Page images
PDF
EPUB

» S. Aux termes de l'arrêt de surséance, que peut-on craindre pour la chose publique en le révoquant? Il déclare que les affaires de la caisse d'escompte sont dans lé meilleur ordre possible, et que la confiance publique dans ses billets est parfaitement juste et bien fondée. Que signifie ce langage, sinon que les propriétés de la caisse sont infiniment supérieures à l'étendue de ses engagemens? Et dès-lors, pourquoi n'emploiera-t-elle pas ses propriétés à faciliter ses opérations, au lieu de les faire envisager comme des cautions inutiles?

>> Que les actionnaires répondent; qu'ils s'abstiennent de toutes ces assertions qui, dénuées de preuves, n'en imposent qu'à l'ignorance.

>> Ou ils pourront nous prouver qu'ils ont pris le parti le plus sage, et alors la confiance renaîtra; ou ils se condamneront, et alors ils feront, pour conserver leur établissement, des efforts qui les dispenseront du besoin d'enfreindre les loix et de troubler le repos public.

» Qu'ils ne nous disent pas qu'un ministre irréprochable a jugé l'arrêt de surséance nécessaire; car cet arrêt est entière

ment contraire à ses principes; et au milieu du trouble dont il étoit environné, il a pu craindre que l'on jugeât peu saine ment du refus qu'il auroit opposé à la demande de cette surséance; il a pu, distrait par des importunités, ne pas voir toutes les conséquences d'une troisième proroga tion.

» Lui a-t-on laissé le tems de réfléchir que la caisse d'escompte n'offre plus rien qui puisse rassurer le public sur une fabrication illimitée de billets, dès qu'elle est dispensée de les payer à présentation? Lui a-t-on montré que cette fabrication illimitée peut favoriser la plus détestable des manœuvres? qu'en étendant ou resserrant à leur gré l'escompte des lettres de change, les administrateurs de la caisse peuvent favoriser leurs propres spéculations, faire hausser ou baisser les effets publics, selon qu'ils veulent en acheter ou en vendre? que la concurrence se change en monopole ou en tyrannie dans les mains de ceux qui administrent la caisse, par les secours qu'ils peuvent en tirer sous une multitude de formes?... On nous dit, et le ministre des finances est porté à le croire, que l'a

[ocr errors]

giotage est sur sa fin : sa fin dangereuse erreur que la banque de Paris voudroit accréditer! Non, l'agiotage n'est point détruit; il tient à de profondes racines, à des habitudes invétérées, à des intérêts adroitement voilés et défendus par des puissances auxiliaires, à un art qui s'est perfectionné plus que tout autre, et qu'on ne détruira qu'en attaquant un à un tous ces nombreux moyens.

>> Si les administrateurs de la caisse d'es compte n'ont que de bonnes intentions, comment ne voient-ils pas qu'infidèle dans un point si grave, la caisse donne carrière à tous les soupçons, et qu'il en peut résulter, pour elle et pour eux-mêmes, des évès nemens, sans comparaison plus fâcheux que tous les sacrifices qu'elle doit faire dans les conjonctures difficiles.

» Lorsqu'une banque, dont les profits résultent de la confiance à laquelle le public est moralement contraint, aussi-tôt que ses billets sont répandus en abondance; i lors, dis-je, qu'une telle banque trompe cette confiance, ses administrateurs pensent-ils qu'il en est de cet évènement comme de la faillite d'un simple marchand?”

Pensent-ils que leur imprévoyance ne soit qu'une faute légère aux yeux des milliers de porteurs de leurs billets? Quelle idée se faisoient-ils donc du retour à la liberté, s'ils se sont attendus à suivre impunément, sous son régime, 'une marche que le des-, potisme seul pouvoit protéger?

» Pour nous, MESSIEURS, nous ne devons plus souffrir le règne des illusions et de la violence; la sagesse nationale doit porter son flambeau sur toutes ces notions obscures, fantastiques, avec lesquelles on promène alternativement les esprits, de la crainte à l'espérance. Elle doit proscrire à jamais de l'administration des finances, ces arrêts dans lesquels le gouvernement se respecte assez peu pour demander, pour ordonner l'impossible, ces arrêts qui commandent la confiance dans le tems même où on la détruit.

» En révoquant la surséance, en la con= damnant pour toujours, nous poserons véritablement la première pierre de l'édifice sur lequel portera désormais le crédit national.

[ocr errors]

» En déterminant cette révocation, en imprimant aux arrêts de surséance leur vrai

[ocr errors]

caractère, celui d'une surprise faite à l'au torité, vous renverrez, je l'ai déja dit, la caisse d'escompte à une industrie sage et légitime, et les administrateurs commenceront enfin à s'instruire de leurs devoirs.

» Ils étudieront la science des banques, publiques; ils se formeront au genre de prudence qui leur convient. Sagement partagés entre le désir de rendre leur établissement avantageux aux actionnaires, et l'obligation de respecter la foi publique, ils seront forcés de surveiller et de contre-balancer ces opérations clandestines, qui tout-à-coup livrent la guerre au numéraire effectif, et empêchent son utile circulation dans tout le royaume. C'est ainsi que la banque de Londres se maintient honorablement contre la variété indéfinie des évènemens, dont les uns favorisent ses opérations, les autres les contrarient.

» La caisse d'escompte se gardera surtout de la folle ambition de vouloir étendre son empire sur tout le royaume, et de prétendre à devenir banque nationale (i);

(1) Voyez l'article important et lumineux d'une banque nationale, dans les opinions d'un créancier de l'état, pag. 34 et suivantes.

ce

« PreviousContinue »