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Par la première, M. Rabaud de Saint Etienne demandoit qu'il fût nommé des commissaires pour conférer avec les commissaires nommés par les ecclésiastiques et les nobles, pour réunir tous les députés dans la salle nationale, sans pouvoir jamais se départir des principes de la délibération par tête et de l'indivisibilité des états-gé

néraux.

Par la deuxième, M. le Chapelier désiroit que l'on déclarât au clergé et à la noblesse, que leur conduïte étoit irrégulière.

Du 15 au 18 Mai 1789.

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Ces deux motions occasionnèrent de vifs débats, qui se prolongèrent pendant plusieurs jours. Voici le discours que pronon ça Mirabeau :

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SSIEURS,

» Les sentimens très

estimables, les principes en général très-purs, qui caractérisent les deux motions dont nous sommes occupés n'ont pas suffi pour me ranger entièrement aux propositions de MM. Rabaud de Saint-Etienne et Chapelier. Je désirerois qu'un avis mitoyen tem

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pérât, ou plutôt réunit ces deux opinions. » M. Rabaud de Saint-Etienne demande que nous autorisions MM. du bureau à conférer avec les commissaires du clergé et de la noblesse, pour obtenir la réunion des membres qui doivent former les états-. généraux.

» M. Chapelier désire que dans une déclaration très-formelle, nous démontrions au clergé et à la noblesse l'irrégularité de leur conduite, et que nous les avisions des démarches qu'il deviendra nécessaire d'opposer à leurs prétentions.

» Ce dernier avis, plus dans les principes que le premier, il faut en convenir, plus animé de cette mâle énergie qui entraîne les hommes à leur insçu même, renferme, selon moi, un grand inconvénient dont les préopinans ne m'ont pas paru tous assez frappés.

Indépendamment de ce que le parti que nous propose M. Chapelier, tend à porter un décret solennel ayant que nous ayons aucune existence légale; indépendamment de ce qu'il avertit nos adversaires d'un système, qu'il est bon de ne leur faire connoitre qu'en le développant tout entier

lorsque nous-mêmes en aurons saisi toutes les conséquences; il appelle, il nécessite en quelque sorte une déclaration de la noblesse, encore plus impérative que celle dont nous fùmes accueillis hier; une déclaration, que, dans nos formes actuelles, nous ne sommes ni préparés ni aptés à repousser, et qui cependant peut exiger les résolutions les plus promptes. Si nous sommes persuadés, MESSIEURS, autant que nous devons l'être, qu'une démarche aussi mémorable, aussi nouvelle, aussi profondément décisive que celle de nous déclarer l'assemblée nationale, et de prononcer défaut contre les autres ordres, ne sauroit jamais être trop mûrie, trop me surée, trop imposante, et même qu'elle nécessite d'autres actes, sans lesquels nous pourrions obtenir pour tout succès une dissolution qui livreroit la France aux plus terribles désordres; nous devons infiniment redouter de nous trouver contraints en quelque sorte, par notre déclaration, même à faire avec précipitation ce qui ne peut jamais être soumis à trop de délibération.

» D'un autre côté, la motion de M. Ra

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baud de Saint-Etienne dissimule entiè rement la conduite arrogante de la no blesse; elle donne en quelque sorte l'attitude de la clientelle suppliante aux communes, qui, ne fussent-elles pas bravées et presque défiées, doivent sentir qu'il est tems que le peuple soit protégé par lui seul, c'est-à-dire, par. la loi qui suppose l'expression de la volonté générale. Cette motion enfin traite avec la même déférence ceux qui, se rendant juges dans leur propre cause, n'ont pas même daigné condescendre à la discuter, et ceux qui, plus habiles ou plus délicats, couvrent du moins de quelques procédés leur marche irrégulière et chancelante.

»Ces deux avis également dans leur sens me paroissent également exagérés.

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>> Et qu'on ne nous répète pas de grands lieux communs sur la nécessité d'une conciliation. Rien n'est plus aisé que de saisir, par le mot salutaire, les esprits peu attentifs, ou même les bons citoyens qui ont plus de qualités morales que de connoissance des affaires, plus de zèle que de prévoyance, car le vœu de tous les eœurs honnétés est la concorde et la paix ;

mais les hommes éclairés savent aussi qu'une paix durable n'a d'autre base que la justice, qui ne peut reposer que sur les principes.

» Mais peut-on, sans aveuglement volon taire, se flatter d'une conciliation avec les membres de la noblesse, lorsqu'ils ne daignent laisser entrevoir qu'ils pourront s'y prêter qu'après avoir dicté des lois exclusives de toute conciliation? Lorsqu'ils font précéder leur consentement à nommer des commissaires pour se concerter avec les autres ordres, de la fière déclaration qu'ils sont légalement constitués, n'est-ce pas là joindre la décision au despotisme ? Et que leur reste-t-il à concerter, du moment où ils s'adjugent eux-mêmes leurs préten tions? Laissez-les faire, MESSIEURS, ils vont nous donner une constitution, régler l'état, arranger les finances, et l'on vous apportera solennellement l'extrait de leurs regitres pour servir désormais de code national..... Non, MESSIEURS, on ne transige point avec un tel orgueil, ou l'on est bientôt esclave.

Que si, nous voulons essayer encore des voies de conciliation, c'est au clergé

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