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ses dangers apparens. Il doit être décrit, défini, combiné avec tous les principes qui l'entourent, jnsqu'à ce qu'on ait trouvé le moyen de remédier à ses inconveniens, et de l'appliquer comme il doit être appliqué.

L'oubli ou le mépris des principes conduirait à l'abitraire.

L'arbitraire, qui a des effets très positifs, est pourtant une chose négative: c'est l'absence des règles, des limites, des définitions; en un mot, l'absence de tout ce qui est précis.

Or, comme les règles, les limites, les définitions sont des choses incommodes et fatigantes, on peut fort bien vouloir secouer le joug, et tomber ainsi dans l'arbitraire, sans s'en douter.

Ceux-là sont partisans de l'arbitraire, qui rejettent les principes; car tout ce qui est déterminé, soit dans les faits, soit dans les idées, doit conduire à des principes; et l'arbitraire étant l'absence de tout ce qui est déterminé, tout ce qui n'est pas conforme aux principes est arbitraire.

L'arbitraire, en institution politique, est la perte de toute institution politique; car ces institutions étant l'assemblage des règles sur lesquelles les individus doivent pouvoir compter dans leurs relations comme citoyens, il n'y a plus d'institutions politiques, là où ces règles n'existent pas. L'arbitraire est incompatible avec l'existence d'un gouvernement considéré sous le rapport de son institution;

Il est dangereux pour un gouvernement, sous le rapport de son action;

Il ne donne aucune garantie à l'existence d'un gouvernement, sous le rapport de la sûreté des individus qui composent l'état. Ces trois assertions sont faciles à prouver. 1o Les institutions politiques ne sont des contrats. La nature des contrats que est de poser des bornes fixes: or, l'arbitraire étant précisément l'opposé de ce qui constitue un contrat, sape, par la base, toute institution politique.

Je sais bien que ceux mêmes qui, repoussant les principes comme incompatibles avec les institutions humaines, ouvrent un champ libre à l'arbitraire,

voudraient le mitiger et le limiter; mais cette espérance est absurde: car, pour mitiger ou limiter l'arbitraire, il faudrait lui prescrire des bornes précises, et il cesserait d'être arbitraire.

Il doit, de sa nature, être partout, ou n'être nulle part. Il doit être partout, non de fait, mais de droit; et nous verrons tout à l'heure ce que vaut cette différence. Il est destructeur de tout ce qu'il atteint, car il anéantit toute garantie; or, sans garantie, rien n'existe que de fait, et le fait n'est qu'un accident. Il n'y a d'existant, en institution, que ce qui existe de droit.

Il s'ensuit que toute institution qui veut s'établir sans garantie, c'est-à-dire par l'arbitraire, est une institution suicide, et que, si une seule partie de l'ordre social est livrée à l'arbitraire, la garantie de tout le reste s'anéantit.

L'arbitraire est donc incompatible avec l'existence d'un gouvernement consideré sous le rapport de son institution.

2o il est dangereux pour un gouvernement, sous le rapport de son action.

Car, bien qu'en précipitant sa marche, il lui donne quelquefois l'air de la force, il ôte néanmoins toujours à son action la régularité et la durée.

En recourant à l'arbitraire, les gouvernemens donnent les mêmes droits qu'ils prennent. Ils perdent par conséquent, plus qu'ils ne gagnent; ils perdent tout.

En disant à un peuple : Vos lois sont «< insuffisantes pour vous gouverner, » ils autorisent ce peuple à répondre : « Si << nos lois sont insuffisantes, nous voulons « d'autres lois; » et à ces mots, toute l'autorité légitime d'un gouvernement tombe; il ne lui reste plus que la force; il n'est plus gouvernement. Car ce serait trop croire à la duperie des hommes leur que dire : « Vous avez consenti à vous im« poser telle ou telle gêne, pour vous as<< surer telle protection. Nous vous ôtons «< cette protection, mais nous vous laissons <«< cette gène. Vous supporterez, d'un « côté, toutes les entraves de l'état social, «<et, de l'autre, vous serez exposés à tous «les hasards de l'état sauvage. »

Tel est le langage implicite d'un gouvernement qui a recours à l'arbitraire.

Un peuple et un gouvernement sont toujours en réciprocité de devoirs. Si la relation du gouvernement au peuple est dans la loi, dans la loi aussi sera la relation du peuple au gouvernement; mais si la relation du gouvernement au peuple est dans l'arbitraire, la relation du peuple au gouvernement sera de même dans l'arbi

traire.

3o Enfin l'arbitraire n'est d'aucun secours à un gouvernement, sous le rapport de la sûreté des individus qui composent l'état; car l'arbitraire n'offre aux individus aucun asile.

Ce que vous faites, par la loi, contre vos ennemis, vos ennemis ne peuvent le faire contre vous par la loi, car la loi est là, précise et formelle : elle ne peut vous atteindre, vous, innocent. Mais ce que vous faites contre vos ennemis par l'arbitraire, vos ennemis pourront le faire contre vous par l'arbitraire; car l'arbitraire est vague et sans bornes innocent ou coupable, il vous atteindra.

L'arbitraire n'est pas seulement funeste, lorsqu'on s'en sert pour le crime. Employé contre le crime, il est encore dangereux. Cet instrument de désordre est un mauvais moyen de réparation.

La raison en est simple. Dans le temps même que quelque chose s'opère par l'arbitraire, on sent que l'arbitraire peut détruire son ouvrage, et que tout avantage qu'on doit à cette cause est un avantage illusoire; car il attaque ce qui est la base de tout avantage : la durée. L'idée d'illégalité, d'instabilité, accompagne nécessairement tout ce qui se fait ainsi. On ala conscience d'une sorte de protestation tacite contre le bien comme contre le mal, parce que l'un et l'autre paraissent frappés de nullité dans leur base. Ce qui attache les hommes au bien qu'ils font, c'est l'espérance de le voir durer. Or, jamais ceux qui font le bien par arbitraire ne peuvent concevoir cette espérance; car l'arbitraire d'aujourd'hui prépare la voie pour celui de demain, et ce dernier peut être en sens opposé de

l'autre, c'est-à-dire faire le mal au lieu du bien.

Le caractère du machiavélisme, c'est de préférer à tout l'arbitraire. L'arbitraire sert mieux tous les abus de pouvoir qu'aucune institution fixe, quelque défectueuse qu'elle puisse être. Aussi les amis de la liberté doivent préférer les lois défectueuses aux lois qui prêtent à l'arbitraire, parce qu'il est possible de conserver de la liberté sous des lois défectueuses, et que l'arbitraire rend toute liberté impossible.

L'arbitraire est donc le plus grand ennemi de toute liberté, le vice corrupteur de toute institution, le germe de mort, qu'on ne peut ni modifier, ni mitiger, mais qu'il faut détruire, pour l'empêcher de porter ses fruits.

Si l'on ne pouvait imaginer une institution sans arbitraire, ou qu'après l'avoir imaginée, on ne pût la faire marcher sans arbitraire, il faudrait renoncer à toute institution, repousser toute pensée d'amélioration, s'abandonner au hasard, et, selon ses propres forces, aspirer à la tyrannie ou s'y résigner.

Ce qui, sans l'arbitraire, serait une simple réforme, par lui devient une révolution violente, c'est-à-dire un bouleversement. Ce qui, sans l'arbitraire, serait une réparation, par lui devient une réaction, c'est-à-dire une vengeance et une fureur.

Si donc les réactions sont une chose terrible et funeste, évitez l'arbitraire, car il traîne nécessairement les réactions à sa suite; si l'arbitraire est un fléau destructeur, évitez les réactions, car elles assurent l'empire de l'arbitraire; enfin, si vous voulez vous garantir à la fois et des réactions et de l'arbitraire, ralliez-vous aux principes, qui seuls peuvent vous en préserver.

Le système des principes offre seul un repos durable. Seul il présente aux passions politiques un inexpugnable rempart. Il est la réunion du bonheur public et particulier. Il ouvre la carrière du génie, comme il défend la propriété du pauvre. Il appartient aux siècles, et les convul

sions du moment ne peuvent rien sur lui. En lui résistant, on peut sans doute causer encore des secouses désastreuses. Mais, depuis que l'esprit de l'homme marche en avant, et que l'imprimerie enregistre ses progrès, il n'est plus d'invasion de barbares, plus de coalition d'oppres

seurs, plus d'évocation de préjugés, qui puissent le faire rétrograder. Il faut que les lumières s'étendent, que l'espèce humaine s'égalise et s'élève, et que chacune de ses générations, que la mort engloutit, laisse du moins après elle une trace brillante qui marque la route de la vérité.

FIN.

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