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où l'opinion est indifférente sur les personnes et sur les événements.

Le premier juré, après avoir entendu les témoins et vu les pièces du procès, décide s'il y a lieu ou non à accusation; l'acte en est dressé par un des juges du tribunal, et les jurés ne peuvent pas y changer une syllabe; il faut qu'ils disent oui ou non, s'il y a lieu ou non à l'accusation : seulement ils peuvent indiquer s'il y a lieu à une autre accusation, mais sans la désigner.

C'est avec ces précautions, et en ramenant strictement à décider des questions par oui ou non, que l'on est sûr que les jurés pourront remplir les fonctions qui leur sont attribuées; car il faut bien se rappeler que ce sont de simples citoyens dont la société attend une parfaite probité, mais un sens ordinaire et une intelligence commune, et que c'est à ce niveau qu'elle doit rapprocher toutes les questions qu'elle leur présente à résoudre.

On verra, dans les projets de loi, le détail des fonctions de ces jurés. Je passe au juré du juge

ment.

Du juré du jugement.

L'objet du juré de jugement est de décider de la vérité ou de la fausseté de l'accusation.

L'instruction entière, c'est-à-dire l'examen des témoins et de l'accusé, s'est faite devant les jurés; alors ils se retirent dans leur chambre pour délibérer et faire leur déclaration. Cette déclaration doit toujours être simple et précise, et dire que l'accusé est convaincu ou qu'il n'est pas convaincu du crime porté dans l'acte d'accusation. Pour la rendre encore plus simple, et forcer les jurés à mettre plus de précision et de justesse dans leur déterinination, vos comités vous proposent d'établir que les jurés soient tenus de déclarer séparément d'abord si le fait existe, ensuite si l'accusé en est l'auteur.

Ici, Messieurs, nous croyons devoir vous rendre compte des motifs qui nous ont déterminés dans un point intéressant, et sur lequel nous différons encore absolument des Anglais. Chez eux l'unanimité des jurés est requise pour former un verdict. Cette disposition paraît juste et sage au premier abord, parce que les condamnations ne devant être opérées que sur une évidence palpahle, il y a lieu de craindre qu'elle n'existe pas lorsque les opinions sont partagées. Mais en analysant cette idée, néanmoins l'on voit qu'elle manque de justesse et de vérité. En effet, s'il faut chez eux l'unanimité pour condamner, elle est également nécessaire pour absoudre. Cette unanimité, comme on sait, ne s'obtient qu'en forçant les jurés à être enfermés sans boire ni manger, sans feu ni lumière jusqu'à ce qu'ils soient d'accord; ainsi en supposant des jurés discutant entre eux, ou bien ils se font la loi que le plus petit nombre cède au plus grand, ce qui fait ju ger les accusés à la simple majorité; ou, ce qui est pire, la majorité est forcée de suivre la minorité, et de céder à la force de l'estomac ou de la volonté de quelques-uns d'entre eux à cela il n'y a aucun avantage; car si la persévérance vertueuse d'un juré peut sauver un innocent, l'entétement coupable d'un autre peut le perdre. Lorsqu'on presse avec cet argument invincible les Anglais, ils répondent que l'expérience prouve tous les jours chez eux l'avantage de cet ordre de choses. Cette réponse est bonne, je l'avoue, car les institutions reçoivent du temps et de l'habi

tude une force et même une bonté que la raison seule ne peut pas toujours leur imprimer; les mœurs, les idées des hommes s'y proportionnent, et par là elles acquièrent une perfection relative, plus importante souvent qu'une perfection intrinsèque et absolue: mais lorsqu'on établit des lois au milieu d'un siècle de lumières, il est impossible de chercher ailleurs des bases que dans la nature, la justice et la raison; ce sont là les seules choses communes à tous les hommes, les seules auxquelles on puisse constamment les rallier et les unir.

Au lieu de l'unanimité, nous avons établi que, sur douze jurés, dix seraient nécessaires pour déclarer soit que le fait existe, soit que l'accusé en est l'auteur; ainsi le doute de trois citoyens honnêtes arrêtera toute espèce de condamnation. Cette disposition nous a paru plus humaine et partant plus raisonnable.

Voilà la seule formalité à laquelle les jurés soient astreints. Rappelons-nous toujours que ce ne sont pas des officiers publics, et qu'ils ont rempli toutes leurs fonctions, quand ils ont examiné avec attention et décidé avec impartialité.

Il est doux de penser que la probité et la bonne foi vont enfin devenir des instruments nécessaires de la machine politique; jusque-là ses ressources avaient été calculées sous l'unique point de vue de pouvoir s'en passer. La loi ne demandait aux hommes qu'une justice extérieure, si je puis ainsi m'exprimer: tout était bon à ses yeux, lorsque tout était en forme. Quel profond et funeste oubli du but de l'association politique! En instituant les formes, vous avez remis au juge un fil pour le conduire dans le dédale de la procédure; et le préserver, s'il est possible, des erreurs qui l'assiègent: mais, lorsque la vérité vient elle-même se présenter, peut-on jamais, comme à un plaideur de mauvaise foi, lui opposer la prescription et la forme? C'est ainsi que Vous desséchez le cœur de l'homme; que vous lui apprenez que la confiance et la loyauté sont des qualités dangereuses à ceux qui les possèdent; que vous lui apprenez à devenir fourbe, défiant, hypocrite; que vous donnez tous les avantages aux fripons toujours en règle et dans les termes de la loi, sur l'honnête homme presque toujours simple et confiant; enfin, que vous enseignez aux hommes à chercher la morale dans un livre, au lieu de la trouver dans leur cœur.

Les jurés sont une institution primitive qui sent encore les bois dont elle est sortie, et qui respire fortement la nature et l'instinct. On n'en parle qu'avec enthousiasme, on ne l'aime qu'avec passion; mais il faut une âme saine et forte pour en bien sentir toute la beauté : que sais-je ? peutêtre même pour bien l'employer. Parlons-en plus simplement de même que pour la liberté.

Ce qui plaît dans l'établissement des jurés, c'est que tout s'y décide par la droiture et la bonne foi, simplicité bien préférable à ce vain étalage de science, à cet amas inutile et funeste de subtilités et de formes, que l'on a, jusqu'à ce jour, appelé la justice. Je ne sais si nos graves formalités pourront jamais s'accommoder de ces idées.

Le peu qu'il existera de formes dans l'administration de la justice, toutes essentielles à l'accusé, ont été notées avec soin; leur exacte observation est confiée aux soins de l'officier public délégué dans chaque tribunal pour veiller à l'exécution de la loi.

Dans la vérité des principes, la décision des jurés devrait toujours être absolument définitive.

C'est ainsi qu'elle était en Angleterre, avant l'introduction des nouveaux examens; méthode qui a altéré l'institution, et qui a pris la place des attaints ou accusations de faux jugements. On aurait donc pu exiger de nous d'établir que la décision des jurés soit toujours définitive; mais nous avons craint de leur attribuer un pouvoir si complètement absolu: au moins lorsque l'accusé est condamné, la modification que nous proposons dans ce cas, est ce qui nous a semblé de plus simple et de moins dangereux. Cela suffit pour satisfaire au véritable motif qui l'exige; je veux dire qu'il existe un recours possible dans ces cas extraordinaires, qui semblent tromper l'intelligence humaine et être placés au-dessus des bornes communes de la raison. D'ailleurs, il est vrai de dire que les hommes en général ont toujours besoin de quelque frein pour être justes, et l'on a droit de se défier de ces individus, dont le pouvoir est sans aucune borne, et qui n'ont rien à craindre même des injustices qu'ils peuvent commettre.

Il ne nous reste plus qu'à examiner comment on choisira les jurés, comment les citoyens seront appelés à remplir cette nouvelle fonction, de manière que, sans être grevés, la société s'assure qu'elle sera certainement et convenablement remplie.

D'abord, nous l'avons circonscrite, au moins pour ce moment, dans la classe des citoyens qui sont éligibles aux administrations de district et de département. Ce n'est guère, en effet, que dans cette classe, que l'on trouvera des hommes qui puissent donner quelques portions de leur temps à ce service public, et qui soient généralement capables d'attirer sa confiance pour d'aussi importantes fonctions.

Ici, deux partis se présentaient le premier de rendre la fonction des jurés purement volontaire pour les citoyens éligibles; mais il a le double inconvénient de mettre au hasard si l'on trouvera des jurés au moment où il sera nécessaire d'en avoir, et l'autre de forcer à employer, sans choix, ceux qui se présenteront pour le devenir.

Le second parti, opposé au premier, serait d'obliger tous les citoyens exigibles, sans distinction, à servir de jurés, comme on le pratique en Angleterre pour tous ceux qui ont un certain revenu; mais c'est ici qu'on ne saurait, je pense, porter trop d'attention pour ne pas effrayer les citoyens et ne pas leur donner une prévention fâcheuse contre l'institution même des jurés, en présentant leurs fonctions comme un nouveau service personnel, incommode et pénible; au moins jusqu'à ce que l'expérience et les progrès de l'esprit public leur aient appris qu'en consacrant quelques moments à les remplir, c'est pour assurer leur liberté individuelle qu'ils font un sacrifice, de même que par l'impôt ils donnent une portion de leur propriété pour s'assurer la paisible jouissance du reste.

Entre ces deux difficultés, nous croyons avoir saisi un juste milieu, en forçant tous les citoyens éligibles à être jurés; nous ne leur avons cependant imposé qu'une obligation morale, si l'on peut ainsi s'exprimer, et Lous avons lié leur intérêt à le devenir. Nous avons dit que tout citoyen éligible serait tenu de se faire inscrire tous les ans au directoire du district, pour être juré de jugement; faute de quoi il serait privé, pendant l'année suivante, du droit d'éligibilité et de suffrage aux places de district, de département, de judicature, ainsi qu'à la législature.

Telle sera la peine de ceux qui refuseront d'être inscrits sur la liste des jurés.

Nous nous sommes portés aisément à l'établir, en pensant que par là nous n'écartions des fonctions publiques que des hommes peu dignes de les remplir. En effet, quelle confiance les citoyens doivent-ils prendre dans un homme qui vient s'offrir pour exercer des fonctions honorables ou lucratives, lorsqu'il a dédaigné d'en remplir d'aussi importantes, parce qu'elles étaient sans profit et sans gloire ? A quelle place peut être bon celui à qui les devoirs de l'humanité et de la justice sont étrangers?

Lorsqu'un homme, inscrit comme juré, sera sommé, il sera forcé de venir, à moins qu'il ne prouve l'impossibilité de se rendre à la sommation ou bien il sera privé du droit de suffrage et d'éligibilité pendant deux ans, de plus il sera condamné à une amende.

Après nous être ainsi assurés d'avoir toujours un nombre suffisant de jurés, nous avons encore tâché de leur rendre ce service, le moins à charge qu'il est possible.

Pour cela, nous avons exigé que les deux tiers de la liste des jurés seraient pris, autant qu'il sera possible, dans la ville même où siège le tribunal criminel. La liste des jurés, composée de deux cents personnes, pour pouvoir se prêter aux récusations qui pourront avoir lieu, sera changée tous les trois mois : et un citoyen du dehors, placé pendant trois mois sur la liste, ne pourra plus y être remis forcément qu'au bout d'une année révolue. Lorsqu'un citoyen du dehors aura servi une fois, comme juré, sans avoir été récusé, il aura un motif suffisant de s'excuser pendant une année entière. Par toutes ces précautions, la charge des jurés devient presque insensible. Mais nous avons fait à cette crainte d'effrayer et de surcharger les citoyens, un sacrifice bien douloureux, en bornant le droit de l'accusé à récuser sans cause les jurés sur le tableau qui lui en sera donné, au lieu de les récuser sur la vue, comme on le fait en Angleterre. Voici la question :

Chaque accusé a le droit de récuser, sans en donner de motif, vingt jurés. A cet effet, on lui présente un tableau de douze noms, tirés au sort sur la liste des deux cents; il écarte ceux qu'il lui plaît; ils sont remplacés par d'autres, jusqu'à ce qu'il ait épuisé le nombre de vingt. Par là, sans doute, l'accusé est sûr d'éloigner ses ennemis ou ceux que l'opinion publique et ses propres connaissances lui indiquent, comme pouvant manquer de délicatesse et de probité; mais si cela suffit à la justice, l'humanité désire encore quelque chose.

L'accusé n'a connu que les noms des jurés, il ne les a pas vus; il est donc forcé de recevoir, pour juges, des hommes, sur le visage desquels il voit se peindre la dureté ou la faiblesse; il est forcé de réprimer et de contenir les impressions secrètes et involontaires que lui cause la présence de certains individus; la confiance qu'il doit avoir dans la justice, et la tranquillité de l'innocence en est diminuée. Ces motifs sont vrais, ils sont puissants pour ceux qui connaissent le cœur humain et les ressorts secrets de toutes nos actions extérieures.

Voici les raisons qui paraissent cependant s'opposer à adopter la récusation sur la vue.

D'abord les jurés n'étant pas obligés d'être unanimes comme en Angleterre, un seul homme dur ou corrompu n'exerce pas, à beaucoup près, le même empire sur la délibération; il suffit même

à l'accusé qu'il se trouve parmi les jurés trois individus, sur la probité desquels il n'ait aucun doute, pour être sûr qu'il ne sera pas injustement condamné. Les accusés et surtout leurs conseils sauront bientôt quels sont les hommes, dans un département, sur la droiture et la loyauté desquels on peut compter; quels sont ceux au contraire dont il faut se délier; et c'est un avantage sans doute que cette nécessité où chacun sera de connaître et d'étudier les hommes par l'idée que cette connaissance pourra un jour lui être utile.

Mais ce qui a décidé vos comités, c'est qu'ils ont craint que si un citoyen, venu de loin pour être juré, semblait n'être comparu devant le tribunal que pour y être récusé, les autres ne se dégoûtassent bientôt d'y veuir, et d'être ainsi déplacés sans utilité pour la société. L'opinion publique est si flexible lorsqu'elle n'est point encore appuyée sur l'expérience, qu'elle doit être ménagée avec soin, et soutenue contre la plus légère impression du ridicule ou de la malveillance. Il ne faut pas non plus sacrifier des avantages solides et durables à l'idée d'une perfection que le temps pourra toujours donner, et dont la recherche trop obstinée compromettrait l'existence même de l'établissement auquel elle est attachée.

C'est de cette manière que nous croyons pouvoir assurer qu'il existera en France des jurés, saus que les citoyens puissent se plaindre qu'on ajoute à leurs devoirs un devoir trop difficile à remplir; et si la malveillance ou la paresse essayaient encore de présenter des obstacles, nous leur dirions: La France entière a demandé des jurés, elle a applaudi au décret qui les lui assure; mais cet établissement sublime, il faut savoir l'acheter de quelque gêne, et le mériter par quelques sacrifices. Les hommes en font de si ridicules et de si incommodes aux préjugés, de si dangereux à leurs passions; l'humanité et la justice n'ont-elles aucun droit pour en exiger d'eux? Peuvent-ils payer tous les avantages d'une institution, avec laquelle on pourrait braver les efforts mêmes de la tyrannie, puisque le peuple ne cessera pas d'être libre tant que ce formidable pouvoir de juger, cette puissance qui s'applique à tous les moments et à tous les iudividus, restera dans son sein; d'une institution qui, ajoutant de nouveaux rapports d'égalité et d'une mutuelle dépendance à ceux qui lient déjà les hommes entre eux, renforce par là non seulement le sentiment de la justice, mais encore tous les sentiments de bienveillance et de fraternité que notre Constitution a voulu établir, et qui seuls peuvent rendre les hommes heureux et bons!

Hâtons-nous, Messieurs, pendant notre jeunesse politique, lorsque le feu de la liberté nous anime et que ce saint enthousiasme de générosité et de vertu, qui place toujours ses devoirs avant ses intérêts, dure encore; avant que, refroidis par le temps, nous soyons retombés dans cette sphère secondaire où l'on sait plutôt juger que sentir, où l'activité de l'esprit, quittant les grands objets qui l'ont occupé, ne s'exerce plus que sur des intérêts individuels et locaux; bâtons-nous, dis-je, d'incorporer à notre Constitution un principe conservateur de vie et de liberté, qui la défende de l'action des ans et lutte sans cesse contre les efforts des passions et contre les erreurs et les dangers de l'inconstance. Unissons l'avenir et le présent dans les soins d'une prudente combinaison; hâtons-nous enfin de créer cet établissement qui doit constamment ramener les hom

ines aux principes de leur gouvernement, et qui, formant une trace profonde dans leurs mœurs, rendra toujours sensible la route de la vérité et de la justice.

Reprenons aussi cette simple et sublime théorie des anciens peuples, de régler les mœurs par les institutions; ayons toujours devant les yeux cette vérité, que le gouvernement est la véritable source de la moralité et de la corruption des hommes. Comme dans le monde physique, les grands mouvements de la nature enveloppent et dirigent les mouvements locaux; de même c'est de la morale et des institutions publiques que les individus reçoivent leur détermination et la règle habituelle de leur conduite et de leurs actions : une constante expérience l'a prouvé. Le même pays, qui a produit des hommes libres et fiers, sous une Constitution libre, voit maintenant un peuple hypocrite et rusé sous un gouvernement artificieux et fourbe. Sous un gouvernement ignorant et superstitieux, les hommes sont superstitieux et crédules; sous un régime despotique et barbare, les hommes sont insensibles et durs; enfia nos voisins ont encore conservé cette énergie de pensées et cette élévation d'âme qu'ils doivent à leurs institutions. Si donc les vices et les vertus des peuples tiennent à la nature de leur gouvernement, si les décrets des législateurs sont aussi bien des principes de morale que des règles d'obéissance, s'ils peuvent également influer sur les actions des hommes et sur leurs sentiments, qu'ils choisissent entre la fausseté et la droiture, entre la fourberie et la loyauté, entre la superstition et les lumières, entre la barbarie ou l'humanité.

Pour vous, Messieurs, votre choix est fait depuis longtemps, et vos intentions sont connues; elles ont été d'abord consignées dans cet immortel ouvrage qui a servi d'inauguration à nos travaux, dans ce monument impérissable des droits de tous les hommes: c'est aussi là que nous avons puisé nos principes et nos bases, et c'est en vous présentant les conséquences de vos propres maximes, que nous osons compter, Messieurs, sur votre approbation et sur vos suffrages.

PROJET DE LOI sur la police de sûreté, la justice criminelle et l'institution des iurés.

DE LA POLICE DE SURETÉ.

TITRE Ier.

De l'institution des officiers de police.

Art. 1er. La police de sûreté sera exercée par les officiers qui vont être indiqués, concurremment entre eux, sauf les attributions particulières qui pourront être faites à chacun d'eux.

Art. 2. Le juge de paix de chaque canton sera chargé des fonctions de la police de sûreté; il y aura dans chaque département un certain nombre d'officiers de là maréchaussée (1) chargés d'exercer, concurremment avec les juges de paix, les fonctions de la police.

Art. 3. Les officiers de police auront le droit de faire agir la force publique pour l'exécution de leurs mandats.

(1) Il sera fait incessamment un rapport particulier sur l'établissement des maréchaussées.

TITRE II.

Du mandat d'amener et du mandat d'arrêt.

Art. 1er. Tout officier de police aura droit, dans les cas déterminés ci-après, de donner un ordre pour faire comparaître devant lui les prévenus de crime ou délit; cet ordre s'appellera mandat d'amener.

Art. 2. Le mandat d'amener sera signé de l'officier de police et scellé de son sceau, le prévenu y sera nommé ou désigné le plus clairement qu'il sera posible; il sera exécutoire par tout le royaume, aux conditions prescrites par les articles 9 et 10 du titre V, et copie en sera laissée à celui qui est désigné dans le mandat.

Art. 3. Le mandat d'amener contiendra l'ordre d'amener l'inculpé devant l'officier de police et de le conduire d'abord, s'il le demande, devant la municipalité du lieu où il sera trouvé.

Art. 4. Le porteur du mandat d'amener sera tenu de demander d'abord à l'inculpé s'il enteud obéir au mandat. Si celui-ci répond qu'il est prêt d'obéir, de ce moment, et s'il obéit, il sera sous la protection de la loi, et il ne pourra être usé envers lui d'aucune menace ou violence quelconque, sous peine, contre ceux qui s'en rendraient coupables, d'être poursuivis criminellement.

Art. 5. Aucun citoyen ne peut refuser de ve◄ nir rendre compte aux officiers publics des faits qu'on lui impute, et s'il néglige ce devoir, il se rend coupable de désobéissance envers la société.

Art. 6. Si l'inculpé refuse d'obéir, ou si, après avoir déclaré qu'il est prêt d'obéir, in tente de s'évader, le porteur du mandat d'amener pourra employer la force pour le contraindre; mais il sera tenu d'en user avec modération et humanité.

Art. 7. Le porteur du mandat d'amener conduira d'abord l'inculpé, s'il le demande, devant le maire, ou à son défaut, un autre officier municipal du lieu où il a été trouvé, et dans ce cas il présentera le mandat à cet officier et le fera viser par lui.

Art. 8. Si l'officier de police devant qui l'inculpé est amené, trouve, après l'avoir entendu, qu'il y a lieu à le poursuivre criminellement, il donnera ordre qu'il soit envoyé à la maison d'arrêt du tribunal de district: cet ordre s'appellera mandat d'arrêt.

Art. 9. Le mandat d'arrêt sera également signé et scellé de l'officier de police, lequel tiendra registre de tous ceux qu'il délivrera; il sera remis à celui qui doit conduire le prévenu en la maison d'arrêt, et copie en sera laissée à ce dernier.

Art. 10. Le mandat d'arrêt contiendra le nom du prévenu et son domicile, s'il l'a déclaré, ainsi que le sujet de l'arrestation, faute de quoi le gardien de la maison d'arrêt ne pourra recevoir, sous peine d'être poursuivi comme coupable de détention arbitraire.

Art. 11. Aucun dépositaire de la force publique ne pourra entrer dans la maison d'un citoyen, pour quelque motif que ce soit, sans un mandat de police ou ordonnance de justice.

TITRE III.

Fonctions particulières de l'officier de la maréchaussée.

Art. 1o. Tous ceux qui auront connaissance

d'un meurtre ou d'une mort dont la cause est inconnue et suspecte, seront tenus d'en donner avis sur-le-champ à la police, dans la personne de l'officier de maréchaussée du lieu, ou à son défaut, du plus voisin, lequel se rendra incontinent sur les lieux.

Ar. 2. Dans les cas énoncés daus l'article précédent, l'inhumation du mort ne pourra être être faite qu'après que l'officier de la maréchaussée se sera rendu sur les lieux et aura dressé un procès-verbal détaillé de l'état du cadavre et de toutes les circonstances, en présence de deux notables au moins, qui signeront l'acte avec lui.

Art. 3. L'officier de police, assisté des notables, entendra les parents, amis, voisins ou domestiques du décédé, ou ceux qui se sont trouvés en sa compagnie avant son décès, il tiendra note sur-le-champ de leurs déclarations et les interpellera de les signer.

Art. 4. L'officier de police défendra que qui que ce soit sorte de la maison ou s'éloigne du lieu dans lequel le mort aura été trouvé, et ce jusqu'à la clôture du procès-verbal et des déclarations, à peine contre les contrevenants d'être saisis sur-le-champ et poursuivis comme prévenus du délit.

Art. 5. L'officier de police fera saisir sur-lechamp celui ou ceux qui seront prévenus d'avoir été les auteurs ou complices du meurtre, et après les avoir entendus, il pourra les faire conduire à la maison d'arrêt du tribunal de district, pour l'accusation être presentée au juré, ainsi qu'il va être dit plus bas.

Art. 6. En cas qu'ils ne puissent être saisis sur-le-champ, l'officier de police donnera un mandat d'amener pour les faire comparaître de

vant lui.

Art. 7. Dans le cas de meurtre ou de mort dont la cause est inconnue et suspecte, s'il y a indice de crime, l'officier de maréchaussée sera personnellement tenu de faire Is premières poursuites, sans attendre aucune réquisition et sans y préjudicier.

Art. 8. Lorsque le juge de paix du canton aura été averti dans les cas ci-dessus, il sera également tenu de s'y transporter aussitôt, et de procéder daus la forme qui vient d'être prescrite.

TITRE IV.

Du flagrant délit.

Art. 1. Lorsqu'un officier de police apprendra qu'il se commet un dént grave dans un lieu, ou que la tranquilité publique y aura été violemment troublée, il sera tenu de s'y transporter aussitôt, d'y dresser procès-verbal détaillé du corps du délit, quel qu'il soit, et de toutes ses circonstances; enfin de tout ce qui peut servir à conviction ou à décharge.

Art. 2. Eu cas de flagrant délit, ou sur la clameur publique, l'officier de police fera saisir et amener devant lui les prévenus, sans attendre les déclarations des témoins; et si les prévenus ne peuvent être saisis, il délivrera un mandat d'amener pour les faire comparaître devant lui. Art. 3. Tout dépositaire de la force publique, et même tout citoyen, sera tenu de s'employer pour saisir un homme trouvé en flagrant délit, ou poursuivi par la clameur publique comme coupable d'un délit et l'amener devant l'officier de police le plus voisin.

Art. 4. Tout homme fortement soupçonné d'être coupable d'un délit déjà dénoncé, comme dans le cas où on le trouverait saisi d'effets volés ou d'instruments servant à faire présumer qu'il est auteur du délit, sera amené devant l'officier de police, par tout dépositaire de la force publique, et même par tout citoyen, sauf à ce dernier à être responsable de sa méchanceté.

Art. 5. L'officier de police recevra les éclaircissements donnés par les prévenus, et s'il les trouve suffisants pour détruire les inculpations formées contre eux, il ordonnera qu'ils soient remis sur-le-champ en liberté

Art. 6. Si le prévenu n'a pas détruit les inculpations, il en sera usé à son égard ainsi qu'il sera statué ci-après.

TITRE V.

De la dénonciation du tort personnel ou de la plainte.

Art. 1er. Tout particulier, qui se prétendra lésé par le délit d'un autre particulier, pourra porter ses plaintes à la police, devant un juge de paix ou officier de maréchaussée.

Art. 2. La dénonciation du tort personnel, ou la plainte, pourra être rédigée par la partie, ou son fondé de procuration spéciale, ou par l'officier de police, s'il en est requis.

Art. 3. La plainte sera signée et datée par l'officier de police; elle sera également signée et affirmée par celui qui l'aura faite, ou par son fondé de procuration spéciale. Il sera fait mention expresse de leur signature ou de leur refus de signer, à peine de nullité.

Art. 4. Celui qui aura porté plainte, aura vingtquatre heures pour s'en désister, auquel cas elle sera biffée et anéantie; à moins que l'officier de police n'ait jugé convenable de là prendre pour dénonciation; ce qu'il sera tenu de faire dans tous les délits qui intéressent le public.

Art. 5. L'officier de police qui aura reçu la plainte, tiendra également note de la déclaration sommaire des témoins produits par l'auteur de cette plainte. Il sera tenu aussi d'ordonner que les personnes et les lieux seront visités, et qu'il en sera dressé procès-verbal toutes les fois qu'il s'agira d'un délit dont les traces peuvent être constatées.

Art. 6. Dans le cas où l'officier de police qui a reçu la plainte est celui du lieu du délit, il pourra, d'après les charges, délivrer un mandat d'amener contre le prévenu, pour l'obliger à comparaître et de lui fournir des éclaircissements sur le fait qu'on lui impute.

Art. 7. Néanmoins, en vertu du mandat d'amener, le prévenu ne pourra être contraint à venir que s'il est trouvé dans les deux jours de la date du mandat, à quelque distance que ce puisse être; ou passé les deux jours, s'il est trouve dans la distance de dix lieues du domicile de l'officier qui l'a signé.

Art. 8. Si, après les deux jours, le prévenu est trouvé au delà des dix lieues, il en sera donné avis à l'officier de police qui a signé le mandat; et le prévenu sera gardé à vue, jusqu'à ce que le juré ait prononcé s'il y a lieu ou non à accusation à son égard.

Art. 9. Pour cet effet, quatre jours après la délivrance du mandat d'amener, si le prévenu n'a pas comparu devant l'officier qui l'a signé ; celuici enverra la copie de la plainte et la note des

déclarations des témoins au greffe du tribunal de district, pour y être procédé ainsi qu'il sera prescrit ci-après.

Art. 10. Si néanmoins le prévenu est trouvé saisi des effets volés, ou d'instruments servant à faire présumer qu'il est l'auteur du délit, il sera amené sur-le-champ devaut l'officier de police qui aura signé le mandat d'amener, quels que soient la distance et le délai dans lesquels il aura été saisi.

Art. 11. Dans le cas où l'officier de police qui a reçu la plainte n'est pas celui du lieu du délit, mais seulement celui de la résidence habituelle ou momentanée du prevenu, il pourra toujours donner un mandat d'amener devant lui; et après les quatre jours, si le prévenu n'est pas comparu ou amené, l'affaire avec toutes les pièces sera également renvoyée au greffe du tribunal de district du lieu du délit.

Art. 12. Enfin, dans le cas où l'officier de police qui a reçu la plainte n'est ni celui du lieu du delit, ni celui de la résidence du prévenu, il sera tenu de renvoyer l'affaire avec toutes les pièces devant le juge de paix du lieu du délit, pour qu'il soit déterminé par celui-ci s'il y a lieu ou non à délivrer le mandat d'amener.

Art. 13. Lorsque le prévenu comparaîtra par devant l'officier de police, il sera examiné sur-lechamp, ou au plus tard dans les viugt-quatreheures; et s'il résulte des éclaircissements qu'il n'y a aucun sujet d'inculpation contre lui, l'officier de police le renverra en liberté.

Art. 14. Lorsque le prévenu ne donnera pas des éclaircissements suffisants pour détruire les inculpations, alors si le délit est de nature à mériter peine afflictive, l'officier de police, soit celui du lieu du délit, soit celui de la résidence du prévenu, délivrera un mandat d'arrêt pour faire conduire à la maison d'arrêt du district du lieu du délit.

Art. 15. Si le délit est de nature à mériter une peine infamante, le prévenu sera également envoyé à la maison d'arrêt; à moins qu'il ne fournisse caution suffisante de se représenter lorsqu'il en sera besoin, auquel cas il sera laissé à la garde de ses amis qui l'auront cautionné.

Art. 16. Si le délit n'est pas de nature à mériter peine afflictive ni iu famante, le prévenu ne pourra être conduit à la maison d'arrêt; mais celui qui a porté plainte à la police, sera renvoyé à se pourvoir par la voie civile. L'Assemblée nationale se réserve de régler ce qui concerne les mendiants et vagabonds, et les punitions correctionnelles qui pourront être prononcées par l'ofticier de police.

Art. 17. Le refus de l'officier de police de délivrer un mandat d'amener ou un mandat d'arrêt contre un prévenu n'étant qu'une décision proVisoire de la police, celui qui a porté sa plainte, pourra se pourvoir ultérieurement ainsi qu'il sera prescrit ci-après.

TITRE VI.

De la dénonciation civique.

Art. 1er. Tout homme qui aura été témoin d'un attentat, soit contre la liberté et la vie d'un autre homme, soit contre la sûreté publique ou individuelle, sera tenu d'en donner aussitôt avis à l'officier de police du lieu du délit.

Art. 2. L'officier de police demandera au dénonciateur s'il est prêt ou non à signer et affir

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