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tion que l'on fait à un autre. Assurément on peut, d'après cet article, donner à Pierre une masse de biens, à la charge d'en détacher, au profit de Paul, une maison, un champ, un vignoble; et si Paul acquiert, par une donation ainsi faite, quoiqu'il ne l'eût pas acceptée, quoique l'acceptation soit de l'essence de toute donation entre-vifs, le droit de se faire délivrer l'objet que le donataire est chargé de lui remettre, on ne voit pas pourquoi le tiers associé à une institution ne pourrait pas également se faire délivrer, par l'institué, la portion à laquelle l'instituant l'a appelé par cette voie. >>

Ce que dit ce savant jurisconsulte de la disposition du droit de propriété, doit, à bien plus forte raison, être appliqué au cas où il ne s'agit que d'un droit d'usufruit légué à la charge d'en faire de suite la restitution à un tiers, parce que jamais la disposition en usufruit ne peut rendre la propriété incertaine, ni la perpétuer dans la même famille, ni la placer hors du commerce.

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SECONDE HYPOTHÈSE.

455. Le droit d'usufruit peut-il être l'objet d'une substitution faite à charge de conserver pendant un délai déterminé, et de rendre au terme fixé? Quels seraient les effets particuliers d'une disposition de cette nature? Tomberait-elle sous la prohibition de la loi, si elle n'était faite ni par un père ou une mère qui aurait chargé ses enfans de rendre à leurs enfans, ni par

une

une personne qui, disposant au profit de son frère ou de sa soeur, l'aurait chargé de rendre à ses enfans, de lui donataire?

Les substitutions à charge de conserver et de rendre n'étant pas prohibées lorsque c'est un père ou une mère qui dispose de sa portion libre, au profit de ses enfans et petits-enfans, ou lorsque c'est un frère ou une sœur qui dispose au profit de ses frères et sœurs et de leurs enfans, et qui agit dans les termes et sous les conditions expliquées plus haut, nous pouvons d'abord raisonner ici comme si elles étaient généralement permises, puisqu'elles le sont au moins dans ces deux hypothèses d'exceptions, et qu'en conséquence il faudrait toujours signaler les effets particuliers de la substitution qui n'aurait pour objet qu'un droit d'usufruit, lors même qu'elle ne pourrait avoir lieu que dans ces deux cas sauf à examiner ensuite si elle peut avoir lieu généralement comme n'étant pas de nature à tomber sous la prohibition de la loi.

Supposons donc qu'un droit d'usufruit soit légué à Caïus, à la charge de le conserver pendant cinq ou dix ans, par exemple, et de le rendre seulement à l'expiration de ce temps; quels seront les effets de cette disposition?

Nous avons fait voir, en traitant la question, dans l'hypothèse précédente, que le droit d'usufruit est susceptible d'une véritable restitution, lorsque le légataire grevé doit le rendre sans délai après la mort du testateur : on doit dire la même chose ici, parce qu'il n'y aurait

TOM. II.·

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pas

de raison de porter une autre décision dans le cas où le grevé n'est chargé de rendre qu'après avoir joui lui-même pendant un certain temps. Lorsqu'il est parvenu à son terme, la restitution se fait par la mise en possession du substitué aux lieu et place du grevé, comme elle doit avoir lieu de suite lorsqu'il n'y a point eu de terme apposé par le testateur.

Le légataire premier appelé est seul usufruitier en titre durant le temps assigné à sa jouissance; en conséquence de quoi il est seul responsable, pendant ce délai, de l'exécution des charges inhérentes à l'usufruit, telles que celles qui concernent l'entretien de la chose, et les autres dont nous parlerons ailleurs.

454. Mais une fois que le grevé, parvenu au terme de sa jouissance, en a fait la remise au substitué, celui-ci se trouve à son tour seul usufruitier en titre, parce que cette remise étant faite en exécution des ordres du testateur, opère un transport parfait en conséquence de quoi le substitué reste, pour l'avenir et à dater de son entrée en jouissance, seul passible des obligations inhérentes à l'usufruit, attendu qu'il est de principe, en cette matière, que les choses passent avec toutes leurs charges entre les mains du substitué (1).

Il résulte de là que la caution donnée par le légataire qui avait été appelé en premier ordre se trouve dégagée pour les faits à venir, et que

(1) Argumentum ex l. 2, cod. ad S.-C. Trebell. lib. 6, tit. 49.

le substitué doit, à son tour, fournir un nouveau cautionnement pour lui-même.

Toute disposition faite avec charge de rendre, renferme nécessairement deux libéralités : l'une au profit du premier appelé, et l'autre au profit du substitué qui doit recevoir la chose des mains du premier, au temps marqué pour lui en faire la restitution.

Cette seconde libéralité, qui est véritablement la substitution, peut être conditionnelle quoique la première soit pure et simple; et l'une peut être caduque tandis que l'autre conserve toute sa force: mais il y a des distinctions à faire, sur ce point, entre les legs de propriété et ceux d'usufruit.

Dans le legs de propriété, fait avec charge de rendre à jour certain, comme, par exemple, au bout de cinq ou de dix ans, la substitution est pure: les droits en sont ouverts dès le jour du décès du testateur, et le substitué est saisi comme tout autre légataire, parce qu'il est dès-lors créancier pur et simple, quoique le jour du payement ne soit pas encore arrivé: Si dies apposita legato non est, præsens debetur, aut confestim ad eum pertinet cui datum est: adjecta quamvis longa sit, si certa est, veluti kalendis januariis centesimis, dies quidem legati statim cedit, sed ante diem peti non potest (1).

Si donc, en ce cas, le substitué vient à mourir avant ce terme, la libéralité qui lui a été faite n'est pas pour cela caduque; il en transmet

(1) L. 21, ff. quandò dies leg. cedit, 1. 36, tit. 2.

les avantages à ses héritiers (1041), et cette mort prématurée ne change rien aux droits du grevé de restitution.

Pour que la substitution fût caduque, il faudrait que le substitué fût mort avant le décès du testateur, ou qu'il fût incapable de recevoir à l'époque de ce décès, ou qu'ayant survécu au testateur, et étant capable de recevoir, il eût renoncé au fidéicommis dont les droits étaient ouverts à son profit: dans tous ces cas, la charge de rendre serait éteinte au profit du grevé qui garderait les biens comme francs de toute substitution.

455. Il n'en serait pas de même dans le legs d'un droit d'usufruit que le premier appelé serait chargé de rendre après un certain délai, au bout de cinq ou dix ans par exemple: ici la substitution est nécessairement conditionnelle; elle est tacitement conditionnelle par cela seul qu'elle n'a pour objet qu'un droit purement personnel et intransmissible; elle est donc censée faite sous la condition de survie du substitué, au moment où l'usufruit devra lui être remis, puisque, mourant auparavant, il ne peut transmettre aucun droit à ses héritiers: ainsi le décès du substitué, arrivé avant le terme fixé de la restitution, rend sa vocation caduque au profit du premier appelé sur la tête duquel le droit d'usufruit se trouve dès-lors confirmé pour toute sa

vie.

436. On voit par là qu'il y a une grande différence, dans les résultats, entre les legs de propriété et d'usufruit, portant, l'un comme l'autre

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