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donc pas en elle-même un délit, et qu'il n'appartient qu'à des hommes qui méditent. de mauvaises loix et qui craignent de ne pas trouver assez de gens pour les exécuter, de créer dans leur code de haute-trahison, au mépris de la morale et de la liberté, des crimes de cette espèce.

Refus de transcription pure et simple et d'exécution des loix. Si les magistrats refusent de transcrire, ils sont coupables; car transcrire est un acte d'obéissance passive qui ne peut gêner en rien leur conscience. Si les. magistrats refusent d'exécuter, c'est autre chose. Ils ne seront pas coupables, lorsqu'en refusant d'exécuter ils offriront leur démission et demanderont des successeurs. Ils seront coupables, lorsqu'en refusant d'exécuter ils entreprendront de se maintenir dans leurs places. Mais le refus de transcrire et le refus d'exécuter, en se conservant dans leurs places, ne sont encore, s'il n'y a pas d'autres circonstances, que deux délits dont la connoissance et le jugement ne peuvent appartenir qu'au tribunal suprême chargé du maintien des loix.

Entreprises sur les fonctions de la puissance législative ou sur celles du pouvoir administratif. Des entreprises de ce genre

ne sont encore que des délits ordinaires destinés à être réprimés par le pouvoir exécutif et cette portion du pouvoir judiciaire qui réside dans le tribunal de révision. En général toutes les prévarications des tribunaux, comme des corps administratifs ne peuvent jamais être réputés crimes de hautetrahison ou de lèse-nation, qu'autant que l'autorité qui doit en connoître les favorise ou les laisse impunies. Alors on peut naturellement présumer que cette autorité s'accorde avec les prévaricateurs, et l'accusation de haute-trahison est d'autant mieux fondée que, dans une telle hypothèse, une coalition de cette espèce ne peut avoir lieu sans que la constitution ne soit en péril. Mais hors de-là, je ne sais où prendre la matière d'une accusation de haute-trahison.

Je borne à ce petit nombre de réflexions, ce que j'avois à dire sur l'étrange liste de crimes de haute-trahison ou de lèse-nation que le comité de constitution nous présente.

Il me semble qu'elles sont suffisantes, surtout avec le développement de principes qui a précédé, pour que je puisse hardiment avancer qu'on ne peut appeler crimes de haute-trahison dans cette liste, que ceux qui se rapportent à l'une des trois espèces de délits

dont j'ai parlé ; et que les autres délits qui la surchargent en si grande quantité, ou ne doivent pas s'y trouver si la constitution est bonne, ou ne prouvent autre chose, parce qu'ils s'y trouvent, sinon que le comité de constitution a une opinion si mauvaise des loix politiques qu'il nous a données, qu'il ne sait trop de quels moyens s'aviser pour les soutenir.

Mais ce n'est pas tout, et j'invite les per sonnes accoutumées à ne rien admettre sans un examen approfondi, à considérer encore cette incroyable liste sous un autre point-devue, dans ses rapports, par exemple avec le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif, et ils seront bien surpris de voir que, si elle est adoptée, hors la poursuite et le jugement des vols et des assassinats, le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif n'auront, en fait de délits et de prévarications, rien à juger et à poursuivre dans l'empire; c'est-à-dire, s'y trouveront à-peu-près nuls. Je ferai dans peu quelque usage de cette remarque.

S. I I.

Je passe à la seconde partie de cette discussion, c'est-à-dire, qu'après avoir recherché

qui doit accuser et poursuivre dans les cas de haute-trahison, dans quelle forme il faut accuser et poursuivre, et quel tribunal doit juger; fidèle à la marche que j'ai suivie jusqu'à présent, je comparerai ce que nous propose le comité de constitution, avec ce que j'estime qu'il auroit dû nous proposer.

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J'ai besoin de poser ici quelques principes. On convient unanimement que, dans toute bonne constitution, il y a trois pouvoirs essentiellement distincts; le pouvoir législatif qui fait les loix, et qui ne doit faire que les loix; le pouvoir exécutif qui les met à exécution après les avoir librement approuvées, et le pouvoir judiciaire qui prononce sur les infractions faites aux loix.

Or, des fonctions attribuées à ces trois pouvoirs, il résulte qu'en thèse générale, le pouvoir législatif est absolument étranger à la poursuite et au jugement des crimes de quelque espèce qu'ils soient: qu'au pouvoir exécutif seul, comme chargé de l'exécution des loix, il appartient de poursuivre les crimes; et enfin, que ce n'est qu'au pouvoir judiciaire seul, c'est-à-dire, à la magistrature de l'État, comme chargée d'appliquer la loi, qu'il appartient de les juger.

Il sera donc vrai de dire, en thèse générale

que, quand il s'agit de crimes de hautetrahison, c'est au pouvoir exécutif à pour suivre, et au pouvoir judiciaire à juger, comine quand il s'agit de tout autre crime.

Je ne vois qu'une seule exception à cette règle, et l'exception même prouve la règle, c'est lorsque le pouvoir exécutif est lui-même dans le cas d'être accusé et poursuivi, c'est lorsque le tribunal suprême, chargé de réprimer les infractions aux loix constitutionnelles de l'État, ou se permet ces infractions, ou les favorise, c'est en un mot lorsque la haute administration de l'État devient ellemême l'objet d'une accusation de hautetraliison.

On conçoit parfaitement qu'en pareille circonstance, ni le pouvoir exécutif, chargé de poursuivre les crimes, ne se poursuivra lui-même, ni le tribunal suprême, chargé, de maintenir les loix, ne sera bien empressé de punir ses propres infractions.

Et cependant il faut que quelqu'un poursuive et que quelqu'un juge; or, qui doit poursuivre ? qui doit juger?

Qui doit poursuivre ? nécessairement, dans, ce cas, les représentans de la nation; car, quand le gouvernement lui-même, institué pour maintenir l'ordre légal, prévarique, on

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