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connaît que ce sont des affaires de postes où le peuple a toujours l'avantage. On excite le peuple pour le porter à des violences, et on l'accuse. On tient des assemblées armées... A Perpignan il a eu le courage difficile de pardonner; il a respecté l'inviolabilité de ses représentants, qui s'armaient contre lui du caractère même dont il les avait revêtus; il a respecté les lois; il a respecté ceux de ses représentants qui étaient devenus ses ennemis et voilà le peuple qu'on accuse! Il était excité, harcelé par les ministres que nous avons attaqués... J'invite les ennemis du peuple à faire cesser le deuil dont ils couvrent la patrie. Quant au projet de décret, je ne vois pas pourquoi envoyer des commissaires : c'est un moyen utile qu'il ne faut pas prodiguer. Les administrateurs ne sont pas suspects; la bonne cause triomphe... Je pense qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet objet. Je demande en amendement que le président soit chargé d'écrire une lettre de remerciement aux grenadiers du régiment de Lyonnais.

M. de Mirabeau. Les administrateurs sont dignes de toute la confiance des citoyens et de l'Assemblée nationale; c'est pour eux que nous demandons des commissaires. « Tous les moyens nous échappent »; celui qui dit cela appelle les secours des représentants de la nation. J'ai oublié d'observer qu'il est bien étrange qu'on nous reproche de nous être conformés aux principes en ne déterminant pas le nombre des troupes que l'Assemblée priera le roi d'envoyer dans le département des Bouches-du-Rhône."

Voici le projet de décret :

L'Assemblée nationale, ouï la lecture des cinq lettres du président du département des Bouchesdu-Rhône, et des corps administratifs, en date du 14 de ce mois :

« Décrète que le roi sera prié de faire passer à Aix, et dans le département, un nombre suffisant de troupes de ligne pour y rétablir la tranquillité, et d'envoyer trois commissaires civils dans ladite ville, pour, jusqu'à ce qu'autrement soit ordonné, y être, conjointement avec trois membres, choisis dans chacun des trois corps administratifs par le directoire et le conseil municipal, chargés de la réquisition de la force publique. »

(Ce projet de décret est adopté.)

M. le Président lève la séance à trois heures et demie.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. D'ANDRÉ, EX-PRÉSIDENT. Séance du lundi 20 décembre 1790, au soir (1).

La séance est ouverte à six heures et demie du soir.

M. d'André, ex-président, en l'absence de M. Pétion, occupe le fauteuil.

Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes :

Adresse de félicitation, adhésion et dévoue

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

ment des administrateurs du département de la Mayenne.

Arrêté des membres du directoire du district de Gex, portant qu'à compter du 1er juin 1790, le traitement de chaque administrateur du directoire de ce district, porté, par les décrets de l'Assemblée, à 900 livres, demeure réduit et fixé à 600 livres; que le traitement du procureursyndic, fixé à 1,600 livres, demeure aussi réduit à 1,066 livres 13 sous.

Adresse des officiers municipaux de la ville de Conches, qui, vivement affectés d'une inculpation calomnieuse qui leur a été faite de la part du département de l'Eure, d'avoir non seulement négligé les moyens de faire percevoir les impôts indirects, mais encore d'avoir favorisé, en quelque sorte, une prétendue insurrection qui exposait les commis à être massacrés, se justifient pleinement, et supplient l'Assemblée d'interposer son autorité pour qu'ils puissent connaître leurs délateurs.

Adresse des officiers municipaux de la ville de Rhedon, qui exposent que l'installation de leurs juges de district a été faite, mais qu'ils n'ont pu voir sans inquiétude qu'ils aient différé de prononcer sur l'admission de M. Jau, maire de la commune, à la place de commissaire du roi, jusqu'après avoir reçu de nouvelles instructions de Sa Majesté. Ils font le plus grand éloge du patriotisme et du zèle éclairé de M. Jau, et supplient avec instance l'Assemblée de permettre qu'un substitut par intérim puisse remplir les fonctions attachées à la place de commissaire du roi, jusqu'à ce que M. Jau ait acquis le temps d'exercice prescrit par les décrets.

Adresse des membres composant le conseil général du département de l'Eure, qui, pour détruire les soupçons injurieux que les ennemis du bien public veulent jeter sur le patriotisme des administrateurs des départements, supplient l'Assemblée nationale de fixer le jour où deux députés de chaque département se rendront dans la capitale, pour déposer à ses pieds l'hommage d'une adhésion absolue à ses décrets, et d'un dévouement sans bornes pour en assurer l'exécution.

M. Mougins de Roquefort présente une adresse des juges du tribunal dù district de Salon en Provence, dans laquelle ils déclarent qu'ils ont consacré les premiers moments de leur existence judiciaire à être les interprètes des sentiments des citoyens qui les ont honorés de leur confiance et de la reconnaissance dont ils sont eux-mêmes pénétrés pour les immortels travaux de l'Assemblée.

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Jolivet, secrétaire de légation, et chargé des affaires de France près de M. l'évêque de Liège. Cette lettre, adressée à M. le président, renferme copie du serment civique dudit sieur Jolivet.

L'Assemblée en ordonne l'insertion dans le procès-verbal, ainsi qu'il suit :

Serment civique.

Moi, Nicolas-Michel Jolivet, secrétaire de la légation de France et chargé des affaires de France près Son Altesse Mgr le prince-évêque de Liège, je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout mon pouvoir la

[Assemblée nationale.]

Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi, et de défendre auprès de M. le prince-évêque de Liège, de ses ministres et agents, les Français qui se trouveront dans ses Etats. A l'hôtel de France, à Liège, le 14 décembre 1790, et muni du sceau de la légation. Signé : JOLIVET.

Un membre fait lecture d'une adresse des juges du tribunal du district de Clamecy, département de la Nièvre, contenant les sentiments de leur reconnaissance pour l'Assemblée nationale, et une adhésion formelle à ses décrets, sanctionnés ou acceptés par le roi.

M. Regnaud (de Saint-Jean d'Angély). Les électeurs de Rochefort, département de la Charente-Inférieure, ont élu juges l'ancien lieutenant général et le lieutenant criminel; le premier, membre du directoire du département; le second, procureur-syndic du district de Rochefort; l'Assemblée a renvoyé la dénonciation qui lui en avait été faite, à son comité de Constitution, qui s'est contenté d'écrire pour avertir le département et le district que les deux élections étaient nulles, encore que les personnes, membres du directoire, eussent donné leur démission; cependant le département, suivant une lettre d'un de ses membres, a confirmé l'élection du lieutenant général, membre du directoire du département. Je demande le renvoi de cette affaire au comité de Constitution, pour en rendre compte le plus tôt possible.

(Cette proposition est adoptée.)

M. Girot-Pouzol fait part à l'Assemblée d'une adresse du conseil général de la commune de Riom, département du Puy-de-Dôme, qui est ainsi conçue:

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Messieurs, votre décret du 27 novembre dernier est un nouveau titre à la reconnaissance immortelle des Français. Par ce courageux effort, vous avez réduit à l'impuissance cette ligue effrayante d'une partie du clergé, qui se flattait d'armer l'ignorance et la superstition contre votre sublime ouvrage. Ils vont disparaître pour jamais, ces abus qui déshonoraient notre religion. Ramenée à sa pureté, à sa simplicité primitives, ses ministres partageront enfin le respect qu'elle nous commande.

« Livrés aux sentiments que nous inspirait ce nouveau bienfait, quelle a été notre indignation, de voir qu'un de ceux qui a reçu, dans nos murs, le caractère auguste de représentant de la nation, a dirigé contre ce décret une protestation scandaleuse et vraiment impie! Toutes les feuilles périodiques dévouées à la cause anti-populaire, notamment celle qui porte le titre hypocrite et mensonger d'ami du roi, sont dépositaires des sentiments que M. Laqueuille n'a pas rougi de rendre publics. En voyant ce monument du plus coupable délire, le conseil général de la commune de Riom s'est rappelé, avec un regret amer, que le nom de M. Laqueuille occupait une place honorable dans ses registres; que les administrateurs auxquels nous avons succédé, lui avaient donné une marque éclatante d'attachement et de confiance, en lui accordant des lettres de citoyen de Riom.

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« Aujourd'hui qu'une égalité précieuse a réuni tous les Français, de pareils titres sont sans doute inutiles pour nous lier par une douce fraternité.

« La commune de Riom croit cependant devoir déclarer que la conduite criminelle de M. La

queuille a brisé les rapports plus étroits qui l'at-
tachaient à elle; qu'elle regarde comme conci-
toyens ceux-là seulement qui chérissent et res-
pectent les principes immuables et éternels sur
lesquels vous avez fondé notre Constitution;
qu'elle réserve sa pitié pour les insensés qui en
méconnaissent les bienfaits, et voue au mépris et
à l'exécration ceux qui, semant de funestes
maximes, cherchent à ébranler cet édifice im-
mortel.

« Le conseil général de la commune de Riom représente à l'Assemblée nationale que M. Laqueuille, député de la ci-devant sénéchaussée d'Auvergne, a, dans plusieurs écrits, abjuré le caractère de représentant de la nation. Il renouvelle cette abjuration dans la coupable protestation que nous vous dénonçons. Le conseil général de la commune de Riom supplie l'Assemblée nationale de peser dans sa sagesse si la déclaration publique et réitérée de M. Laqueuille qu'il n'entend plus remplir ses fonctions de député, ne nécessite pas son remplacement par le suppléant le plus anciennement nommé. La conduite de M. Laqueuille a le caractère d'une véritable démission, puisqu'une démission n'est autre chose qu'un refus d'exercer ses fonctions, ou une déclaration de l'impossibilité de les remplir.

« L'intérêt général demande que la représentation nationale soit complète; et cet intérêt serait violé, si M. Laqueuille pouvait à la fois refuser d'obéir à ses devoirs, et empêcher que le vide qu'il laisse dans la représentation, fût rempli.

"

Signé Moranger, Soutrang, Chassainy, Comchon, Sozier, Carton, Deparade, Denattuez, Gerle, Jean-Baptiste Chassaigne, Gressander, Jourdet, Vollet. »>

M. Girot-Pouzol ajoute : Voici comment s'exprime M. Laqueuille « Je déclare que le décret du 17 novembre de l'Assemblée qui se dit nationale est impie, attentatoire à l'autorité et aux libertés de l'Eglise gallicane, et à l'autorité du chef visible de l'Eglise, etc...; et si l'Assemblée qui se dit nationale renouvelait les siècles de persécution...» (Il s'élève des murmures du côté droit.)

M. de Cazalès. Il n'est pas de la dignité de l'Assemblée d'entendre des protestations.

(L'Assemblée décide que la lecture sera continuée.)

M. Girot-Pouzol, continuant sa lecture: « Je demanderais à Dieu la grâce d'être le premier martyr, soit pour la foi, soit pour le roi, etc. Signé le marquis de Laqueuille, député de la noblesse de Riom aux Etats libres et généraux de France, retiré de l'Assemblée depuis l'expiration de mes pouvoirs.

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Vous voyez que M. Laqueuille préfère le titre de représentant d'une corporation qui n'existe plus à celui de représentant de la nation. Des protestations sous son nom ont été distribuées dans le sein de cette Assemblée et répandues dans les provinces. Ses concitoyens ont eu quelques moments d'espérance, lorsqu'il a prêté son serment civique; mais quelle a été leur surprise lorsqu'ils ont vu qu'il renouvelait ses protestations contre toutes les parties de la Constitution, lorsqu'ils ont vu qu'il avait parjuré !... Il a déclaré renoncer à l'exercice de ses fonctions; or, la nation ne doit point conserver la mission de celui qui refuse d'en remplir les fonctions. Le département a droit à une représentation complète... M. Laqueuille a voulu égarer ses concitoyens; il a

calomnié l'Assemblée nationale en lui supposant l'intention de rétablir les siècles de persécution; il a voulu faire croire au peuple que la religion était perdue... Mais ce qu'il y a de plus révoltant, c'est la déclaration qu'il fait que les décrets de l'Assemblée dite nationale sont impies, attenta-toires à l'autorité et aux libertés de l'Eglise gallicane, etc. Ainsi il met sa volonté au-dessus de la volonté de la nation; conduite aveugle ou criminelle qui mériterait d'être punie de peines sévères si l'excès de la démence ne faisait son excuse... Je conclus à ce que M. Laqueuille soit remplacé par son suppléant, dont les pouvoirs ont été vérifiés, et je demande que l'adresse du conseil général de la commune de Riom soit insérée dans le procès-verbal.

M. Alexandre de Lameth. J'honore les sentiments qu'a manifestés le préopinant, et j'ai toujours regardé comme coupables ceux qui en professent de contraires. Cependant je ne suis pas d'avis de sacrifier à l'intérêt de remplacer M. Laqueuille les principes sur lesquels vous avez établi la liberté nationale. Vous avez regardé les députés des différentes provinces comme les représentants de la nation entière; il n'appartient pas à la commune de Riom de demander le changement de son député. Vous pourriez acquiescer à la demande de cette ville, si M. Laqueuille avait donné légalement sa démission, si cette démission était pure et simple; mais, au contraire, elle est motivée de manière que vous ne pourriez l'accepter sans consacrer une protestation contre vos décrets, car M. Laqueville ne cesse ses fonctions que parce que les pouvoirs qu'il a reçus de la noblesse sont expirés. Il a forfait à la Révolution, mais cela ne donne pas à la commune de Rom le droit de le faire remplacer. Je demande que, sans faire attention à l'extrait de l'Ami du roi, qu'il est scandaleux d'avoir lu dans cette As-emblée, car l'Ami du roi est le plus grand ennemi du roi; je demande, dis-je, que, sans faire attention à ces protestations scandaleuses, on passe à l'ordre du jour, après avoir ordonné l'insertion au procèsverbal de l'adresse de la commune de Riom.

M. Branche. J'appuie la demande d'insertion au procès-verbal de l'adresse de la commune de Riom, afin qu'on sache bien que les commettants de M. Laqueuille, au nom desquels il affecte de faire ses coupables protestations, ne partagent nullement ses sentiments.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour, et ordonne l'insertion de l'adresse de la commune de Riom au procès-verbal.)

M. Camus propose le projet de décret suivant qui est adopté :

« L'Assemblée nationale décrète que les ballots d'assignats imprimés, qui sont ou seront déposés aux archives, aux termes du décret du 4 novembre dernier, seront remis par l'archiviste, scellés et cachetés, tels qu'ils ont été ou seront déposés, à M. Jacques-Jean Le Couteulx, pour être signés par les personnes que le roi a commises à cet effet; et qu'après la signature ils seront déposés dans la caisse à trois clefs, dont l'établissement a été décrété le 7 décembre présent mois, en présence des commissaires à la caisse de l'extraordinaire, pour être délivrés ensuite au trésorier de l'extraordinaire, suivant les dispositions du même décret. »

L'ordre du jour est la discussion du projet de décret relatif au bail des messageries.

Plusieurs membres demandent qu'on ajourne cette question pour s'occuper immédiatement de la discussion sur la liquidation des offices ministériels.

La question préalable est demandée sur cette proposition, mise aux voix et adoptée.

En conséquence, la discussion est ouverte sur l'affaire des messageries.

M. Gillet-la-Jacqueminière, rapporteur, soumet à la discussion les articles proposés par les comités de finance, d'impositions, d'agriculture et de commerce, et militaire, comme préliminaires au nouveau bail des messageries. Ces articles sont relatifs à la diminution du tarif des voitures d'eau, ordonnée par le décret du 22 août de cette année, et aux indemnités dues tant aux fermiers qu'aux sous-fermiers pour la suppression des privilèges accordés par les anciens baux.

M. Malouet.J'ai été étonné d'avoir entendu dans une des précédentes séances un rapport de ministre, au lieu de celui que le comité du rapport devait vous faire sur cet objet... Ce serait une inconséquence dangereuse que de vous occuper des détails du service des messageries; vous ne pouvez pas plus vous occuper de ces détails que de tous les contrats, de tous les marchés particuliers qui se font journellement pour le service du département de la guerre, de celui de la marine, et de tous les autres départements. Ces détails sont hors de votre compétence et hors de vos moyens... L'entreprise des messageries devait sans doute vous intéresser; aussi avez-vous, le 22 août, résilié le bail; maintenant il ne s'agit plus que d'examiner les offres des soumissionnaires. Je demande que ces détails soient renvoyés au pouvoir exécutif, et que le bail soit prorogé.

M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Le décret du 22 août a résilié le bail des messageries pour le 1er janvier. Les entrepreneurs ont eu le droit de vendre pour cette époque tout ce qui sert à leur exploitation; vous n'avez pas celui d'annuler ces marchés. Vous ne pouvez donc proroger le bail sans payer des indemnités considérables aux entrepreneurs, et par cette raison je m'oppose à la prorogation... Je combats également la seconde proposition qui vous est faite, celle qui consiste à renvoyer au pouvoir exécutif pour qu'il fasse arbitrairement le nouveau bail. Lorsqu'il s'agit d'un grand marché dans lequel la nation est partie contractante, c'est au Corps législatif à en arrêter définitivement les conditions, surtout en ce moment où le mode de la responsabilité des ministres n'est pas déterminé... Je demande que le ministre soit chargé de vous présenter un nouveau projet de bail.

M. Dedelley (ci-devant Delley-d'Agier). L'Assemblée nationale ne doit pas livrer à la cupidité des enchères l'entreprise des messageries. L'entrepreneur qui passe un bail trop considérable est obligé, pour se défrayer, de rançonner le voyageur; l'entreprise échoue, l'administration est obligée de venir à son secours, et le tout tombe à la charge du Trésor public. Vous devez enfin examiner la question relativement à l'impôt. L'entrepreneur, qui ne pouvait trouver son compte, dans les conditions qu'il a souscrites, faisait tort aux douanes nationales: on évalue

à 3 millions la fraude annuelle des postes et messageries... Il est aussi de l'intérêt, de l'économie et de la sûreté du service, de ne pas confier l'entreprise des messageries à des compagnies particulières qui, n'ayant qu'une existence précaire, cherchent toujours, pour soutenir une entreprise témérairement souscrite dans la chaleur des enchères, à vexer le voyageur et à tromper la surveillance publique. Ne donnez aux entrepreneurs qu'un bénéfice honnête, mais assurezleur ce bénéfice... Vous examinerez ensuite s'il n'est pas préjudiciable à l'intérêt du fisc d'isoler la régie des messageries de celle des douanes, etc. Je demande donc que vous vous donniez tout le temps nécessaire pour examiner en grand la question. Quand vous devriez indemniser les anciens entrepreneurs de la prorogation du bail, vous auriez encore fait un grand bien à la nation.

M. Barnave. Trois points sont à considérer : Il faut une loi pour régler le prix des places et le port des ballots dans les messageries et autres voitures publiques. Il n'appartient qu'à l'Assemblée de faire cette loi; le pouvoir exécutif la fera exécuter.

2° 11 est question de recevoir des soumissions pour un bail. C'est le fait du pouvoir exécutif.

3o Le revenu des messageries est une sorte d'impôt. Il faut donc que les soumissions et conditions de ce bail soient présentées à l'Assemblée nationale avant d'être signées, parce qu'il n'appartient qu'à elle d'établir l'impôt.

M. Rewbell. Vous avez décrété, le 22 août, que, d'après les instructions données par le ministre des finances, le comité d'agriculture et de commerce vous présenterait un règlement particulier pour l'exploitation du service des messageries. Ce n'est que lorsque ce règlement sera fait que quand le tarif sera décreté, que les soumissionnaires pourront faire leurs offres en connaissance de cause.

M. de Cazalès. Il n'y a point d'autre réponse aux observations que M. Regnaud vous a faites contre la prorogation du bail des messageries que l'impérieuse loi des messageries. Comment, en effet, d'ici au 1er janvier, décréter les règlements préliminaires du bail, recevoir les soumissions, les examiner, les adopter?... Lorsque Votre règlement sera fait, le pouvoir exécutif n'aura plus rien à faire qu'à donner la préférence au soumissionnaire qui fera les offres les plus avantageuses. Cependant le bail des messageries, considéré relativement à l'impôt, n'est pas de la compétence de l'administration. Tout ce qui a rapport à la matière de l'impôt appartient essentiellement et exclusivement à l'Assemblée nationale. (On applaudit.) Je lui propose donc le projet de décret suivant:

« L'Assemblée nationale ordonne à ses comités d'agriculture et de commerce, et des finances, de lui présenter sous huitaine un projet de décret relatif à la fixation du tarif des messageries. Le tarif étant fixé, l'adjudication du bail des messageries sera faite par le ministre des finances, publiquement et aux enchères, à ceux des soumissionnaires dont les offres seront le plus propres à assurer le service et le plus avantagenses à l'intérêt public, et sauf la ratification de l'Assemblée nationale.

L'Assemblée nationale proroge jusqu'au 1er juillet 1792 les baux et sous-baux existants. »

M. Le Chapelier propose, par amendement,

de réduire à trois mois la prorogation des baux actuels.

Cet amendement est adopté et la proposition de M. de Cazalès est décrétée en ces termes :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités des finances, d'imposition, militaire, d'agriculture et de commerce, ordonne à son comité d'imposition de lui faire, sous huit jours, un rapport relatif à l'établissemeut des messageries et à la fixation du tarif; le tarif fixé, l'adjudication du bail des messageries sera faite par le ministre des finances, publiquement et aux enchères, à ceux qui offriront les conditions les plus propres à assurer le service, et les plus avantageuses au Trésor public, sauf la ratification du Corps législatif.

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L'Assemblée nationale proroge jusqu'au 1or avril 1791 les baux et sous-baux existants, la nouvelle compagnie ne devant entrer en jouissance qu'à cette époque. »>

Un membre propose d'ajouter que, pour libérer le Trésor public, les indemnités déterminées par l'article 8 du décret du 22 août, seront à la charge des nouveaux fermiers.

(L'Assemblée ajourne cet amendement.)

Le comité d'aliénation présente et l'Assemblée adopte les quatre projets de décrets suivants portant vente de biens nationaux à diverses municipalités :

Premier décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 28 juillet 1790, par la municipalité du Bourgl'Abbaye, canton et district de Pithiviers, département du Loiret, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu du Bourg-l'Abbaye, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier ;

« Déclare vendre à la municipalité du Bourgl'Abbaye les biens ci-dessus mentionnés, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 30,688 livres 7 s., payable de la manière déterminée par le même décret. »

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Deuxième décret.

L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 9 juillet 1790, par la municipalité de Sermaises, canton de Sermaises, district de Pithiviers, département du Loiret, en exécution de la délibération prise par conseil général de la commune dudit lieu de Sermaises, le 9 juillet 1790, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état se trouve annexé à la minute du procès-verbal de ce jour; ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier ;

• Déclare vendre à la municipalité de Sermaises les biens mentionnés dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 66,559 livres 18 s., payable de la manière déterminée par le même décret. »

Troisième décret.

« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 9 avril 1790, par la municipalité d'Orléans, département du Loiret, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu d'Orléans, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois mai dernier;

Déclare vendre à la municipalité d'Orléans les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 2,149,615 1. 4 s. d. payable de la manière déterminée par le même décret. »

Quatrième décret.

«L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, de la soumission faite le 14 septembre 1790, par la municipalité de Meungsur-Loire, canton et district du même lieu, département du Loiret, en exécution de la délibération prise par le conseil général de la commune dudit lieu de Meung-sur-Loire, le 5 juillet 1790, pour, en conséquence du décret du 14 mai 1790, acquérir, entre autres domaines nationaux, ceux dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, ensemble des évaluations ou estimations faites desdits biens, en conformité de l'instruction décrétée le 31 dudit mois de mai dernier;

« Déclare vendre à la municipalité de Meungsur-Loire les biens compris dans ledit état, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai, et pour le prix de 288,502 liv. 7 s. 10 d., payable de la manière déterminée par le même décret. »

L'ordre du jour est la discussion du rapport sur la liquidation des offices ministériels.

M. Tellier propose, au nom des comités de Constitution et de judicature: 1° un mode de liquidation fondé sur les évaluations faites en exécution de l'édit de 1771, rectifiées de la manière qui sera indiquée par la suite de la discussion; 2o une indemnité particulière aux titulaires qui justifieront de contrats ou autres actes authentiques, portant ces offices et leurs accessoires à un prix excédant celui de l'évaluation; le tout sauf différents prélèvements pour les droits de centième denier, pour les rôles, débets et recouvrements, etc.

M. Mougins. Vous avez jugé le sacrifice des offices ministériels utiles à l'Etat; il était juste de le consommer. Le salut public est la loi su

prême où doivent se briser tous les intérêts personnels. Mais l'Etat n'exige pas la ruine absolue d'une classe de citoyens qui, sans un remboursement effectif et réel, ne trouverait dans la nouvelle Constitution que la honte et le désespoir. Vous avez consacré dans la Déclaration des droits ce principe éternel que « les propriétés sont un droit inviolable et sacré ». Or vous toucheriez à cette propriété si l'indemnité due à ces officiers n'avait pas pour objet un remboursement légitime, et il serait imparfait s'il était borné à la seule évaluation du titre de la finance, parce que ces offices comprennent avec le titre la pratique ou la clientèle que chaque individu a fixée successivement à son titre par son travail, son zèle, ses soins. Ces deux objets réunis forment essentiellement le prix de ces offices.

Le titre ne présente en lui-même aucun bénéfice, aucun avantage; c'est l'exercice qui constitue la véritable profession du pouvoir, qui fait naître la clientèle, qui en forme toute la consistance. Cette clientèle, qui a été le seul objet de l'acquisition de l'officier ministériel, a éprouvé, comme toutes les propriétés territoriales, des augmentations progressives, et le bénéfice que les temps et les circonstances donnent toujours à tout ce qui se trouve dans le commerce social. Cela est tellement certain qu'il n'existe point de procureur dans le royaume qui n'ait envisagé son office comme le champ qu'il pouvait agrandir ou améliorer, comme un patrimoine qu'il laissait à sa famille, une propriété disponible entre ses mains. Ces offices ont été donnés à titre de dot, transmis par succession, et c'est toujours la valeur commerciale qui a été la base de ces

contrats.

Le mode de remboursement proposé est suffisant. Il faut saisir les nuances essentielles qui existent entre les offices de magistrature et les offices ministériels; les premiers avaient des prérogatives personnelles, au lieu que les seconds n'avaient d'autres espérances que leurs offices. Les uns ne perdent rien; ceux-ci se voient enlever leur unique propriété c'était sur l'assurance de leur produit qu'ils avaient formé des établissements, contracté des obligations, soutenu leur existence sociale.

S'il était possible de les priver d'un remboursement légitime, vous entendriez pousser à des pères de familles ce cri de douleur et de désespoir: « La Constitution nous a ruinés! » Vous les exposeriez à verser des larmes de sang.

Plusieurs mutations de ces mêmes offices qui ont eu lieu dans la ci-devant province de Provence prouvent que la clientèle fixe le principal prix de l'office. Je propose un projet de décret en

ces termes:

« L'Assemblée nationale décrète que le remboursement des offices ministériels existants près les anciens tribunaux du royaume sera réglé sur le pied de la valeur marchande desdits offices, d'après l'avis des départements. » (On applaudit.)

M. Guillaume. Vous avez décrété que nul ne pourrait être privé de ses propriétés que sous les deux conditions suivantes: 1° si la nécessité l'exige évidemment; 2° sous la condition d'une juste et préalable indemnité. Je ne puis m'écarter de ce principe; je vous le mettrai sans cesse sous les yeux dans la discussion que j'entreprends sur la liquidation des offices. La première condition est remplie par le décret qui supprime les offices ministériels; quant à la seconde, si le dé

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