Page images
PDF
EPUB

dommagement n'a pas été préalable, il doit du moins être juste... Dans les premières pages du rapport de vos comités on s'attendrit sur le sort d'une foule d'individus dépouillés et livrés à une incertitude cruelle. S'il est vrai, y est-il dit, que le bonheur général exige des officiers ministériels le sacrifice de leur état, la raison et la justice veulent aussi que les avantages d'un meilleur ordre de choses ne prennent pas leur source dans une foule de malheurs particuliers. »> C'est d'après ce principe que je pense que les procureurs ont droit à être remboursés, non seulement du prix des offices, mais de la valeur des accessoires. On convient que les plus fortes évaluations faites en exécution de l'édit de 1771 sont encore extrêmement faibles... Que deviendront les officiers ministériels supprimés? Que leur reste-t-il? Que leur est-il dù? Telles sont les questions que je vais discuter. A la jouissance de l'office il faut ajouter celle de la pratique, qui presque toujours en décuplait la valeur. Ils étaient chargés, en vertu de leurs titres, et de la défense officieuse et de la défense légale de leurs concitoyens.

L'Assemblée nationale a détruit le titre et la pratique, elle doit donc indemniser les titulaires de la valeur de l'un et de l'autre. Jamais la restitution, jamais le retrait n'ont pu être arbitraires; jamais le débiteur n'a pu faire la loi à ses créanciers. Lorsque deux propriétés étaient indivisibles, le retrait de l'une ne pouvait se faire sans le retrait de l'autre. Si les retraits ont été supprimés, les règles immuables de la justice, qui feur servaient de règles, ne le sont pas. Le procureur supprimé se trouve dans une situation particulière; il est dépouillé de sa pratique, de sa clientèle; il est condamné à une cruelle inactivité... Lorsque vous avez supprimé les corporations ecclésiastiques, vous avez donné aux titulaires de quoi subsister; en détruisant la féodalité vous avez ordonné le remboursement même des droits qui n'ont eu probablement pour origine que la force et l'usurpation. On vous donne pour base les plus fortes évaluations faites en exécution de l'édit de 1771; on vous propose de payer comme indemnité la moitié du prix de la pratique; on ajoute que les plus fortes évaluations de 1771 sont encore infiniment faibles, et on croit faire grâce aux officiers ministériels et on leur retient le droit du centième denier proportionnel pendant vingt ans ! Le piège est connu; on prend pour évaluation les déclarations anciennes parce que l'édit de 1771 ayant ordonné que les déclarations seraient prises pour base de l'imposition, on sait qu'elles ont été faites sur un taux beaucoup inférieur à la valeur des offres. Oui, sans doute, quoique ces mêmes déclarations fussent indiquées comme base de remboursement des offices, elles sont beaucoup trop faibles; et, en effet, les titulaires pouvaient-ils jamais espérer un remboursement de la part d'un gouvernement inique et despote? Devaient-ils s'attendre à la suppression de leurs offices, qui ne pouvait être l'effet que d'une régénération totale? Est-ce sur de telles déclarations que vous devez calculer la valeur des offices ministériels? C'est comme si, en dépouillant un cultivateur de son champ, vous ne vouliez lui rembourser que ce qu'il aurait, avant la récolte, cru devoir en retirer.

L'office ministériel est,entre les mains du titulaire, un champ qu'il cultive et fertilise journellement. Vous serait-il permis aujourd'hui de dépouiller tous les citoyens de leurs propriétés

et de les rembourser sur le pied des déclarations patriotiques? Encore y a-t-il une grande différence entre ce que vous feriez dans cette hypothèse et ce qu'on vous propose de faire relativement aux procureurs. Vous avez aujourd'hui les plus puissants motifs de présumer l'exactitude des déclarations que font les citoyens, tant pour la contribution patriotique que pour toutes les autres impositions, dont ils connaissent la nécessité et l'emploi, tandis que dans leurs déclarations les anciens officiers ministériels n'ont eu pour objet que de se soustraire à l'avidité oppressive d'une administration dissipatrice... Si le gouvernement français, au lieu de vendre des offices, eût, comme celui d'Amérique, vendu des terres incultes, pourrait-il aujourd'hui en dépouiller les propriétaires en les remboursant sur le pied de la valeur primitive? Ne devrait-il pas payer l'augmentation de valeur que ces terres auraient acquise par la colture? Par la même raison, pouvez-vous aujourd'hui vous croire dispensés de payer l'augmentation de valeur que les offices ont acquise dans le commerce, et d'indemniser le titulaire du produit de sa pratique, qui est comme un champ dont l'officier ministériel a acquis le fonds par la finance de son office, et qu'il a fertilisé par son travail ?... Accorder une demi-indemnité, c'est n'en accorder aucune; rembourser un office sur le pied d'une valeur ancienne, inférieure à la valeur actuelle, c'est dépouiller le titulaire de sa propriété... Je conclus que les offices soient remboursés sur la valeur actuelle, et que l'indemnité soit équivalente à la valeur actuelle, et je propose, en conséquence, le projet de décret suivant :

Art. 1er. L'Assemblée nationale dérète que, pour parvenir à la liquidation du remboursement et des indemnités dus aux officiers ministériels supprimés par son décret du 16 de ce mois, ces officiers seront divisés en plusieurs classes, de la manière et ainsi que le proposent les comités de Constitution et de judicature.

Art. 2. La liquidation du remboursement dû à ces officiers sera faite sur le prix commun des contrats des dix dernières années, déduction faite des deux plus fortes et des deux moins considérables, si mieux ils n'aiment sur le pied de de leurs contrats; ce qu'ils seront tenus d'opter dans trois mois; faute de quoi, leur liquidation sera faite sur le prix commun.

« Art. 3. Leurs recouvrements leur seront laissés à titre d'indemnité. »

(La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain soir.)

M. le Président lève la séance à dix heures.

ANNEXE

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU 20 DÉCEMBRE 1790.

NOTA. Par suite d'une erreur de mise en pages le discours prononcé par M. Guillaume, dans la séance du 17 décembre (voy. plus haut, page 525), n'a été reproduit que par l'analyse du Moniteur. Nous réparons cette omission en l'insérant ici in extenso,

Opinion de M. Guillaume et projet de décret sur cette question: DANS QUELLES CLASSES PRENDRA-T-ON LES AVOUÉS ?

Messieurs, après une longue discussion, vous avez enfin décrété l'institution à laquelle est attaché, j'ose le dire, le sort, l'existence même de vos tribunaux.

Cette institution salutaire, dont vous venez de jeter les bases, sera sans doute perfectionnée par des lois réglementaires qui détermineront, pour l'avenir, et les qualités nécessaires pour être admis aux fonctions d'avoués, et le mode de cette admission.

Mais il ne suffit pas de ces sages précautions pour l'avenir. De la régénération de l'ordre judiciaire sont déjà sortis de nouveaux tribunaux et les justiciables attendent avec impatience que vous donniez le mouvement à ces juridictions nationales, par l'action des officiers ministériels dont vous avez reconnu l'indispensable nécessité.

Or, quels seront les citoyens auxquels vous confierez ces fonctions pour la première fois ? Voilà, Messieurs, ce que vous avez à régler en ce moment.

C'est ici que vous verrez l'intérêt personnel, sous les dehors de la justice, vous proposer tour à tour tantôt une concurrence plus ou moins grande, tantôt une exclusion plus ou moins circonscrite.

Voyez d'abord sur la même ligne et les cidevant procureurs de tous les anciens tribunaux, et les avocats de tout le royaume, et tous les anciens juges.

Divisez-les ensuite, pour les entendre séparément dans leurs prétentions respectives.

Les anciens juges et les avocats vous diront: qu'ayant perdu leur ancien état, la nation doit les employer dans les fonctions qui exigent des gens de pratique; ils ajouteront, qu'indépendamment de leur aptitude, ils ont des droits à la confiance publique puisqu'ils sont même appelés à remplir les fonctions de juge; et vous verrez qu'ils croiront faire grâce aux anciens officiers ministériels, en bornant leur proposition à une simple concurrence avec eux.

Il me semble entendre, d'un autre côté, ces officiers ministériels, je veux dire les procureurs, dont je me suis bien volontiers rendu près de vous et dont je serai toujours le défenseur officieux, crier à l'injustice contre cette première classe de praticiens, reprocher aux avocats de les avoir exclus de l'admission aux places de judicature et d'administration et se plaindre d'une concurrence qui, dans cette occasion, tendrait à y faire partager leurs dépouilles à des personnages qui n'y ont aucun droit.

Ces officiers observeront que la concurrence est d'autant moins proposable que jamais les avocats, ni les anciens juges n'avaient eu la moindre prétention aux fonctions instrumentaires auxquelles vous avez restreint la postulation.

Ils ajouteront qu'aucune considération ne peut servir de prétexte à cette réunion; car les anciens juges, en perdant leur état, trouvent dans le remboursement de leurs charges un avantage pécuniaire plus grand que dans l'exercice de leurs anciennes fonctions; car les avocats, dans leur profession libre et glorieuse, n'exerçaient à proprement parler que la défense officieuse, à laquelle ils auront toujours le droit de se livrer;

tandis que le procureur ne trouvera, dans ses nouvelles fonctions, qu'une faible partie de celles qu'il exerçait autrefois. Les terme de notre décret indiquent cette restriction, et votre comité de Constitution vous en promet d'autres encore dans la réformation du code civil. Mais déjà ne suffit-il pas, pour écarter la concurrence des avocats, que les nouvelles fonctions décrétées ne comprennent, dans leur institution, aucune de celles qui leur appartenaient? Rappelez-vous, en effet, Messieurs, que d'après les termes de votre décret l'officier ministériel ne pourra défendre sa partie qu'en vertu d'un pouvoir spécial comme le défenseur officieux, c'est-à-dire comme tout autre citoyen: en sorte qu'il ne tient point ce droit de défense du titre de ses fonctions.

Après avoir combattu en commun les avocats et les anciens juges vous verrez peut-être les procureurs se diviser entre eux, d'abord en deux classes générales; l'une, des procureurs dans les cours et juridictions ordinaires; l'autre, des procureurs dans les tribunaux d'exception.

Les officiers des juridictions ordinaires diront, sans doute, que les matières qui formaient la compétence des tribunaux d'exception sont anéanties comme ces tribunaux, ou du moins qu'elles ont été enlevées à la juridiction contentieuse et confiées aux corps administratifs.

A cette vérité, les officiers des tribunaux d'exception ne pourront, je crois, opposer que l'égalité de leur position avec celle de tous les autres officiers qui leur donne, en effet, un droit égal à votre justice. Mais cette raison ne peut s'appliquer qu'aux indemnités qu'ils ont également droit d'attendre, je ne dirai pas de votre générosité, mais des principes mêmes que vous avez consacrés dans le préambule de votre Constitution.

Les officiers des tribunaux d'exception ainsi écartés, ne croyez pas, Messieurs, que les autres se trouvent d'accord. Persuadés d'avance que vous restreindrez, autant qu'il vous sera possible, le nombre des nouveaux officiers auxquels vous avez attribué une partie de leurs anciennes fonctions, ils élèveront entre eux des questions de préférence.

On fera une distinction entre les procureurs des juridictions territoriales et les procureurs des cours d'appel; on vous dira que les juridictions de première instance, quoique supprimées, ont été reconstituées, et sont remplacées par les tribunaux de district, au lieu que les parlements ont été supprimés sans remplacement; et l'on conclura de la que les officiers, dont les tribunaux existent sous une autre dénomination, doivent être préférés.

On objectera vraisemblablement à cette prétention que les cours souveraines anéanties se trouvent également dans les nouveaux tribunaux, qui doivent respectivement connaître des appels.

Mais on répondra d'abord que les appels seront restreints par vos lois mêines, qui donnent aux parties la faculté de se faire juger en dernier ressort devant le premier juge ou par des arbitres, et qui ne laissent qu'un délai fort court aux parties pour recourir à la voie, souvent abusive, de l'appel des jugements.

On ajoutera que l'ancienne compétence des cours sur ces appels restreints est d'ailleurs tellement divisée dans les nouveaux tribunaux, qu'il ne s'en trouve dans chaque siège qu'une partie presque imperceptible, en la comparant à la masse des affaires de première instance.

Et les procureurs de première instance ne manqueront pas de dire qu'ils ont toujours été,

et qu'ils sont seuls en possession de ces sortes d'affaires.

Cette raison de possession, vous la verrez ensuite invoquée entre les procureurs de première instance eux-mêmes, relativement à leurs tribunaux respectifs. Les procureurs de chacune des villes, où vous avez établi des tribunaux, demanderont la préférence dans les lieux de leurs domiciles, et combattront ainsi les officiers dont les anciens tribunaux auront été réunis à ceux-ci.

Je vois une autre difficulté s'élever entre eux sur le territoire d'un nouveau tribunal, érigé dans une ville où il n'y avait point de cour de justice, et conséquemment point de procureurs ; et j'entends quelques-uns d'entre eux objecter pour l'exclusion des autres, que ce nouveau tribunal comprend l'ancien ressort de leurs fonctions.

Enfin, Messieurs, l'âge même sera invoqué comme un droit de préférence entre ceux qui se trouveront dans une position d'ailleurs égale, et dont le nombre excédera celui fixé. L'officier plus jeune opposera le besoin de travailler, et que les justiciables préféreront son activité, tandis que d'autres diront qu'on recherche leur expérience. Dans la vérité, tous veulent conserver celui dans lequel leur confiance est placée, et chaque citoyen craint, dans un changement d'officiers, des inconvénients et des retards qui l'alarment avec raison sur ses intérêts.

Ici, vous commencez à voir, Messieurs, ce qu'exige l'intérêt public; et vous craignez sans doute avec moi, que la plupart des officiers qui, dans les tribunaux de leurs domiciles, sont en possession de la confiance et des affaires de leurs concitoyens, ne veuillent plus continuer des fonctions dont l'ancien titre a disparu, et qui se trouvent restreintes à des actes insipides et rebutants.

Les procureurs attachés aux tribunaux de première instance sont donc ceux que je vous propose, non pas d'employer exclusivement, mais de préférer dans les villes de leurs domiciles respectifs, sans autre réduction entre eux que celles résultant des démissions volontaires ou des décès progressifs; ensuite ceux dont l'ancien ressort de première instance se trouverait compris dans le nouveau tribunal où ils voudraient se fixer; puis les procureurs du tribunal où se portaient les appels du territoire; et enfin les plus anciens en exercice, lorsque les procureurs d'une même classe se trouveront en concurrence dans un nombre excédant celui fixé. Je ne parle point des officiers des tribunaux d'exception, et encore moins des avocats et des anciens juges, parce que le nombre des autres sera plus que suffisant.

Cette exclusion des uns et cet ordre de préférence entre les autres que je fais concourir aux nouvelles fonctions, sont déjà sans doute justifiés à vos yeux par le rapprochement que j'ai fait de leurs droits à ces fonctions, et de leurs intérêts réduits au point de justice.

En effet, ce système présente les mêmes dispositions, ou du moins les mêmes principes que Vous avez adoptés relativement aux fonctionnaires ecclésiastiques dans les réunions et les divisions des cures; car les curés des paroisses auxquelles on en a réuni d'autres, ont été conservés dans leurs fonctions; ceux des paroisses réunies ont été préférés pour vicaires dans les nouvelles paroisses; et, en cas de division d'une

paroisse, vous avez conservé l'ancien curé dans l'une des paroisses de la division.

Mais ces considérations de justice, érigées en principes par vos décrets relatifs à d'autres fonctionnaires, ne sont pas les seuls motifs de ma détermination. Ici l'intérêt public parle encore plus haut que la justice envers les officiers.

Qu'exige, en effet, l'intérêt public dans cette circonstance?

Il exige d'abord, pour mettre les tribunaux en activité, pour que les justiciables n'éprouvent aucun retard dans l'administration de la justice, et qu'ils ressentent tout de suite l'heureuse influence du choix de leurs juges; leur intérêt, dis-je, exige que les officiers qui sont actuellement en possession de la confiance des citoyens et au courant de leurs affaires, puissent en continuer l'instruction et les faire juger.

L'intérêt public exige, d'un autre côté, que les officiers, qui rempliront les nouvelles fonctions, soient d'une probité reconnue par les justiciables eux-mêmes.

L'intérêt public exige enfin non seulement que l'officier soit instruit en général; mais encore qu'il connaisse les lois de localité qui peuvent régir certains droits, et qu'il soit propre au plus grand nombre des affaires dont il est chargé.

Or, les officiers de première instance ont actuellement la confiance des citoyens dans leurs tribunaux respectifs, et ils suivent les affaires commencées, qui doivent alimenter les nouveaux tribunaux.

En raison de ces relations, ils sont entourés de justiciables en état d'apprécier leurs mœurs et leurs talents, et pour lesquels ils ne peuvent être dangereux.

Enfin, les officiers d'un lieu, continuant leurs fonctions dans le même lieu, pourront mieux que des officiers étrangers diriger les affaires, conformément aux lois de localité dans les cas particuliers.

Eh! Messieurs, quelle satisfaction pour vous de trouver ainsi, dans le bien public et dans la justice, des motifs qui puissent vous servir de base, quand vous êtes forcés de prononcer entre des milliers de citoyens, qui tous, au premier coup d'œil, semblent avoir un droit égal à des restes de fonctions, qui peuvent, non pas dédommager ceux auxquels vous les attribuez, de l'état qu'ils perdent, non pas les mettre dans le cas d'acquitter les engagements contractés relativement à leur ancien état, mais pourvoir du moins à la subsistance de leur famille, et les garantir des funestes effets du désespoir.

La position de ces officiers nous touche sans doute, et vous voudriez pouvoir conserver à tous les fonctions que je réclame pour quelques uns d'entre eux. Mais, Messieurs, le bien public exige la restriction douloureuse que je propose; et je n'ai pas besoin de vous peindre les inconvénients d'un trop grand nombre de fonctionnaires, surtout dans l'instruction des procès.

Cependant, pour ne pas violenter en quelque sorte la confiance publique, et pour éviter la nécessité d'accorder une préférence là ou tout paraît égal, je vous proposerais, quel que soit le nombre des officiers fixés pour les tribunaux de chaque ville, et dans le cas où les officiers actuels d'une même ville excéderaient ce nombre, de leur laisser à tous la faculté d'accepter, ou de refuser des fonctions dans les tribunaux de leur ville, sauf la réduction au fur et à mesure de leur décès ou de leurs démissions.

Le même respect pour la confiance des cito

yens, qui ne peut être gênée sans une nécessité absolue, me font proposer une chose qui n'éprouvera certainement aucune difficulté: c'est de donner aux fonctionnaires conservés ou restitués dans chaque ville, le droit d'exercer leurs fonctions dans toute ville, quel que soit le nombre des tribunaux qui y soient établis. S'il en était autrement, vous sentez, Messieurs, que dans les villes ou vous avez cru devoir diviser les juges du district en plusieurs tribunaux, les justiciables seraient obligés d'avoir à la fois autant d'officiers ministériels qu'il y aurait de tribunaux, parce que les relations de chaque citoyen s'étendent nécessairement à tous les quartiers. Outre que vous ne pouvez forcer un citoyen à diviser ainsi sa confiance, vous sentez, Messieurs, que cette division serait souvent impossible dans les cas ou des pièces seraient communes à plusieurs affaires qui se poursuivraient en même temps. Et puis l'intérêt particulier des officiers deviendrait alors une source de procès de compétence. Je vous parle, comme vous voyez, contre mon intérêt personnel, puisque comme avocat aux conseils, je suis attaché au tribunal auquel seraient portés ces conflits que je veux prévenir. Enfin la réunion ne présente pas même l'apparen ce d'un inconvénient, parce que les officiers, restreints dans leurs fonctions à l'instruction des procès, laquelle est étrangère à la plaidoirie, ne seront pas même obligés de prendre des précautions pour se trouver aux audiences des différents tribunaux.

Ces différents motifs, et l'intérêt que vous avez de diminuer, autant que vous le pourrez justement, les indemnités dues aux ci-devant procureurs, conduisent naturellement à la nécessité d'adopter les dispositions contenues dans le projet de décret, dont je vais, Messieurs, avoir l'honneur de vous faire lecture:

PROJET DE DÉCRET.

Art. 1er. Les officiers ministériels, institués près des tribunaux de district pour l'instruction des procès, y exerceront leurs fonctions sous le titre d'avoués, conformément au décret du 16 de ce mois. Leur nombre sera fixé pour chaque district, par le Corps législatif, sur l'avis des directoires de district et de département, qu'ils seront tenus d'envoyer dans quinzaine de la publication du présent décret, et ces officiers ne pourront exercer leurs fonctions que dans l'étendue du district auxquels ils seront attachés; sans néanmoins aucune exclusion des différents tribunaux, dans les villes où il y en a plusieurs.

Art. 2. Les conditions et le mode de l'admission de ces officiers seront déterminés par un décret particulier. Mais, quant à présent, seront admis aux fonctions d'avoués tous les ci-devant procureurs des cours et tribunaux royaux d'appel et de première instance, non compris les tribunaux d'exception; et ce dans l'ordre, de la manière et sous les restrictions ci-après.

Art. 3. Dans trois mois à compter de la publication du présent décret, tous les procureurs cidessus désignés seront tenus de déclarer s'ils entendent accepter les fonctions d'avoués, et ce au greffe du directoire du district dans lequel ils voudront les exercer, pour ensuite le tableau de ces officiers être fait et arrêté conformément à ce qui va être réglé.

Art. 4. Si le nombre de ces officiers, ront fait des déclarations.

upérieu

fixé pour un district, seront préférés d'abord tous les procureurs qui exerçaient ci-devant dans l'ancien tribunal de première instance de la ville de district, sauf la réduction entre eux, mais progressivement, et au fur et à mesure de leurs démissions ou de leur décès; ensuite, seront préférés, jusques à concurrence du nombre fixé seulement, dans le cas où ce nombre ne serait pas complété par ceux ci-dessus, les procureurs des autres tribunaux de première instance, dont l'ancien ressort se trouverait compris, en tout ou en partie, dans le territoire du tribunal où ils voudraient se fixer; et enfin, les procureurs de l'ancien tribunal d'appel dont dépendait le territoire. Lorsque, dans l'une de ces deux dernières classes, il y aura concurrence entre les individus, les plus anciens officiers en exercice seront préférés ou les plus âgés, en cas d'égalité de temps d'exer cice.

Art. 5. Si le nombre des officiers qui auront fait, dans le délai ci-dessus, leur déclaration dans un district, est au contraire inférieur à celui fixé, il sera pourvu aux places qui resteront à remplir, de la manière qui aura été réglée pour l'avenir, un mois après l'avis qui en aura été donné au directeur du département; et pendant ce second délai, pourront se présenter, et seront admis, conformément à l'article précédent, mais toutefois après les premiers enregistrés qui seront préférés, les officiers qui, ayant fait leur déclaration dans le délai de trois mois, dans un autre district, auront été du nombre excédant, et non reçus.

Art. 6. Dans la huitaine qui suivra l'expiration de trois mois accordés ci-dessus pour les déclarations, les directoires de district seront tenus de former et d'arrêter d'après les règles prescrites par l'article 4, le tableau des avoués qui devront exercer leurs fonctions dans leurs dictricts, et de l'envoyer aux tribunaux dans lesquels ils devront exercer, en l'adressant aux commissaires du roi, qui les feront enregistrer dans leurs tribunaux respectifs, et ensuite afficher dans l'auditoire. Dans le même délai de huitaine, les directoires dont le tableau ne sera pas complet à défaut de déclarations, en donneront avis au directoire du département, conformément à l'article 5 ci-dessus, en indiquant le nombre des déclarations faites et de celles qui restent à faire.

Art. 7. Jusqu'à la formation et à la publication des tableaux ci-dessus, tous les ci-devant procureurs de première instance exerceront provisoirement les fonctions d'avoués dans les tribunaux de leurs anciens territoires respectifs, soit que ces anciens territoires se trouvent divisés en plusieurs nouveaux tribunaux, soit qu'ils soient réunis à d'autres territoires en un seul tribunal. Pourront même exercer ces fonctions provisoires, les ci-devant procureurs seigneuriaux, concuremment avec ceux ci-devant désignés, dans les endroits seulement où il n'y avait ci-devant aucuns procureurs royaux.

Art. 8. Dans toutes les affaires commencées avant la publication du présent décret, les cidevant procureurs qui exerceront les fonctions d'avoués provisoirement ou sur acceptation définitive, seront réputés avoir de leurs parties dans les anciens pouvoirs qu'ils en auraient reçus, outre le mandat de faire l'instruction, celui de les défendre verbalement et par écrit. Mais par la suite il leur faudra, pour cette défense, un pouvoir spécial, conformément au décret du 16 de ce mois; duquel pouvoir ils ne seront néan

moins tenus de justifier qu'en cas de désaveu de la part de leurs parties, à la charge par eux seulement d'être garants de l'existence de ce pouvoir envers les autres parties.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

PRÉSIDENCE DE M. PÉTION.

Séance du mardi 21 décembre 1790, au matin (1).

La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.

M. Bouche, député de la ci-devant province de Provence, dépose sur le bureau un procèsverbal qu'il vient de recevoir des officiers municipaux de la ville d'Aix ; il concerne une partie des faits malheureux arrivés dans cette ville le 13 du courant.

(L'Assemblée renvoie ce procès-verbal à ses comités réunis des rapports et des recherches.)

M. Varin, secrétaire, donne lecture des procèsverbaux des deux séances de la veille.

Il ne se produit aucune réclamation.

M. Yard de Battagliny, député par les colonies auprès de l'Assemblée nationale, demande un congé pour se retirer quelques semaines dans sa famille qui est en France.

Cette demande est renvoyée au comité colonial.

M. Henry-Longuève, membre du comité de judicature. Les officiers ministériels qui viennent d'être supprimés sont maintenant dans la plus vive inquiétude. Leurs créanciers perdent toute la confiance que leur donnait la jouissance d'un état qu'ils croyaient solide; ils exercent maintenant contre eux des poursuites rigoureuses. Je demande, en conséquence, que, en attendant la liquidation et les indemnités dues pour la suppression des offices, les créanciers sur ces offices et leurs cautions ne puissent faire de poursuites, si ce n'est pour le payement des intérêts de leurs créances, sauf à eux, pour leurs capitaux, à former opposition dans la forme prescrite par l'article 11 du décret du 30 octobre dernier.

Cette proposition est adoptée et le décret suivant est rendu :

«L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de judicature, décrète que l'article 11 de son décret du 30 octobre dernier sera, dès à présent, commun aux officiers ministériels, du sort desquels elle est en ce moment occupée.

En conséquence, tous créanciers sur offices ministériels ne pourront, jusqu'à la liquidation et remboursement desdits offices, exiger aucun payement sur les capitaux hypothéqués sur le prix d'iceux, ni exercer aucune poursuite à raison de leursdites créances, si ce n'est pour le payement des intérêts échus, sauf à eux à former leur opposition au remboursement dans la forme indiquée par les décrets des 30 octobre et 28 novembre derniers.

« L'Assemblée ordonne que Sa Majesté sera

(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.

incessamment suppliée de sanctionner le présent décret, et d'en ordonner la plus prompte publication. »>

M. de La Rochefoucauld, membre du comité d'aliénation, propose de décréter et l'Assemblée nationale décrète vendre les biens nationaux, dont l'état est annexé à la minute du procès-verbal de ce jour, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai dernier, pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret, savoir:

A la municipalité de Houdan, district de Montfort-l'Amaury, département de Seine-et-Oise, pour 69,780 liv. 15 sols.

A la municipalité de Gambais, mêmes district et département, pour 6,484 liv. 10 sols.

A la municipalité de Gros-Rouvres, mêmes district et département, pour 2,740 liv. 15 sols. A la municipalité de Versailles, département de Seine-et-Oise, pour 408,820 livres.

A la municipalité de Boinvilliers, district de Montfort-l'Amaury, département de Seine-et-Oise, pour 4,473 liv. 15 sols.

A la municipalité d'Etampes, district du même nom, département de Seine-et-Oise, pour 943,552 liv. 10 sols 8 d.

A la municipalité de Clermont, district de Lodève, département de l'Hérault, pour 56,211 liv. 14 sols.

A la municipalité de Polhes, district de Béziers, département de l'Hérault, pour 61,944 liv. 12 sols. A la municipalité de Montagnac, mêmes district et département, pour 59,362 liv. 10 sols.

A la municipalité de Lucquy, district de Rhetel, département des Ardennes, pour 25,212 livres.

M. de La Rochefoucauld propose ensuite et l'Assemblée adopte le décret suivant, pour les locations des biens nationaux à faire par la municipalité de Paris.

« L'Assemblée nationale, prenant en considération la multitude des locations à faire par la municipalité de Paris, des appartements et maisons dépendant des biens nationaux, et la difficulté qu'il y aurait à observer, pour toutes ces locations indistinctement, chacune des formes qui sont exigées par les précédents décrets de l'Assemblée, decrète ce qui suit:

«1° La municipalité de Paris et les cinq commissaires chargés de faire les fonctions de directoire de district, qui doivent lui succéder en cette partie, pourront consentir la location des chambres et logements faisant seulement partie d'une maison, sans affiches préalables ni enchères, pourvu que le prix du loyer des chambres et logements ne se porte pas au-dessus de 300 livres de la part des précédents locataires;

2° Les locations d'objets partiels, ainsi qu'il est dit dans l'article précédent, et dont le prix, de la part des précédents locataires, était au-dessus de 300 livres sans excéder celui de 1,000 liv., seront faites sans enchères, mais sur des annonces imprimées et affichées après une indication insérée dans les petites affiches, quinze jours au moins avant le jour où la location sera faite;

3° A l'égard des objets qui sont loués audessus de 1,000 livres, ainsi qu'à l'égard des maisons entières et des boutiques qui étaient louées au-dessus de 600 livres, lesdits objets, maisons et boutiques ne pourront être loués que sur affiches, publications et enchères, conformé

« PreviousContinue »