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donnée des méchans; mais cette liberté-là, qui ne seroit que le triomphe de la licence et l'impunité des crimes, détruiroit la liberté constitutionnelle de tous les bons citoyens. Vous ne vous y tromperez pas, messieurs, lorsque vous organisez la police, vous créez la force protectrice de tous les hommes de bien contre l'oppression des scélérats et des brigands: ne craignez donc pas de lui donner toute l'énergie dont elle a besoin, pour remplir son objet.

Il est temps aussi de repousser les calomnies par lesquelles les ennemis de la révolution cherchent à faire méconnoître la sainteté de ses principes. C'est à elle qu'ils ont osé imputer les événemens qui ne furent que l'effet naturel de la désorganisation des anciens pou voirs arrivés au moment de leur décadence inévitable. Combien d'esprits pusillanimes, étonnés qu'un grand peuple, traversé dans le travail de sa constitution par une opposition impru dente et obstinée, soit sorti du calme léthargique où son asservissement l'avoit plongé, n'ont pas cru que les troubles anarchiques et l'agitation populaire étoient les conséquences, et seroient l'effet permanent de la constitution? Il faut détruiré ces insinuations de la malveillance qui trompent la foiblesse. Mais quelle prise nouvelle ne donnerions-nous pas

à la suite de ces calomnies, si, lorsque les besoins publics exigent une police énergique, et lorsque le vœu national en provoque l'éta- . blissement, nous la laissions abandonnée aux mains débiles des premiers juges de paix élus dans les campagnes? Vous n'avez point à craindre que vos detix comités, dont les travaux pénibles, poursuivis sans relâche depuis dix-huit mois, vous attestent l'absolu dévouement au succès de la commune entreprise, s'exposent à vous faire une proposition capable de la compromettre ; j'ai plutôt la confiance de vous représenter en leur nom que la constitution ne peut pas prospérer sans le raffermissement de l'ordre public, ni l'ordre public se raffermir sans une puissante police.

Je demande que la discussion soit fermée, et que l'assemblée aille aux voix sur les articles proposés.

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* D'APRÈS les raisons alléguées par M. Thouret, les deux premiers articles du projet de décret confioient aux juges de canton la po lice de sûreté, concurremment avec la gendarmerie nationale. Cette disposition parut inconstitutionnelle à MM. Robespierre, Bu zot, Pétion et Baumetz; mais M. Thouret

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pas reçu du corps législatif cette règle inva riable de ses jugemens. Quoique cette hautecour paroisse organisée par le comité de constitution comme le véritable pouvoir exécutif de l'assemblée nationale, elle ne réunira cependant pas, comme le corps que l'on dit constituant, l'universalité des pouvoirs politiques. Elle n'aura pas, comme nous, la faculté de suppléer les loix, de juger les choses selon les personnes ; et je m'oppose expressément, au nom de tous les amis de la liberté, à l'érection de ce nouveau tribunal, jusqu'à ce que je connoisse le code des délits et des peines dont l'exécution lui sera confiée.

Le comité de constitution ne nous dit pas si l'exécution des jugemens qui émaneront de la haute-cour nationale, sera soumise, comme en Angleterre, à l'autorisation formelle du roi. Il ne nous dit pas si sa majesté aura la prérogative d'accorder la grace après la condamnation; et quoique je ne présume pas que l'on ose jamais contester à la couronne ce privilége vraiment royal, je me méfie des prétéritions dans les loix constitutionnelles, et je demande que ce droit soit formellement reconnu,

Le plan que nous présente le comité de

constitution, porte uniquement sur l'institution du jury. Je ne m'oppose assurément point à cette forme de jugement qui établit, en matière criminelle, deux tribunaux différens, dont l'un prononce sur le fait et l'autre sur le droit. Le jugement par jurés a déjà été admis en France, jusqu'à la fin de la première race. Nos pères l'appeloient le juge ment des pairs; et nous en avons conservé jusqu'à nos jours des traces bien précieuses dans la jurisdiction des experts et des prudhommes, dans l'attribution des causes qui intéressent les membres de la pairie à la seule cour des pairs, dans le droit qu'ont les ma gistrats souverains de n'être jugés que par le tribunal dont ils sont membres, dans les jugemens des jurisdictions consulaires pour les marchands, dans les conseils de guerre pour les militaires, dans les officialités pour les ecclésiastiques.

Ce jugement des pairs ou des jurés, qui étoit parmi nous d'origine germaine, fut établi en France avant qu'on le connût en Angleterre. Mais il fut aboli dans notre patrie, par les conquêtes de l'autorité royale sur le gouvernement féodal. Une pareille forme de législation étoit en effet impraticable dans les cours absolues du roi, au lieu

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sages

que tous les parlemens anglois qui furent assemblés depuis la promulgation de la grande chartre, ne cessèrent de réclamer les institutions saxones, et perfectionnèrent toujours l'établissement tutélaire des jurés, judicium per pares, comme l'une des loix les plus des anciens germains. Ce fut ainsi que ce peuple, vraiment digne de porter le noble fardeau de la liberté, conserva dans ses tribunaux le jugement par jurys, appelé par ses jurisconsultes, l'épreuve par raison, tandis que nos juges ne vouloient encore reconnoître l'innocence qu'à l'épreuve absurde et barbare du fer rouge ou de l'eau bouillante.

Mais le nouveau jury qu'on veut instituer aujourd'hui parmi nous, n'est ni le jury des anciens francs, ni le jury de l'Angleterre, ni le jury de l'Amérique: c'est un établissement bizarre et monstrueux qui n'a point de nom dans aucune langue; de même que l'institution d'un tribunal antérieur aux loix qui doivent diriger ses jugemens, est une innovation sans exemple chez aucun peuple policé.

J'insiste sur cette importante considération, parce qu'il est évident que notre haute-cour nationale seroit sans activité, jusqu'à ce que

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