuliers: vous allez, Messieurs, dans l'extrait fidèle des pièces, les entendre parler Successivement.

Il y a trois mois environ, dit le sieur Monet que le sieur Pingon, ci-devant comte de Lyon, par l'entremise du nommé Bonjour, son fils naturel, m'engagea à me rendre chez lui; il me conbla de caresses, me parla de la confiance que les ouvriers avaient en moi, et du pouvoir que j'avais sur leurs esprits; il me vanta les services que les ci-devants chanoines avaient rendus au peuple, les bienfaits qu'ils avaient répandus sur les ouvriers; ils peuvent en attendre encore, me ditil, et ils se prêtent à nos vues dans un moment où la Révolution anéantit le commerce de Lyon. Ces

vues n'ont rien de criminel; il s'agit seulement d'arrêter les progrès des enragés de l'Assemblée nationale, qui ne respectent rien sans doute le peuple de Lyon ne verra pas de sang-froid vendre les biens du clergé, et surtout ceux des comtes de Lyon.

Je fis confidence de cette ouverture au sieur Privat, et, d'après son conseil, je parus me prêter aux vues du sieur Pingon. Celui-ci me fit venir chez lui plusieurs fois; après quelques conférences, sans doute il me jugea digne de sa confiance, et me préssnta au sieur d'Escars, capitaine à la suite dans le régiment d'Artois, dragons. Le sieur d'Escars m'entretint longtemps chez le sieur Pingon, et me présenta ainsi au sieur Terrasse de Teyssonnet, officier dans le régiment du Maine, infanterie. Ces deux officiers me conduisirent enfin chez le sieur Guillien de Pougelon, conseil et juge de la justice des ci-devant chanoines comtes de Lyon.

Les conférences avec ces trois particuliers remontent à près de deux mois; elles ont été très mult pliées, et se sont tenues tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, et une fois chez moi. Cette fois, le sieur Privat et son fils étaient cachés derrière un lit et à portée de tout entendre.

Dans toutes ces conférences, les conjurés me donnaient des instructions: elles avaient pour objet de soulever le peuple contre le nouvel ordre de choses et contre l'Assemblée nationale. Les moyens étaient de réunir dans les cabarets le plus de personnes que je pourrais. Il faut, me disaient-ils, trouver des cabaretiers qui donnent le vin à meilleur marché, et chaque semaine on leur payera le déficit. Je leur fis remarquer, sur cette proposition, que les cabaretiers pourraient parler, et que leur indiscrétion nuirait beaucoup au succès de l'affaire. Le sieur Guillien approuva mon observation, et convint qu'il fallait se contenter de déclamer dans ces cabarets, d'animer les esprits, et les amener enfin à demander le rappel des princes et la diminution des octrois. Ils me dirent qu'il faudrait, à cet effet, une pétition expresse; et, pour m'y déterminer, ils me représentèrent que dès que les princes seraient à Lyon, ils y répandraient beaucoup d'argent; que le commerce fleurirait; que les ouvriers auraient du travail. Le roi, ajoutaient-ils, trouvera le moyen de s'échapper de Paris, où il est détenu prisonnier il se rendra à Lyon; cette ville deviendra la capitale de l'empire; les Parisiens, par leur félonie, ont mérité de perdre cet avaŋtage, et on logera les princes aux Brotteaux.

Les sieurs Teyssonnet et d'Escars, continue Monet, me donnèrent deux rendez-vous dans ce dernier lieu, et ne se trouvèrent à aucun. Mais la dernière fois, j'y fus accosté par un steur Clerc. Celui-ci chercha à s'insinuer dans mon esprit et à découvrir mes sentiments. Il m'invita à diner, et j'acceptai; il me parla des inconvénients du nouvel ordre de choses, du mérite du sieur Guillien, et me le désigna comme l'homme le plus propre à remplir la place de

maire.

Les sieurs d'Escars et Teyssonnet me donnèrent, en différentes fois, 25 louis, en in'engageant à amener à leur parti le plus de monde que je pourrais pour me mettre en état d'agir avec plus de succès, et de mieux décrier les principes constitutionnels, ils tirèrent du dépôt qui était chez le sieur Guillien, et me chargèrent de di tribuer divers imprimés, sous les titres de Cromwels français démasqués, la France sauvée, la Bouche d'or, le Massacre des catholiques de

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