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néral? Nécessaires à des ministres qui avoient besoin de séduire l'opinion publique, peuvent-elles convenir à une nation qui ne sauroit se tromper elle-même, et qui n'a besoin de tromper personne? Non, sans doute. Notre premier intérêt, c'est de retourner à la justice et à la vérité. Or ces bases éternelles de la fidélité n'ont aucun point de contact avec la fraude et la mauvaise foi; on ne peut imaginer aucun passage insensible, aucun accommodement entre les procédés qui violent la foi publique et ceux qui la maintiennent; gardons-nous, comme du plus grand des malheurs, de paroître consentir, ne fût-ce que pour un tems très-court, aux opinions relâchées que les précédens administrateurs des finances ont voulu trop long-tems nous rendre familières.

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que sur

Rappelons-nous, MESSIEURS, que la caisse d'escompte n'a pu s'établir la confiance; qu'elle n'a pu répandre ses billets, source de ses gains, que sur la promesse qu'ils pourroient être éternellement convertis en espèces à l'instant où le porteur l'exigeroit. Cette promesse est la condition de l'existence de la caisse. Ses règle

mens supposent par-tout l'étroite "obligation de payer ses billets à présentation (1). Elle manque donc à la bonne foi; elle manque au contrat fait envers le public, quand elle prive les porteurs de billets du droit d'en exiger le payement à leur volonté

» Observez quelle est en pareille matière la conduite de ces voisins si dignes d'estime, et chez qui nous cherchons si souvent les exemples d'une saine politique? « La banque de Londres, dit l'auteur de l'écrit dont j'ai parlé (2), la banque de Londres, modele de la caisse d'escompte, remonte à quatre-vingt-quinze ans ; elle ne put entrer en pleine activité qu'après les deux ou trois premières années de sa création. Depuis, elle n'a jamais suspendu le payement de ses billets; cependant, ni les ōrages, ni les révolutions politiques, ni les discrédits publics, ni les grands accidens du commerce, n'ont manqué à l'Angle

(1) Article III des règlemens arrêtés dans l'assemblée générale, tenue le 22 novembre 1783.

(2) Opinions d'un créancier de l'état, etc. etc.', page 56 des réflexions préliminaires.

terre depuis l'établissement de la banque, et son sort fut lié à celui de l'état, dès le premier jour de son existence ».

» Vous dira-t-on que l'esprit national des Anglais a fait, pour le maintien de cette banque, ce que le nôtre ne pourroit faire? Eh! Messieurs, quand les inquiétudes publiques, bien ou mal fondées, quand les càlculs des spéculateurs engageoient les porteurs des billets à les réaliser, l'esprit national ne pouvoit pas dompter de tels mouvemens; mais l'administration de la banque anglaise a toujours su les prévoir et se garantir de leurs effets, sans compromettre la foi publique.

» La banque de Londres n'a eu besoin que de prendre d'avance des précautions pour remplacer dans sa caisse le numéraire effectif, à mesure que la réalisation de ses billets l'en faisoit sortir (1). Ces précau

(1) La valeur du numéraire anglais exprime exace tement la valeur intrinsèque du métal qu'il renferme, eu sorte qu'il suffit d'une très-petite variation dans le change, pour qu'il convienne de l'exporter; d'où il résulte que la banque anglaise est plus sujette que la caisse d'escompte à voir réaliser ses billets. I e numéraire français, portant les frais de fabrication

tions sont connues de toutes les banques. La caisse d'escompte est peut-être la seule qui, avertie plusieurs fois, ait persisté à les négliger. Pourquoi? Parce que ces précau tions sont coûteuses; parce qu'elles diminueroient les profits des actionnaires; parce qu'elles attaqueroient les illusions dont les agioteurs commercent entre eux; parce qu'en nous familiarisant avec des arrêts de surséance, la caisse d'escompte a osé croire qu'elle accoutumeroit le public à des billets payables, non à la volonté du porteur, mais à la sienne propre, et qu'elle nous feroit enfin consentir à un papier-. monnoie, dont la fabrication, laissée entre ses mains, n'auroit d'autres bornes que le même délire auquel nous devons ces tentatives audacieuses.

>> Ainsi les arrêts de surséance ont paru à la caisse d'escompte plus commodes, plus

et les droits du prince, il faut une grande variation dans les changes, ou des circonstances très-extraordinaires, pour le faire sortir de la caisse. Ainsi ces précautions nécessaires aux banques, sont, à circonstances égales, plus difficiles et plus couteuses pour la banque de Londres, que pour la caisse-d'escompte de Paris.

profitables, et plus conformes à sa politique, que de sages mesures pour ne jamais manquer de numéraire et voilà les fruits du relâchement de l'opinion sur les principes fondamentaux de la foi publique!

» Je n'entreprendrai pas de développer toutes les conséquences de ce régime; elles sont incomparables. Je vous dénoncerai seulement un effet des arrêts de surséance, parce qu'il attaque immédiatement la richesse nationale, en causant, dans nos rapports commerciaux avec l'étranger, undeficit réel, qui chaque jour devient plus considérable, et que vous ne sauriez arreter trop promptement.

» Vous le sentirez, MESSIEURS, en vous rappelant que le numéraire est la base de notre change avec l'étranger; qu'une lettre de change n'a de valeur que par le métal précieux qu'elle représente; qu'ainsi les étrangers ne sont plus à même, comme autrefois, de prendre des remboursemens sur Paris, dès que les lettres de change y sout payées en billets de la caisse d'escompte, et que ces billets ne peuvent plus être réalisés en écus à la volonté du porteur.

» Le crédit de la capitale souffre, à un

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