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cessaire de vos décrets. Nos commettants, fatigués de l'ancien régime, n'ont pas la force de parcourir le vague des systèmes. Ce n'est qu'en nous rapprochant de la réalité que nous assurerons leur bonheur.

Avant, Messieurs, d'entrer dans quelques détails, il est un principe qui semble avoir dirigé vos comités, et qu'il est bon, peut-être, d'atténuer, si nous ne voulons commettre de grandes fautes.

Il vaut mieux, dit-on, que cent coupables échappent, qu'un innocent périsse. Je dirai, avec la franchise et la fermeté d'un ci-devant Breton, que l'accusé déposait dans mon sein, toujours avec confiance, ses chagrins et ses espérances; que mon active commisération s'attachait à son sort et le protégeait; qu'il jouissait de ma susibilité; mais que je n'ai jamais pensé que je la lui dusse exclusivement. J'ai versé des pleurs sur les destins des Calas et autres victimes du mensonge et de l'erreur; mais j'ai aussi versé des larmes de sang aux récits fréquents et à la vue des assassinats, commis sur des pères de famille et sur des enfants au berceau, sur les brigandages qui enlevaient, dans une minute, à l'honnête homme, le fruit de pénibles et longs travaux. Ainsi donc je n'ai pu avouer ce déplorable principe, qui console si bien le législateur de son insuffisance, et favorise tant la pare se des juges, il vaut mieux que cent coupables échappent plutôt qu'un innocent périsse; sans doute, il ne faut pas qu'il perisse.

Par quelle fatalité, aujourd'hui, pour mériter la plume du civisme, est-on obligé de s'attendrir sur ces cent coupables, qui, aguerris par l'épreuve d'un jugement, comptent sur le vice de la loi, et encore dans les fers, projettent de nouveaux forfaits? Serait-ce un bien fait accordé à la société que la promulgation d'une loi, avec laquelle ils seraient toujours innocents? Non, je ne le croirai jamais.

Je n'attaquerai point, dans ses divisions, le projet des comités, je chercherai à simplifier la machine qu'ils nous présentent pour faciliter son mouvement, en enlevant les rouages qui l'embarrassent et polissant ceux qui resteront. A cet effet, il me suflira, je crois, d'éclairer l'Assemblée sur les défauts que j'y ai remarqués.

J'applaudirai à ce que vos comités ont dit des officiers de police; cependant, je ne donnerai pas ce nom aux officiers de gendarmerie, qui ne doivent jamais être, si nous voulons être libres, que les exécuteurs des mandats de justice, et non les dénonciateurs. Ces officiers de police, ou juges de paix, en tant qu'il ne sera besoin que de surveillance sur les citoyens honnêtes, qu'une débauche momentanée, une querelle mal entendue diviseront, auront reçu de vous une autorité suffisante, proportionnée à la nature de leurs fonctions et au caractère qu'en général, une simple éducation leur a donné; mais, lorsqu'il faudra qu'ils étendent leurs vues au delà de la sphère que vous avez déjà circonscrite, qu'il s'agira d'epier le crime, de saisir le fer, encore chaud, à la main du coupable, ne craint-on pas que le juge de paix ne manque de courage ou de confiance en lui-même ? Le pouvoir que lui donnent les comités de rapporter seul les procèsverbaux, est-il dans la mesure de ses forces ? Un attentat est commis; c'est un assassinat, un empoisonnement; les faits sont compliqués, les accusés importants, les déclarations nombreuses, les inutilités sont à écarter, la marche du criminel est tortueuse, l'influence de sa réputation

ou de la crainte qu'il inspire, est active; cependant le récit des faits doit être exact cette opération, qui, par les gens les plus exercés, se fait difficilement, lorsqu'ils ne veulent rien donner au hasard et à la faveur, se placerait, comme par enchantement, dans la tête du juge de paix! Les rédacteurs du projet y ont-ils bien pensé? Est-ce dans la maturité de leurs reflexions qu'ils ont trituré leurs rapports? La tranquillité de la société et le repos des individus seront à la discrétion d'un juge de paix qui sera distrait, insouciant, ou rédacteur ignorant, des faits qu'il aura vus ou entendus; qui, lors même qu'il sera un fripon, aura la certitude d'échapper à la responsabilité, auquel on ne pourra reprocher ni son incivisme, ni sa mauvaise foi, parce que les notes de son procès-verbal seront sa preuve, et que le témoignage subséquent des témoins ne signifiera, sinon, que les témoins ont varié, ou qu'ils ont été mal entendus; nulle trace visible ne démontrant le contraire, qui, conséquemment, par la seule force de son procès-verbal, pourra faire échapper le coupable ou livrer l'innocent! Qu'on ne me dise pas qu'il en sera empêché par ses assesseurs; ses assesseurs seront des gens confiants et crédules; encore on ne voit pas dans le projet qu'ils seront appelés. Tant que le juge de paix sera libre d'extraire des déclarations ce qu'il voudra, son procès-verbal prouvera ce qu'il voudra. On doit remarquer qu'ici, co ne dans l'ancienne jurisprudence, le procès-verbal sera la base de l'instruction, et que lui seul constatera le délit.

Déjà, et dès son principe, cette nouvelle loi criminelle est désastreuse. Suivons-la dans son étendue, et voyons si ses développements seront plus satisfaisants. Vous avez lu dans le projet que le juge de paix est obligé à une information, à un interrogatoire de l'accusé, s'il a plu à celui-ci, sur un mandat d'amener, de respect r le ruban national, et de ne pas profiter des moyens d'évasion qu'on lui laisse. Ces préalables sont importants. En effet, c'est au premier moment du délit que la vérité n'a pas eu le temps de fuir des lèvres des accusés et des témoins, que leurs aveux ou dénégations sont précieux. Vous vou Iriez qu'ils fussent recueillis d'une manière non révocable, pour les témoins dont le cœur n'aurait pu être sitôt essayé; pour l'accusé, à qui il serait plus facile de prouver la fausseté de l'acc isation et plus difficile de dénier une vérité dont les témoins seraient là; pour le juge de paix, honnête, qui a à légitimer sa conduite, et pour la justice, qui, dès les premiers cas,serait éclairée. Ils ne le serout pas, et cependant l'accusation peut être déjà complète.

Le procès-verbal du juge ou plutôt l'extrait des faits arrive au district. Le directeur du juré en prend connaissance, examine ce qu'il ne peut examiner, savoir s'il y a lieu ou non à l'accusation. Certes il y a accusation et délit, parce que le juge de paix l'a ainsi décidé par le seul fait de l'envoi du capturé et du procès-verbal qu'il a rédigé en conséquence. Ainsi voilà au moias l'examen du directeur du juré et celui des juges du district complètement inutiles. Les témoins seront donc appelés et entendus de nouveau, devant un jure, dit d'accusation. Is diront ce qu'il leur plaira. Les juré, d'un coup d'œil, saisiront la difficulté et prononceront. Vous remarquerez que vos comités, Messieurs, accordent à ce juré le suprême privilège de faire grâce aux criminels. Les preuves seraient évidentes qu'ils n'en pourront pas moins décider impunément qu'il n'y a

lieu à accusation. S'ils décident autrement, l'accusé, au moins, devrait être entendu, et son interrogatoire is sous les yeux du juré. Sa personne allant être livrée aux événements d'une longue procédure, il a le plus grand intérêt à ce que les éclaircissements, que lui seul connaît, en arrêtent le cours; mais le rédacteur du projet ne le pense pas ainsi.

Est-ce donc par principe d'humanité qu'on prolonge les angoisses des malheureux accusés, en leur faisant jouer trois mortels actes pour arriver au dénouement? Ils ont passé par les guichets de deux tribunaux. Ils ont eu à maudir les formes en chevretesses de vos comités. Ils arrivent au grand tribunal. C'est ici que, si je ne devais des égards à vos comités, dout le travail, en quelque partie, et surtout par l'in ention, mérite des éloges, je dirais que toutes les inconséquences, toutes les folies, sont réduites en principes. C'est ici, surtout, que je les accuserais d'une irréflexion perpétuelle. Qu'on veuille se figurer le tribunal formé dans le goût des comités. On y voit accusés, amis et conseils des accusés, témoins, accusateur public, accusateur particulier, juges, commissaire du roi, jurés, le greffier ne sachant auquel entendre, tous aux prises, s'inte pellant réciproquement. On les entend s'abandonner à toute l'intempérie de la discussion, saisir alternativement les faits, les confondre dans le résumé, chercher la vérité, les uns avec l'intention de la trouver, ceux-ci de la prouver, ceux-là de l'égarer; dans une pareille cacophonie, s'accuser tous d'avoir mal entendu, mal interprété, et devenir ainsi l'objet de la dérision du public qui, peut-être aussi, prendra part. Cette perspective me brise la tête, et me ferait maudir cette belle institution des jurés, si je pouvais penser que l'Assemblée se déterminat à sanctionner la pieuse, mais dangereuse rêverie de ses comités.

Que demande la nation? protection pour la propriété, sûreté pour les individus. Que demande l'accusé, coupable ou non? prompte justice. Vos comités ne remplissent l'attente ui de l'on ni de l'autre. Nous avons multiplié nos maréchaussées, multiplions donc aussi nos cachois et nos prisons. Décidons-nous à y entasser coupables et Innocents, termons nos cœurs à la piété sur les longues horreurs d'un tel mélange, ou préparonsnous à rendre impunis à la société les scelérats qu'elle repousse; car la loi sera sans vigueur, puisqu'elle sera saus exécution. Mais replaçonsnous devant ce tribunal et suivons sa marche. Des faits prouvent mieux que des raisonnements. Un villageois y est appelé en déposition. Témoin du complot d'un forlait exécuté, ou du forfait lui-même, il en raconte les détails; les faits sont bien placés dans sa mémoire, mais s'arrangent difficilement dans sa bouche; il tâtonne ses expressions. Il a besoin de silence, d'indulgence. Sa simplicité rustique ne lui permet pas l'assurance du citadin, exercé à pérorer dans nos places publiques. Une menace (1), un geste l'inierdit, brouille ses pensées. Un conseil astucieux, un ami non moins subtil et aussi scélérat, peutêtre, que celui qu'il défend, arrêtera le temoin

(1) Les personnes qui ont suivi le Palais, à Paris, depuis que les informations et que les confrontations sont publiques, ont assuré qu'au passage dans les corridors, les temoins étaient hautement insultés et provoques par les amis des accuses. Je laisse à penser, si le témoin, qui n'aura pas précédemment signé sa déposition, aura le courage de s'exposer au ressentiment de ces bienveillants amis.

à chaque phrase, quelques précautions que l'on prenne pour l'en empêcher. Pressé que sera le témoin par sa conscience de dire la vérité, intimidé par tant d'interprétateurs de sa déposition, il ne dira cependant que ce qu'on voudra qu'il dise, et peut-être croira-t il avoir rempli son devoir; car il est possible qu'il ne voie dans ce rassemblement de personnes que des protecteurs du criminel. Il aura haché son récit et se croira heureux d'être délivré de cette inquisition judiciaire. Ce n'est pas connaître les hommes que de penser que le témoin n'en agira pas ainsi. Il faut apprendre au rédacteur du projet, ce dont j'aurais été dispensé s'il avait voulu consulter les registres des greffes criminels; il faut lui apprendre, dis-je, que ce n'est pas des gens à éducation, ou jadis comme il faut, dont la justice n'a jamais espéré la vérité. Ils s'enveloppent de leur sensibilité et croient ainsi justifier un silence coupable sur les faits qui leur sont connus. Si donc vous abandonnez l'homme simple et honnête au subterfuge oratoire des avoués et des amis de l'accusé, sans lui donner l'appui d'une déposition qu'il aura faite dans le sang-froid et avec l'idée de l'importance de son obligation, encore une fois il divaguera sans cesse, et toutes les preuyes échappero t à la justice. Elles lui échapperont par une autre raison toute aussi forte que celleci, par le seul effet de la lassitude et de l'ennui de ceux appelés fréquemment à juger. Ce qui se passe dans les tribunaux actuels n'apprend-il pas que vos comités n'auraient pas dû faire une abstraction absolue des habitudes, des hommes, et qu'ils ont trop compté sur la coalition de toutes les volontés, selon eux les jurés s'assembleront tous les quinze jours pour décider du délit. Mais voilà une foule de difficultés qui s'élèvent. Difficultés échappées à vos comités, et cependant si aisées à prévoir. Les témoins appelés en indiquent d'autres. L'accusé en oppose à ceux entendus ou indiqués. L'affaire demande des instructions ultérieures sur l'état des lieux, par exemple lors d'un vol, dans le cas de l'alibi, etc. Les preuves pour ou contre ne peuvent se rassembler que partiellement. Des temoins sont malades. Les délits ont été commis dans plusieurs départements. Les suites n'en peuvent être divisées, parce que la marche des accusés ne saurait être examinée par section, si on peut parler ainsi; les détails se prêtant mutuellement secours pour la conviction du crime ou de l'in

nocence.

Dans tous ces cas, que feront les jurés, les juges? Se transporteront-ils? Comment les dépositions seront-elles reçues? Quelle foi les jurés auront-ils dans celles dont ils n'auront pas été témoins? Les délits serout-ils réunis sous une seule procédure? Quel sera le tribunal de département compétent, lorsqu'une procédure sera instruite dans deux départements contre les mêmes accusés? Quel sera le lien d'unité qui, dans les matières criminelles, resserrera les tribunaux? Comment la loi de la responsabilité de chaque département s'appliquera-t-elle?

Je dirai aux comités Aplanissez donc ces difficultés, si vous voulez que je croie à la bonté de votre projet. Condamnez-vous les citoyens à habiter, constamment et sans fruit, les chambres criminelles? Ne craignez-vous pas que le peuple, excédé de ces lenteurs, qu'il s'expliquera mal et que difficilement vous lui persuaderez avoir été établies pour sa sûreté, ne s'arme lui-même du glaive de la justice et ne reaverse le berceau de notre Constitution?

Mais écartons ces sinistres idées! Supposons que les jurés, qui seront toujours en scène; des témoins que, par trois fois, vous enlevez de leur domicile, les accusés, le peuple, pénétrés de la sublimité de l'institution des jurés, sachent la raisonner et veuillent, en faveur du bienfait, patienter sur le mal qu'ils en souffrent.

Supposons que, dans l'intention des comités, la procédure soit courte et qu'elle se termine.

Je leur demanderai encore, et je les supplie de me répondre non pas des phrases, mais d'après leurs lumières dégagées de l'obscurité des systèmes de nos métaphysiciens, comment ils satisferont aux questions de l'homme qui aura été con lamné suivant les nouvelles formes? Il aura parcouru trois tribunaux, il aura été condamné par trois collections d'hommes, et il dira: les preuves de mon crime n'existent nulle part. Ici des témoins ont déposé en ma faveur, là ils se sont rétractés; en définitive, ils ont articulé des faits insignifiants, démentis par mes témoins, prouvés faux par moi. Les expressions des uns et des autres devaient rester dans leur intégrité. Tel mot, placé de telle ou telle manière, dit ou ne dit rien.

La multitude des versions, des contradictions, en exigeait le rapprochement, et vous me le refusez! Pourquoi aurais-je une confiance aveugle en vos jurées? Ils sont hommes, et hommes peu exercés à l'attention, et conséquemment plus sujets à erreur. Où est la base de leur jugement? où est l'évidence de mon crime?

Je la veux toucher de ines doigts, de mes yeux; j'at este mon innocence. Je voue à l'exécration des siècles et à l'horreur de la nation les juges qui ont prononcé un jugement d'autant plus odieux, que mes parents, mes amis, la postérité, ne pourront s'assurer s'il y avait ou non justice. Si je devais périr dans les tourments que vous me destinez, ils ne pourront, pour ma gloire, poursuivre mes bourreaux, puisque les seules traces de leurs cruautés resteront sur l'échafaud où vous me traîn z. Je souhaite que ces messieurs du comité trouvent une réponse dans ma simplicité. Je la cherche inutilement, je l'avoue. J'entends les jurés déclarer qu'ils ne veulent pas être les instruments d'une loi aussi vicieuse. S'ils n'en ont pas le courage, lors du jujement, leur avis sera aussi flottant que leurs idees. Après avoir tourmenté leur mémoire, dans l'obligation de terminer, ils lanceront une opinion imméditée, trop sévère, ce qui sera un grand mal; trop lâche, et le criminel se ressuisira du poignard dont il avait été désarmé.

Je ne puis me convaincre, Messieurs, que le travail de vos comités soit l'ultimatum du génie de leurs membres. Je voudrais que notre loi criminelle fùt plus simple, et que nous prissions la détermination de guérir nos plaies sociales, sans le secours de chimistes imprudents, qui nous donnent une mixtion de mille corps heterogènes, pour un élixir immanquable contre nos maux.

J'avais eu l'intention de vous présenter un plan, qui aurait indiqué le cours que doit avoir la procédure criminelle à travers les institutions judiciaires que l'Assemblée a décrétées, et celles de vos comités, que je pense devoir être admises; mais il serait inutile. L'Assemblée doit décider quelques questions préalables, auxquelles donne lieu le projet qui est actuellement à la discussion. Je vais, Messieurs, avoir l'honneur de vous les soumettre.

Première question, Lors des délits, emportant peine afflictive, les juges de paix auront-ils ou 1ro SERIE. T. XXI.

non le pouvoir de rapporter, avec leurs assesseurs, les procès-verbaux nécessaires pour les constater?

2. Les témoins et experts seront-ils tenus ou non de signer leurs dépositions et déclarations? 3. Y aura-t-il ou non un juré d'accusation? 4. Y aura-t-il ou non un tribunal criminel par département?

Un organe trop voilé ne me permettant pas d'être entendu de toutes les parties de la salle, J'énonce ici mon opinion.

Sur la première question.

Je dirai un juge de paix deviendrait un tyran, si au pouvoir que lui donne ses fonctions civiles, on ajoutait celui de décider seul, pour ainsi dire, de la vie ou de la mort de ses concitoyens, en lui confiant le soin de constater les délits. Il ne sortira pas de son institution si vous lui abandonnez la seule surveillance, le pouvoir de faire arrêter, de provoquer le ministère du juge du district, pour le rapport du procès-verbal. Ces deux juges seraient inspecteurs l'un de l'autre.

Sur la seconde.

Je dirai oui, les témoins et les experts doivent garantir de leur signature leurs dépositions et leurs déclarations, parce que la signature est un un frein pour le malhonnête homme et qu'il ne faudrait point de loi si nous étions tous honnêtes gens.

Sur la troisième.

Je dirai non, il ne faut point de juré d'accusation, parce que les hommes que vous y appellerez seront sans responsabilité; qu'il n'y aura et ne pourra y avoir contre eux de moyens de récusation, parce que son établissement contrarie les décrets qui admettent un accusateur public, dont il sera bien autrement possible d'accélérer la vigilance et de réprimer les prévarications, et que définitivement je ne connais d'accusateurs réels que les témoins.

Sur la quatrième.

Je dirai oui, il en faut un, parce que les criminels n'appartiennent pas à tel ou tel district; que les preuves étant partout, elles ne peuvent parvenir complètement à un tribunal de district, dont la vue est trop bornée.

M. Robespierre n'attaque dans le projet du comité qu'une seule disposition: c'est celle qui, pour les condamnations de police, associe les officiers de maréchaussée aux juges de paix.

Les officiers de maréchaussée doivent être les exécuteurs de la loi pour la recherche des accusés, et non point les juges des accusés; des fonctions aussi disparates ne peuvent être réunies sans porter la plus mortelle atteinte à cette sûreté individuelle qui est l'objet et le fondement de la société. On ne peut contester la distinction qu'a établie M. le rapporteur entre la police et les tribunaux; mais si elle est obligée d'employer plus de célérité dans ses moyens, elle ne doit pas, pour cela, se permettre en rien des formes arbitraires qui mettent en péril la liberté du citoyen le plus paisible.

Eu second lieu, il faut considérer les officiers 43

de la maréchaussée comme des officiers militaires, et le despotisme seul peut tenter de réunir les fonctions militaires et les fonctions judiciaires. L'Assemblée a décidé que le corps de la maréchaussée ferait partie des troupes de ligne; il est donc impossible de ne pas les considérer comme militaires.

M. Prieur appelle particulièrement l'attention 'de l'Assemblée sur la nécessité d'assurer la responsabilité des accusateurs et des témoins, en recevant par écrit l'accusation et les dépositions. (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.)

Un membre du comité d'aliénation propose et l'Assemblée décrète la vente de biens nationaux aux différentes municipalités suivantes, savoir: A la municipalité de Pommevic, pour la somme de 31,086 livres.

A celle d'Epalais, pour celle de 40,150 livres. A celle de Benais, pour celle de 131,129 liv. 3 s. 7 d.

A celle de Béziers, pour celle de 1,176,430 liv. 7 s. 4 d.

A celle de Lodève, pour celle de 283,305 liv. 18 sous.

A celle d'Agde, pour celle de 1,312,652 liv. 14 s. 5 d.

Et à celle de Kerling, pour celle de 30,887 liv. 12 sous.

Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une note du ministre de la justice, datée d'aujourd'hui 26 décembre, et dont la teneur suit:

«Le roi a donné, le 24 de ce mois, son acceptation ou sa sanction:

« 1° Au décret de l'Assemblée nationale du 20, pour le rétablissement de la tranquillité dans la ville d'Aix;

« 2o Le 25, à deux décrets du 28 novembre, par lesquels l'Assemblée déclare vendre des biens nationaux à la municipalité d'Orléans;

« 3° A sept décrets du 30 pour la vente de biens nationaux aux municipalités de Villers-Bretonneux, Arcueil et autres;

«4° Au décret du 14 décembre présent mois, sur la retraite des soldats et sous-officiers de l'armée;

5° Au décret du 16, concernant les rentes du ci-devant clergé;

6° Au décret du 17 qui, en improuvant la conduite des administrateurs du département des Côtes-du-Nord, porte que la somme de 17,461 I. 14 s. 8 d. restant du gras de caisse des décimes de Saint-Brieuc, sera envoyée sans délai à la caisse de l'extraordinaire ;

«7° Au décret du même jour, portant que la municipalité de Paris fera connaître à l'Assemblée nationale, dans les premiers jours de chaque mois, les dépenses faites pour les ateliers de charité;

8° Au décret du 16, portant que le roi sera prié de faire délivrer, par les arsenaux militaires, aux administrations de départements, 50,000 fusils destinés à l'armement des gardes nationales;

9° Au décret du 19, relatif à la forme dans laquelle les districts doivent donner leur avis sur les pétitions qui leur sont adressées;

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10° Au décret du même jour, qui accorde des pensions à ceux qui ont été blessés ou estropiés

au siège de la Bastille, ainsi qu'aux veuves et enfants de ceux qui ont été tués;

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poursuites à faire contre les délits qui se sont commis ou se commettront dans les bois;

« 12° Au décret du 19, portant que les receveurs des domaines et bois ne seront tenus de verser dans les caisses des trésoriers de district que les sommes actuellement existantes entre leurs mains;

« 13° Au décret du 20, relatif à une remise à faire aux receveurs particuliers dont l'exercice doit finir au 31 décembre présent mois, ainsi qu'aux greffiers des municipalités de campagne ;

14° Au décret du même jour, qui ordonne qu'avant de procéder à la vente des ci-devant monastères, où il y avait un logement pour le curé du lieu, la distraction sera faite d'un corps de logis pour former un presbytère;

«15° Au décret du même jour, relatif à la remise par l'archiviste, à M. Jacques-Jean Le Couteulx, des ballots d'assignats imprimés, déposées aux archives;

« 16° Au décret du même jour, portant que les receveurs généraux de l'exercice de 1790, fourniront, au premier janvier prochain, leur compte de clerc à maître au directeur général du Trésor public;

«17° Au décret du 21, qui autorise la municipalité de Paris, les cinq membres faisant les fonctions de directoire de district à consentir la location des logements de maisons dépendantes des biens nationaux;

a 18° Au décret du même jour, portant qu'il sera nommé des juges de paix dans le canton d'Angers, dans celui de Montpellier, à Metz, dans le canton de Caudebec, dans celui d'Angoulême, à Amiens et à Abbeville, et réunion de municipalités.

19° Au décret du même jour, portant que l'arrêté du département du Bas-Rhin, du 13 de ce mois, relatif à la perception des péages d'Alsace, aura son plein et eater effet;

« 20° Au décret du même jour, qui, en conséquence de celui du 30 octobre dernier, porte que les créanciers sur offices ministériels ne pourront exiger aucun payement jusqu'à la liquidation desdits offices.

« Et enfin aujourd'hui au décret du 27 novembre, relatif au serment à prêter par les ecclésiastiques.

Le ministre de la justice transmet à M. le président les doubles minutes des décrets cidessus énoncés, sur chacune desquelles est l'acceptation ou la sanction du roi.

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M. le Président fait lecture d'une lettre du roi, signée de Sa Majesté, et contresignée du ministre de la justice, dont la teneur suit:

་་

Messieurs, je viens d'accepter le décret du 27 novembre dernier. En déférant au vœu de l'Assemblée nationale, je suis bien aise de m'expliquer sur les motifs qui m'avaient déterminé à retarder cette acceptation; sur ceux qui me déterminent à la donner en ce moment : je vais le faire ouvertement, franchement, comme il couvient à mon caractère. Ce genre de communication entre l'Assemblée nationale et moi doit resserrer les liens de cette confiance mutuelle, si nécessaire au bonheur de la France.

J'ai fait plusieurs fois connaitre à l'Assemblée nationale la disposition invariable où je suis d'appuyer, par tous les moyens qui sont en moi, la Constitution que j'ai acceptée et juré de

maintenir. 11 Au décret du même jour, relatif aux

Si j'ai tardé à prononcer l'acceptation sur ce décret, c'est qu'il était dans mon cœur de désirer que les moyens de sévérité pussent être prévenus par ceux de la douceur; c'est qu'en donnant aux esprits le temps de se calmer, j'ai dû croire que l'exécution de ce décret s'effectuerait avec un accord qui ne serait pas moins agréable à l'Assemblée nationale qu'à moi; j'espérais que ces motifs de prudence seraient généralement sentis; mais, puisqu'il s'est élevé sur mes intentions des doutes que la droiture connue de mon caractère devait éloigner, ma confiance en l'Assemblée nationale m'engage à accepter.

« Je le répète encore; il n'est pas de moyens plus sûrs, plus propres à calmer les agitations, à vaincre toutes les résistances, que la réciprocité de ce sentiment entre l'Assemblée nationale et moi; elle est nécessaire; je la mérite, j'y compte. »

Signé : LOUIS.

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les rapports des gardes concernant les délits commis dans les bois; elle décrète, en conséquence, que, jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu, les rapports des gardes pourront, dans lesdits départements, être reçus, rédigés et écrits par le greffier du juge de paix du canton où le délit aura été commis, dans la forme ci-devant usitée; qu'au surplus, les formalités prescrites pour l'affirmation et lé dépôt seront observées, à l'égard desdits rapports, comme pour les procèsverbaux rédigés par les gardes. »

Second décret.

« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité des domaines, autorise la ville d'Auxonne à faire construire des moulins dans la partie des fortifications de celte ville appelée le bastion de Béchaux, à la charge que la reconnaissance du terrain sur lequel la construction aura lieu, sera préalablement faite en présence de deux commissaires nommés, l'un par le roi, l'autre par le directoire du département, et que procès-verbal sera dressé de ladite reconnaissance; que les travaux et construction seront concertés avec le commissaire du roi, et inspectés par lui, ou par les officiers qui seront sous ses ordres; qu'enfin la ville d'Auxonne sera tenue de détruire les moulios établis dans le bastion, dans le cas où, par la suite, leur construction deviendrait préjudiciable au service militaire de la place. »>

L'ordre du jour est le rapport du comité militaire sur le replacement des officiers, sous-officiers et soldats des régiments de Mestre-de-camp cavalerie, et du Roi infanterie.

M. Alexandre de Beauharnais, rapporteur du comité militaire. Messieurs, vous avez ordonné à votre comité de vous rendre compte, dans le plus court délai, des moyens de replacer les officiers, sous-officiers, soldats, cavaliers et vétérans des régiments du Roi et de Mestre-decamp qui vont se trouver saus emploi par le licenciement que vous avez décrété.

Je viens en son nom vous faire part de son travail, et vous soumettre le projet de décret qui ea a été le résultat.

La première chose qui a fixé l'attention de votre comité, c'est le décret que vous avez rendu le 18 août, qui détermine la force de l'armée, et qui, par la fixation du nombre d'officiers de chaque grade, se trouve aussi déterminer le nombre des régiments de l'armée. Votre comité a vu que le décret que vous avez rendu le 7 décembre, en licenciant deux corps, changerait le travail fait sur l'armée, le changerait sous le rapport du nombre des troupes et sous celui du nombre des cadres destinés à les recevoir.

Quand même donc il aurait été possible d'oublier la situation des soldats licenciés, la nécessité de se conformer aux décrets sur l'organisation aurait fait à votre comité un devoir de vous proposer une mesure de replacement.

Il y avait deux moyens de se conformer à vos ordres, deux moyens de pourvoir au replacement des officiers, sous-officiers et soldats licenciés par votre decret du 7 décembre : l'un était de répartir sur toute l'armée les officiers, chacun suivant leur grade, en les mettant dans la colonne des officiers hors de la ligne susceptibles de replacement; de répartir les soldats dans tous les

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