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mier cas,

et dans les mêmes termes, la charge de rendre à une époque certaine; mais il y en a une grande aussi entre deux legs d'usufruit par l'un desquels on aurait imposé la charge de rendre après un délai certain et déterminé, comme de dix ans par exemple, tandis que par l'autre on aurait directement légué le même droit aux deux légataires pour en jouir successivement, savoir le premier durant les dix premières années, et le second à dater de cette époque; car, au prela mort du substitué, arrivée avant les dix ans, rend sa vocation caduque, et la caducité de la substitution profite au grevé qui dès-lors est en droit de conserver la jouissance du fonds durant toute sa vie, ainsi qu'on vient de l'expliquer plus haut; tandis qu'au contraire, dans le second cas, la mort prématurée du légataire appelé en second, dans l'ordre du temps, n'ajoutera rien aux droits du premier, qui ne devra toujours jouir que pendant ses dix ans : ce n'est pas lui, mais bien l'héritier qui devra profiter de la caducité du second legs, parce que ce n'est pas lui, mais seulement l'héritier qui en était chargé (1).

Lorsque c'est la libéralité, faite au profit du grevé, qui devient caduque par son prédécès ou par son refus d'accepter, la vocation du substitué n'en reçoit aucune atteinte; l'héritier, soit légitime, soit testamentaire qui recueille la succession, ou le légataire au profit duquel il y a d'abord accroissement du legs, succède aussi

(1) Voy. sous le n. 266.

à la charge de le rendre ou d'en faire la délivrance au substitué, comme l'explique très-bien Pothier en plusieurs endroits de ses ouvrages (1), et comme cela résulte d'un grand nombre de lois romaines, dont la disposition a été adoptée par la jurisprudence française: Si ab eo cui legatus esset ususfructus, fideicommissum fuerit relictum; licèt ususfructus ad legatarium non pervenerit, hæres tamen penes quem ususfructus remanet, fideicommissum præstat... Si legatarius à quo fideicommissum relictum est, repudiaverit legatum, vel vivo testatore decesserit (2).

La raison de cela, comme l'explique aussi Furgole (5), c'est que la charge qui constitue le fideicommis est une charge réelle, qui affecte et suit la chose en quelques mains qu'elle passe: pour qu'il en fût autrement, il faudrait qu'il parût évident, par la clause du testament, que le testateur n'a voulu imposer cette charge qu'à la personne seulement du légataire nommé en premier ordre (4).

Mais, comme le dit encore Furgole, d'après le texte précis des lois romaines (5), la personne

(1) Voy. dans son traité des donations testamentaires, chap. 5, sect. 3, §. 3; et dans celui des substitutions, sect. 7, art. I, S. 2.

(2) L. 9, ff. de usufructu legat., lib. 33, tit. 2.

(3) Traité des testamens, chap. 7, sect. 7, n.° 8 et

suiv.

(4) Voy. l. 74, ff. de leg. 1.°

(5) L. 77, §. 15, ff. de leg. 2.°; et l. 36, §. 1.er, ff. de condit. et demonst., lib. 35, tit. I.

à laquelle l'objet de la libéralité parvient n'est obligée de le rendre que quand la condition ou le délai sous lesquels le premier appelé devait en faire la restitution sont arrivés, et non plus tôt; car le changement de la personne qui doit rendre ne change rien dans les droits ni les actions de celui qui doit recevoir : ainsi, à supposer que le testateur ait légué l'usufruit d'un domaine à TITIUS, à charge d'en faire la remise à CAIUS au bout de cinq ans, et que TITIUS vienne à mourir avant le testateur ou à répudier son legs, l'héritier devra toujours faire à CAIUS la délivrance de l'usufruit légué, mais il ne la devra faire qu'au bout des cinq ans. 437. Il peut arriver aussi que le légataire appelé II en premier ordre survive au testateur, accepte la libéralité et meure avant le terme prescrit pour la restitution: dans ce cas, il y aurait une grande différence entre le legs de propriété et celui d'usufruit, encore qu'ils fussent faits l'un et l'autre dans les mêmes termes, avec charge de rendre au bout d'un certain temps.

Supposons, en effet, que le testateur ait légué, en toute propriété, un domaine à TITIUS, à la charge de le conserver seulement pendant dix ans et de le rendre ensuite à CAIUS: si TITIUS survivant au testateur, accepte son legs, et vient à mourir au bout de cinq ans, CAIUS sera en droit d'entrer de suite en jouissance du domaine, sans être obligé d'attendre jusqu'à l'expiration des dix ans, durant lesquels le premier appelé aurait dû jouir s'il avait vécu. La raison de cela, c'est qu'en ce cas le fideicommis n'est pas con

ditionnel, mais pur et simple, suivant la règle : Legatum purum est cùm non conditione, sed morá suspenditur; règle consacrée dans notre code (1041) comme dans la loi romaine; d'où résulte cette conséquence que, sitôt après la mort du testateur, le substitué a été saisi de la propriété du domaine légué, et que le légataire appelé en premier ordre n'en a réellement pu appréhender ou saisir que l'usufruit; or l'usufruit qui appartient à quelqu'un sur le bien d'un autre s'éteint toujours par la mort de l'usufruitier, et, se consolidant à la propriété, il s'éteint nécessairement au profit du propriétaire : donc CAIUS, second appelé, serait en droit de revendiquer la jouissance du domaine sitôt après le décès de TITIUS.

438. Supposons, au contraire, qu'il ne s'agisse que d'un legs d'usufruit fait dans les mêmes termes au profit de TITIUS, avec charge de le rendre après dix ans de jouissance à CAIUS qui lui est substitué: si TITIUS, survivant au testateur, accepte son legs et vient à mourir au bout de cinq ans, CAIUS, second appelé, n'en sera pas moins tenu d'attendre la révolution de dix ans depuis la mort du testateur, avant de pouvoir demander à son tour la délivrance de son usufruit, parce que, d'une part, sa vocation n'est pas pure et simple; elle n'est que conditionnelle, comme censée faite seulement sous la condition de sa survie au temps fixé pour la restitution, ainsi que nous l'avons expliqué plus

haut (1); et attendu encore que, d'autre côté, le droit de jouissance qu'avait le légataire appelé en premier ordre, et qui s'est éteint par sa mort, se trouve dès-lors consolidé à la propriété qui est entre les mains de l'héritier contre lequel CAIUS, appelé en second ordre, ne peut avoir aucune action en délivrance avant le terme assigné par le testateur pour lui en faire la remise, puisque son droit ne peut être ouvert qu'à cette époque.

439. Dans le legs de propriété fait avec charge de rendre, une fois que l'héritier en a fait la délivrance, il ne peut plus y avoir d'action à exercer contre lui: à quelqu'époque et pour quelque cause que ce soit que les droits du substitué soient ouverts, il ne peut diriger son action en restitution que contre le légataire qui avait été chargé de rendre, ou contre ses héritiers, puisque c'est entre leurs mains que se trouve la chose, et que c'est sur eux seulement que pèse l'obligation de la rendre (2). Il n'en est de même lorsque le legs n'a pour objet qu'un droit d'usufruit: si ce droit vient à s'éteindre entre les mains du grevé, sans qu'il s'en soit luimême dessaisi par la remise faite au substitué, celui-ci ne peut avoir aucune action à diriger contre les héritiers de l'usufruitier pour exiger de leur part la remise d'une chose qui n'a point passé entre leurs mains: il ne peut donc agir que contre l'héritier propriétaire du fonds, pour en (1) Voy. sous le n.o 419.

pas

(2) Voy. dans POTHIER, traité des substitut., sect. 6, art. 2, S, 2,

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