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la conduite duquel ils jettèrent les fondemens de la ville d'Aversa, dans une délicieuse et fertile contrée, entre Naples et Capoue. Rainolphe obtint de Conrad le salique, l'investiture de ce Comté. Alors arrivèrent auprès de lui les enfans de Tancrède d'Hautérive, que la fortune porta sur le trône des Deux-Siciles.

Les enfans mâles de Tancrède, qui étoient au nombre de douze, méditèrent la conquête de toute l'Italie méridionale; leur chef fut Guillaume, surnommé Bras de Fer. L'aîné des enfans de Tancrède n'ayant point laissé d'enfans, il eut pour successeurs, en qualité de Duc d'Apulie, successivement ses frères Drogon, Honfroy et Robert Guiscard, qui fut Duc d'Apulie et de Calabre. Son frère Roger s'empara de la Sicile sur les Sarrasins, et eut la qualité de Comte. Les Deux-Siciles furent réunies sous la domination de Roger II, son fils, qui le premier porta le titre de Roi des Deux-Siciles. Ses successeurs furent Guillaume Ier., Guillaume II, Tancrède, bâtard de Roger II, et Guillaume III, auquel l'Empereur Henri VI fit crever les yeux, et rendre eunuque, en 1194, dans la prison de Coire, où il le fit enfermer, pour s'emparer de ses états au nom de sa femme, Constance, fille de Roger II. Ainsi ce royaume, formé des débris de l'Empire des Grecs, de celui des Musulmans, passa dans la maison de Souabe.

Robert Guiscard doit être considéré comme la tige de la dynastie des Rois français des Deux-Siciles. Il évita que les Empereurs Allemands revendiquassent un jour ces provinces, comme fiefs impériaux, en se déclarant feudataire de l'église romene. Le Pape accorda à ses nouveaux Souverains, par une bulle, appelée la monarchie de Sicile, l'autorité de légats-nés du Saint-Siége; ce qui leur don

nait dans leurs états, tout le pouvoir des Papes. Ces états, sous le règne de Roger, renfermoient tout ce qui compose aujourd'hui le royaume des Deux-Siciles.

Tancrède, fils légitime, selon les uns, bâtard, selon les autres, du Roi Roger II, mourut en 1194, laissant Guillaume III, dont il confia la tutelle avec la régence de ses états à la Reine Sybille, qu'Henri VI força d'entrer dans un monastère.

Henri VI mourut à Messine, en 1197, ne laissant pour héritier de ses royaumes qu'un enfant de quatre ans, le célèbre Empereur Frédéric II, qui régna d'abord dans les Deux-Siciles, sous la tutelle de Constance, sa mère.

Fréderic II, célèbre par ses démêlés avec les Pontifes Romains, mourut dans le château de Fiorensuola, en 1250. Conrad V, son fils aîné, lui succéda. Manfredo, Comte de Tarente et fils cadet de Conrad V, fut soupçonné de l'avoir fait empoisonner. Conrad laissoit un fils connu sous le nom de Coradino; mais Manfredo, qui gouvernoit le royaume des Deux-Siciles, ayant appris que le Pape offroit ce royaume, et au Roi d'Angleterre, pour Edmont, Comte de Lancastre, son fils, et au Roi de France, pour Charles, Comte d'Anjou, son frère, qui venoit d'épouser Béatrix, héritière de la Provence, crut digne d'y monter et se fit couronner au mois d'août 1248. Il offrit d'adopter Coradino pour son fils, mais la mère de Coradino refusa d'accepter cette proposition.

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Charles d'Anjou, Comte de Provence, ayant reçu l'in vestiture du royaume des Deux-Siciles, s'embarqua à Marseille au mois d'août 1265, et dans une seule bataille, se rendit maître du pays, le 2 février 1266. Manfredino périt en combattant; sa veuve et son fils périrent en prison, et Charles fut reconnu Roi dans Naples et dans Pa

lerme. Il fut appelé d'abord Charles Ier., et dans la suite Charles-le-vieux.

Coradino entroit dans sa seizième année. La Reine Elisabeth sa mère, tempéroit la témérité de son âge. Une partie de l'armée française avoit péri par la chaleur du climat de Naples, et les Napolitains n'attendoient, pour se déclarer en faveur de Coradino, que la présence d'une armée Allemande.

Coradino se rend dans le Frioul au mois de mai 1267, à la tête de 16,000 combattans et s'avance vers Naples. Son armée, et celle de Charles d'Anjou, peu nombreuse, se rencontrent auprès du lac Frecin, aujourd'hui laco di Celano, le combat s'y engagea le 17 août 1267. Les Français furent d'abord rompus de tontes parts; mais les Allemands s'étant débandés pour piller le camp, une réserve de l'armée française, conseillée par un vieux capitaine, nommé Allard, qui revenoit de la Palestine, forte de Soo hommes d'élite, cachés derrière un petit bois, fondit sur eux avec impétuosité, en massacra une partie, et mit l'autre en fuite, et Coradino, ainsi que Fréderic d'Autriche, qui le secondoit, tombèrent au pouvoir de leur ennemi; ils furent condamnés à perdre la tête, et furent exécutés publiquement sur le rivage de Naples, le 29 octobre 1269.

Lorsque le Proto-Notaire, Robert de Bari, eut lu la sentence, Robert, Comte de Flandres, lui passa son épée à travers du corps, en disant : Insolent, comment oses-tu prononcer une sentence de mort contre de si nobles et si grands Seigneurs?

Ce fut ainsi que finit la maison de Souabe, après avoir gouverné l'Allemagne, l'Italie et les deux Bourgognes durant plus d'un siècle. Des généraux Allemands périrent

avec Coradino, et plus de 1000 grands propriétaires tombèrent sous la hache du bourreau dans les principales villes des Deux-Siciles.

Cet acte de barbarie aliéna tous les partis contre Charles, (frère de St.-Louis), même les partisans de Charles, et fut la première cause de sa chute et de l'affreuse catastrophe connue sous le nom de Vépres Siciliennes, dans laquelle 28,000 Français furent égorgés. Cette catastrophe fut, dit-on, le résultat de la politique du Pape Nicolas III, successeur de Grégoire X, et auquel succéda le Cardinal Simon de Brie, un des protégés du Roi des Deux-Siciles, et qu'il eut le crédit de faire nommer Pape. Simon prit le nom de Martin V. On remarque bien que ce Pape mourut deux ans avant cet événement, mais quoique l'archet fut renversé, le trait ne laissa pas de voler et d'atteindre le but, par suite des exactions des Gouverneurs de Charles dans les provinces, qui ne laissaient pas même aux pères de famille, la liberté de marier leurs filles à leur gré. Il leur falloit l'agrément des Gouverneurs dans les villes, et du Seigneur dans les campagnes. Tous les bons partis étoient adjugés aux Provençaux. Les nobles Châtelains se faisoient amener les nouvelles mariées, et s'arrogeoient l'infame droit de prélibation, dont la coutume abominable s'étoignoit dès-lors en France. Le Pape Grégoire X et Nicolas III son successeur, chargèrent deux évêques de faire des représentations à Charles sur ses vexations, il sembla d'abord les écouter, en faisant expédier un ordre pour réformer les abus les plus crians, mais à la mort de Nicolas III, il vexa ensuite de toutes les manières et réduisit au désespoir les habitaus des Deux-Siciles, qui préméditèrent et exécutèrent l'affreuse boucherie des Vêpres Siciliennes.

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D'autres attribuent cette cataslrophe à Pierre III, Roi d'Arragon, qui en recueillit le fruit; et des troisièmes en donnent pour auteur un Baron sicilien, nommé Jean de Pocrida. Enfin il y en a qui regardent que cette tragédie sanglante ne fut pas combinée d'avance, mais l'effet d'un excès particulier, dont l'exemple a été donné dans ce siècle et sous nos yeux.

Le lundi de Pâques, 30 mars 1282, les habitans de Palerme sortoient en foule de la ville pour entendre les vêpres dans une église à une demi-lieue des murs. Les soldats de garde insultèrent des femmes, en entraînèrent au corps-de-garde, et l'un d'eux voulut violer la fille d'un Palermitain, nommé Roger de Maitréange. A ses cris son père et son frère accourent à son secours ; le peuple s'arme de stilets, de pierres, de bâtons, la garde est massacrée, et, dans un instant, le cri meurent les Français se fait entendre de toute part. Tous sont égorgés dans les rues, dans les places, dans les maisons: on poussa la férocité jusqu'à éventrer les femmes siciliennes soupçonnées d'être enceintes du fait d'un Français, pour livrer à la mort les enfans à demi-formés. La rage qui animoient les Palermidans l'ame de tous les habitans de la Sicile. passa 8000 Français périrent dans la seule ville de Catane; il ne resta pas un seul individu de cette nation dans l'île, l'exception d'un Baron provençal, nommé Guillaume des Porcellets, gouverneur d'une petite ville, reconnu généralemeut pour n'avoir pas partagé les crimes de ses compatriotes. Les Siciliens lui donnèrent un vaisseau pour sortir de l'île avec sa famille, et le prix de ses biens, qu'il lui fut permis de vendre.

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Charles étoit à Orviette auprès du Pape. Pédro, roi d'Arragon, lui enleva l'ile de Sicile, et fut couronné dans

Palerme

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