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conditionnellement : n'étant plus dès lors au pouvoir des assureurs de s'en » désister, et de n'être pas obligés, si l'accident arrive. »

Il suit de ce principe, que le contrat d'assurance est de la classe des contrats aléatoires, ainsi que l'observe Pothier, n°. 8. Hujus contractûs et commercii lucrum et damnum dependet à merâ sorte et fortuna. Roccus, not. 6.

C'est ici une espèce de jeu qui exige beaucoup de prudence de la part de ceux qui s'y adonnent. Il faut faire l'analyse des hasards, et posséder la science du calcul des probabilités; prévoir les écueils de la mer et ceux de la mauvaise foi; ne pas perdre de vue les cas insolites et extraordinaires; combiner le tout, le comparer avec le taux des primes, et juger quel sera le résultat de l'ensemble.

Pareilles spéculations sont l'ouvrage du génie. Mais si la théorie, dirigée par l'expérience, n'est que trop souvent fautive, quel sera le sort des négocians, qui alléchés par l'appât du gain, signent dans toutes les polices qu'on leur présente, sans considérer le précipice où la fortune aveugle et leur témérité peuvent les entraîner?

CONFÉRENCE.

IV. On peut même dire que le contrat d'assurance est conditionnel sous un autre rapport, lorsque l'assurance est faite avant que la chose soit mise en risque. Dans ce cas l'événement de la condition est facultatif à l'assuré; car si, par quelque accident ou par sa propre volonté, la marchandise n'est point embarquée, ou si le navire assuré ne part point, le contrat d'assurance est résolu, et l'assureur est tenu de restituer la prime s'il l'a reçue, en retenant demi pour cent de la somme assurée par forme d'indemnité. -(Art. 349 du Code de commerce; art. 37 de l'Ordonnance, titre des assurances, et art. 22 des Assurances d'Amsterdam; voyez aussi Pothier, Contrat d'assurances, no. 179, 180 181, et la sect. 15 du titre des assurances de notre Cours de droit commercial maritime, tom. 4, pag. 1TMo. et suivantes).

§ 2.

Il est aléatoire.

SECTION IV.

L'Assurance ne peut devenir pour l'assuré un moyen d'acquérir.

LES assureurs se chargent de l'événement des effets exposés aux hasards de la mer. Ils en prennent le péril sur eux. Ils promettent à l'assuré de l'indemniser des pertes et dommages qu'il souffrira. Il est donc évident que l'assurance n'est pas pour l'assuré un moyen d'acquérir. La nature du contrat s'y oppose.

Le Guidon de la mer, ch. 2, art. 13, établit pour maxime, que l'assuré ne peut recevoir profit du dommage d'autrui.

Jean-Pierre Ricard (Négoce d'Amsterdam, pag. 261), observe

que les

› assurances n'ayant été inventées et introduites que dans le but de soulager » les marchands en cas de perte, ce serait agir très-injustement que de vouloir » s'enrichir ou gagner, en faisant perdre les assureurs. »

Assecuratus non quærit lucrum, sed agit ne in damno sit, dit Straccha, de assecur., gl. 20, n°. 4.

In materia d'assicurazione, si hà risguardo al puro danno, non all'utile che si perde. Targa, cap. 66, pag. 284.

L'Ordonnance défend de faire assurer le profit espéré des marchandises, le fret à faire, les salaires à gagner, et les effets au-delà de leur valeur.

En un mot, on ne peut faire assurer que ce qu'on court risque de perdre, et nullement les gains qu'on manque de faire. Pothier, des assurances, no. 31, 35 et suiv.; car l'assurance n'est pas un titre lucratif pour l'assuré. Elle ne peut avoir d'autre objet que celui de le mettre à couvert de la perte, c'est-à-dire de la perte intrinsèque, réelle, et dérivant directement de la chose: Damnum quod re verâ inducitur. L. 1, C. de senten. quæ pro eo.

Les pactes qui s'éloignent de ce principe sont nuls, et doivent être rejetés. Voilà pourquoi la déclaration du 17 août 1779, art. 11, veut que tout effet dont le prix est porté dans la police d'assurance en monnaie étrangère, soit évalué au prix que la monnaie stipulée peut valoir en livres tournois : faisant très-expresses inhibitions et défenses de faire aucune stipulation à ce contraire, à peine de nullité.

La caution ne peut valablement se soumettre à rien de plus que ce à quoi le débiteur principal est obligé. L. 8, S7, ff de fidejuss. Il suffit que le créancier ne perde pas, et que son intérêt légitime soit rempli. Il en est de même de l'assurance, dont l'objet ne fut jamais de procurer un bénéfice à l'assuré,

CONFÉRENCE.

V. Les principes établis par l'Ordonnance, art. 15, 16, 17 et 20, ont été consacrés par le Code de commerce, art. 347. On ne peut faire assurer que ce que l'on court risque de perdre, et nullement les gains qu'on manque de faire. (Voyez ci-après chap. 9, prolegomènes). C'est par les mêmes principes, observe Pothier, qu'un assureur peut bien faire réassuser les effets qu'il a assurés, parce que la perte qui en peut résulter est pour lui une perte qu'il court risque de faire; mais il ne peut faire assurer pareillement la prime qui lui a été promise dans le cas seulement d'heureuse arrivée; car cette prime n'est pas pour lui

une perte qu'il court risque de faire, en cas de perte du vaisseau, mais c'est un gain qu'il ne manque de faire. (Pothier, assurances, no. 35).

Valin, sur l'art. 20 de l'Ordonnance de 1681, est aussi du même avis.

SECTION V.

L'Assurance est-elle un contrat de droit étroit ou de bonne foi?

Nos auteurs disent tantôt que l'assurance est un contrat de bonne foi, et tantôt qu'elle est un contrat de droit étroit. Pour fixer nos idées, remontons encore aux principes.

S

Distinction entre

les contrats de bon

droit étroit.

Dans les beaux jours de la république, les Romains croyaient n'être vraiment libres qu'en se rendant esclaves des lois. Legum omnes servi sumus, ut liberi esse possimus (Cicéron, pro Cluentio, cap. 53); voilà pourquoi ils n'avaient ne foi et ceux de rien oublié pour fixer parmi eux une jurisprudence certaine, qui dépendît le moins qu'il serait possible du caprice de l'homme. (Tite-Live, lib. 2, no. 3). Telle fut l'origine des formules ou règles auxquelles le juge était obligé de conformer les jugemens qu'il prononçait : Sunt jura, sunt formula de omnibus rebus constitutæ, ne quis aut in genere injuriæ, aut ratione actionis errare possit. Expressæ sunt enim ex uniuscujusque damno, dolore, incommodo, calamitate, injuria, publicæ à Prætore formula ad quas privata lis accommodatur. Cicéron, pro Roscio, cap. 8.

On distinguait deux sortes d'actions. Celles de droit étroit et celles de bonne foi.

Dans les premières, le ministère du juge se bornait à décider en fait si la demande était conforme ou non à la formule donnée par le préteur.

Dans les actions de bonne foi, attendu la nature du litige, la formule déférait au juge une autorité moins limitée.

Mais dans l'un et l'autre genre d'actions, le juge devait s'attacher à la justice et à l'équité, plutôt qu'à la subtilité du droit : Placuit in omnibus rebus, præcipuam esse justitiæ, æquitatisque, quàm stricti juris rationem. L. 8, C. de judiciis.

Le dol formait une exception péremptoire contre le demandeur, dans le cas même de l'action de droit étroit: Per doli exceptionem summoveri petitio debet. L. 5, C. de inut. stipul. L. 36, ff de verb. oblig.

Cujas, parat. C. de formulis, semble regretter que les formules établies par

A certains égards, l'assurance est un

l'ancien droit romain aient été abolies: Religio juris forsitan captiosa nimis, et scrupulosa; sed meo judicio tolerabilior, quàm actionum confusio, agendi temeritas, et nullus ordo, omnibus actionibus conceptis in factum, nec conscriptis for-mulâ, legeque certa.

Duarenus, sur le titre si certum petatur, pag. 1190, observe que les formules avaient été établies pour fixer le droit des parties.

Les lois romaines n'ayant point parlé du contrat d'assurance, ce contrat n'avait été mis ni dans la classe des actions de bonne foi, ni dans celle des actions de droit étroit. Je crois que, suivant les cas, on doit le placer dans l'une ou dans l'autre.

Puisque le contrat d'assurance est le résultat de la stipulation des parties contrat de droit contractantes, il entre naturellement dans la classe des actions de droit étroit par rapport aux pactes qui y sont insérés. Tous nos auteurs s'accordent làdessus.

étroit.

A d'autres égards,

l'assurance est un

Ils disent que les paroles des polices d'assurance doivent être pesées avec scrupule. Verba assecurationis, potissimè ponderanda sunt. Roccus, de assecur., not. 18. Stypmannus, part. 4, cap. 7, n°. 420. Rote de Gênes, dec. 102, no. 5. Santerna, purt. 3, no. 38. Casaregis, disc. 1, no. 107. Marquardus, lib. 2, cap. 13, no. 44 et 45.

Qu'elles forment la loi de laquelle il n'est pas permis de s'écarter, parce que la volonté des parties y est consignée : In materiâ assecurationis principaliter inhærendum est verbis apoca assecurationis; quinimò hæc pro lege habenda sunt, nec ab his recedere debemus, quia contrahentium voluntas meliùs haberi non potest. Casaregis, disc. 1, n°. 1.

Qu'elles doivent être entendues littéralement et dans leur sens propre : Verba contractûs assecurationis intelligenda sunt propriè, strictè et ut jacent. Rote de Gênes, dec. 129, no. 5. Roccus, not. 61.

Qu'il n'est jamais permis d'étendre ce contrat d'un cas à l'autre, ni d'un corps à un autre corps réellement distinct. L'obligo dell' assicuratore è stricti juris. Non si può estendere da un corpo all'altro realmente distinto. Carlo Targa, cap. 52, no. 8.

M. Pothier, no. 68, établit comme une règle sûre, « que les assureurs ne > sont pas tenus des risques, lorsqu'on s'est écarté de ce qui est porté par

» la police, si ce n'est de leur consentement ou en cas de nécessité. ›
V. infrà, ch, 13, sect. 16.

Les mêmes auteurs disent que la bonne foi doit régner dans le contrat contrat de bonne d'assurance, et qu'on doit en écarter les subtilités du droit pour s'en tenir à

foi.

l'équité, qui est l'âne du commerce: Iste contractus assecurationis est bona
fidei et ideò requiritur in illo bona fides, non dolus, non fraus, sed solum
æquitas,
, quæ est anima commercii; et praticandus non est cum juris appicibus,
et rigoribus. Casaregis, disc. 1, no. 2.

Que les clauses de ce contrat doivent être interprétées suivant le style, les coutumes et l'usage du lieu où l'assurance a été faite, malgré que la disposition du droit commun paraisse contraire. Ex stylo, vel consuetudine, et praxi, iste contractus debet explicari, licèt contrarium de jure dicendum esset. Casaregis, disc. 1, n°. 7. Roccus, not. 68. Santerna, part. 3, no. 1 et 55.

Que pour fixer l'étendue des obligations réciproques entre les assurés et les assureurs, il faut considérer en même tems les paroles du contrat et l'intention des parties: Verba contractûs assecurationis, et mentem contrahentium esse attendenda.

Que dans ce contrat tout comme dans les autres, l'acte ne produit rien audelà de l'intention des contractans: Actus nunquàm operantur ultra intentionem agentium. Giballinus, lib. 4, cap. 11, art. 2, no. 5.

Il suit de ces doctrines, 1°. que l'assurance est un contrat de droit étroit. Si les pactes stipulés sont clairs par eux-mêmes, et qu'ils ne renferment rien qui soit prohibé par les lois, il n'est pas permis au juge de s'en écarter; 2°. ce n'est que dans le cas où les conventions des parties ont été rédigées d'une manière obscure et ambiguë, que le magistrat a l'autorité de se déterminer par les lumières que l'équité légale, le droit commun, la nature du contrat, et les circonstances de la cause peuvent lui suggérer. Infrà, ch. 2, sect. 7, SS 3 et 4.

Si l'une des parties a usé de dol et d'artifice, la moindre peine qu'elle doive encourir, c'est que l'assurance soit déclarée nulle à son égard. Guidon de la mer, ch. 2, art. 7. Réglement d'Amsterdam, art. 31. Ordonnance, assurances, art. 22. Kuricke, diatr. de assecur., n°. 1. Blackstone, liv. 1, ch. 3o.

On est coupable de dol, non seulement lorsque, pour se procurer des assureurs, ou pour les inviter à se contenter d'une prime moindre, l'on affirme, ou l'on fait entendre des faits contraires à la vérité, mais encore lorsque l'on dissimule des circonstances graves qu'il leur eût importé de connaître avant que de souscrire la police. Pothier, assurances, n°. 194.

Dolus malus non tantùm in eo est, qui fallendi causâ obscurè loquitur; sed etiam qui insidiosè obscurè dissimulat. L. 43, § 2, ff de contrah. empt. L. 7, S9, ff de pactis. L. 1, § 2, ff de dolo malo.

S

$ 2. Tout dol vicie l'assurance,

Assureurs sont

Il est rare que les assureurs se rendent coupables de fraude. Obligés de souvent les victimes

T. I.

3

de leur bonne foi.

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